L’origine probable du mot québécois TARLA

La langue française au Québec, et le Joual en particulier, sont parsemés d’expressions et de mots qui ne se retrouvent nulle-part ailleurs. Il y a quelques jours, le hasard m’a fait tomber sur l’origine très probable de l’un de ces mots : Tarla.

Définition: Un tarla est une personne ridicule. Il n’est pas vraiment méchant, ce serait surtout un imbécile heureux. Un idiot qui agit en idiot sans se douter de son idiotie. Une personne bien intentionnée mais totalement ignorante. Un sans-dessein, un incompétent, un cave, qui se donne en spectacle en plein étalage de sa stupidité.

Vers 1990, l’humoriste québécois Alain Dumas a lancé une chanson intitulée Tout un tarla! , qui décrit bien ce genre d’individu.

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Si on cherche le mot tarla sur Google, voici ce que l’on trouve comme définitions. D’abord sur le Wikitionnaire: (Au besoin, cliquez sur les images pour agrandir.)

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Sur la base de données lexicographique panfrancophone:

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Sur cordial.fr:

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Sur la page Du Français au Français.

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Et enfin sur La Parlure.

Cette dernière définition ajoute qu’un tarla serait en fait le porcelet de trop dans la portée d’une truie. Je suppose qu’en cherchant loin, on pourrait faire le lien en disant qu’un tarla serait un individu qui ne trouve pas sa place en société. N’empêche qu’il n’y a aucun rapport entre ça et le degré de stupidité que les québécois associent à cette expression.

Mais alors, d’où est-ce que ça vient vraiment, tarla ?
Il y a quelques jours, j’étais sur le site de la BAnQ, la Bibliothèque et Archives Nationales du Québec. J’y parcourais les archives des journaux québécois. Je suis tombé par hasard sur cet article datant de 1965. On y parle dun comédien Français nommé Yves Tarlet. En lisant son nom, son métier et l’année de publication, j’ai immédiatement compris que j’étais fort probablement tombé sur l’homme qui fut à l’origine du mot tarla.

J’ai voulu en savoir plus.

D’après ce que j’ai pu voir dans mes recherches à la BAnQ, Yves Tarlet était un comédien fort apprécié. De septembre à décembre 1964, on a annoncé de nombreuses fois sa venue pour janvier 1965. Puis, de janvier à septembre 1965, sa tournée à travers le Québec n’a récolté que des éloges. Chanteur, acteur, mime, clown, imitateur, l’homme avait de multiples talents et un style unique qui savait faire rire à tout coup.

Dans les années 60, sans internet, avec peu de gens qui possédaient un poste de télévision, sortir au cinéma et au théâtre se faisait une ou plusieurs fois par semaine. Ainsi, on peut aisément imaginer qu’une bonne partie de la population québécoise a eue l’occasion de voir le spectacle de Tarlet.

Trois faits me portent à penser qu’Yves Tarlet est à l’origine du mot tarla.

1er FAIT : Dans le joual, et encore aujourd’hui dans l’accent québécois en général, le son « AIT » à la fin d’un mot se prononce A. Ainsi, du lait devient du la, du poulet du poula, parfait parfa, frais fra, épais épa, c’est vrai c’est vra ! Ainsi, un nom comme Tarlet se prononcerait tarla. Peut-être qu’on ne le ferait pas de nos jours avec un nom de famille, puisque que notre éducation et la technologie moderne nous expose quotidiennement au Français international. Mais dans les années 60, oui, assurément.

2e FAIT : Les gens ont toujours eu pour habitude de prendre des noms propres et les utiliser comme qualificatifs. Un séducteur est un Don Juan ou un Casanova. Un homme fort est un Hercule. Un dangereux prêteur sur gages est un Shylock. Au Québec, un avare est un Séraphin tandis qu’en Europe il est un Harpagon. Toujours, ces qualificatifs s’inspirent d’un nom qui n’est possédé que par une seule personne. Et au Québec, des Tarlet, on n’en connait pas. Puisque le nom d’Yves Tarlet était sur toutes les lèvres dans le Québec de 1965, il est possible que son nom soit devenu synonyme pour une personne qui fait rire. Et que tout naturellement, dans le langage populaire, l’on dise d’une personne drôle que « C’est un vrai Tarlet. » Ou, en bon québécois, « Un vra tarla! »

De tous les temps, lorsqu’une personne manque de sérieux ou de professionnalisme dans son travail ou ses agissements, on le traite de clown, on le compare à un comédien, et on le fait avec mépris. C’est probablement de cette manière que le mot tarla a pris son sens péjoratif.

