L’impact potentiel (et inattendu) du moindre geste anodin

Cette histoire commence il y a exactement huit ans aujourd’hui, au milieu du printemps de 2014. À ce moment-là, je suis concierge dans un édifice à logements.

Un ascenseur comporte deux portes: la porte de la cage mobile d’ascenseur elle-même, et porte du mur qui s’ouvre à chaque étage. Ce matin-là, en sortant de l’ascenseur au second sous-sol, je constate un truc: Lorsque les portes sont ouvertes, on peut distinctement voir, par la fente par terre entre les deux portes, qu’il y a un 3e sous-sol sous nos pieds.

Un ascenseur est quelque chose de trop important en matière de sécurité pour laisser n’importe qui s’en occuper. Voilà pourquoi l’ascenseur n’appartient jamais à l’édifice. Il est loué par le propriétaire. Dans ce cas-ci, à la compagnie Otis.

Sous l’ascenseur, il y a une pièce, le puits d’ascenseur, et seul le technicien d’Otis y a accès. Il peut y descendre grâce à une clé spéciale que lui-seul possède. Il utilise dans l’un des verrous du panneau de contrôle de l’ascenseur.

Lors de son passage mensuel précédent, il a oublié d’éteindre la lumière du 3e sous-sol. Et pour tout le mois, ceci me permet, pour la première fois, de voir via la fente entre les portes une partie de cette pièce secrète et inaccessible.

À partir de là, je m’amuse à imaginer quel plaisir j’aurais à faire de cette pièce mon antre secrète, mon genre de Batcave. Évidemment, pour ça, il faudrait que le technicien perde sa clé, que je la trouve et la garde pour moi. Et c’est comme ça que je m’amuse à imaginer des histoires de plus en plus élaborées de ce que je pourrais faire de cet endroit. Au point où je me dis que ça pourrait être le bon départ pour une série de BD.

À ce moment-là, ça fait presque six ans que je ne dessine plus. L’idée de me remettre à la BD me tente.

Toujours influencé par mon ancienne vie de jeunesse et le thème du loser et de l’underdog qui vit en marge par obligation, je créé cette trame de série: Cinq gars, âge non-précisé mais on devine entre 15-19 ans,. Ce sont des camarades d’école qui, à première vue, n’ont que peu en commun. Ils ont commencé à se tenir ensemble à cause d’un travail d’équipe. Personne ne voulait d’eux dans leur groupe d’origine, alors ils ont eu à se regrouper pour le travail, et n’ont juste jamais arrêté de se fréquenter par la suite. Puisqu’il sont marginaux parce que les gens les trouvent nuls. Le titre sera donc Les Marginuls.

Lorsqu’ils commencent à former une bande, l’un des marginuls partage avec les quatre autres son secret: La clé qui mène au sous-sol caché. Voyant que passent par-là les câbles d’électricité, de téléphone, de télévision, ils ont l’idée de s’y installer, d’en faire leur base secrète, piratant en douce le net, la télé, etc.

Les personnages étaient:

  • Le bon gars classique: Grassouillet, barbe en collier, chapeau Fedora, est le meilleur-ami-de-gars d’une fille tout en espérant beaucoup plus. C’est un grand poète, un romantique.
  • Un inventeur plein d’idées folles à la c’est-simple-mais-fallait-y-penser. Pas un inventeur à la Stewie Griffin (Pas de machine à voyager dans le temps, genre), mais un peu plus à la Gaston Lagaffe. Ses trucs sont plus réalistes et pourraient probablement fonctionner en vrai. Il est le fils du concierge d’un HLM, d’où le fait qu’il a un atelier, accès à tous les outils requis, plein de matière première à base d’objets abandonnés, et une connaissance de base en plomberie-électricité-rénovation-bricolage. Il cherche l’idée ultime, l’invention qui le rendra riche et célèbre.
  • Le bel et grand athlète, pas vraiment con mais juste trop passionné par son sport, d’où le fait que même s’il a la cote auprès des filles, ça ne dure jamais longtemps. Il est rejeté de la classe de gym parce qu’il est le seul à prendre le jeu vraiment au sérieux, le seul à deviser des stratégies, s’entraîner, se pratiquer, etc, alors que les autres prennent ça très relax.
  • Un musicien et un bédéiste. En fait, à part leur art, ils sont quasiment interchangeables tellement j’utilise le même thème avec eux: Le musicien est rejet de la part de la classe de musique parce que eux font du classique, et que lui son rêve est d’être une idole top-of-the-charts avec de la musique populaire et commerciale. Le bédéiste, lui, est rejet de la classe d’Arts, because que la BD n’est pas du VRAI art.

À ce point-là de ma carrière, je n’ai plus tellement confiance en mon style de dessin, et je ne crois pas être capable de créer des personnages intéressants visuellement. Aussi, j’ai une idée: J’écris à mon collègue bédéiste Yohann Morin et lui offre du ¢a$h pour qu’il me fasse le design de mes personnage. Ensuite, je me débrouillerai avec ça. Il est hélas trop occupé avec ses propres albums. Notre conversation se termine avec Yohann qui me dit ceci:

« Tu devrais inclure au moins une fille!« 

Un an plus tard, printemps 2015. Fin de contrat en tant que concierge à l’Île-des-Soeurs, me voilà en chômage depuis un mois, et rendu à Hochalaga.

Ce soir-là, au restaurant Le Trèfle – Hochelaga, je discute avec ma conjointe Flavie de mes options de carrière. On en vient au sujet de la BD, carrière que j’ai abandonné il y a 7 ans. Je lui parle du projet Les Marginuls, ainsi que de la suggestion de Yohann d’ajouter une fille dans les personnages. Flavie y va de sa suggestion:

« Tu pourrais y rajouter Stéphanie. »
« Tiens, oui, bonne idée. Depuis le temps qu’elle tient à ce qu’on fasse un projet artistique ensemble. Je pourrais en faire un personnage. »

Stéphanie et moi (ou inversement) en 2003.

