L’amour ne se mérite pas

À l’époque où j’étais cégépien, un de mes cours s’appelait Cinéma Québécois.
Notre classe y a visionné plusieurs films, mais il y en a un en particulier qui m’a frappé. J’aime, J’aime Pas.  Ça commence quand Winnie, une jeune fille d’environs 18-19 ans est dans la rue, tirant sur un chariot sur lequel elle a empilé tout ce qu’elle possède. Elle emménage dans un nouvel appartement avec son enfant qui doit avoir 2 ou 3 ans. Elle a l’air seule et triste.

Le peu d’argent qu’elle a, elle le gaspille en achetant de gros bouquins remplis de photos couleur au sujet du désert, bouquins qu’elle massacre afin de mettre les images de dunes de sable sur ses murs. On apprend que le père de son enfant les a abandonnés il y a quelques années afin d’aller vivre pleinement son rêve de globetrotter et d’aller traverser les grands déserts. N’ayant aucune photo de lui, elle tapisse les murs de ces photos d’albums.

Winnie se fait remarquer par un jeune homme qui étudie en cinéma. Il a craqué pour son air mélancolique et croit qu’elle ferait un excellent sujet pour un projet de cinéma-vérité. Elle refuse mais finit par se laisser convaincre que ses intentions sont honorables. Il est en amour avec elle mais ne veut pas la brusquer de peur de la faire fuir. Il est patient, gentil, doux, compréhensif et respecte son espace.

Tout le long du film, on le voit peu à peu réussir à lui faire baisser ses barrières une par une. Voyant bien qu’il la traite avec amour et respect, elle craque et lui dit qu’elle l’aime. Il est au paradis, et elle perd enfin son air mélancolique et commence à sourire. Pour la première fois du film, elle semble heureuse. Elle rentre ensuite chez elle. Comme si elle se réveillait enfin en constatant à quel point elle a été stupide de s’accrocher à celui qui l’a abandonnée, elle arrache furieusement toutes les images de désert du mur et les jette aux poubelles. Dans les jours qui suivent, elle est enfin heureuse et commence à s’épanouir dans sa nouvelle relation.

Happy End?
La fille a appris qu’il ne faut pas perdre son temps à aimer celui qui se fout de toi,  l’écoeurant a eu ce qu’il méritait et le bon gars a gagné. On peut maintenant faire jouer la musique de fin en faisant dérouler à l’écran les 8624 noms des gens impliqués dans le film.

… En fait, non, on ne peut pas faire ça tout de suite. C’est que l’histoire n’est pas encore terminée.

Un soir, ça cogne à la porte de l’appartement de Winnie. Elle ouvre. C’est son ex, le père de son enfant, qui se tient là, tout souriant. Après quelques secondes de choc causés par la surprise, elle se jette dans ses bras et ils passent les heures suivantes à baiser fiévreusement. Pour elle, c’est comme si son nouvel amoureux n’existait plus. Comme s’il n’avait jamais existé. Et après la baise, elle fait déjà des plans pour former une vraie famille, maintenant que l’amour de sa vie est revenu. Ils s’endorment ensemble.

Le lendemain matin, elle se réveille seule. Il est parti. Il lui a laissé une note en disant qu’il ne faisait que passer et qu’il n’a pas fini son trip d’aventures autour du monde.

Elle redevient aussitôt la fille déprimée et mélancolique des premiers 2/3 du film. Après quelques heures à lentement digérer ce nouveau coup, son sentiment de honte, de culpabilité et de lâcheté est tel qu’elle se retrouve incapable de faire face à son nouvel univers et à ceux qui en font partie.  Elle empaquette ses affaires sur le chariot et quitte l’appartement pour aller refaire sa vie ailleurs, sans un regard en arrière et sans même contacter celui qui était son nouvel amoureux, qui ne la reverra plus jamais. Fin!

Ce que j’ai pensé de ce film
À ce moment-là, encore dans ma naïve vingtaine, j’ai trouvé ce film franchement révoltant, et ce pour plusieurs raisons. Ces raisons ont affecté le devoir que nous avions à faire à ce sujet en équipe de 2 ou 3 étudiants.

