J’ai déjà raconté dans un billet précédent comment Karine et moi avons vécu notre rupture dans l’harmonie et la collaboration après une relation de couple de douze ans et demi. À l’époque, elle m’avait dit un truc que je ne savais pas trop comment prendre. Je ne me souviens plus des mots exacts, mais en gros elle disait que si elle a accepté de sortir avec moi dans le temps, c’est parce qu’elle n’avait pas vraiment le choix. Je ne l’ai pas interrompue pour lui demander de clarifier sa pensée, puisqu’elle était en train de m’expliquer autre chose. Mais je trouvais ça étrange puisque je n’ai jamais été le genre de gars à essayer de conquérir par imposition et insistance.
Puis, j’ai compris ce qu’elle voulait dire. Selon ce qu’elle m’avait déjà raconté de sa vie d’avant moi, les gars de son entourage se divisaient en trois catégories:
- Ceux de la famille.
- Les bullies qui lui faisaient subir intimidation et violence.
- Les amis homosexuels et/ou déjà casés.
J’étais donc, à ses 20 ans, le premier garçon à s’intéresser à elle de manière romantique. Et puisqu’elle n’avait encore jamais vécu ça, elle n’avait pas de point de repère pour savoir si elle-même était vraiment attirée par moi ou bien juste flattée de cette attention. Dans de telles conditions, je comprends ce qu’elle voulait dire par « Pas le choix! »
Comprendre ceci ne m’a pas insulté. En fait, j’ai trouvé la chose fascinante car ça m’a permis de constater quelque chose à mon propre sujet. En repensant à la majorité de mes relations passées, j’ai vu que j’avais trop souvent eu tendance à m’en aller vers des filles qui n’avaient pas le choix, pour reprendre son expression. Remarquez que c’est normal dans mon cas. Avec le physique que j’avais à l’adolescence et au début de la vingtaine, il était évident que jamais je n’aurais fini avec la fille qui l’avait, le choix.
Évidemment, ce n’était pas conscient. Je ne regardais pas les fille en les analysant. Je n’arrivais pas à la conclusion que celle-ci ou celle-là était plus désespérée qu’une autre, donc que c’était avec elles que j’avais mes meilleures chances. Tout ceci n’était percu qu’au niveau du subconscient. Voilà pourquoi, sans en comprendre les raisons, j’étais toujours porté à aller vers les handicapées, les laides, les désagréables, les haineuses, les mises-de-côté, les victimes, les sous-estimées, les connes… Ou, comme dans le cas de Karine, celles que les gars percevaient bien plus comme une petite soeur que comme une romance potentielle. Bref, celles qui n’avaient pas le choix. C’était ou bien moi, ou bien le célibat.
Voilà pourquoi je trouvais particulièrement insultantes celles qui préféraient une vie de célibat qu’une relation avec moi.
Les dangers de choisir n’importe qui.
Constater ceci m’a également permis de comprendre pourquoi la majorité de mes relations pré-Karine étaient catastrophiques: Ces filles avaient beau se résigner à sortir avec moi, je n’étais pas leur idéal pour autant. Il y a fort à parier que plusieurs d’entre elles me regardaient avec ressentiment. Normal; j’étais le symbole de leur échec à avoir une relation avec le genre de gars qui leurs plaisaient vraiment. Rien de surprenant alors qu’elles me cherchaient souvent querelle pour des broutilles, qu’elles me faisaient la gueule sans raison, qu’elles ne semblaient jamais satisfaites ni heureuses, malgré le fait qu’elles n’avaient majoritairement rien de pertinent à me reprocher. Et je ne cacherai pas que ça m’est arrivé moi-même d’agir ainsi en regardant le physique et/ou la personnalité de l’une ou l’autre de mes ex pendant que j’étais avec.
