Dû à un manque d’inspiration que je crois temporaire, je suis allé me rendre actif sur mon autre blog, celui-là consacré à la bande dessinée. Ces jours-ci, j’y expose une petite curiosité peu connue, une version British d’Astérix le Gaulois (le personnage et l’album) qui date de 1963.
Archives mensuelles : avril 2015
Quand la basse estime de soi rend aveugle à la réalité.
Je pourrais vous offrir un autre blog long d’un kilomètre, mais j’ai mieux: Cette petite BD est une version franco-québécoise d’un strip tiré de mon ancien webcomic anglophone Artiztech College.
MORALE: S’il est exagéré de croire qu’il suffit de penser positif pour que tout aille bien dans notre vie, il est par contre très vrai que la pensée négative a le pouvoir de tout faire foirer. C’est que la mauvaise estime de soi, ça nous aveugle face à notre potentiel de réussite, et nous fait choisir délibérément la voie de l’échec.
… Surtout si tu prétends savoir mieux que l’autre personne si elle te veux ou non, et que tu choisis de décider à sa place que c’est non!
La poupée qui dit non mais qui fait oui.
Cette fois-ci, je vais vous ramener dans la première moitié des années 80 avec une tranche de vie d’adolescents du Québec. Le texte contient des liens pour nos amis d’Europe qui auraient de la difficulté avec certaines références locales et/ou de l’époque, ainsi que divers lexiques du Français québécois pour les dialogues en joual.
Printemps 1984. J’ai 15 ans. J’habite Mont-Saint-Hilaire et je suis en secondaire IV. J’ai un camarade de classe nommé Bruno avec qui je n’ai rien en commun. Il a les cheveux longs, boit de la bière, fume, s’habille en jeans, T-shirts noir à motif Iron Maiden, veston de jeans, n’écoute que du rock, heavy metal, Plume Latraverse, et utilise le terme ma plotte pour parler de ses petites amies, quand il en a.
Moi, j’ai les cheveux frisés, court, ou du moins ce qui passe pour court à l’époque. Je ne fume pas et ne bois pas d’alcool car je suis sage et réfléchi. Je m’habille comme dans la page 257 du Catalogue Eaton, j’écoute la musique de CKOI 97 Le Son de Montréal ainsi que CKBS 1240 AM, Radio Saint-Hyacinthe, et j’utilise le terme la folle pour parler de l’unique blonde que j’ai eu à date. À part ça, je suis galant et romantique, je suis un bon gars, un vrai nice guy, donc évidemment célibataire.
Bruno et moi avons commencé à nous fréquenter dans notre cours de français lors d’un travail d’équipe, alors que le prof nous avais tous amené à la bibliothèque. Nous étions les deux seuls gars de cette classe, il était donc tout naturel que nous fassions équipe malgré nos différences de style et de personnalité. Parmi mon stock qui traîne pêle-mêle sur la table où nous faisons notre travail de recherche, il voit une photo qui dépasse des pages de mon agenda scolaire. Il s’en empare et dit:
« Ayoye, Man! C’est qui c’te fille-là? »
« Elle? C’est Nancy, la soeur de mon ami Yan. Elle m’a demandé de lui dessiner son portrait. C’est pour ça, la photo. »
« C’t’une calice de belle plotte, ça! Faut qu’tu m’la présente au plus christ. »
Pourquoi pas!? J’accepte! Ceci dit, ce n’est pas comme si j’avais le choix. C’était ça où bien il ne me rendrait jamais la photo.
La fin de semaine suivante, je vais chez mon ami Yan avec qui je fais souvent de la bande dessinée en amateur. J’amène Bruno avec moi. Coup de chance, Nancy y est aussi. Il y a une raison pourquoi Bruno a si vite accroché à elle via sa photo, et c’est qu’ils sont du même style. Elle fume, boit, s’habille en jeans et T-shirts, n’écoute que du Kiss, Mötley Crüe et autres trucs qui nous semblaient si hard à l’époque.
Je les présente. Malgré mon jeune âge et mon peu d’expérience, je vois tout de suite dans le regard de Nancy son intérêt pour Bruno. Nous descendons tous les quatre au sous-sol, dans la grande chambre de Yan. On y jase de choses et d’autres pendant une bonne heure. Il me semble évident qu’il y a une certaine attirance entre Nancy et Bruno. Petit malin que je suis, je décide de prendre le contrôle de la situation. Je me lève et fais signe à Yan de me suivre, et je dis à la blague aux deux autres :
« Bon ben, Yan pis moi on s’en va faire du dessin, fa que vous pouvez toujours frencher en attendant. »
C’était comme si je leur avait fourni l’excuse qu’ils attendaient. Ils se sont aussitôt enlacés et ont commencés à s’embrasser passionnément. Bien que je m’y attendais, je suis tout de même un peu surpris que ça se produise de manière aussi instantanée.
Bruno ne fréquentera Nancy que les deux dernières semaines du mois de mars. Il me fut cependant très reconnaissant de lui avoir présenté, et surtout d’avoir brisé la glace avec ma suggestion.
« Heille, toé t’es un vrai tchum, man! J’m’as te revaudrer ça. »
« Bonne idée! Après un an de célibat, chus pas mal en manque, là! »
Ce n’était rien de sexuel. J’étais juste dépendant affectif. Quoi qu’à quinze ans, nous l’étions pas mal tous un peu.
Vendredi le 13 avril 1984. Voilà deux semaines que la neige a totalement disparue et que nous avons droit à de confortables températures printanières qui sentent l’été qui s’approche. Peu après 17:00, Bruno me téléphone de chez lui.