Ma partie était d’écrire deux pages de résumé du film. Dans celui-ci, j’ai décrit les gestes du personnage principal dans ces termes: « C’est alors qu’elle commet l’erreur de reprendre avec son ex. » Ma partenaire de travail m’a alors rappelé que le devoir demandait un résumé objectif du film, sans porter de jugements.

J’ai dit désolé, j’ai effacé et j’ai recommencé: « La fille laisse injustement tomber son ami de coeur en faveur de son ex qui ne la mérite même pas, et… » Et encore une fois, ma partenaire me rappelait que ce devoir devait être un résumé du scénario et non une critique des faits et gestes des personnages.

Ce n’était pas de l’obstination.
Le fait est que je ne comprenais sincèrement pas où était le problème dans mon résumé. Sérieux! Pour moi, dans ma tête, le fait que la fille était injuste de tromper son chum et que son ex ne méritait pas d’avoir du sexe avec elle, ce n’était pas une opinion, c’était un fait. Je ne faisais que décrire de façon objective ce fait que je voyais si clairement. Un fait que tout le monde aurait dû voir aussi clairement que moi. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais apparemment le seul à le voir.

Dans ma tête, il n’a avait pas de compromis. Il ne pouvait y avoir que deux buts possible à ce film: Ou bien dénoncer le comportement stupide et les décisions idiotes de la fille. Ou bien les glorifier. C’était l’un ou c’était l’autre. Et le fait que je semblais être le seul à voir que c’était le premier, ça ne pouvait signifier une seule chose: C’était le second! Ça me révoltait.

C’est que le jeune homme que j’étais ne pouvais pas concevoir qu’il puisse y avoir une 3e option: Raconter une histoire, tout simplement, sans autre but ni arrière-pensée que de la raconter.

Je ne saurais compter le nombre de fois où j’ai vu une fille va se plaindre de son chum qui la traite avec très peu ou pas du tout de respect. Et pourtant, elle était délibérément dans une relation avec, elle le baisait, elle l’aimait, et dans beaucoup de cas allait même le marier. Toute ma vie, je n’ai pu accepter les choses que si je pouvais les comprendre. Et pour pouvoir les comprendre, il faut qu’il y ait de la logique derrière les faits et gestes de tout un chacun. Voilà pourquoi, à mes yeux, se plaindre que son chum lui manque de respect et tout de même l’aimer, le baiser et le marier, je ne pouvais pas le comprendre parce que ça n’avait aucun sens. Parce que ce n’était pas logique. Parce qu’aucun abuseur ne devrait être récompensé par sa victime.

Ce n’est qu’il y a quelques années que j’ai enfin compris quelque chose au sujet de l’amour. Quelque chose qui m’a permis de comprendre ce que me disait ma partenaire de travail au sujet de mon résumé du film. J’ai enfin compris que l’amour n’est pas quelque chose que l’on peut comprendre. L’amour n’est pas une décision. C’est un sentiment. C’est quelque chose que l’on vit avec ses tripes et non avec sa tête. L’amour n’est pas quelque chose que l’on donne et/ou que l’on reçoit par mérite. C’est quelque chose que l’on ressent ou bien que l’on ne ressent pas. C’est tout. Malheureusement, j’ai passé la majorité de ma vie à focusser sur le Ça ne devrait pas se passer ainsi, au lieu d’accepter le plus grand des faits qui soit. Le fait que C’est ainsi que ça se passe.

On peut protester et passer sa vie frustré contre cette injustice éternelle, se mettant tout le monde à dos en leur démontrant, preuve à l’appui, pourquoi ils sont cons d’aimer ceux qui ne les méritent pas. Ou bien on peut apprendre à l’accepter, et vivre avec ce fait.

Ça ne devrait pas se passer ainsi. Mais c’est ainsi que ça se passe.

Salomé: Portrait d’une sociopathe

     C’est au cégep en 1996 que j’ai rencontré Salomé, alors qu’elle était venue porter un article au Vox Populi, le journal étudiant du cégep André Laurendeau.