Ma série de billets Geneviève la Coloc de l’Enfer donne un bon exemple de ce comportement. Lorsque je l’ai rencontrée, elle se plaignait d’être abusée et peu attirante. Un soir, alors que nous partageons le même lit en ami, elle m’offre sa virginité. C’est que, n’ayant jamais eu de relation amicale avec un autre gars avant, elle confond ma gentillesse et mon amitié pour du désir. En pensant que j’étais le seul homme sur terre à m’intéresser à elle, elle croyait qu’elle n’avait pas le choix. Or, non seulement elle se rend vite compte de son erreur, je ne représente en rien son idéal masculin. Aussi, dès le lendemain matin et pour le reste de notre relation, son comportement avec moi fait un 180 degré. De gentille et amicale, elle devient insultante et méprisante, et ce en permanence. D’une façon comme d’une autre, elle ne se sentait pas bien dans cette relation. Cette situation la frustrait, alors elle s’en défoulait sur moi qui était, à ses yeux, le symbole vivant de son loserisme en amour.
Mais parfois, le hasard fait bien les choses.
Je crois que la raison pourquoi ça n’a jamais été l’enfer entre Karine et moi, c’est que nous étions tous deux artistes, dessinateurs, auteurs de bande dessinées. C’était la première avec qui j’avais autant en commun. Ceci nous a permis de vivre en harmonie pendant longtemps. Hélas, ça ne changeait rien au fait que notre relation ne se basait pas sur une attirance naturelle et mutuelle. Voilà pourquoi, lorsqu’elle a fini par rencontrer celui avec qui elle était compatible, elle a été la première surprise de voir qu’elle pouvait tomber en amour avec un gars alors qu’elle était en couple stable avec un autre. Mais voilà, cette fois, elle avait le choix. Elle a choisi.
Certains bien-pensants vont dire que le genre de relation que nous avons eue ensemble n’aurait pas dû exister. Personnellement, je suis en désaccord avec cette théorie. Je sais, pour l’avoir autant observé que vécu, qu’en amour comme partout ailleurs, il est important de prendre de l’expérience. C’est quelque chose que je disais déjà il y a cinq ans dans le texte Autopsie du Loser:
Le Loser n’est pas forcément un être désespéré. Parfois, il est capable d’attendre La Bonne. Tandis que ses amis vont d’une relation à l’autre et vivent toute une gamme d’émotions, ont du plaisir, des loisirs et de la baise, le Loser ne sort jamais avec personne. Il a une idée très précise sur son idéal féminin et il s’est juré que tant et aussi longtemps qu’il ne l’aura pas rencontré, il se gardera pur pour elle. S’il finit par la trouver, et que par miracle elle accepte de sortir avec, (souvent après avoir été poursuivie des années par le Loser) leur relation sera de courte durée. Normal: Un gars qui n’a jamais eu de relation amoureuse ou sexuelle, ça n’a aucune expérience du comportement amoureux et sexuel. Ça fait que même si elle est son idéal féminin, en revanche il est loin d’être son idéal masculin.
Presque deux ans après que Karine ait rencontré l’homme de sa vie, je rencontrais moi-même mon idéal féminin. Et elle, qui avait déjà un amant lorsque l’on s’est rencontrés, elle l’avait, le choix. Elle m’a choisi.
Je sais bien que dans un monde idéal, on se garderait pur pour la personne qui nous est destinée. Or, nous ne vivons pas dans un monde idéal. Et bien que ma relation avec Karine n’en était pas une d’amour pur et passionné, ni elle ni moi ne pouvons sincèrement dire que nos douze ans et demi ensembles étaient une perte de temps. Bien au contraire, ces années passées ensemble nous ont apprises les bases de la vie à deux, ce qui nous permet aujourd’hui de vivre en harmonie, elle avec son fiancé, et moi avec la mienne.
Il y a des relations de couple que je regrette d’avoir eue dans le passé. Celle-là n’en fait pas partie. Nous n’avons peut-être jamais été en amour, mais ça ne nous a jamais empêchés de s’aimer.