« Hey, salut man! Ça te tentes-tu de v’nir à un party chez nous à’ soir à sept heures? On va être en sérieux en manque de gars icitte. »
« QUOI? Un party plein de filles pis tu me demandes si j’veux y aller? Que c’est qu’t’attends pour me donner ton adresse? »
Bruno habite à Sainte-Madeleine, de l’autre côté du Mont Saint-Hilaire. Ça prend environs un quart d’heure en auto pour s’y rendre à partir de la maison de mes parents. Je convainc sans mal ces derniers d’aller m’y reconduire. Tel que prévu, je descends de l’auto à 19:00 devant la maison des parents de Bruno, tandis que le soleil couchant nous colore l’horizon en orange de ses derniers rayons. Ma mère me demande:
« À quelle heure tu veux qu’on revienne te chercher? »
« Pas besoin! Un des gars va venir me reconduire en char. Bonne soirée! »
En réalité, je n’avais pas la moindre idée si l’un des invités avait son permis de conduire, et encore moins s’il avait un véhicule à sa disposition. Il y a que ceci était le second party d’ados où j’ai eu la chance d’être invité et que je ne tenais pas à ce que ça se termine comme le premier, c’est à dire avec mes parents qui viennent m’y chercher à 22:00 juste au moment où ça commence à devenir vraiment trippant. Alors pour revenir, si personne ne peut me ramener, je n’aurai qu’à prendre le bus 200 Rive Sud qui passe aux heures jusqu’à 01:00, voilà tout. Au pire, si je la rate, marcher deux heures, ça ne me fait pas peur.
C’est la sœur de Bruno, Julie, 13 ans, qui m’ouvre. Longs cheveux en bataille, jeans, veston jeans, T-shirt noir à l’effigie de Metallica, bouteille de bière à la main et cigarette au bec. C’est fou comme elle a un style semblable à celui de Bruno. Elle m’entraîne au sous-sol où attendent les autres. À mesure que je descends les marches, j’entends la voix de Phil Collins qui chante Mama (Cliquez pour l’ambiance)
Je m’attendais à quelque chose de très gros, mais en fait ils ne sont que neuf, assis en cercle sur des chaises, par terre ou sur un vieux divan, à jaser, fumer et boire. Bruno me les présente.
« Steve, j’te présente Gaëtan qui vient à notre polyvalente, pis sa soeur Claudia. Elles, c’est les jumelles Caroline pis Sylvie. Pis en passant, Caroline c’est ma blonde, fa que essaye pas de la crouzer à soir, mon estie. Ha! ha! . »
« Me v’là prévenu! »
« Elle c’est Valérie la cousine des jumelles. Pis v’là Sophie, pis Pierre, pis c’est toute. »
Je salue tout ce beau monde. La place est typique des sous-sols non-finis des vieilles maisons. Le plancher en béton gris et rugueux est partiellement recouvert de vieux tapis. Il y a un divan à trois places où sont assises quatre personnes, mais bon, on est minces à cet âge-là. Le plafond est composé de vieux bois et de poutres poussiéreuse ornées de vestiges de plusieurs générations de toiles d’araignées. L’éclairage tamisé est fourni par une vieille lampe style bouteille de Chianti ornée de faux rubis en verre et d’un énorme abat-jour rouge vin. L’air est imprégné de boucane de cigarette qui se mêle à celle de l’humidité des sous-sols. Les hauts-parleurs de 3e ordre du vieux radio-cassettes continuent de diffuser du Genesis. Je me joins aux gens et aux conversations, pigeant comme tout le monde dans les sacs de chips BBQ, nature et sel & vinaigre.
Après une vingtaine de minutes, Bruno décide qu’il est temps de sérieusement commencer le party. Il change la cassette de Genesis pour une autre où il n’a enregistré que des slows, et aussitôt commence Stairway to Heaven de Led Zeppelin. Je suis d’abord amusé par le manque total de subtilité de Bruno. D’habitude, dans les partys, les slows ne viennent que dispersés ici et là entre les hits rock et dance, ou bien vers la fin de la soirée. Mais bon, nous savons tous que nous faisons ces soirées surtout dans le but de se rapprocher des membres du sexe opposé, alors pourquoi perdre son temps à faire semblant? Bruno semble désireux de repayer sa dette envers moi car me prend par le bras et m’envoie quasiment voler dans les bras de Sophie, une mignonne petite rouquine (teinte) de 14 ans. Sans pour autant que ce soit de l’embonpoint, son corps a déjà de superbes courbes. Son visage ressemble à une version plus jeune de celui de l’actrice porno italienne Ilona Staller alias La Cicciolona.
« Tiens, danses donc avec elle. »
Pris par surprise et au dépourvu puisque je n’ai pas encore adressé un mot à cette fille jusque-là, je lui demande:
« Euh… Tu veux-tu? »
« Oui! »
Sur ce, elle passe ses bras autour de mon cou et se colle à moi. Bientôt, la chanson fait place à Hotel California des Eagles, suivi par Babe de Styx. Durant tous ces slows, Sophie se colle à moi très serré, ce qui, dans mon cas, est une toute nouvelle expérience. Je sens ses seins fermes et déjà très volumineux pour une fille de son âge qui s’écrasent contre ma poitrine. Bruno qui danse avec sa Caroline, me lance:
« Que c’est qu’t’attends pour y mettre les mains su’é fesses? »
Je suis surpris, presque scandalisé par cette suggestion. Jamais je n’aurais osé faire un truc pareil. D’ailleurs, j’imaginais mal que des jeunes de notre âge puissent déjà aller aussi loin avec quelqu’un que l’on ne connait qu’à peine. Aussi, j’ai vite pris ses paroles pour des blagues. D’une voix démontrant aplomb et assurance, je profite de la situation pour me donner des airs de bon gars respectueux de la gent féminine:
« Voyons, mon cher Bruno! Tu sais ben que c’est pas mon genre d’aller si vite en affaires. »
En entendant ça, Sophie se détache sa tête de moi afin de me regarder dans les yeux. L’air ravie, elle me dit:
« Tant mieux! Moi, les gars trop vite en affaire, je leur pète la yeule. »
Puis, elle revient se coller à moi encore plus fort. La joie m’inonde. Elle n’aime pas les gars vite en affaire, et je lui ai montré que je n’en suis pas un. Je lui ai fait bonne impression. C’est génial.
Un peu plus d’une heure plus tard, constatant que nous manquons de chips, boissons gazeuses, bières et cigarettes, on décide d’aller s’en racheter au dépanneur du quartier. Car oui, dans le Québec de 1984, il n’y a encore aucune loi qui interdit aux mineurs d’acheter bière et cigarette, et encore moins d’en consommer. C’était le bon temps!