Salomé, c’était une personnalité chaleureuse, la beauté de Britney Spears à ses débuts, le look neo-gothique de Morticia Addams, et le côté candide de Nathalie Simard à l’époque où elle chantait pour les enfants.  Bref, une irrésistible combinaison de charme mystérieux et de simplicité qui fait que l’on recherche sa présence.  Elle avait ce don de pouvoir donner à chacun de nous l’impression que l’on est quelqu’un de spécial pour elle.

Comme ce fut le cas pour la majorité de mes relations, ce n’est qu’à partir du moment où je me suis rendu compte que cette fille s’intéressait à moi que je me suis dit pourquoi pas?, et que j’ai commencé à sortir avec.  Je venais de  terminer une série de relations assez éprouvantes, et bien que je commençais à être blasé du couple, Salomé semblait être une amélioration sur mes ex sur tous les points.  Malheureusement, j’ai appris à la dure que ce n’est pas parce qu’elle n’a pas les mêmes défauts que les autres que ça signifie pour autant qu’elle n’en a aucun.

    Les deux premières semaines de notre relation de couple, elle était câline et affectueuse.  Puis, du jour au lendemain, soit au début de la 3e semaine, elle est soudainement devenue  froide et distante.  Elle qui insistait pour m’accompagner jusqu’à la porte de ma classe, même quand mon cour était au 6e étage, voila qu’elle ne me suivait plus nulle part.  Elle qui était toujours en contact physique avec moi d’une façon ou d’une autre, voila qu’elle prenait maintenant ses distances lorsque l’on était dans la même pièce, en se tenant juste assez loin pour être hors de ma portée, mais pas assez loin pour être obligée de regarder en ma direction.  Pour ce qui est des baisers, le visage de porcelaine qu’elle m’offrait quand je l’approchais était loin des gros french-kiss passionnés qu’elle me donnait la veille.

Rendu à la fin du 2e jour de froideur, je me suis rendu à l’évidence.  Je suis peut-être naïf mais chu pas cave, quand même.  Je sais reconnaître les signes quand quelqu’un se désintéresse de moi. Je me considère comme étant une personne réfléchie et raisonnable.  Aussi ais-je décidé que ça ne valait pas la peine de faire un drame avec ça.  Je suis donc allé la voir et lui ai dit que j’avais remarqué le changement dans son comportement.  Je lui ai dit que j’étais compréhensif et ben open, et que si pour des raisons personnelles elle n’avait plus envie qu’on continue à sortir ensemble, elle avait juste à me le dire.  Même pas besoin de se justifier.  Elle a juste à dire qu’on peut en rester là, je serais ben cool avec ça, et la relation va juste redevenir aussi amicale qu’avant qu’on sorte ensemble, c’est tout.  Elle me rassure que tout va bien entre nous, c’est juste qu’elle est peut-être un peu fatiguée et stressée en rapport à ses travaux de mi-session.  Pour le reste, elle me dit que c’est juste dans ma tête. D’accord!  Me voilà rassuré.

Cependant, plus les jours passent et plus elle s’éloigne de moi.  Alors qu’avant elle me disait que nous irions à un party, une sortie en gang au bar ou au cinéma, voilà qu’elle me disait qu’elle irait à un party, qu‘elle sortira au bar, qu’elle ira au cinéma.  Je lui ai de nouveau offert une porte de sortie, mais elle m’a dit de nouveau que j’avais pas à m’inquiéter, qu’elle était bien avec moi.

Et moi je me torturais avec ça, je me demandais comment faire pour améliorer la situation entre elle et moi.  Puisqu’elle disait encore m’aimer, je me devais de faire quelque chose pour sauver notre couple.  Or, quand je faisais de quoi, je me rendais compte que je lui tapais sur les nerfs, ce qui ne pouvait que l’inciter à s’éloigner.  Et quand je ne faisais rien, je la voyais s’éloigner et je craignais qu’elle s’imagine que je me fous d’elle et de notre relation.  Quoi que je fasse, j’empirais notre cas.  Cette situation sans issue me hantait l’esprit à toute heure du jour, du soir et de la nuit.  Vivre sous le stress constant d’être dans une situation qui s’acharnait à vouloir rester brumeuse, c’était rendu invivable. C’est sûr que je pouvais mettre fin à mes tourments en mettant fin à notre relation.  Mais elle disait m’aimer encore, je ne pouvais donc pas prendre le risque de ruiner notre bonheur si, comme elle disait, c’était juste dans ma tête.  La 3e semaine de ma relation avec elle en fut donc une de souffrance morale, affective et psychologique.