Mais voilà, les Marginuls sont tous supposés être des artistes. Il y a déjà un sculpteur (mon bricoleur de génie), un bédéiste, un musicien, un écrivain et un peintre (en remplacement de mon sportif, qui détonnait trop d’avec les autres). Quel art reste-t-il pour donner à Stéphanie? C’est là que Flavie fit la suggestion qui allait complètement bouleverser le concept:

« euh… Les arts culinaires? Elle pourrait être bonne en cuisine!? »

Pour ceux qui ne connaissent pas Flavie, cette jeune femme est une féministe militante engagée à la limite de l’enragée. Alors, pour qu’elle ne trouve rien de mieux à suggérer qu’un rôle traditionnel féminin imposé par la patriarchie, pour le seul personnage féminin du groupe, c’est un signe indéniable comme quoi il n’y a rien de bon à tirer d’un concept comme Les Marginuls.

Et c’est là que je réalise que je fais fausse route.

« Tu sais quoi? Au lieu d’essayer d’adapter Stéphanie à la série, je devrais plutôt faire l’inverse. Stéphanie est pétillante, pleine d’idée et full enthousiaste de les réaliser, et ce même si elle n’a aucun moyen de le faire… Et si la série était justement ça? Stéphanie, ayant des projets artistiques, qui s’entoure de gens qui ont peu en commun, pour l’aider à les réaliser? »

C’est là que j’ai su que j’avais trouvé le thème de mon sujet. 

C’est en recherchant le mot enthousiasme que j’ai constaté que l’image choisie pour l’illustrer avait la même pose que j’avais donné à Stéphanie.

L’arrivée de Stéphanie dans la série demanda quelques ajustements.

Tout d’abord, dans la vraie vie, un fedora-neckbeard, ça tombe inévitablement amoureux des filles comme Stéphanie, et ce n’est jamais quelque chose de réciproque. Ceci est source de conflits, de déceptions et de harcèlement entre les personnages. Ce n’est pas le genre d’interaction que je veux entre mes personnages principaux. La solution: ils seront frère et soeur. Stéphanie et Daniel Comte.

Daniel, qui était déjà auteur dans les Marginuls, absorba les personnages du bédéiste et du peintre. C’est dire à quel point, dans le fond, ils étaient interchangeables.

J’ai gardé mon bricoleur fils de concierge tel quel, à deux détail près. De un, il ne cherche plus à inventer quelque chose qui le rendra riche. (J’ai refilé à Stéphanie la motivation de richesse). Et de deux, il est musulman. Mes années de conciergerie m’ont amené à fréquenter beaucoup de familles musulmanes et à me familiariser avec leurs habitudes de vie qui sont bien loin des clichés habituels, et je trouvais intéressante l’idée de les dépeindre tels que je les ai connus.

Le sportif est revenu, sauf que je lui ai donné la gueule et la personnalité d’un de mes anciens personnages, KONAR, Le Héros de BD le plus Con qui Soit.

Enfin, pour le musicien, je me suis inspiré d’une série de BD que je faisais au début des années 2000, inspiré d’un collègue bédéiste reconnu pour son stoïcisme et son peu de tolérance aux conneries.

J’en ai gardé sa tête et son attitude, et je l’ai combiné avec une idée que j’avais eu quelques années plus tôt: Un gars qui porte une chemise à carreaux autour de la taille pour évoquer le kilt, de manière à montrer ses origines écossaises. Je lui donne un physique à l’extrême opposé de mon modèle, et voilà, Angus est né.

Après quelques jours à créer différents designs pour mes personnage, j’en arrive à la version officielle, quoi qu’encore primitive à ce point.

Pour cette série, j’ai vraiment eu envie de m’appliquer. Alors pour la première fois, j’ai décidé de prendre mon temps et de commencer par écrire le texte de chaque gag, puis de faire un brouillon et découpage pour chaque page.

Bien m’en pris. Car, encore influencé par mes vieux thèmes négatifs, j’ai eu à faire plusieurs changements en cours de route. Par exemple, Les Marginuls habitaient, à la limite, un taudis, parce que les loyers étaient abordables. C’était une vieille usine de cigarettes, devenue Les Appartements Blacklungs, avec la cheminée peinte en cigarette. Une idée qui ne plaisait pas du tout à (la vraie) Stéphanie. C’est donc devenu un lieux plus sympathique, une ancienne usine de la boisson gazeuse Cool Soda, transformée en édifice à condos.

C’est quand même plus sympathique qu’une marque de cigarette nommée Poumons Noirs

Dans cette nouvelle atmosphère beaucoup plus agréable, je n’ai plus du tout envie de leur refiler un 3e sous-sol comme antre secrète. Où vont-ils donc se réunir? La solution me saute aux yeux, alors que je me promène dans mon quartier, et que j’y vois le nom d’un de mes personnage:

Non seulement ces tours me rappellent-elles ces deux-là, situées dans mon ancien quartier, Verdun…

… le hasard a voulu que quelques années plus tôt, j’ai photographié la vraie Stéphanie devant celles-ci.

Je commence à dessiner ma série au propre à la fin de l’été de 2016.

Puis, arrive un problème incontournable: Ma myopie combinée à une presbytie qui se développe ne me permet plus de voir clairement mes pages lorsque je les met à l’encre. Malgré une série d’opérations aux deux yeux, ma série s’interrompt au bout de quinze pages.

On m’enlève l’iris, m’implante cristallin en plastique et lentille intra-occulaire. Mes deux yeux ont enfin une vision normale, mais elle me laisse avec une presbytie de 2 degrés, et la perte de ma capacité naturelle de mettre ma vision au focus. Pour continuer la BD, il me faudrait une tablette graphique, mais je n’ai pas l’argent.

Mars 2017. Pour la seconde année, le festival Québec BD offre le prix Jacques Hurtubise qui vient avec une bourse de $1000. Les conditions sont:

– Être citoyen Canadien. C’est mon cas.
– Être majeur. C’est mon cas.
– N’avoir jamais publié d’album. C’est mon cas.
– Avoir un projet d’album déjà en chantier. Avec 15 pages de terminées, et le reste déjà scénarisé / brouillonné / découpé, c’est mon cas.