Et nous voilà tous dehors dans les sombres rues de ce village. Nous sommes un vendredi 13, c’est un soir de pleine lune, et je marche à côté d’une belle fille qui vient de danser une dizaine de slows en ligne avec moi. Tous ces détails font que dans mon âme d’adolescent, cette nuit a quelque chose de magique.
« Ben, qu’est-ce t’attends? Donnes-y la main! »
Cette suggestion que me fait Bruno arrive à point. Ce n’est pas que je n’y avais pas pensé. C’est juste que j’étais trop timide pour oser le faire. Je donne donc la main à Sophie. Elle me la prend, tire mon bras et me le passe autour de sa taille. En même temps, elle met son bras autour de mon cou. Sophie étant plus petite que moi, il aurait été plus logique que nous inversions la position de nos bras parce que là, j’avance tout droit, tout en étant penché sur le côté. Bien que cette pose de tour de Pise est inconfortable pour moi, j’aime tellement le fait que cette fille me tient serré contre elle que je n’ose pas lui suggérer de changer quoi que ce soit.
De retour au sous-sol avec les intoxiquants requis, on mange, on bois, on parle, on rit, bref on s’amuse de la façon typique des jeunes de notre région, de notre époque et de notre âge. Profitant qu’aucune musique ne joue en ce moment, Sophie tire de sa sacoche une cassette du groupe Culture Club. Bruno réagit aussitôt en disant:
« Heille! Que c’est ça? J’veux pas de tounes de tapettes icite. »
Restant sourd aux protestations de Bruno, je bondis à côté de Sophie et lui demande:
« Comment? T’aimes Culture Club toi aussi? »
« Ben oui! Toi avec? »
« Mets-en! J’ai leurs deux albums pis je découpe tous les articles de journaux à leur sujet.«
« C’est comme moi! Tu devrais voir ma chambre, je collectionne tout sur eux-autres. »
Puisque nous sommes deux à manifester vouloir de cette musique, Bruno consent à ce qu’on en joue, mais une seule. Sophie accepte. Elle appuie sur Play, et aussitôt commence Time, Clock of the Heart. Avec un sourire béat aux lèvres et la tête sur un nuage, je contemple cette si jolie Sophie. Le fait que nous avons des goûts en commun et qu’elle semble s’intéresser à moi me met en extase. J’écoute Boy George qui dit And time makes the lovers feel like they’ve got something real, et je réalise que c’est fou comme les chansons ont le don d’être souvent appropriées au moment présent.
La chanson se termine, Bruno change de cassette. Envahi par une irrésistible envie de démontrer mon attirance à Sophie, je m’approche derrière elle. Je me colle à son dos et l’enlace. Mes mains se rejoignent sur son ventre. Je lui demande:
« Dis-moi… Si je te fais ceci… »
Et je lui donne un p’tit bisou sur la joue.
« …est-ce que tu vas me casser la gueule pour ça? »
Elle tourne sa tête en ma direction et me regarde du coin de l’oeil avec un petit sourire. Elle semble ravie. Elle me répond:
« Hmmm… Mais non! »
Sophie pose alors ses mains sur les miennes. Tout en tenant doucement mais fermement mes mains, elle les fait remonter… Remonter jusque sur ses seins. J’en reste figé de surprise. Je ne me serais jamais attendu à ça. Complètement pris au dépourvu, je ne sais absolument pas comment réagir. En fait, je n’arrive tout bonnement pas à croire que c’est en train de se produire. Je n’ai que 15 ans après tout. Jamais je n’étais allé aussi loin avec une fille. Tout en me tenant les mains bien en place, elle m’entraîne vers un fauteuil dans un coin sombre du sous-sol. Je n’ai d’autres choix que de la suivre. Tout ce qui me vient en tête, c’est:
« Non? C’est pas possible? Je dois rêver!? »
Elle me lâche, me fait asseoir et s’assoit sur mes cuisses en me passant les bras autour du cou. Je lui tiens la taille, mais à part ça ne sais absolument pas comment réagir. Ce n’est pas par timidité ni par stupidité. C’est juste que ses gestes entrent en contradiction flagrante avec ce qu’elle m’avait affirmé plus tôt: Ne pas aimer les gars trop vite en affaire. Or, autant j’avais envie de l’embrasser et la cajoler, autant je ne voulais pas commettre un geste déplacé qui pourrait tout gâcher. Aussi, je me hasarde à lui demander:
« Comme ça… Euh… T’aimes pas les gars vite en affaires, tu disais? »
J’espérais, par cette question, qu’elle me guide un peu, qu’elle me dise où se situent ses limites, si limites il y a. Je ne voulais tellement pas prendre le risque de la choquer.
« C’est vrai, j’haïs ça, les gars d’même. Y’a deux mois, dans un autre party, je m’en allais aux bécosses, pis y’a un gars qui me crouzait qui est venu me rejoindre. Y’insistait pour m’embrasser. J’y ai remis les idées en place avec un bon coup de genoux dins schnolles. »
Je reste silencieux, mais dans ma tête, c’est la confusion la plus totale :
« Euh… Elle a posé elle-même mes mains sur ses totons, mais en même temps elle trouve que quand un gars dans un party essaye de l’embrasser, c’est aller trop loin!? »
Pour les vingt minutes qui suivent, je reste là, sans bouger, mes bras autour de sa taille, à espérer un nouveau signe de sa part, une parole, un geste, quelque chose qui puisse me guider. Hélas, ce geste ne viendra jamais. Il est vrai qu’elle en avait fait pas mal déjà. Mais bon, quand on n’a pas l’habitude de ces choses là… La seule chose qui est arrivé fut Bruno pour me dire:
« Tes parents! »
« De quessé? »
« Tes parents sont là! Ils sont venus te chercher. »
Mais qu’est-ce qu’ils foutent là, bout d’bonyeu? Je ne leur ai pourtant dit que je me débrouillerais pour revenir. Sophie débarque de moi. Je monte au rez-de-chaussée où m’attendent mes deux parents.