Ce que je ne savais pas, c’est que je me torturais l’esprit absolument pour rien.  En vérité, elle n’avait plus aucun amour pour moi.  Notre couple n’existait plus.   Je me cassais la tête jour et nuit en pure perte à vouloir tout faire pour arranger un problème qui n’existait même pas, tout ça parce qu’elle m’induisait en erreur en me faisant croire que nous étions toujours un couple amoureux.

Vous savez comment j’ai appris que je ne sortais plus avec Salomé, malgré ce qu’elle me disait pour me rassurer du contraire?  Une amie commune qui me voyait souffrir et désespérer de trouver une solution a eu pitié de moi.  Elle m’a révélé que Salomé sortait avec un gars nommé Jacob depuis une semaine.  Elle avait rencontré ce gars là à un party où je n’avais pas pu aller à cause de la présence de Geneviève, ex blonde à moi, et future coloc de l’enfer. Et c’est en effet le lendemain de cette soirée que l’attitude de Salomé envers moi a passé d’un extrême à l’autre.

J’en suis tombé sur le cul.  Bouche bée.  Atterré. Aberré.

Que Salomé ne veuille plus sortir avec moi, je pouvais vivre avec cette idée.  Qu’elle sorte avec un autre gars, passe encore.  Mais là, pouvez-vous seulement vous imaginer la frustration que je ressentais?  Il y a tellement de gars qui sont jaloux, qui réagissent avec violence, qui s’arrangent pour que la fille se sente mal à l’aise, qu’elle culpabilise, lorsqu’elle veut mettre fin à la relation…  Moi, je prends la peine d’être ouvert d’esprit, d’être cool et compréhensif, et même de lui offrir une porte de sortie afin de lui éviter ça, non pas une mais bien deux fois.  Et qu’est-ce que ça m’a donné?  RIEN!  Je continue à me faire mentir dans ma face et induire en erreur.  Comprenez-moi, je ne prétends pas être un saint.  Comme tout le monde, je n’aime pas le feeling d’être mis de côté.  Alors si en plus je fais l’effort d’être raisonnable et compréhensif, c’est extrêmement frustrant de me faire traiter comme si ce n’était pas le cas.

Ayant pris quelques heures pour décompresser, je ne suis souvenu que ce n’est pas la première fois qu’un truc pareil m’arrive.  Car en effet,  j’ai déjà vécu quelque chose de très semblable avec Nathalie en 1989.  Fort de cette expérience et ne voulant pas répéter les mêmes erreurs qu’à l’époque, j’ai pris le temps de réfléchir.  J’en suis venu à la conclusion que si Salomé n’a jamais cessé de nier son détachement jusqu’à maintenant, alors même la preuve de son infidélité ne serait pas suffisant pour le lui faire admettre.  Je lui ai donc donné ce qu’elle espérait de moi: Une rupture où elle s’en sort clean.  Je lui ai écrit une lettre dans lequel j’explique que je ne me sens pas trop bien dans cette relation, probablement parce que je ne me suis pas laissé le temps de récupérer de celle d’avec mon ex, et que j’aimerais mieux en rester là.  Elle s’est montrée très compréhensive, me disant que si c’est ce que je veux vraiment, alors elle ne peut pas me forcer à rester en couple avec elle.  Trop aimable!

Elle m’a aussi confié qu’avant moi, elle aussi sortait d’une longue relation qui a duré quatre ans avec son premier chum, que les dernières années furent pénibles, et qu’elle aurait aussi besoin de se retrouver seule sans relations pour un bout de temps.  Cette séparation ne pourrait donc que nous faire du bien à tous les deux.  J’ai passé à deux doigts de lui dire de cesser ses menteries parce que je savais au sujet de Jacob, mais bon, puisqu’on est obligé de se revoir, inutile d’envenimer la situation.  J’avais déjà bien assez de Geneviève qui s’était approprié mes amis du Vox et qui s’arrangeait pour m’en isoler en leur disant que comme je suis son ex, elle se sent mal à l’aise en ma présence.  Voilà pourquoi je ne suis plus invité dans les partys et autres activités en gang.  La dernière chose dont j’ai besoin, c’est d’une ex de plus pour se mettre entre moi et ma vie sociale.