Avec le dossier, il fallait remettre un truc appelé lettre de motivation. Dans celle-ci, je leur explique mon handicap visuel, en disant que ce qui me motive à vouloir cette bourse, c’est pour l’utiliser pour m’acheter une tablette graphique. Je suis d’ailleurs le seul candidat à avoir osé dire franchement que je voulais avoir cet argent.

Page couverture du dossier.

Le dernier vendredi de mars 2017, j’envoie ma candidature. Trois jours plus tard, Le premier lundi d’avril, je remporte le prix. Combinant ma bourse avec mon retour d’impôts, je m’achète la plus grosse tablette Cintiq que je puisse trouver.

J’y passe tout mon temps libre après le boulot. Et enfin, un an plus tard, l’album est terminé.

Ici, le Boss, c’est la fille. Et les poses sexy, ce sont les gars qui les ont.

Dix ans après avoir abandonné la BD pour la job de bras, je suis de nouveau artiste, avec mon tout premier album de BD à vie, lancé au Festival Québec BD , avec 10 de mes planches être encadrées au mur lors d’une exposition publique. En voici cinq.

Et c’est ainsi que ma carrière d’auteur de BD a redémarrée, événement qui m’a rapporté des honneur du milieu, une tablette graphique, et la publication de mon premier album.

Et tout ça parce que, quatre ans plus tôt, un anonyme employé de la compagnie Otis a oublié d’éteindre la lumière en quittant un puits d’ascenseur. Comme quoi on ne peut jamais savoir à quel point nos gestes les plus anodins peuvent parfois amorcer une réaction en chaîne pouvant radicalement transformer la vie d’une personne que l’on n’a jamais rencontré.

Comment j’ai appris à fermer ma gueule. Épisode 2 : Un jugement de cave.

Quatre ans se sont écoulés depuis le premier billet de la série Comment j’ai appris à fermer ma gueule.  Voici donc la suite que personne n’a jamais demandée.

Au début de l’année 2002, la montée de la popularité de l’internet combinée avec celle du manga en tant que style de dessin, fit exploser le phénomène du webcomic avec des séries populaires maintenant disparues comme Mac HallChugworth AcademySexy Losers (de qui on doit le mot FAP comme onomatopée de masturbation), et quelques autres qui existent encore aujourd’hui comme Something PositivePenny Arcade, et Sinfest

Considérant que telle serait la voie de l’avenir dans la BD, j’ai (possiblement) créé le premier webcomic québécois avec Collège Artiztech, sur la plateforme gratuite Geocities.  Sans pour autant prétendre que la série se qualifie en tant que manga, le style graphique de plusieurs personnages emprunte à différents degrés à l’école japonaise de la BD. 

Pour le personnage du directeur du collège, je tenais surtout à m’éloigner le plus possible du cliché que l’on voit trop souvent dans les mangas lorsqu’il s’agit d’une personne dans un poste d’autorité, c’est à dire un monsieur petit, vieux, chauve et obsédé sexuel.  J’ai juste gardé le côté obsédé et j’ai changé le reste.  Voici sa fiche de personnage:

FICHE DE PERSONNAGE: Ayant fait fortune au milieu des années 80 en tant que chanteur populaire, Richard Dicaire eut envie d’aider les jeunes artistes amateurs à faire connaître leurs talents.  Voilà pourquoi il a fondé le Collège Artiztech, une école qui se spécialise dans tous les domaines des arts.  Directeur du collège, il est surnommé Le Dic par les étudiant.  Comme on peut le voir au premier coup d’oeil, Richard n’a pas l’air de s’être rendu compte que la mode a évoluée depuis qu’il était adolescent.  Voilà pourquoi il porte encore le même style de vêtements et de coiffure que dans les années 80, en croyant toujours que ça lui donne l’air jeune et branché.
Richard a également une forte libido qui le pousse encore et toujours à tester ses charmes chez tout ce qui bouge, est jeune et féminin, en particulier les étudiantes.  Il est l’archétype du playboy qui vieillit mal.

Alors que je travaillais sur la série, je l’ai annoncée d’avance sur un forum de BD québécoise.  Dans ce sujet, on parlait de nos projets de BD personnels. Après avoir donné un bref résumé de la série, je décris le personnage du directeur du collège comme étant « Un cave qui ne s’est pas rendu compte que la mode avait changé en 20 ans, voilà pourquoi il se coiffe et s’habille encore comme lorsqu’il était ado dans les années 80: Parce qu’il croit stupidement que ça lui donne encore l’air jeune. »   Personnellement, je ne connaissais personne qui était comme ça. N’empêche que c’était un phénomène que j’avais déjà observé quelquefois chez les gens de mon âge.

Environs une semaine plus tard, je poste fièrement sur le forum le premier strip de Collège Artiztech.

À l’époque, je travaillais pour Safarir.  Et il se trouve que le rédacteur en chef était membre du forum.  En voyant ça, il commente: « Pas mal! Mais pourquoi est-ce que le directeur est un adolescent? »

Avant que j’aille eu le temps de voir son message, un autre membre du forum a répondu en me citant.  Comme ça, tout le monde a pu voir que je considérais que mon rédac-chef était « Un cave qui ne s’est pas rendu compte que la mode avait changé en 20 ans », car, comme le démontre son commentaire, « il croit stupidement que [ce look dépassé] lui donne encore l’air jeune. »  

Et voilà qui a jeté un froid dans notre relation.  Puisque j’avais écrit ça quelques jours avant son commentaire, c’est évident que je ne le visais pas LUI particulièrement.  Je n’avais aucune idée que lui aussi, comme trop de gens, ne se rendait pas compte que la mode des jeunes avait évoluée en vingt ans.  Mais d’un autre côté, en traitant ces gens-là de cave, ça voulait aussi dire que je le trouvais cave lui aussi.  S‘en est suivi un malaise qui fit que notre relation garda un froid pour le reste du temps où il occupa ce poste à Safarir.  Même que pendant ses deux ou trois derniers mois à ce poste, il a tout simplement cessé de me passer des commandes.  