Enfin, 3e FAIT : Je n’ai trouvé aucune trace des mots tarla, tarlais ou tarlet dans les journaux avant le passage d’Yves Tarlet au Québec. En fait, la première mention date de peu après son retour en France, en septembre 1965, alors que le tournoi O’Keefe de tir à l’arc utilise ce mot dans un sens que je n’ai vu nulle-part au-delà de cet événement: Les tireurs débutants.

Et lui aussi souligne que ce mot définit d’abord le cochonnet de trop dans la portée, bien que lui sous-entend qu’une truie possède douze tétines, alors que la définition du site de La Parlure fait plutôt état de huit. Mais peu importe. À partir de ce point, si Tarlet n’a plus servi dans les médias qu’en tant que nom de famille, les variantes que sont tarla, tarlais et tarlet (avec un t minuscule) n’ont toujours été utilisés que pour décrire un imbécile.

Le premier usage écrit du mot tarla utilisé en guise d’insulte provient d’un texte rédigé en joual et publié dans le journal La Patrie. Le personnage de Ti-Clin y utilise ce mot dans plusieurs de ses chroniques. La première fois date du 3 mars 1968. Selon le texte (qui est fictif ou pas, allez savoir) ce serait en citant une phrase du journaliste Pierre Foglia.

«  -T’as rien à pondre, tarla? qu’a ajouté l’beau fin à Foglia. »

J’ai poursuivi mes recherches, remontant dans les journaux jusqu’en 1940. Je n’y ai trouvé aucun tarla. Évidemment, ça ne veut rien dire. Il ne faut pas oublier que les journaux étaient plus sérieux à cette époque. Si le mot existait, il n’était juste pas digne d’être publié, comme tout ce qui était joual, d’ailleurs.

Ensuite, j’ai cherché Tarlet. Cette fois, j’ai eu beaucoup d’exemples de ce mot en tant que nom de famille. Mais aussi quelques fois dans le sens du tarla québécois. Le plus vieil exemple de ce dernier cas fut publié dans le journal Québec-Presse daté de décembre 1973. Il s’agit d’un extrait du livre Monologues, écrit par Yvon Deschamps. Il nous y livre les meilleurs monologues de sa carrière depuis ses débuts en 1968. Et dans cet extrait, on voit clairement qu’il écrit tarlets pour décrire des personnages stupides et insignifiants. Et il le fait avec l’orthographe du nom du comédien.

Dans ses monologues, Yvon Dechamps s’exprime en langage populaire québécois, en joual. Car s’il écrit tarlet, il le prononce néanmoins tarla. Voilà qui solidifie la théorie comme quoi il y a un lien entre le nom et l’expression.

Selon Wikipedia, ce monologue particulier a été enregistré sur disque en 1970.

Un artiste ne va pas se faire concurrence lui-même en mettant sur le marché un enregistrement de son spectacle pendant qu’il présente encore celui-ci sur scène. Ce n’est qu’à la fin de sa tournée qu’il le rendra disponible. Ce qui signifie que c’est depuis 1969, au moins, qu’Yvon Deschamps utilise l’expression tarla dans les monologues qu’il présente au public, et dont des extraits sont cités à la télé, dans les journaux et à la radio. Et puisqu’il a connu des débuts de carrière fulgurants, il a certainement aidé à répandre cette expression dans le langage populaire québécois. Il le reprendra d’ailleurs assez souvent, entre autres dans ce numéro intitulé Les adolescents (le grand tarla).

Si ça se trouve, c’est peut-être même Yvon Deschamps qui a inventé le mot tarla, en lui donnant ce sens. Mais là-dessus je n’affirme rien, il faudrait que je puisse le contacter pour le lui demander. En tout cas, si ce n’est pas lui qui l’a créé, il est certainement celui qui l’a rendu populaire.

Bien que le mot tarla est à 100% québécois, il est ironique que dans les faits, le premier tarla était un Français.

Un mauvais côté inattendu de l’amélioration physique

Dialogue entre une collègue de travail et moi.

