Les dommages collatéraux de l’auto-importance démesurée (2e partie)

Je travaille sur l’horaire de soir, c’est à dire de 14 :00 à 22 :00. Allen, lui, qui travaille de jour, part généralement vers 16 :00. Comme d’habitude, en rentrant au Dunkin, je trouve mon ordre de travail du jour sur ma table. Sur celui-ci se trouve la liste des pâtisseries que j’aurai à faire, et en quelle quantité. Mon attention est attirée sur la colonne des brioches, en particulier celle au citron. Je sais qu’il ne reste plus de gélatine au citron depuis la veille. Or, Allen me demande de lui en faire cinq.  Puisqu’il est en avant, à donner quelques instructions à la caissière. Je prends donc ma feuille et je vais le rejoindre afin de lui signaler l’erreur.

MOI : S’cuse, c’t’au sujet des brioches, je…

Sans même se retourner, Allen me répond sur un ton brusque et sec.

ALLEN : La feuille est claire, y’a rien à discuter, fais ta job!

Je me doutais bien qu’il pouvait être encore quelque peu frustré de la façon dont je l’ai humilié la veille.  N’empêche que je ne m’attendais pas à une réponse aussi brusque. Sous le choc, je vire de bord sans mot dire et retourne dans la cuisine.

En posant ma feuille sur ma table de travail, je repasse dans ma tête la scène qui vient de se produire. Sa façon de me parler m’a choqué, voire insulté. Je considère qu’il n’avait pas à me parler de la sorte. C’est un manque flagrant de politesse. Ce qui me console, c’est qu’au moins, quand demain le patron se demandera pourquoi il n’y a pas de brioche au citron, je pourrai lui dire que c’est Allen qui n’a pas vérifié s’il restait de la gelée de citron avant de m’écrire d’en faire. Et je me ferai un plaisir de lui répéter les paroles exactes d’Allen lorsque je lui dirai que j’ai essayé d’aller lui en parler.

Mon bel espoir de vengeance passive-agressive s’effrite en moins de dix minutes, alors que je vois des livreurs entrer avec quelques boites de produits congelés et réfrigérés : De la pâte à biscuits, de la garniture aux fruits pour les beignes fourrés… et de la gelée de citron pour les brioches.  Allen entre dans la cuisine. Voyant que je regarde les livreurs amener les boites, il me dit d’un ton hautain et prétentieux :

ALLEN : Ça répond à ta question? Quand j’écris de quoi sur la feuille de commande, c’est parce que je sais de quoi je parle. J’la connais ma job, moi!

Puis il part ouvrir aux livreurs la porte de la pièce réfrigérée et celle congelée.  J’ai beau faire semblant de rien, intérieurement je sens mon sang bouillir de frustration.  Ces deux choses qu’il m’a dit depuis que je suis rentré me donnent la forte impression qu’il m’a tendu un piège, ou du moins qu’il avait planifié son coup.  C’est comme s’il avait prévu que je saurais qu’il n’y avait plus de gelée de citron, que j’allais remarquer qu’il m’avait quand même commandé des brioches au citron, et que j’allais lui poser la question à ce sujet, et que je le ferais avant que les livreurs passent, lui laissant tout le loisir de me rabaisser de la sorte.  J’ai beau trouver que c’est chercher loin, j’ai beau croire que c’est quasi-impossible à planifier,  je ne peux m’enlever de la tête qu’il m’a tendu un piège.  Et que j’ai foncé dedans la tête baissée. Et surtout, et c’est là que réside la partie qui est la plus insultante de cette situation, ça veut dire qu’à ses yeux, je suis prévisible. De la part d’un détestable prétentieux que je considère comme étant mon inférieur intellectuel, il ne peut pas y avoir plus grande injure.

Et le pire là-dedans, c’est que la seule raison pourquoi il se permet encore une fois traiter d’incompétent en sous-entendu, c’est justement parce que j’ai été assez compétent pour constater que l’absence de la gelée de citron allait m’empêcher de faire les brioches.  Sa manoeuvre pour me discréditer était donc totalement gratuite.  Je ne méritais pas ça.  Ça me frustre tellement que je me jure que ce coup de cochon, il ne l’emportera pas au paradis. Je ne sais pas encore comment, mais une chose est sûre, il va me payer ça.  Je n’ai qu’un seul désir en tête, un seul sentiment, un seul but: Vengeance!