Ce n’est que l’un des nombreux faux pas que j’ai commis dans le milieu de la BD québécoise, jusqu’à ce que je le quitte pendant sept ans à la fin de l’été 2008.  Celui-là n’a pas été le dernier et surtout pas le pire.  Mais j’en ai tiré une bonne leçon: Ce n’est jamais une bonne idée de se moquer des travers des gens, et encore moins de passer de sévères jugements à leur sujet, sans savoir si notre entourage inclut des gens qui peuvent s’en sentir visés.

Surtout si l’une de ces personnes est celui qui signe ton chèque de paie.

 

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Si vous voules voir les 50 gags suivants de Collège Artiztech, c’est ici.

24 attitudes à ne pas avoir lors d’un premier rendez-vous

Ce billet est le sixième de la série (Més)aventures sur sites de rencontres.

Pour celui-ci, je me suis inspiré d’anecdotes que m’ont raconté plusieurs de mes amies au fil des années, en plus de ce que j’ai pu moi-même observer.  C’est que quand on est membre féminin de sites de rencontres, on en voit de toutes les couleurs.  Et parmi les différentes attitudes que peuvent avoir les gens lors d’un premier rendez vous, certaines sont particulièrement à proscrire.  Par exemple:


ATTITUDE 1:
  User d’un langage déplorablement vulgaire.
C’est une chose d’être direct, c’en est une autre que d’être cru, sans filtre et mal éduqué. Disons que comme première impression, il y a moyen de faire mieux. (Vous en verrez plusieurs exemples dans les images qui vont suivre.) 

ATTITUDE 2: Être un peu trop pressé de passer à l’action.  

Et c’est encore pire quand c’est annoncé à la fois comme étant une obligation, et étant dû à une cause extérieure.

ATTITUDE 3:  Mentir sur son âge. 

Parfois, c’est un adolescent  un peu trop allumé par sa testostérone en éveil qui ment sur son âge pour se vieillir.  Mais plus souvent qu’autrement, c’est l’inverse qui se produit. 

ATTITUDE 4:  Utiliser la distance parcourue comme argument d’obligation coïtale.  

Surtout si ça vient avec une attitude agressive.

ATTITUDE 5:  Être un peu trop rapidement curieux au sujet de ses pratiques sexuelles. 

Il est normal de vouloir savoir si on est compatibles sexuellement. Mais c’est p’t’être pas un sujet à aborder dans la première heure de la rencontre.

ATTITUDE 6:  Tenter de manipuler en rabaissant l’autre, pour ensuite la remonter, dans le but de l’isoler. 

C’est une technique de drague particulièrement minable, qui consiste à donner l’impression à la fille que personne ne peut l’apprécier, sauf lui.  Donc, qu’aucun gars ne voudrait d’elle, sauf lui.   Parce que tous les hommes sont superficiels.  Sauf lui!

ATTITUDE 7:  Faire du stealthing.

La pratique d’enlever le condom pendant l’acte, sans le faire savoir à sa partenaire, a un nom (anglais): Stealthing Depuis peu, ce geste est enfin reconnu comme étant criminel au même titre qu’un viol.

ATTITUDE 8:  S’offrir immédiatement comme adorateur / esclave volontaire.

Le genre de mentalité et d’attitude que l’on a quand on est désespéré, parce qu’on (croit qu’on) n’a rien pour plaire à l’autre. 

ATTITUDE 9:  Se faire faussement passer pour célibataire.

Puisqu’il est impossible de cacher ça à long terme, tôt ou tard la vérité éclate.  Hélas, bien que victime parce qu’elle s’est fait mentir, la fille est souvent traitée comme si elle était aussi coupable que lui.

ATTITUDE 10:  Ne jamais décrocher de Tinder (ou autres sites / applications de rencontres)

Assez difficile d’envisager une relation durable avec une personne pour qui fréquenter ces sites est devenu une habitude.

ATTITUDE 11:  Avoir des remords post-coïtus. 

Ça peut être parce qu’il a insisté pour baiser jusqu’à ce qu’elle cède, ou parce qu’il vient de tromper sa conjointe, ou parce qu’il veut se faire moine et vient de violer son voeu de chasteté.  Peu importe la raison, il se sent mal de l’avoir fait.   Mais voilà, la prise de conscience, c’était avant, qu’il fallait l’avoir.  Pas après! 

ATTITUDE 12: N’avoir aucun sujet de conversation, autre que de la complimenter sur sa beauté.
Il a beau croire qu’il est un bon gars gentil et romantique, son attitude démontre qu’au fond de lui, il est convaincu que tout ce que les filles veulent entendre, ce sont des flatteries.  Belle attitude de misogyne condescendant qui s’ignore.

ATTITUDE 13: N’avoir aucun sujet de conversation, autre que de de parler du sexe qu’il a hâte d’avoir avec elle. (Encore pire si c’est avec vulgarité)
Le genre de gars qui a l’air de croire qu’elle va oublier que la soirée s’enligne pour être sexuelle, s’il ne le lui rappelle pas à toutes les cinq secondes.  Une attitude qui, dans 99.999999999999999999999999999999999999% des cas, transforme la plus volcanique des femmes en iceberg.

ATTITUDE 14: Confondre féminisme avec misandrie. Un vrai féministe saurait que le féminisme revendique l’égalité entre l’homme et la femme, et non la haine anti-masculine. Bref, sa vision de la femme ne vaut pas mieux que celle d’un misogyne.  Et ce qui rend la chose encore plus pathétique, c’est qu’il croit sincèrement que c’est par l’auto-flagellation émasculante qu’il réussira à en séduire une. 