ELLE: Et pourquoi est-ce que tu n’as pas de vie sociale?
MOI: Je n’ai jamais été vraiment populaire.
ELLE: Pourtant, un bel homme comme toi…
MOI: Je ne l’ai pas toujours été. J’étais même assez laid dans ma jeunesse.
ELLE: Oui mais là tu parais bien, surtout pour ton âge. Sors un peu, va rencontrer des gens, c’est sûr que tu vas séduire un max.
MOI: Ben justement! Quand j’étais laid, les filles refusaient que je sois invité dans les soirées, de peur que je les drague. Depuis que je suis beau, les gars refusent que je sois invité dans les soirées de peur que leurs femmes me draguent. Alors pour ce que ça change!

Je ne blague même pas. Une de mes amies de notre formation de préposés aux bénéficiaires faisait une soirée chez elle et m’y avait invité. Elle m’a ensuite dit, quelques jours avant la soirée, que son mari voyait d’un mauvais oeil l’idée de ma présence. Car il m’avait vu l’été précédent, lors de notre graduation. C’était à la fin de mes 40 jours d’itinérance, alors que la vie rude m’avait remis athlétique tout-plein.

Juste moi, mon vélo, les grands espaces, mon laptop, et le wifi gratuit des parc municipaux.

Je suppose que quand on met dans la même pièce des femmes de 40-50 ans et un homme de (à ce moment-là) 51, célibataire, bon boulot, bon salaire et qui ressemble à ça, l’homme en couple va craindre que Madame se trouve soudainement à moins apprécier ses derniers 10-15-20 ans d’épouse et de mère.

La meilleure, c’est que je n’en ai rien à cirer d’être en couple. C’est sûr que des fois, je ne serais pas contre l’idée d’avoir une vie sociale plus active. Mais pour le côté couple, amour, sexe, j’ai totalement perdu intérêt. Je ne voudrais même pas d’une célibataire. Alors une épouse et mère, pensez-donc.

Mais bon, je peux comprendre. La norme, c’est d’être beau et en forme à 20 ans, puis d’être gras, ridé, chauve et fatigué à 50. Quel que soit le domaine, une personne qui ne suit pas la norme, c’est une personne qui dérange.

C’est ironique, quand même. Tu passes ta vie à travailler sur toi, physiquement, moralement et intellectuellement pour te débarrasser de tes insécurités. Et au bout du compte, tu finis victime de l’insécurité des autres.

L’anneau de Gygès et l’exploration urbaine (2 de 2)

Cette anecdote d’exploration urbaine d’endroit abandonné s’est passée en juin 2021, dans le motel que j’ai utilisé en guise d’exemple pour l’article précédent.

Comme tout bon explorateur urbain, je vais suivre certaines règles. Les deux règles principales et universelles de l’urbex sont «ne rien prendre sauf des photos» et «ne laisser aucune trace, si ce n’est des traces de pas». À ça peuvent s’ajouter certaines règles personnelles. J’en ai adopté trois dans le but de m’éviter les problèmes légaux.

Règle no.1. Tout d’abord, je ne pénètre jamais des endroits récemment incendiés. Même sans tenir compte du danger de se balader dans une structure affaiblie, le fait est que le terrain et tout ce qu’il contient demeure la propriété privée d’une famille qui vient de tout perdre. C’est un double manque de respect.

Règle no.2. Je ne pénètre jamais sur un terrain clôturé sans ouverture, et je ne m’introduis jamais par effraction dans une propriété. Par contre, si un vandale irrespectueux a passé avant moi en se défonçant une entrée, je n’hésite pas à y aller puisque la place est déjà ouverte. Il m’est arrivé à deux reprises de n’avoir accès qu’aux sous-sols sans pouvoir pénétrer aux étages supérieurs. Je me suis donc contenté d’explorer les dessous, sans tenter de m’introduire de force dans le reste de la propriété.

Ce motel en particulier, situé dans ma région d’origine, a un petit côté village fantôme, ce qui ne le rend que plus intéressant.

On le voit mal au centre de la photo tout en haut de cet article, mais la porte extérieure d’une des chambres de ce motel est défoncée. Chaque chambre a deux portes : une issue vers l’extérieur, et l’autre qui donne accès a un corridor commun intérieur. Ça m’a permis de pouvoir explorer l’endroit de fonds en combles, en commençant par le sous-sol.

Comme beaucoup de propriétés construite avant les années 70, une partie du sous-sol n’est pas finie, laissant le sol terreux et trop souvent humide. Plus jeune, j’avais une peur bleue à l’idée de m’y retrouver. Jusqu’au jour où j’ai vu la chose avec logique: Puisqu’il n’y a pas de nourriture fraiche là-dedans, il n’y a donc pas de rats ni de souris. Puisqu’il n’y a pas de lumière, rien n’y attire les moustiques, il n’y a donc pas d’araignées pour les bouffer.