À ce moment-là, depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours été un féroce partisan du principe de la vengeance.  Or, pour moi, une bonne vengeance ne peut pas être synonyme de n’importe quoi.  Pour me satisfaire moralement, celle-ci doit être exercée dans le domaine par lequel l’agresseur a commis le geste fautif. C’est le principe de la loi du Talion, soit œil pour œil, dent pour dent. Dans ce cas-ci, tout ce qu’Allen m’a fait subir, c’était dans le but d’essayer de démontrer que je suis un incompétent à mon travail. L’idéal serait donc que je puisse prouver de façon irréfutable que ce serait plutôt lui l’incompétent. Mais voilà, comment? Tout à l’heure, j’avais le plan parfait, qui aurait consisté à montrer au patron que Allen s’était trompé dans sa commande. Si seulement les livreurs ne s’étaient pas présentés, ça aurait pu fonctionner. J’observe la colonne de commande des brioches, non sans une certaine frustration de voir que ce plan-là n’est plus viable.

Soudain, une idée diabolique me traverse l’esprit. Un coup d’œil rapide du côté des pièces réfrigérées me permet de constater qu’Allen est en train de régler la paperasse des commandes avec les livreurs. Je quitte donc mon poste, je me dirige vers le bureau d’Allen. Sans que personne ne me vois, j’y entre, je repère rapidement la pile de feuille de commande, je m’en prends une et je retourne aussitôt à ma table de travail.  Je dissimule la feuille sous la table, et j’attends patiemment tout en riant d’avance de mon idée.  J’ai la délicieuse impression que je suis un génie du mal.  Je m’en roulerais la moustache si j’en avais une.

Quelques heures plus tard, alors que la majorité de mes collègues sont partis et qu’il ne reste plus que moi dans la cuisine, je met mon plan a exécution.

Tout d’abord, il faut que je vous explique une chose: Sur les feuilles de commandes, lorsqu’il y a un chiffre d’inscrit, comme 1, 2, 3, etc, il s’agit de douzaines. Donc: 1 = Une douzaine, 2 =deux douzaines, 3 = trois douzaines, etc.  Cependant, si le chiffre est entouré d’un cercle, alors il s’agit d’unités: 1 encerclé = un, 2 encerclé = deux, 3 encerclé = trois, etc.  Ainsi, la commande de brioches au citron est un 5 encerclé, c’est à dire de cinq brioches.  Mon plan, dont le but est de faire passer Allen pour un incompétent, est très simple: transformer, dans la commande de brioches, les unités en douzaines, provoquant ainsi un épouvantable gaspillage de nourriture, ce qui lui passera sur le dos.

J’avais d’abord pensé à simplement effacer les cercles sur la feuille de commande originale, mais ça aurait laissé des traces visibles à l’oeil nu.  Voilà pourquoi je suis allé voler une feuille de commande vierge dans le bureau d’Allen: Je planifie de refaire sa feuille de commande en imitant son écriture, en omettant de refaire les cercles autour des chiffres de commande des brioches.  Pour ce faire, j’utilise ma grande maitrise du dessin.  J’ai passé ma vie à imiter des styles de dessin afin de faire des parodies de BD.  Et qu’est-ce que l’écriture, après tout, si ce n’est qu’une forme simplifiée de dessin!?

Après quelques minutes, je compare ma feuille avec celle que m’as préparé Allen.  Mon imitation est parfaite, à ceci près qu’au lieu de 3 brioches à la pomme, 3 au raisin, 4 à la fraise et 5 au citron, soit 15 brioches en tout, ça dit maintenant 15 douzaines… Pour un total de 180, soit au-delà de ce que l’on a en stock.

Pauvre Allen! Il ne sait pas ce qui l’attend.  Et il ne le saura pas avant mon retour au travail demain.