Deux semaines plus tard, j’ai quand même révélé à Salomé que je savais au sujet de son nouveau chum Jacob, du party où elle l’a rencontré, et que c’est pour ça que j’ai cassé avec elle.  Je tenais à le lui préciser afin de lui démontrer que quand je lui ai dit que je serais cool et compréhensif advenant une rupture, c’était sincère.  Une chose me tracassait cependant: Pourquoi n’a t’elle pas pris les portes de sortie que je lui donnais pour rompre avec moi à ce moment là?  Sa réponse:

ELLE: Ben là!  Tu présentais ça comme si je voulais casser avec toi.
MOI: Euh…  C’était pourtant le cas, non?
ELLE: C’est parce que je ne peux pas supporter d’être celle qui repousse l’autre.  Ça me donne le rôle de la méchante.  C’est pour ça que je préfère que ce soit le gars qui casse de lui-même.

Eh ben!  Ça valait bien la peine d’être patient et compréhensif envers elle.  C’est justement à cause de ça que j’endurais de terribles souffrances, au lieu de l’envoyer promener dès le début comme l’aurait fait n’importe quel gars normalement impatient et incompréhensif.  Je suppose que des fois ça ne sert à rien d’aller à l’encontre de l’image masculine.  Quoi que tu fasses, il y a des filles ne verront jamais autre chose de toi que ce dont elles s’attendent d’un gars.  Mon père s’est toujours attendu à ce que je devienne un délinquant comme tous les adolescents, j’ai donc été traité comme tel même si ça n’a jamais été le cas.  Mon ex et mère de mes enfants s’attendait à ce que je la trompe comme tous les gars qu’elle avait connu, j’ai donc eu à subir ses crises de jalousie et ses soupçons non-mérités pendant cinq ans.  Dois-je être surpris que Salomé ait essayé de prévoir ma réaction en tenant compte du fait que je suis un gars, et non du fait que j’étais moi?

Toujours est-il que, puisque nous nous tenions avec la même gang au cégep, et qu’elle était redevenue avec moi aussi amicale qu’avant notre courte histoire de couple, je n’ai eu aucun problème à devenir bon ami proche avec elle.  Ça m’a permis de voir un côté d’elle qui était à des millions de kilomètres de ce qu’elle me disait être, les premiers temps.

Voyez-vous, ma courte relation de deux semaines avec Salomé a été platonique.  Elle m’avait confié à ce moment là avoir le sexe en horreur, sous toutes ses formes, et la seule chose qui pourrait peut-être l’allumer, ce serait de faire ça sur l’autel d’une église, ou alors dans un cimetière, sur une tombe fraîchement creusée, à minuit.  Encore faudrait-il qu’elle sorte avec un gars pendant quelques années avant de se sentir assez à l’aise pour passer à l’étape sexuelle avec lui.  Et encore, pas question de sexe oral ou autres pratiques perverses qui ne seraient pas l’acte en lui-même.  Ayant tout de même du respect pour les lieux de culte, j’ai vite mis une croix sur l’église.   Quant au cimetière, on était rendu vers la fin de novembre, alors de ce côté là aussi ça semblait mort.  Étrangement, malgré tout ça, durant les six mois qui ont suivi notre rupture, elle a sorti et/ou couché avec sept gars sans qu’église ou cimetière n’y soit mêlé, et ne se gênait pas pour m’en parler.  Normal: Puisque j’étais le seul de ses ex à lui parler encore, et puisque le côté amour et sexe n’avait rien donné entre nous, j’avais tout ce qu’il faut pour devenir son meilleur ami de gars.  Mieux encore: son complice.  C’est en tant que tel que j’ai commis l’erreur de l’introduire dans mon univers, celui hors du cégep, en avril 1997.