ATTITUDE 15: Être adepte du coucou-bite surprise. 
Équivalent en personne de la dick pic, ce qui rend la chose encore plus malvenue.  Mieux encore, aux yeux de la loi, il y a des termes pour ça, tels grossière indécence, exhibitionnisme, harcèlement sexuel, agression sexuelle, etc, tous passibles de poursuite judiciaire.

ATTITUDE 16: Aimer un peu trop les enfants.

Beaucoup de mères célibataires déplorent que peu d’hommes vont vouloir s’engager dans une relation avec une femme qui a des enfants.  Malheureusement, lorsque l’inverse arrive, c’est parfois un peu louche. 

ATTITUDE 17: Ne pas respecter les limites préétablies.

Rien de plus chiant que quelqu’un qui prétend savoir mieux que toi ce que tu aimes ou non, ou bien qui croit que lui saura te faire aimer ça.

ATTITUDE 18:  Considérer le sexe comme étant quelque chose qui lui est dû

Il agit comme si lui refuser du sexe était un crime, ce qui fait de toi une criminelle à ses yeux.  Voilà pourquoi tout ce que tu lui diras sera retenu contre toi, et il n’hésitera jamais à te faire un procès public sur le sujet.
Là encore, il y a un mot (anglais) pour ça: Incel.

ATTITUDE 19: Ne pas décrocher de son ex.

Quand un gars a eu la chance de sortir avec une extraordinaire partenaire de sexe, il faut s’attendre à ce qu’il s’en cherche une autre exactement comme celle-là, en étalant généreusement les détails que sa nouvelle rencontre ne tient pas vraiment à savoir. 

ATTITUDE 20: Se faire des idées préconçues sur la bisexualité.
Ça va de la bi-phobie au bi-déni en passant par l’impression que la bisexualité est synonyme de n’importe quoi, n’importe quand, n’importe où avec n’importe qui. 


De quoi donner envie de ne plus s’afficher que comme hétéro dans notre profil.  Ça règle le problème, mais ça peut en causer un autre, comme:

ATTITUDE 21: Insister sur la bisexualité. 
Comme beaucoup trop de gars, il ne rêve que de se ramasser une copine bisexuelle dans l’espoir de vivre un jour un ménage à trois.  Il va donc tenter de convaincre la fille qu’elle a un problème mental ou sexuel d’être encore hétéro à notre époque.

ATTITUDE 22: Faire du negging
Sérieusement, les gars… Vous croyez vraiment que rabaisser une fille en l’insultant sur un sujet X, pour ensuite la rabaisser sur la manière dont elle prend vos insultes, ça va vous réussir? 

ATTITUDE 23: Lui faire son profil psychologique, surtout négatif. 
Personne n’aime se faire juger,  se faire faire la leçon, et encore moins lorsque c’est non-sollicité.

ATTITUDE 24: N’accepte pas qu’on lui fasse ce qu’il fait aux autres.
Mais ça, c’est bien plus son problème à lui qu’à elle.

 

 

Le Party avec Salvail chez Rozon (1ère partie)

Ces dix dernières années, je racontais souvent l’anecdote dans laquelle Éric Salvail m’a appelé « ma chouette ». Mais avec les révélations médiatiques de ces derniers jours, je réalise que le reste de la soirée vaut également la peine d’être racontée.

J’avais d’abord pensé raconter cette anecdote sous forme de texte.  Et puis, je me suis dit que ce serait bien, d’avoir le seul témoignage sur le sujet sous forme de BD.  Veuillez excuser le style graphique un peu primitif.  Je dessine cette histoire pendant mes pauses, au boulot.  Comme ça, chez moi, je ne consacre mon temps qu’à mon projet d’album de La Clique Vidéo, qui a une date de tombée.

C’est parti:

 










À l’époque, je croyais sincèrement que la claque sur les fesses que m’avait donné Éric Salvail était un truc anodin, sans sous-entendu.  Il est vrai que j’aurais trouvé ça un peu plus normal de la part d’un bon copain proche, plutôt que d’un gars que je ne connaissais que depuis un quart d’heure.  Mais bon, j’avais déjà rencontré bien des personnes exubérantes dans ma vie.  Croyant qu’il ne s’agissait-là que de son humour particulier, je ne me suis jamais senti traumatisé ni agressé du geste d’Éric.  La preuve, c’est qu’à chaque fois que je parlais de cette soirée, je ne racontais que la partie « ma chouette / ma chienne » en trouvant ça bien drôle. 

Maintenant, bien que je ne me sens toujours pas traumatisé ni agressé, il reste que les récentes révélations au sujet d’Éric Salvail me font voir ses paroles et ses gestes sous un tout autre angle.

Sur ce, voici la suite.

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Références:
– Mon article viral 30 comportements qu’il faudrait cesser d’avoir sur Facebook.
– Mon autre texte viral, la liste de noms de famille.
– La chanson que j’ai écrite et interprétée, et que le prof de l’ENH m’a demandé la permission d’utiliser, s’intitule L’amour, c’est comme ça.  Ça dénonce le fait que certains hommes considèrent que leurs agissements violents puissent être de sincères signes d’amour pur.  Ça le fait de façon bien plus horrible que drôle, je dois dire.

La Clique Vidéo, l’album: C’est un départ!

Dans un article datant du 26 janvier dernier et publié sur mon blog BD Requin Roll, je déplorais que l’état de mes yeux m’obligeait à interrompre ma série de BD La Clique Vidéo après quinze pages et quart.

Je dois porter des lunettes ou des verres de contacts depuis l’âge de dix ans.  Au fil des années, ma myopie a progressé de façon alarmante.  Comme si ça ne suffisant pas, avec l’âge, la presbytie est venue s’y mettre, et hélas l’un n’annulait pas l’autre.  Aussi, j’ai eu à subir une chirurgie aux deux yeux.  On m’y a implanté en permanence des lentilles intra-oculaires.  Le seul mauvais côté de ce genre d’intervention, c’est que ça laisse avec une presbytie de 2 degrés, et que les yeux ne sont plus capable de se mettre au focus, puisqu’il s’agit d’une vision artificielle.