« Quessé qu’vous faites là? »
Ma mère me répond:
« C’parce qu’on y a pensé, ton père pis moi, pis on s’est dit qu’il valait mieux venir te chercher plutôt que tu prennes le risque de te faire reconduire par un gars pendant qu’il est chaud. »
« Ben voyons! J’ai de l’argent pour prendre l’autobus. »
« Ben là, fallait le dire! Ben coudonc, puisqu’on est déjà là, on se sera pas déplacés pour rien. Enwèye, déguidine!«
Ils ne me laissent pas le choix. Sur le chemin du retour, boudant sur le siège arrière du Buick Apollo 1974 de mon père, je suis frustré contre eux pour cette soirée qui se termine en queue de poisson. Non mais c’est vrai, quoi, 21h50, c’est beaucoup trop tôt pour partir d’un party. Surtout que ça ne m’a jamais laissé le temps d’oser faire quoi que ce soit avec Sophie. En attendant, au sujet de cette dernière, je ne sais pas si j’ai bien agi, je ne sais pas si j’ai mal agi. Tout ce que je sais, c’est que je brûle d’envie de la revoir et ainsi de nous donner une seconde chance.
Je revois enfin Sophie lors d’un autre party de fin avril, celui-là donné à la résidence de la copine à Bruno et de sa jumelle. Cette fois-ci, je n’ai absolument pas besoin de mes parents pour y aller car elles habitent à Beloeil, pratiquement en face de chez moi, de l’autre côté de la rivière Richelieu.
Le père des jumelles est médecin, aussi il a une sacrément grosse maison avec piscine intérieure. Et contrairement à chez Bruno, le sous-sol est grand, haut et terminé, et le système de son quadraphonique rivalise avec la grosse TV moderne à écran géant. Une vingtaine de jeunes dansent et sautent en l’air tandis que sur l’écran y’a David Lee Roth de Van Halen qui gueule JUMP!
Je repère rapidement Sophie et vais lui faire la conversation. Mes yeux parcourent ses jambes durant Legs de ZZ Top. Lorsque commence à jouer Careless Whispers du duo Wham, je m’en empare et l’entraîne sur la piste de danse. Bien qu’elle reste amicale, je sens que quelque chose ne va plus. Elle semble un peu plus froide. Un peu plus distante. D’ailleurs, elle ne me serre pas contre elle comme l’autre fois. Au slow suivant, elle me quitte rapidement et va se jeter dans les bras de Pierre. La musique est trop forte pour que je puisse entendre ce qu’elle lui dit, mais Bruno me rapportera plus tard ses paroles qui furent:
« Danse avec moi! J’veux pas rester pris avec lui toute la soirée. »
Je passe le reste de la soirée à m’emmerder tout seul dans mon coin parce que d’autres gars arrivent mais aucune nouvelle fille. Même si j’essaye bien fort de me faire accroire le contraire, je sais trop bien qu’avec ce dont j’ai l’air, tant que les filles ne sont pas en avantage numérique, je n’ai aucune chance de m’en accrocher une autre.
Plus tard dans la soirée en remontant au rez-de-chaussée dans le but d’aller aux toilettes, je passe devant l’entrée du salon. J’ai la surprise d’y apercevoir Sophie et Pierre sur le fauteuil, en train de s’enlacer, s’embrasser et se faire des attouchements sous les vêtements. Extrêmement surpris de l’attitude de Sophie, je pense:
« Mais…!? LA SALOPE! »
C’est la frustration qui m’étouffe, et ce beaucoup plus que la jalousie. Si Sophie ne m’avait pas lancé des signaux contradictoires en me mettant les mains sur ses seins, tout en affirmant simultanément qu’elle n’aime pas les gars vite en affaire, alors ce qu’elle fait avec Pierre en ce moment, ça aurait pu être avec moi il y a deux semaines. Cette constatation me fait l’effet d’un laxatif industriel concentré.
De toute façon, ça ne change rien au fait que mes parents ont décidé de ne pas tenir compte du fait que j’avais pris la peine de leur préciser que j’allais revenir à la maison par mes propres moyens. Je n’aurais donc pas tellement eu le temps de me rendre jusque-là avec elle. Je ne suis allé qu’à deux partys dans ma vie (trois si on compte celui-ci), et les deux fois ils sont venus me chercher contre mon gré, interrompant mon rapprochement avec une fille, me rendant ridicule aux yeux de mes amis. À un âge où on commence à s’affirmer en tant qu’individu indépendant, ça faisait bien rire les autres, de me voir ainsi encore materné par pôpa-môman. Et ce que je vois dans ce party, le 3e de ma vie, ne fait rien pour calmer mes frustrations.
Je n’ai plus eu l’occasion de revoir Sophie par la suite. Je ne le savais pas encore à l’époque, mais il n’y a rien de plus instable que les relations entre adolescents. Les amitiés, les couples, les bandes d’amis, tout ça évolue et change à une vitesse folle, et j’allais vivre bien d’autres émois avec bien d’autres gens avant que mon secondaire ne soit fini. Et aussi d’autres frustrations nées de l’intervention de mes parents dans mes tentatives de vie sociale et amoureuses, mais ça sera un sujet pour une autre fois.
Ce qui est amusant lorsque j’y repense aujourd’hui, c’est de constater que cette expérience entre parfaitement dans ma série Comment le fait d’être un bon gars a ruiné ma vie amoureuse, sociale et sexuelle. En fait, elle précède de quatre ans la première partie dans lequel j’explique le fait que les soi-disant bons gars ont tellement peur de mal paraitre en brusquant les filles qu’ils sont trop à leur écoute, trop respectueux du moindre signe de leurs limites. J’avais hélas trop peu d’expérience à l’époque pour savoir que l’on n’a plus besoin de s’accrocher à un NON qu’elle aurait dit dans le passé, si maintenant ses gestes et paroles disaient maintenant clairement un OUI.
Pourquoi aller vers l’incompatibilité?
Je parle souvent de gens qui ont de la difficulté dans leurs relations interpersonnelles. Plusieurs facteurs peuvent causer ces problèmes. L’un d’eux est trop souvent le fait qu’ils insistent pour entretenir des relations amicales et amoureuses avec des gens avec qui ils sont très clairement incompatibles. Laissez-moi vous raconter une expérience personnelle qui remonte à l’automne 2003, et dont le dénouement va probablement vous surprendre.