À l’époque, j’étais auteur de bande dessinée underground, et bien que ma production avait beaucoup ralenti depuis mon retour aux études, j’avais encore de bon contacts avec le milieu.  Un de mes amis, Paul, réalisait des vidéoclips pour des bands de musique amateurs en plus d’être auteur de bandes dessinées.  Il déplorait le fait qu’il lui était toujours difficile de trouver des filles au look potable qui seraient à la fois naturelles, sexy, sauraient bien danser, ne seraient pas dérangées par l’idée d’embrasser une autre fille devant la caméra, et accepteraient de faire ça gratuitement.  Il se trouve que Salomé possédait toutes ces caractéristiques.  J’introduis donc Salomé à Paul.

Puisque Paul avait des connections avec plusieurs bands amateurs montréalais, Salomé y a vu une opportunité à exploiter.  Elle a fait son numéro de charme à Paul, et moins de quarante-huit heures plus tard, ils sortaient tous les deux ensemble.  Le pauvre gars vivait sur un nuage.  Jamais, de toute sa vie, il n’aurait pu imaginer qu’une telle fille puisse s’intéresser à un gars comme lui.  Leur relation a également duré trois semaines.  Durant cette période, tout en restant platonique avec Paul, Salomé à fréquenté et baisé deux autres gars, des musiciens pour lequel Paul travaillait bénévolement à leurs clips.  J’étais scandalisé par son attitude, surtout qu’elle me mettait moralement dans une impasse.  Devrais-je laisser Paul vivre un mensonge, ce qui équivalait à me rendre complice par mon silence, ou bien risquer mon amitié avec Salomé et ainsi risquer ma relation avec toute ma vie sociale dont elle faisait partie?

Je n’allais pas devoir vivre avec ce dilemme longtemps.  En mai 97, l’anniversaire de Salomé approchait à grand pas, et Paul n’était que trop heureux de pouvoir démontrer à Salomé combien il l’appréciait, en lui organisant une super soirée d’anniversaire.  D’abord, il l’inviterait au resto, ensuite ils se rendraient au bar Les Deux Poireaux dans le vieux Montréal, où les attendraient une grosse gang composée d’amis musiciens de Paul, de gens du cégep, du monde de la BD underground, ainsi que quelques amis de Salomé.  Dès qu’ils furent arrivés, on a tous passé à table et Salomé a reçu ses cadeaux.  Paul est celui qui lui en a le plus donné, d’ailleurs.

C’est là qu’elle m’a démontré à quel point elle pouvait être une égoïste ne ressentant pas la moindre décence ni empathie.

Dès que la distribution de cadeaux fut terminée, Salomé, qui était assise à côté de Paul, a complètement ignoré ce dernier et a entreprit de ne faire la conversation qu’à Simon, un bédéiste qui se trouvait assis en face d’elle.  Au fil des heures, je me sentais mal en voyant la détresse de Paul qui augmentait à mesure qu’il se rendait compte de l’attitude de Salomé envers lui.  Tout le long de la soirée, elle n’a pas lâché Simon, ne parlant qu’avec lui, l’accompagnant partout où il allait, que ce soit à la table de pool, jusque devant la porte des toilettes pour hommes.  Pendant ce temps là, ce pauvre Paul ressentait une angoisse qui se traduisait par un malaise physique au niveau de la poitrine, comme si une main géante lui compressait la cage thoracique.  Je connaissais trop bien cette douleur morale et physique pour l’avoir moi-même ressentie lors de ma 3e semaine avec Salomé.  Qu’elle ne s’intéresse plus à Paul, passe toujours, mais lui faire ce coup-là, en public, le soir même où il avait tant fait pour elle, ça me dégoûtait.  Mais voilà, ayant déjà appris à la dure ce qui arrivait lorsque l’on signifiait notre désapprobation sur le comportement immoral d’une fille, je ne voulais pas mettre en jeu le peu de vie sociale que j’avais encore.  Je me suis donc mêlé de mes affaires.

Le lendemain, un dimanche, j’ai accepté d’héberger Salomé et Simon chez moi dans mon 1½, aux résidences étudiante.  Ils ont passé la soirée ensemble au centre-ville et ils ont tous les deux raté le dernier bus vers chez leurs parents respectifs sur la Rive Nord.  De plus, elle avait un cour au cégep le lendemain matin.  Le fait que j’habite aux résidences étudiantes était donc très pratique pour elle.