J’ai bien des lunettes de lecture, hélas ça ne vaut rien pour dessiner.  Pour bien voir ce que je fais, je dois mettre ma tête trop loin du papier, ce qui rend l’encrage pénible et imprécis.  Alors deux choix s’offraient à moi: Ou bien je me mettais à dessiner des cases géantes, genre une image par page.  Ou bien je ne procurais une dispendieuse tablette graphique.

Il y a deux semaines, je me suis rappelé que, pour la seconde année de suite, le Festival de la BD Francophone de Québec offrait le prix Jacques Hurtubise, ainsi nommé en l’honneur du fondateur de la légendaire revue Croc

Ce prix est destiné aux auteurs n’ayant pas publiés plus d’un album, et qui planifient en publier un de façon indépendante.  Voyant que ça venait avec une bourse qui m’aiderait grandement à me procurer une tablette graphique, j’ai tenté ma chance: J’ai préparé un dossier et j’ai proposé ma candidature.
 

… Et j’ai gagné!  

Le prix Jacques-Hurtubise m’a été remis par Hélène Fleury, membre du jury et cofondatrice de Croc.  Un chèque de mille dollars, gracieuseté de Brouillard Communicationm’a été remis par le sympathique Jean Brouillard, président et fondateur de la firme. 

Il fallait bien que je m’inscrive sous mon vrai nom, je n’aurais pas pu encaisser un chèque au nom de Steve Requin.  De toute façon, si j’ai pris cette identité en 1994, c’est parce que dans le temps, je faisais dans le fanzine adulte de goût douteux, et je ne tenais pas à ce que mes enfants en souffrent.  Aujourd’hui, puisqu’ils sont tous adultes et aussi douteux que leur père l’était à l’époque, ça n’a plus d’importance.

Et c’est à la suggestion de Mme Fleury elle-même que, au moment où on me remettait mon prix, j’ai partagé avec le public une anecdote personnelle au sujet du regretté Jacques Hurtubise.  Celle-ci fut reproduite dans cet article au sujet du Bedeis Causa 2017 tiré de ActuaBD.com:

Alors voilà, ce qui fut dit fut fait:  Je me suis procuré la tablette dont j’avais besoin pour reprendre mon projet d’album, et le terminer.

Mais avant ça, il était clair que mon tout premier dessin sur cet instrument revenait de droit aux gens qui l’ont rendu possible.  

 

Petit exemple d’amitié toxique

C’est symbolique, bien sûr. Et, comme d’habitude, les sexes sont interchangeables. Mais sinon, ouais, on en a tous connus au moins une de ce genre-là:

Ajout de nouveaux liens.


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Requin Roll, toutes mes BD, en ligne.
Toutes les BD que j’ai pu faire, passées et présentes. Publie trois fois par semaine.

Les Colocopines
 Courte série au sujet de trois copines colocataires.

1 Gay 1 Hetero
Deux colocataires, l’un est gay, l’autre est hétéro.

ComicOrama, chroniques sur la BD en général.

Deviant Art, ma galerie en ligne.

Et voilà!  C’est que j’en ai produit, du stock, en 19 ans sur le net.

Deux catégories de gens…

… et deux qualités de vie sociale.

Avant qu’on me pose la question, non, il n’existe pas de série nommée « Kid Mecha ». De toute façon, le sujet de discussion n’a aucune importance. C’était juste pour montrer la différence entre les gens normaux et ceux qui accordent une importance démesurée à ton ignorance, car ils ressentent un tout aussi démesuré besoin de rabaisser autrui.

Bonne Année 2016

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La Conflictuodépendance: Provoquer la haine comme excuse préventive.

AVERTISSEMENT : Ce billet fait référence à beaucoup de trucs que j’ai déjà écrit.  Alors si vous me lisez depuis peu, ou si vous ne vous souvenez plus de quoi je parle, j’ai mis plein de liens.

Je ne sais pas si vous êtes familiers avec l’émission Un Souper Presque Parfait.  Sinon, je vous en explique le concept: Pendant cinq jours, nous suivons un groupe de cinq personnes.  À chaque jour, l’un d’eux reçoit les quatre autres chez lui et leur prépare un repas: L’entrée, le plat principal, un vin, le dessert et un digestif.  À la fin de chaque repas, les quatre invités lui donnent une note de 1 à 10, ce qui détermine le grand gagnant à la fin de la semaine.

Lors d’une ce ces semaines, il y avait un homme, appelons-le Pierre, qui s’est montré particulièrement odieux avec les quatre autres participants.  Gras, mal rasé, les cheveux en bataille, juste au niveau visuel il dégage un message que l’on capte dans notre inconscient comme quoi ce n’est pas le genre de personne qui devrait se permettre de descendre les autres.  Pourtant, il le faisait.  Presque à chaque fois qu’il ouvrait la bouche, il avait toujours une remarque acide et une critique à faire.  Sur la nourriture, sur la boisson, sur le look et la personnalité de l’hôte du jour, sur comment était décoré son logis, et il le faisait avec snobisme et condescendance. À la fin du souper de mardi, il était déjà détesté de tous.  Rendu à jeudi soir, alors qu’il annonçait que le lendemain ce serait son tour, l’un des autres participants lui a répondu: « Bien!  Ça va faire changement, de voir la merde entrer dans ta bouche plutôt que d’en sortir. »

Car oui, le hasard avait voulu que Pierre passe vendredi, donc que ce soit lui qui soit le dernier à cuisiner pour les quatre autres.  Aussi, lors des interviews individuelles qui clôturent l’émission du jeudi, Pierre nous révèle son métier: Grand Chef Cuisinier à l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec.