 

À SUIVRE

Les dommages collatéraux de l’auto-importance démesurée (1e partie)

L’histoire qui va suivre, je crois bien que c’est la première fois que je la raconte. Il faut dire que mon orgueil m’a quelque peu poussé à faire comme si ces événements ne s’étaient jamais produits.

Janvier 1997. J’ai 28 ans. Il y a quelques mois, j’ai reçu un avis du cégep comme quoi je n’étais pas accepté pour la session printemps 97. Sans école, je ne peux plus compter sur la bourse étudiante pour me faire vivre. J’ai beau occuper le poste de superviseur des résidences étudiantes, tout ce que ça me rapporte est le téléphone gratuit et une réduction de coût du loyer. J’ai besoin d’un boulot, et vu l’urgence de ma situation je ne peux pas me permettre d’être sélectif. Je me vois donc contraint d’aller dans la seule branche où j’ai de l’expérience : Pâtissier au Dunkin Donuts.

Être de retour au Dunkin après trois ans est pour moi une expérience humiliante, puisque je considère que je vaux mieux que ça. La raison de mon snobisme est simple : Dans les trois Dunkins où j’ai travaillé par le passé, mes collègues pâtissiers entraient tous dans l’une, sinon plusieurs, des catégories suivantes :

  • Repris de justice.
  • Crétins ne possédant rarement plus qu’un secondaire III.
  • Drogués.
  • Saoulons.
  • BS qui ne travaillaient que six mois pendant la saison froide, de façon à avoir tout juste les semaines de travail requises pour se remettre au chômage les six mois de belles saisons.

Étant retourné aux études justement dans le but d’échapper à ce genre de boulot, y revenir ne fait que me rappeler mon échec, me souligner à quel point je suis un minable, me montrer à quel point toute tentative pour améliorer mon sort ne sera jamais pour moi qu’une perte de temps et d’argent. Ça n’a beau n’être qu’une impression qui se montrera erronée avec les années, n’empêche qu’à ce moment-là, j’y crois. Et ça, ça joue sur mon humeur quelque chose de négatif.

À 26 ans, Allen, de son nom, est l’assistant gérant de mon Dunkin, ce qui fait de lui mon supérieur immédiat.  Il représente à ce moment-là tout ce que l’on appellera quelques années plus tard un douchebag. Il est beau, grand, athlétique, et il porte la moustache, ce qui est encore acceptable à cette époque. Il conduit une grosse bagnole de macho dans lequel il s’est bricolé un système de son qui vaut quasiment plus cher que le char lui-même, et ne sort jamais sans la balle de calibre .22 qu’il porte au cou en guise de pendentif. Allen est à demi-Iroquois, vit sur une réserve, et il ne manque jamais de se vanter à qui veut l’entendre qu’il était en première ligne du côté des indiens lors de la crise d’Oka. C’est là qu’il attire l’attention de son interlocuteur sur son pendentif.

ALLEN : C’te balle-là, mon homme, c’est la première que j’ai mis dans mon fusil quand j’étais aux barricades. Comme j’ai pas eu la chance de la tirer, j’m’en suis fait un collier en souvenirs.

À chaque fois qu’il engage une nouvelle pâtissière ou une nouvelle caissière, Allen la choisit en fonction de sa beauté et de son célibat, histoire d’essayer ensuite de les draguer. Quand ça marche, la fille est assurée d’avoir ses fins de semaines de libre en même temps que lui, puisqu’en plus c’est Allen qui s’occupe des horaires.  Autant il se montre charmant avec les filles, autant il se montre chiant avec les gars. Son truc, c’est de toujours essayer de nous prendre en défaut. Au début, ça pouvait passer. C’était majoritairement des questions du genre « As-tu fait tel truc? As-tu oublié tel autre truc? »… Rien que des questions relatives à la qualité du travail. Mais un après-midi du mois de mars, voilà qu’il décide de me prendre comme cible, et ce d’une façon qui démontre parfaitement toute la chianteur de sa personnalité.

Alors que je suis affairé à mélanger 55 lbs de pâte à beignets avec le mélangeur géant, il se rapproche de moi et me demande :

ALLEN : Tu t’es-tu lavé les mains avant de commencer ton shift?