Depuis que je fais de l’urbex, j’ai visité trois de ces caves, et je n’en reviens pas du foutoir bordélique que j’y ai retrouvé à chaque fois.

La majorité de son contenu me semblait être tout de même en bon état. Comme ce four micro-ondes. Fallait juste le déterrer un peu.

En descendant dans une cave, il est important de sonder devant soi avec un bâton. Ça peut éviter certains désagrément. Comme ici, en bas de l’escalier, ça m’a permis de constater que la partie terminée du sous-sol, ainsi que son contenu, baignent dans un bon trente centimètres d’eau croupie. Puisque rien ne faisait rider l’eau, je n’ai pas vu que c’en était, même avec ma lampe frontale.

De l’eau vaseuse comme celle-là a certainement rendu le plancher glissant. Alors non seulement tu risques de t’étaler de tout ton long dans une eau dégueulasse, tu peux te blesser sur tout ce que cette eau cache. J’ai une trousse de premiers soins dans un de mes paniers de vélo, mais elle a ses limites.

En remontant au rez-de-chaussée pour explorer la partie commerciale de ce motel, j’ai été déçu de voir que les chambres, bien que vidées de tout mobilier, avaient toutes été saccagées. Fenêtres brisées, murs défoncés, plafonds arrachés… Ce triste spectacle n’a hélas rien d’inhabituel. Cependant, pour la première fois en un an d’exploration, j’ai aperçu ce qui avait toutes les allures d’une vision d’horreur.

Qu’est-ce que je viens d’apercevoir dans le bain de cet endroit abandonné? Une personne? Un gros chien? Un poney?

Deux choses me rassurent: Aucun son de respiration, et aucune odeur de viande avariée. Après un moment d’hésitation, ma curiosité l’emporte. N’empêche que je n’étais pas rassuré.

Au final, c’était ceci: un poney en peluche.

Je n’ai cependant pas investigué davantage au sujet des traces sur le mur.

Enfin, Règle no.3. Je ne signale pas ma présence, mais je ne me cache jamais non plus. Ça signifie que je vais prendre le soin d’attacher mon vélo dans un coin discret. Mais sinon je marche avec naturel sur le terrain, comme si j’y avais à faire. Ainsi, les éventuels passants n’ont aucune raison de me trouver louche.

Également, pendant mon exploration, si je constate que la police, le proprio ou des travailleurs se pointent, je ne les évite pas. Bien au contraire, je vais immédiatement à leur rencontre. Je me présente et j’explique la raison de ma présence. À date, ça ne m’est arrivé qu’une seule fois, en 2020, avec des travailleurs qui venaient barricader la place, justement à cause de vandalisme. D’où l’importance de se débusquer, sinon je me serais retrouvé emmuré.

Alors que je terminais mon exploration de ce motel, ce n’est ni la police ni le proprio ni un travailleur, ni même un autre explorateur urbain que j’ai rencontré. Je précise que le terrain ayant été laissé en friche pendant trois ans, de hautes haies sauvages en dissimulaient une bonne partie. De plus, située entre champs et boisés, l’endroit n’est pas tellement passant.

Ayant vu tout ce qu’il y avait à voir dans le bâtiment, je marche dans le corridor et je retourne dans la chambre par laquelle je suis entré. Par la porte extérieure qui est grande-ouverte because défoncée, je vois l’arrière d’une camionnette dans le parking, à environs quinze mètres devant le motel. Un gars costaud, grassouillet, cinquantaine avancée, vient se placer derrière le véhicule et pose sa main sur le rebord de la boite du véhicule. Il est rejoint par un homme dans la trentaine, que je vois de dos, et qui vient s’agenouiller devant lui.

Par l’allure des hommes, et puisque le véhicule est un pick-up Ford classique, je comprends qu’ils s’apprêtent à ouvrir la porte de la boite du véhicule. Il s’agit donc probablement du proprio, ou bien de travailleurs venus eux aussi pour barricader la place. Je sors de la chambre et me dirige droit vers eux, tout sourire, me préparant à me présenter et à leur dire que ma présence n’était que dans le but de faire de l’exploration urbaine, sans rien vandaliser. Ils ne me voient pas encore car le jeune me tourne le dos, le vieux regarde vers le bas, et ils sont tous les deux concentrés sur leur besogne.