« Fa que », conclut-il, « Si c’est pas moi l’gagnant cette semaine, ce sera certainement pas à cause de mon repas.  Ça va être à cause de ma grande gueule, comme la dernière fois que j’ai participé à l’émission. »

En entendant ça, j’ai tout de suite compris la raison de son comportement de troll tout le long de la semaine: En tant que chef cuisinier de carrière pour le plus prestigieux employeur dans le domaine de la restauration au Québec, il se trouve dans une situation délicate.  Imaginez s’il perd contre l’un de ces quatre amateurs, en pleine télévision.  C’est improbable, mais ça demeure possible.  Aussi, il a trouvé le moyen parfait pour sauver la face: Provoquer la haine comme excuse préventive.  Comme ça, s’il perd, alors sa nourriture ne sera pas à blâmer, ce sera juste à cause que les autres participants sont frustrés et mesquins.  Et s’il gagne, encore mieux: Ça prouve qu’il est tellement un excellent cuisinier qu’il a réussi à se faire élire par quatre personnes malgré le fait qu’ils le haïssent.  Bref, ou bien il gagne, ou bien il créé un doute raisonnable comme quoi il aurait dû gagner.

Et puisque le bien-être de Pierre dépend du conflit, ça fait de lui un conflictuodépendant.

Je dois avouer que tout le long de ma vie, j’ai trop souvent agi ainsi.  Sauf que dans mon cas, non seulement était-ce inconscient, c’était beaucoup plus subtil.  Malgré tout, le concept restait le même: M’arranger pour que les gens autour de moi aient des sentiments négatifs à mon sujet, tout en restant le plus irréprochable possible.  Je m’y prenais de deux façons:

FAÇON 1: En pointant les côtés négatifs de leur travail, de leurs décisions, de leur personnalités.  Et toujours, prenais-je la peine de m’attaquer à un fait véridique et vérifiable, de façon à ce que personne ne puisse affirmer que mon commentaire n’était qu’une opinion sans fondement.  Quiconque l’affirmait se dépeignait automatiquement lui-même comme une personne de mauvaise foi.  Et puisque personne n’est parfait, je trouvais toujours un sujet à attaquer.

Une des choses qui m’appuyait, c’était que parallèlement à cela, je me faisais un point d’honneur à toujours répondre à la critique avec grâce, les remerciant de ces commentaires constructifs.  Ceci me permettait, si jamais ma cible frustrait, de me donner en exemple afin de me comparer favorablement à eux : « À chaque fois qu’on m’a fait une critique, je l’ai toujours prise comme étant constructive. Pourquoi t’es pas capable d’en faire autant? » 

FAÇON 2: L’attaque miroir.  Alors que les humoristes, les chroniqueurs, les bédéistes, les auteurs, se moquent des travers de la société, moi je me moquais des travers des humoristes, des chroniqueurs, des bédéistes et des auteurs. Et dans chaque cas, si jamais ils iraient me manifester du mécontentement, je pouvais éviter le débat en servant la seule et unique réplique dont j’avais besoin pour prouver leur mauvaise foi : « Ben quoi? Je te fais exactement ce que tu fais subir aux autres.  Ce n’est pas ma faute à moi si tu n’es pas capable d’en prendre aussi facilement que t’en donnes. »  Et le plus beau, c’est qu’en attaquant les méchants, ça me mettait en position de bon, de courageux, de héros.  Et quiconque aurait osé m’en critiquer se serait automatiquement étiqueté d’hypocrite à deux faces (« Ah bon? Quand lui se permet de critiquer les autres c’est acceptable, mais quand les autres le critiquent lui ça ne l’est pas? »), de mauvaise foi (« Toutes les preuves sont là, regarde toi-même, c’est pas moi qui l’invente! ») ou de méchant lui-même. (« Sérieux, là? Tu préfères défendre celui qui attaque, et attaquer celui qui défend?  C’est vraiment ce genre de personne-là que tu es? »)

D’une façon comme de l’autre, si ces gens s’objectaient à moi de quelque façon que ce soit, je pouvais toujours dire que c’était seulement parce qu’ils m’en voulaient personnellement, à cause que c’était des frustrés, à cause que leur ego est trop démesuré pour être capable de prendre la critique, et surtout la vérité. 

Quelques exemples:

  • Lorsque je publiais MensuHell, j’y ai parodié d’autres bédéistes en faisant ressortir les pires côtés de leurs séries.
  • Toujours dans MensuHell, en 2000, ma parodie du film X-Men se moque, le temps d’une image, des parodies du film X-Men parues plus tôt dans Cracked et Safarir.
  • Avec Picouille, je me moque du style de dessin de certaines femmes bédéistes, de ceux qui les publient, de ceux qui les aiment.
  • Il y a eu ma série Les Plagiats de la BD où je dénonce des gens que pourtant j’admire et avec qui j’aimerais bien travailler un jour.
  • À l’époque où je voulais devenir humoriste, ma cible première était les autres humoristes.
  • En passant une audition devant la directrice de l’École Nationale de l’Humour, le choix de mon sujet de monologue était une attaque contre la directrice de l’École Nationale de l’Humour.
  • La seule fois où j’ai pu faire un monologue en public, c’était lors d’un spectacle de Noël donné par un organisme catholique charitable, dans un sous-sol d’église. Personne ne riait, et on m’a même coupé le micro avant la fin. La raison? Le public, tout comme l’organisme, n’était constitué que de vieux catholiques pour qui Noël et les valeurs de famille sont très importantes. Et devinez de quels sujets mon monologue se moquait du début à la fin? Je pense que ça a dû être la dernière fois qu’ils acceptaient une contribution sans d’abord faire passer une audition.
  • L’un de mes premiers projets de blogs s’appelait Et ça se permet de critiquer!  L’Idée était d’y reproduire quotidiennement une ou plusieurs chroniques de critiques professionnels publiés dans les journaux du Québec (De Pierre Foglia, Franco Nuovo, Nathalie Petrovski, Jean Barbe, etc) et de les critiquer eux sur leur travail de critique. Le projet n’a pas pu démarrer puisque je ne pouvais pas me permettre de m’abonner à tous les journaux qu’il m’eut fallu lire.
  • Lorsque je fréquentais les forums, ma logique et ma discipline m’ont parfois rapporté un poste de modérateur. Poste que je ne gardais pas longtemps, puisque j’utilisais ma logique et ma discipline pour critiquer le travail des autres modos et des administrateurs.
  • Lorsque j’étais étudiant au Cégep André Laurendeau, de qui est-ce que je me moquais dans ma chronique publiée dans le journal étudiant? Des profs? De la société? Non: Des autres étudiants.
  • J’ai même déjà écrit une parodie de When I Was your Age de Weird Al Yankovic, qui est une de ses chanson originale et non l’une de ses nombreuses parodies.  Ma version qui s’appelait I Will Exploit Them racontait comment un gars, réalisant qu’il n’avait ni la voix ni le look pour devenir chanteur populaire, a décidé de se faire une carrière en parodiant les plus grands succès musicaux de l’heure, ce qui lui assure une carrière et un succès éternel puisqu’il ne fait que surfer sur le travail, le talent et la popularité des vrais artistes qui se succèdent au top des palmarès.  Oui, vous avez bien lu, j’ai parodié Weird Al Yankovic en attaquant son physique, sa voix, son look, son art et sa carrière.  Et pourtant, c’était mon idole.