J’avais alors 35 ans. J’étais allé à un petit party entre amis. Par petit, je parle ici d’environs dix personnes. Parmi les invités, il y avait cette fille de 19 ans. Elle venait de terminer le cégep et commençait l’université. Ses sujets favoris étaient le cinéma classique, la littérature et la philosophie. Elle était belle, grande, mince, portait plusieurs couches de vêtements longs et ajustés avec un foulard au cou. Elle avait de beaux grands yeux bleus et de courts cheveux blonds avec une longue mèche rose qui lui passait en diagonale sur le front. Juste par son regard et sa façon de se tenir, elle dégageait une aura qui exprimait un aplomb, une certaine classe et un inébranlable sentiment de confiance en soi. On voyait que c’était le genre de fille qui a une personnalité forte, qui sait s’exprimer et qui n’hésite jamais à le faire. Le genre que, quand tu la regardes, il te vient généralement un mot en tête: Snob!
Sur ce dernier point, je faisais probablement erreur. La preuve : C’est elle qui est venue me parler. Quoique… c’est peut-être justement le fait qu’elle est venue me parler à moi plutôt qu’aux gars de son âge présent au party qui démontrait son snobisme. Après tout, j’étais de 16 ans son ainé, cinéaste amateur, dessinateur et auteur régulièrement publié. Et même si ce n’était que dans Summum et Safarir, j’étais quelqu’un qui vit de son art. Chez les étudiants-artistes, ça inspire une certaine crédibilité. Mais bon, là n’est pas le sujet du billet.
Elle vient donc briser la glace en me demandant depuis combien de temps je connaissais les hôtes du party et dans quelles circonstances je les avait rencontrés. Je lui raconte que c’était à la première d’un film au Cinéma du Parc, lors de la réception post-projection. Je lui parle de mes propres expériences dans ces domaines: Films underground au New Jersey, acting et scénarisation, et le fait que j’étais moi-même auteur. Elle me dit qu’elle sait que je travaille pour Safarir. Je suppose que ce sont nos amis communs qui le lui ont dit. Et c’est là qu’elle commence à me donner son avis au sujet du Safarir d’octobre 2002, un spécial Halloween avec Ozzy Osbourne en couverture, qui se trouve à être le numéro dans lequel j’ai écrit et/ou réalisé le plus de pages durant mes sept ans à leur emploi.
Depuis le temps, je ne me souviens plus trop en détail de ce qu’elle m’a dit ce soir-là. Ce dont je me rappelle cependant, c’est que tous ses commentaires avaient une chose en commun : Aucun n’était positif. Et chaque commentaire venait avec une longue explication du comment et du pourquoi que mes écrits suçaient des bites de cheval. J’étais malgré tout très ouvert à ses commentaires. Mes réponses le montraient bien. Elles étaient toutes dites avec calme et politesse, et allaient dans le style de :
- Vraiment ?
- Hum, c’est possible.
- Tiens!? C’est pourtant vrai!
- Ah, ben tu vois, au départ, la seule vision que j’avais de la chose, c’était que…
- Je n’avais pas vu ça sous cet angle-là. Ça se tient!
Je ne faisais pas que répondre. J’alimentais la conversation. Au bout d’une heure à discuter ainsi, son visage originalement sévère se détend et elle me sourit de plus en plus. Elle me confesse qu’elle me trouve désarmant. En fait, elle est agréablement surprise. Elle se serait attendue à l’une de ces trois réactions de ma part :
- Que je sois sur la défensive en me sentant personnellement attaqué.
- Que je sois renfermé en disant Ben oui, ben oui!, sans pour autant lui accorder de la crédibilité.
- Que je sois sur la justificative, c’est à dire me justifier contre tous les points qu’elle apportait au lieu d’y voir de la pertinence.
Je lui explique donc que j’ai réalisé il y a longtemps que quand j’ai une idée très claire en tête et que je la traduis en texte, il m’est difficile de voir si cette idée est aussi claire pour ceux qui en prennent connaissance pour la première fois en le lisant. Et c’est la raison pour laquelle je suis ouvert aux commentaires, quels qu’ils soient. Parce que si le lecteur n’a pas compris mon message, je considère que ce n’est pas le lecteur qui est cave, mais plutôt que c’est moi qui n’a pas été capable de m’exprimer clairement. Ça signifie que je n’ai pas fait mon travail correctement. Et ça, je n’arriverai jamais à l’améliorer si je n’écoute pas ce que les autres ont à en dire. Elle m’a trouvé admirable d’être aussi ouvert d’esprit.
Au fil de la soirée, nous avons été quelquefois interrompus et séparés lorsque d’autres personnes sont venues nous faire la conversation. Puis, quand vint le temps pour elle de partir, l’un des gars présent lui a demandé son adresse courriel Hotmail / MSN. (En 2003 il n’y avait ni Facebook ni Skype ni texto via cellulaire.) Elle le lui a écrit sur un bout de papier. Puis, se tournant vers moi, papier et crayon à la main, elle me demande :
« Le veux-tu? »
« Non! »
À ma réponse, elle a littéralement figé sous la surprise. Que dis-je ; sous le choc! Je suppose que jamais un gars ne lui avait dit non avant. Et elle devait s’en attendre encore moins de la part d’un homme qui a passé la soirée à se montrer ouvert à sa vision des choses.
Or, l’ouverture d’esprit n’exclut pas la capacité de faire la différence entre un commentaire constructif et une critique sans pertinence. D’accord, ses arguments ne manquaient pas d’une certaine logique qui apportait une justification à ses points. Le problème, c’est que cette justification se basait sur la conviction que son opinion personnelle était le reflet de l’opinion de la population universelle. Ou plus clairement : Il ne lui est jamais venu en tête que des textes et des bandes dessinées traitant de sujets actuels et populaires chez les adolescents ne s’adressaient pas nécessairement à une universitaire de 19 ans fervente de cinéma vintage, de littérature classique et de philosophie. Elle n’a jamais compris que Safarir s’adressait à ses lecteurs et non à ses propres auteurs, donc que ce serait idiot que moi, un homme cultivé dans la mi-trentaine, j’aille y traiter de sujets ne pouvant plaire qu’aux hommes cultivés dans la mi-trentaine. Elle avait pourtant l’intelligence et la logique requise pour s’en rendre compte. Hélas, son premier réflexe a plutôt été d’utiliser son intelligence et sa logique afin de déprécier mon travail plutôt que de le mettre en contexte. Juste sur ce point, ça en dit long sur sa personnalité. Et ça n’en dit rien de bon.