Eh non, je ne m’étais pas lavé les mains.  J’aimerais bien dire qu’il s’agit d’un oubli, mais en vérité il s’agissait de simple négligence. Mais voilà, histoire d’éviter de me faire sermonner par ce grand fendant chiant, je choisis de lui mentir en répondant:

MOI : Oui!
ALLEN : Ah ouain?
MOI : Oui!
ALLEN : Sérieux là? Tu t’es lavé les mains avant de travailler?
MOI : Ben oui!
ALLEN : T’es sûr-sûr-sûr certain, là, tu t’es vraiment lavé les mains?

Bien que je le sais fatiguant, je trouves qu’il insiste un peu plus lourdement que d’habitude. En fait, il a l’air de s’y acharner comme quelqu’un qui connait la vérité. Mais voilà, logiquement, comment aurait-il pu le savoir? Arrivant à la conclusion qu’il essaye juste de m’avoir en bluffant, j’insiste avec calme comme quoi que…

MOI : Oui!
ALLEN : T’es vraiment sûr, certain, positif à 100% que tu t’es lavé les mains pour de vrai, là, avec du savon?
MOI : Sûr, certain, positif à 100%.

Avec un petit sourire triomphant, il s’accote sur le malaxeur et me regarde en disant :

ALLEN : Ben c’est bizarre, ça, parce qu’y’en a pu, de savon, dans la distributrice, depuis hier soir. Fa que, vas-y: Explique-moé donc comment t’as pu faire pour te laver les mains avec du savon puisque y’en a pas, de savon? Hm?

Pendant un court instant, je sens monter en moi le malaise que l’on ressent de s’être fait prendre en flagrant délit de mensonge. Puis, un truc me revient en mémoire, qui me calme instantanément. Il se trouve que, par un très heureux hasard, j’ai justement un demi pain de savon Irish Spring dans mon sac. Je l’avais amené avec moi lorsque je suis allé à la piscine municipale avec mon ex deux semaines plus tôt, et ma nature négligente a fait que je ne l’ai pas encore enlevé de mon sac.

Le fait qu’une de mes négligence est sauvée par une autre négligence me fait sourire.  Et dire qu’il y a encore des abrutis pour affirmer que deux négatifs ne font pas un positif. Je vois en ce hasard un signe du destin comme quoi une main divine vient de me donner la tâche de rabattre ce grand fendant prétentieux. Et cette tâche, c’est avec grande joie que je l’accepte.

MOI : Parce que, voyant hier que, justement, on allait manquer de savon, j’ai pris la peine de m’en amener un.

Incrédule, Allen éclate quasiment de rire dans ma face.

ALLEN : T’essayes-tu vraiment de me faire accrère que tu t’es amené un savon icite?
MOI : J’essaye pas de te faire accroire quoi que ce soit. Tu m’as posé une question, et j’y ai répondu. Libre à toi de me croire ou non.

J’ai fait exprès pour lui donner cette dernière réponse sur un ton snob, quasi méprisant, dans le but de le provoquer. À cet hameçon, il mord à pleines dents.

ALLEN : Ok! Pis là yé où, ton fameux savon?
MOI : C’est vrai qu’y’est fameux, c’est du Irish Spring.
ALLEN : Ben montre-moé lé, ton fameux savon Irish Spring.

En arrêtant la machine, je me tourne vers lui et je le regarde avec un air au visage et un ton de voix qui évoque le fait que j’ai l’impression de m’adresser à un attardé mental.

MOI : Ok… Parce que tu veux vraiment voir mon savon? Sérieux, là?
ALLEN : Que c’est qu’y’a? Ça te poses-tu un problème? Si c’est vrai que t’as un savon, tu devrais pas avoir de troubles à pouvoir me le montrer.
MOI : Voir mon savon… Bah, si tu y tiens. À chacun ses buts dans la vie, je suppose.

Si mes insinuations ont de l’effet sur lui, c’est de le convaincre encore plus que j’essaye de m’en tirer, donc qu’il a raison de ne pas me croire. Je me dirige vers les casiers des employés, suivi de près par Allen qui savoure déjà son triomphe, sûr qu’il est de pouvoir me prendre en flagrant délit de lui mentir.