Mais peu importe le sujet, il reste que pour faire une parodie de bande dessinée, il fallait que je sois moi-même bédéiste.  Pour critiquer les critiques, il fallait que je devienne moi-même critique.  Pour parodier un chanteur parodique, il fallait que je devienne moi-même chanteur parodique.  Pour rire des humoriste, il fallait que je deviennes moi-même humoriste.  Or, à partir du moment où on choisit de travailler dans un milieu, on ne peux plus se permettre de s’en moquer et/ou de le critiquer.  Du moins, pas si on veut réussir dans le métier.

Mais ce comportement, au fond, n’est rien d’autre que la manifestation subconsciente d’un complexe d’infériorité.  Car en agissant ainsi, je m’assure de me fournir une excuse en cas d’échec: Si je ne réussis pas à me tailler une place dans le milieu où j’évolue, ce n’est pas parce que je suis incompétent.  Non; c’est à cause que les autres me bloquent, me sabotent, m’empêchent d’avancer, pour des raisons personnelles.  Comme ça, je n’ai pas à me remettre en question, ni dans ce que je suis ni dans la qualité de mon travail. 

Mais pour ça, je dois d’abord les provoquer à avoir du ressentiment envers moi, de façon à les rendre susceptibles, frustrés, mesquins.  Exactement comme Pierre qui, après s’être mis à dos les quatre autres candidats, ne pouvait plus qu’offrir un souper presque parfait car si la nourriture était irréprochable, en revanche l’ambiance était pourrie.

L’exemple le plus flagrant dans lequel j’ai eu ce comportement est dans ce billet, lorsque je raconte dans le paragraphe Le troisième zéro comment j’ai été expulsé du cours de maths.  J’étais un cancre en mathématique, la preuve est que j’étais deux ans en retard dans ce cours.  Au lieu de reconnaitre ma faiblesse et mettre l’effort à étudier et à comprendre cette matière, j’ai préféré passer l’été à m’attaquer à une règle de mathématique qui dit qu’il est impossible de diviser par zéro. À la rentrée, j’ai attendu qu’un prof me provoque en posant lui-même la question sur le sujet (chose qui arrive au moins une fois par année) afin de lui mettre sur le dos la responsabilité de ce qui allait suivre. En prouvant en classe que j’avais trouvé non pas une mais bien trois méthodes montrant que la division par zéro était possible, je me plaçais au-dessus de la communauté scientifique internationale des mathématiciens qui affirmaient le contraire.  Par conséquent, je prouvais trois choses:

  1. J’étais un génie des maths, du moins j’étais le supérieur logique et intellectuel de mes profs.
  2. Les profs avaient mauvaise foi de refuser de l’admettre, malgré les preuves que j’étalais  devant leurs yeux.
  3. Sans raison pertinente pour me faire échouer, ils utilisaient mesquinement leur position d’autorité pour le faire, juste parce qu’ils étaient frustrés que je me prouve supérieur.

Et tout ça avec toute la classe comme témoin.  Avec quelques variantes, cette méthode s’adapte très bien à toutes les relations et à tous les milieux.  C’est ce comportement qui m’a amené à faire subir à un de mes anciens employeurs les dommage collatéraux de l’auto-importance démesurée.

D’accord, ça fonctionne, en ce sens que ça permet de toujours pouvoir accuser avec raisons la mauvaise foi des autres en cas d’échec.  Hélas, puisque ce comportement fait pourrir toutes les relations avec autrui, autant interpersonnelles que professionnelles. elle assure surtout que peu importe la qualité de ce que l’on fait, ça se terminera toujours par ça: Un échec!  Un échec qui, ironiquement, empêche un succès qui aurait peut-être été vraiment mérité.  Mais quand on souffre de complexe d’infériorité, ce n’est pas au succès que l’on s’attend.  C’est à l’échec!  Alors si en plus on a un ego démesuré, au lieu de remettre en question la qualité de son travail, on met ses efforts à justifier d’avance ces futurs échecs.  On provoque la haine comme excuse préventive.  On se comporte de manière à ce que notre sentiment d’infériorité fasse de notre crainte une prophétie autoréalisatrice.  En fait, rendu là, ce n’est même plus une crainte pour nous, c’est une fatalité, une conclusion évidente.  On ne se pose même pas la question si ce sera une réussite ou un échec, on sait que ce sera un échec.  Voilà pourquoi notre premier réflexe est de préparer le terrain de façon à pouvoir expliquer et/ou l’excuser, cet échec. Or, en se comportant ainsi, on provoque nous-même l’échec. 

Bref, se comporter ainsi, c’est une très mauvaise habitude qu’il faut perdre au plus vite, autant pour notre propre bien que pour celui des gens qui nous entourent. Encore faut-il commencer par se rendre compte qu’on l’a, ce comportement.