J’ai appris il y a longtemps que des personnes de ce genre-là, tu ne peux rien leur apprendre. Autant ils prétendent que tous ceux qui refusent de les écouter font preuve de mauvaise foi, autant ils refusent de reconnaître qu’ils puissent être eux-mêmes dans l’erreur. Ça fait ses premiers pas dans l’âge adulte et ça croit avoir tout vu, tout vécu, et ça se pense imprégné de sagesse infaillible. Voilà pourquoi, au lieu de perdre mon temps à lui expliquer les points du paragraphe précédent, points qui auraient dû lui être évidents si elle avait eu la sagesse qu’elle prétendait détenir, j’ai préféré ne pas m’obstiner, ne pas la frustrer, et ainsi ne pas apporter une mauvaise ambiance dans le party. Mais de là à vouloir garder le contact au-delà de cette soirée, la marge est large. Voilà pourquoi j’ai décliné son offre.
Après 2-3 secondes de silence dans lequel elle me regarde avec de grands yeux incrédules démontrant qu’elle n’arrive pas à comprendre ce qui se passe, elle me dit :
« Sérieux? »
« Ben là, r’garde… T’as passé la soirée à m’expliquer pourquoi tu n’aimes rien de ce que je fais. Pourquoi est-ce que tu voudrais garder le contact avec un gars comme ça? »
« J’t’ai-tu frustré? »
« Non! Chuis pas fâché, j’t’haïs pas, j’ai rien contre toi. C’est juste qu’on ne vit pas dans le même monde, toi et moi. Je ne dis pas que l’un de nos monde est meilleur ou pire que l’autre. Je dis juste qu’on n’a rien en commun, voilà tout. »
Plus haut dans ce texte, je disais que vous alliez être surpris du dénouement de cette anecdote. Vous vous attendiez probablement à ce que je vous raconte que j’avais dit oui, et que j’avais ensuite vécu une relation misérable avec elle par la suite. Eh bien non! Parce que je n’ai pas eu besoin de la vivre, cette relation, pour savoir que ça allait s’enligner dans cette voie. C’était l’évidence-même. Parlant d’évidence: Sérieux là, tu ne peux pas passer la soirée à démolir tout ce que fait un gars et t’attendre ensuite à ce qu’il en redemande. À moins que le gars soit désespéré. Dans ce temps là, il peut être motivé à garder le contact parce que…
A) Il n’a pas d’amis. C’est pas mon cas, j’en ai. Ce sont ou bien des amis avec qui j’ai plein de points en commun, ou bien des amis totalement différents de moi mais avec qui il y a un respect mutuel, et ce même si nos points de vues divergent sur certains sujets.
B) Il n’a pas de blonde. J’ai ai déjà une. Et même si j’étais célibataire, jamais je n’irais vers le genre de fille qui passe sa première rencontre avec moi à se donner comme mission de prouver systématiquement mon inaptitude.
C) Il n’a pas de vie sexuelle. J’ai ai une. Et même si elle s’était limités à des séances de pilotage manuel, une fille qui exprime clairement qu’elle n’aime rien de ce que je fais, personnellement je ne vois rien de bandant là-dedans.
Alors pourquoi est-ce que j’irais m’accrocher à quelqu’un avec qui je suis clairement incompatible? Pourquoi est-ce que je voudrais me soumettre à une relation qui ne s’enlignait à n’être rien d’autre qu’abusive. Une relation dans laquelle elle n’aurait jamais été satisfaite. Une relation dans lequel elle aurait sans cesse tenté de détruire tout ce qui me constituait afin de le remplacer par des choses qui n’auraient pas été moi.
Il n’y a pas qu’en amour que s’applique le proverbe mieux vaut être seul que mal accompagné. Personne n’a besoin d’une relation de ce genre-là dans sa vie. Ni en amitié, ni en amour.
Le potentiel de violence domestique des conflictuodépendants
L’an dernier, j’ai posté ici ce que j’appelle Le Questionnaire Landru, qui est une liste de trente comportements servant à déterminer si vous êtes en couple avec une personne vous faisant subir manipulation et violence domestique. C’est en allant le relire aujourd’hui que j’ai constaté quelque chose qui m’avait d’abord échappé: Plus de la moitié des situations de ce questionnaire décrivent avec précision ce que j’ai déjà observé/vécu/subi de la part des gens conflictuodépendants que j’ai connu.
Voici donc ces seize comportements, qui les a eu, à quelle occasion, exemples et liens à l’appui si ça s’applique.
Votre conjoint(e) vous discrédite-t-il/elle au sujet de questions qui vous sont chères ou qui touchent votre identité? (travail, enfants, habillement, loisirs, etc.)
Mon père s’en prend sans cesse à mon choix de carrière, affirmant que ça prouve que je ne suis qu’un paresseux qui ne fera jamais rien de sa vie.
Geneviève, dès notre premier jour en couple: Mes verres de contacts prouvent que je n’ai pas de cerveau, mon resto favori que je n’ai pas de goût, ma cuisine que je suis sans talent…
Dominique affirme que mon choix de repas au resto fait de moi un quétaine, mes études un loser, mon choix de cégep un cave, mon sexe un violeur potentiel...
Tamara me discrédite pour mon identité sexuelle, comme quoi mon hétérosexualité fais de moi un être à l’esprit fermé plein de préjugés.
Maryse, pour le nombre incalculable de fois en quatre ans où elle a sous-entendu sinon carrément affirmé que ma tendance à me sentir blessé de ses insultes fait de moi un susceptible, un frustré, un misogyne…
Votre conjoint(e) vous a-t-il/elle déjà frappé, tenté ou menacé de le faire avec ou sans objet contondant?