Le vieux baisse son jeans et commence à se branler devant la face du jeune. Et moi, simultanément, je me dirige droit sur eux avec un beau sourire.

Malaiiise! 😬

Brusque quart de tour à gauche, mes bottes crissent dans le gravier alors que je me dirige vers mon vélo en regardant droit devant moi. Je l’ai à peine rejoint que j’entends deux portes de véhicules fermer, et la camionnette partir, suivie presque aussitôt par une auto. À voir la vitesse à laquelle ils ont déguerpis, ils ont dû être très embarrassés de constater que leur scène m’avait eu comme témoin à quelques mètres devant eux.

Donc… Amoureux secrets? Rencontre Tinder? Escorte et son client? Aucune idée. en tout cas, ce motel a beau être fermé depuis trois ans, il continue d’y avoir de l’action.

Quel est le rapport entre tout ça et l’anneau de Gygès?
Dans la philosophie grecque, l’anneau de Gygès est une allégorie tirée des écrits de Platon. Ça raconte l’histoire d’un homme nommé Gygès qui trouve un anneau qui lui permet de devenir invisible. Gygès, jusque-là irréprochable, utilise son pouvoir pour voler des renseignements secrets, séduire la reine, renverser le gouvernement.

C’est une théorie qui suggère l’idée comme quoi les vertus telles la loyauté, l’honnêteté, les bonnes manières, et surtout le respect des autres et de la loi, n’existent que parce que l’on se sait observé. Ça indique que l’être humain est fondamentalement mauvais, et que si une personne jusque-là sans histoire se retrouve dans une situation où il n’aura jamais à subir de représailles, il va se laisser aller à ses instincts naturels, se montrant sous son vrai jour, devenant le genre de personne de qui l’on dit: « Jamais je n’aurais pu imaginer ça de lui. »

On retrouve aussi ce genre de comportement chez les superstars, les politiciens, les riches, les gens d’influence et de pouvoir, ceux qui jouissent d’une assez grande popularité. Serge Gainsbourg, Charlie Sheen et Éric Salvail en sont d’excellents exemples français, américain et québécois. Leur succès, leur millions, leur influence, et surtout l’amour inconditionnel que leur accordaient leur public, c’était ça leur anneau de Gygès. À force de voir qu’ils pouvaient faire n’importe quoi impunément, ils faisaient n’importe quoi impunément.

Faire de l’urbex permet de constater que les endroits abandonnés ont une influence similaire sur le comportement des gens. La place est cachée, sans surveillance, promise à la démolition, totalement abandonnée et déserte, et personne n’est au courant de la présence de l’explorateur. La personne comprend donc d’instinct que quoi qu’elle fasse, elle n’aura jamais à craindre la moindre conséquences de ce qu’elle va y faire. Pour certains des explorateurs dont je suis, le seul manque de respect que cette liberté nous pousse à commettre est au niveau de la violation de propriété privée. On entre, on observe, et on ressors. Pour nous, ça s’arrête là. Mais pour beaucoup trop d’autres, ça donne juste une impulsion irrésistible de laisser libre cours à leurs instincts refoulés. Par exemple, comme dans ce cas-ci, on s’y donne rendez-vous pour des activités illicites. Mais plus souvent qu’autrement, on tague, on vandalise, on démolit, on défonce des murs, on brise des fenêtres, on saccage tout. Certains vont même jusqu’à y mettre le feu.

Et justement, trois mois après mon passage…

Depuis le 21 juin 2020, qui fut le premier de mes 40 jours d’itinérance, j’ai exploré sept endroits abandonnés. Un seul était impeccable, probablement parce que j’étais le premier à y entrer. Le vandalisme est la raison pour laquelle je ne divulgue plus où sont situés ces endroits. Quand j’en poste des photos et vidéos, j’en choisis qui ne permettent pas de les identifier. Si je me le suis permis aujourd’hui, c’est parce qu’à part sur Street View, l’endroit n’existe plus.

Lire l’article complet.

Jusqu’à tout récemment, je croyais qu’il n’y avait qu’à trois moments dans la vie où l’on peut voir la vraie personnalité de tout-un-chacun : lorsqu’il est enfant, lorsqu’il est ivre, et lorsqu’il est frustré. Je dois maintenant ajouter un quatrième moment: lorsqu’il sait qu’il n’aura jamais à subir les conséquences de ses gestes.

Bref, lorsque les circonstances lui donnent un anneau de Gygès.