ALLEN : Tsé, les menteurs icite, on garde pas ça longtemps parmi nos employés. Quand un gars est capable de mentir dans nos faces de façon aussi insistante pour un simple lavage de main, imagine comment y peut nous mentir pour des affaires pas mal plus graves. Tsé, genre, des vols, par exemple.

Mentir comme quoi je me suis lavé les mains ferait de moi un voleur? Wow! Du sophisme à l’état pur. Pour toute réponse, je me contente de prendre mon sac et de l’ouvrir. J’y plonge la main et je fouille quelques secondes. Puis, toujours avec calme, j’en tire la savonnette verte que je lui brandis au visage.

MOI : Tiens! Le v’là, mon savon.  Content, là?

Allen a beau essayer de se donner un air impassible, son silence démontre clairement qu’il ne s’attendait vraiment pas à ce que je lui en produise un pour de vrai.  Aussi, je profite de l’occasion pour me payer sa tête. Je remets ma main dans mon sac et y sort quelques autres items.

MOI : Pis? Y’a-tu d’autres choses que tu veux voir? Mes caleçons, peut-être? Tiens, les v’là. Ah, pis tiens, j’ai un bas sale ici. Y’é beau, hein? Tu veux-tu voir l’autre, ou ben ça va aller comme ça?

Quelque peu piqué dans son orgueil de voir qu’il a fait tout ce cirque alors qu’il était (apparemment) dans l’erreur, Allen pousse une dernière tentative de me discréditer. Hélas pour lui, même s’il tombe dans le vrai,  j’ai l’esprit vif et la réponse cinglante.

ALLEN : Ouain ben ton savon, là… J’trouve qu’y’avait l’air pas mal sec.
MOI : Ben là, franchement, c’est évident je l’ai essuyé pour qu’il sèche avant de le remettre dans mon sac. Penses-tu vraiment que j’mettrais un savon humide dans mon sac avec mon linge pis mes paperasses? Hein, qu’est-ce t’en penses, Sherlock?

Allen reste silencieux quelque secondes, son ego ayant quelques problèmes à (di)gérer le fait que je viens de le ridiculiser en beauté. Aussi, c’est avec une mauvaise foi carabinée qu’il répond :

ALLEN : Ouain! On va dire!

« On va dire »?  Il a là, dans sa face, la preuve que je ne lui mentait pas en disant que j’avais un savon dans mon sac.  Et lui, au lieu de le reconnaitre, il répond « On va dire »?  Tandis qu’il tourne les talons et repart dans la cuisine. Je lui emboite le pas.  Je devrais être satisfait de cette victoire morale fort satisfaisante.  Sauf que sa dernière réplique m’a fortement déplu.  Déjà que Je déteste les gens méprisant, quand ils font en plus preuve de mauvaise foi, ça m’enrage.  ça me donne juste envie de pousser le bouchon encore plus loin pour le faire chier.

MOI :  Pis toi, ton savon, y’é où? À moins que tu me dises que TOI, tu ne te les a pas lavées, tes mains!?

Piqué au vif, il se retourne promptement et me répond avec un ton élevé qui ne cache en rien sa frustration et sa colère.

ALLEN : Heille, pour qui tu t’prends, toé, kôlisse!?

Quoi de mieux dans ce temps-là, pour prouver encore plus que je vaux mieux que lui, que de lui répondre avec calme et logique:

MOI : Moi? Ben, je me prends pour un gars qui a passé les dix dernières minutes à me faire dire à quel point se laver les mains c’est important quand on travaille ici. Pourquoi? J’devrais-tu me prendre pour autre chose?
ALLEN : Chus ton boss, ok!?  Fa que j’ai pas de compte à te rendre.

Sur ce, il tourne les talons et quitte la cuisine, furieux.  Quant à moi, c’est avec un sentiment de triomphe que je retourne à mon malaxeur.  Depuis le temps qu’il nous fait chier avec son attitude de fendant, je crois bien être le premier à lui avoir tenu tête, et surtout le premier à pouvoir se vanter d’avoir eu le dessus sur lui.  En tout cas, j’ai bien l’impression qu’il a eu sa leçon et qu’il va agir autrement avec moi désormais.

À SUIVRE