Mon père et Geneviève m’en ont menacés, et l’ont fait.
Vos conversations avec votre conjoint(e) sont-elles laborieuses, insatisfaisantes et stériles?
Si c’est dans le sens où on perd son temps à discuter avec quelqu’un qui a décidé de rester fermement sur ses positions négatives, alors:
Mon père: Lui dire que je travaille et gagne de l’argent n’a servi à rien. Il a continué de m’accuser d’être un paresseux sans emploi qui se fait vivre par les autres.
Geneviève: Tenter de lui demander pourquoi elle agissait ainsi n’a mené à rien. Elle a continué de me descendre sans jamais s’expliquer autrement qu’en disant que je le méritais.
Dominique: Peu importe ce que je lui explique au sujet de mes études, elle trouve toujours le moyen de tordre la chose pour en faire une preuve de mon loserisme.
Tamara: Peu importe comment je lui expliquais en quoi j’étais sécure et affirmatif de mon hétérosexualité, elle continuait d’affirmer que j’étais un bisexuel en déni pour cause d’esprit fermé.
Maryse: Tenter de discuter avec elle de son comportement désagréable n’a mené à rien. Elle l’a nié, m’en a responsabilisé et l’a continué.
Votre conjoint(e) vous pose-t-il/elle des questions sans vous laisser le loisir d’y répondre, sans s’intéresser à votre réponse, ou sans en tenir compte?
Il n’y a qu’à voir l’exemple précédent pour comprendre qu’en effet ils refusaient de tenir compte de ce que je disais.
Avez-vous l’impression qu’avec votre conjoint(e), vous n’avez jamais raison?
Ce n’est pas qu’une impression.
Mon père a démontré que j’ai tort de laisser la télé allumée sans lui demander, que j’ai tort de l’éteindre sans lui demander, et que j’ai tort de lui demander si je dois la laisser allumée ou bien l’éteindre.
Geneviève a passé l’heure de notre diner à me multiplier les raisons pourquoi j’avais tort d’aimer ce resto.
Dominique a démontré que j’avais tort d’être allé au Cégep du Vieux Montréal, pour ensuite dire que j’avais tort de ne pas y être allé.
Tamara a passé une partie du voyage en auto à enligner les raisons comme quoi j’avais tort de m’affirmer hétéro.
Maryse s’est acharné pendant une heure et douze minutes à tenter de prouver que j’avais tort d’utiliser « Face de cadavre à la Tim Burton » pour décrire le maquillage d’Halloween de quelques amies.
Votre conjoint(e) vous reproche-t-il/elle de vous plaindre de lui auprès de tiers? Vous rapporte-t-il/elle des propos défavorables d’autrui à votre endroit?
Mon père nous faisait subir une colère noire dès qu’il apprenait que ma mère ou moi avions parlé à quiconque de ce qu’il nous faisait subir.
Geneviève a fait les deux. Et elle m’a rapporté des propos défavorables et surtout faux de la part de Kathleen à mon endroit.
Puis, lors de la soirée retrouvailles des anciens du cégep, elle s’est plaint à Lucien que j’avais écrit sur ma première page web un texte décrivant ses agissements datant de lorsque nous étions colocs.
Maryse dénonce actuellement que je reproduis nos disputes ici malgré le fait que je lui donne l’anonymat et que je change les situations assez pour qu’elle ne puisse être reconnue. Ironie; ce sont ces mêmes disputes qu’elle n’avait pourtant aucun problème à déclencher elle-même publiquement sur Facebook sous nos vrais noms. Et que dire de nos conversations privées, qu’elle allait ensuite étaler elle-même auprès de nos amis.
Votre conjoint(e) entretient-il/elle directement ou indirectement des menaces […] qu’il/elle pourrait vous discréditer auprès de votre famille, vos enfants, votre employeur, vos amis, votre thérapeute?
Ils ne l’ont pas formulé sous forme de menaces, ils l’ont fait.
Mon père, en me discréditant auprès de ma mère.
Geneviève, en me discréditant auprès de nos amis communs.
Tamara, en me discréditant auprès de mon amante.
Maryse, en me discréditant auprès de nos amis communs.
Avez-vous l’impression qu’une crise menace d’éclater, que vous pourriez, sans le savoir, dire ou faire quelque-chose qui pourrait provoquer une crise, ou que votre vie est une suite de crises?
Ce n’est pas qu’une impression. Ce fut le cas maintes fois.
Mon père, alors que je lui demande s’il veut ou non que je laisse la télé allumée, afin d’éviter de faire une erreur sans le savoir. Peine perdue, le simple fait de le lui demander a provoqué une crise.
Geneviève: Notre première journée en tant que couple était en elle-même une suite de crises.
Dominique: Il est arrivé un moment où je ne savais plus quoi dire. J’ai donc passé le reste du repas à juste acquiescer poliment.
Tamara: Au milieu de ce chapitre, je décris la longue suite de crises qui se sont succedées par effet domino durant les trois jours de ce weekend, gâchant celui-ci du début à la fin.
Maryse, alors que j’ai passé une heure et douze minutes à choisir précautionneusement mes mots afin d’éviter qu’elle m’insulte de ses commentaires rabaissants. Peine perdue, elle a quand même trouvé le moyen de le faire.
Votre conjoint(e) a-t-il/elle l’habitude de quitter ou de menacer de quitter la pièce au moment où vous tentez d’avoir une conversation avec lui?
Mon père, alors que j’étais en train de lui étaler l’injustice et l’hypocrisie de son comportement au sujet de la télé, est sorti de la maison.
Geneviève, dès qu’elle n’avait plus le choix de reconnaitre que c’était elle et non moi qui était coupable de ce dont elle m’accusait, a couru s’enfermer dans sa chambre en hurlant.
Tamara, qui conduisait l’auto en pleine autoroute, ne pouvait pas fuir physiquement lorsque je lui ai fait comprendre que contrairement à ce qu’elle affirmait, c’était elle et non moi qui faisait preuve d’étroitesse d’esprit. Elle a donc mis la musique à tue-tête afin d’empêcher la discussion de continuer.
Maryse, a quitté la conversation plutôt que de reconnaitre ses mensonges dans la conversation privée, et a fui la discussion publique plutôt que de reconnaitre ses torts.
Bref, ils ont tous appliqué la 8e des dix étapes de la conflictuodépendanse: Fuir le conflit qu’ils ont eux-même causé.
Est-ce que vos conversations aboutissent souvent en dispute?
Ça dépend. Avec Tamara et Maryse, j’avais le choix entre me laisser rabaisser sans rien dire afin de garder la paix, ou bien me défendre et ainsi créer la dispute. Avec mon père et Geneviève, par contre, ça aboutissait en dispute même quand je ne répliquais pas. Quant à Dominique, de la façon aussi insultante que brusque qu’elle me répondait, si j’avais répliqué au lieu de garder le silence, ça aurait viré en dispute.
Est-ce que votre conjoint(e) vous « fait la leçon? »
Mon père me faisait la leçon comme quoi j’étais un futur assisté social.
Geneviève me faisait la leçon comme quoi j’avais mauvais goût.
Dominique m’a fait la leçon comme quoi je n’ai rien pour impressionner personne
Tamara me faisait la leçon comme quoi je n’avais pas le droit de m’affirmer hétéro.
Maryse m’a fait la leçon sur la définition de visage de cadavre a la Tim Burton.
Est-ce que votre conjoint(e) vous insulte?
Mon père me qualifie de BS, de paresseux.
Geneviève: Pas de tête, pas de goût, frustré, misogyne, attardé, malade mental…
Dominique dit que je suis quétaine, loser, fif, cave, idiot, BS, violeur potentiel…
Tamara dit que j’ai l’esprit fermé.
Maryse me qualifie aussi bien directement qu’en sous-entendus de susceptible, frustré, méchant, pas bien dans sa tête, misogyne…
Avez-vous l’impression qu’avec votre conjoint(e), il y a de nombreux sujets qu’il vaut mieux ne pas aborder?
De nombreux sujets? Je dirais plutôt TOUS les sujets. Dans leur désir de rabaisser autrui, n’importe quel sujet était prétexte à la médisance, l’insulte et à la dispute:
Mon père: Que la télé soit allumée ou éteinte.
Geneviève: Porter des verres de contact, acheter des tomates,
Dominique: Manger un club sandwich, avoir étudié en Lettres, être allé au Cégep du Vieux Montréal, NE PAS être allé au Cégep du Vieux Montréal…
Tamara: Être hétérosexuel.
Maryse: Dire « Tim Burton ».
Votre conjoint(e) refuse-t-il/t-elle de respecter votre volonté quand vous demandez de mettre fin à une conversation qui ne mène nulle-part?
Mon père: Je n’avais pas encore la cran de lui demander clairement de cesser. Cependant, les réponses que je donnais à chacune de ses questions auraient dû terminer la conversation là.
Geneviève: Si on remplace conversation par harcèlement et voies de faits non-stop qui durent plus d’un quart d’heure afin de s’emparer de mon courrier personnel qui ne la concernait en rien malgré toutes mes demandes pour qu’elle arrête.
Dominique: J’ai fait quelques tentatives de détourner la conversation vers elle, histoire qu’elle me lâche un peu. Rien à faire.
Tamara: Tout comme avec mon père, je ne lui ai pas demandé directement de cesser. Mais chaque réponse que je lui donnait au sujet de mes raisons d’affirmer mon hétérosexualité aurait dû être suffisante pour régler la question.
Maryse relance sans cesse la conversation privée à chaque fois que je tente d’en finir. (Pour ensuite m’accuser d’être celui qui en rajoute, of course.)
Votre conjoint(e) vous accuse-t-il/elle injustement d’avoir des comportements que vous n’avez pas, d’avoir des défauts que vous ne reconnaissez pas, d’avoir des intentions que vous n’avez pas?
Mon père m’accuse d’être un BS, ce qui est faux dans mon cas et vrai dans le sien.
Geneviève m’accuse d’avoir des troubles mentaux, ce qui est faux dans mon cas et vrai dans le sien.
Tamara m’accuse d’avoir l’esprit fermé, ce qui est faux dans mon cas et vrai dans le sien.
Dominique: M’accuse de vouloir la baiser, ce qui est faux dans mon cas et vrai dans le sien.
Maryse: M’accuse de chercher à la descendre pour me sentir supérieur, ce qui est faux dans mon cas et vrai dans le sien.
Avez-vous l’impression qu’au moment de prendre une décision (le choix des activités de vacances, l’aménagement de la maison, le menu d’un repas,) votre suggestion ne vaut que si elle convient à votre conjoint(e) et que la réciproque ne vaut pas?
Je n’en avais jamais parlé en ligne avant de celle-là, mais lors de mon anniversaire en juillet 2013 alors que j’exposais à mes invités les activités que je nous avais planifiées pour la journée, Maryse m’a fait tout annuler afin que nous puissions tous aller à un concert qu’elle voulait assister.
Si vous avez coché quatre situations ou plus, alors vous êtes victime de violence domestique. Vous devriez considérer la possibilité d’obtenir de l’aide, ou du moins de quitter cette personne abusive.
Quatre, vous dites?
Mon père: 15 situations.
Geneviève: 15 situations.
Dominique: 11 situations. En une seule rencontre.
Tamara: 13 situations.
Maryse: 15 situations.
Même si on en enlève la moitié en prétendant que j’exagère, ça dépasse tout de même largement la limite de quatre. Ça démontre de manière incontestable qu’il y a un lien étroit entre la personnalité conflictuodépendante et le tempérament abusif. Que cette personne soit notre conjointe ou non, ça ne change rien au fait qu’il vaut mieux s’en tenir très loin.
J’ai déjà entendu un argument comme quoi il est possible que ce genre de personne n’agirait pas ainsi avec celui/celle qu’elle aime. À ça je répond: Attendez seulement qu’arrivent les premières disputes inévitables dans le couple. Vous verrez que dans une situation de conflits, il n’y a pas de naturel qui revient plus vite au galop que celui des gens conflictuodépendants.