Puisqu’ils étaient maintenant un couple, il me semblait normal de leur laisser mon lit et de m’installer par terre.  J’éprouve quelques difficultés à m’endormir rapport à la dureté du plancher.  Au bout d’un quart d’heure, à la recherche d’une position confortable, je me retourne, visage face à mon lit. C’est là que j’ai droit à une sacrée surprise: Malgré la pénombre et le fait que j’aie enlevé mes verres de contact, je distingue parfaitement Salomé, à quatre pattes, en train de tailler une pipe à un Simon couché sur le dos.  Au bout de quelques minutes, cette chère Salomé qui était tellement dégoûtée à l’idée du sexe oral lorsqu’elle sortait avec moi, n’a pas hésité à le faire jouir dans sa bouche en avalant.

À peine plus de vingt-quatre heures après avoir commencé leur relation.
Dans mon lit.
Avec moi à côté.

Incroyable!

Je referme les yeux, en constatant que c’est une bonne chose que je n’ai jamais eu le temps de vraiment tomber en amour avec cette fille, parce que je crois pas qu’il pourrait exister une situation plus choquante, frustrante et humiliante pour un ex.  Bah, en tant que complice, au moins je pouvais me dire que j’étais à l’abri de ses magouilles.  De toutes façons, Salomé allait m’avouer candidement les jours suivants qu’elle avait réalisé qu’elle avait peut-être un peu perdu le contrôle de ses relations ces derniers temps, mais que dès qu’elle avait rencontré Simon, elle avait su à ce moment là qu’il était le gars pour lui.  L’unique.  Le vrai.  De son côté, Simon me confia que jamais de toute sa vie il n’aurait pu imaginer qu’une telle fille puisse s’intéresser à un gars comme lui.  Avoir su, il ne se serait pas payé une pute pour se débarrasser de sa virginité il y a moins d’un an de ça.

À la fin des années 90, je jouissais d’une bonne réputation en tant qu’un des auteurs les plus populaires de la BD underground montréalaise.   Un article nommé Le Phénomène de la BD Alternative publié dans La Presse du dimanche 23 mars 1997 le disait d’ailleurs en ces termes:  Les fanzines de BD les plus populaires sont Liliane, Dirty plotte Requin Roll et Longshot Comics […]  En février 98, après plus d’un an à travailler dessus sur mes temps libres, j’avais enfin terminé Requin Roll #7, une publication de cinquante-six pages de textes, articles et bandes dessinées de mon cru.  Et qu’est-ce que j’avais en photo de page couverture?  Salomé qui embrassait goulûment une autre fille.  Les deux tenaient dans leur main un vieux numéro de Requin Roll.  Salomé y disait: « Lire Requin Roll a fait de moi une vilaine fille. »  L’autre répondait: « Moi, j’en étais déjà une. »  Une photo qu’elle n’a été que trop heureuse de prendre en sachant quelle allait faire la couverture d’une publication.

Salomé pouvait se montrer très gentille, utile et dévouée.  Malheureusement, je me rendais toujours compte plus tard que ça cachait des intentions de gains personnels. Par exemple, pour la sortie de Requin Roll #7, elle m’a proposé d’organiser elle-même un lancement dans un bar, et elle allait s’occuper de tout.  J’ai accepté.  Une semaine plus tard, elle a le plaisir de m’annoncer qu’elle a contacté plein de médias à ce sujet, et que l’émission de télé La Fin du Monde est à 7 Heures veut en faire un reportage.

Le lendemain, elle me demande si ça me dérange si elle en profite pour lancer  son propre fanzine, Le Meurtrier aux Béquilles. Salomé ne sait pas dessiner, alors elle a tout simplement découpé des images d’un photo-roman italien dont elle a changé les paroles, et refait la mise en page.  Bah, après le service qu’elle venait de me rendre, je lui devais bien ça.  J’accepte.

Le lendemain, elle me demande si ce serait ok avec moi si Simon en profitait pour lancer Professeur Désastre, un petit recueil de vieilles BD à lui, rassemblées sous une nouvelle couverture.  Bon, puisque c’est son chum, j’imagine que ça pourrait aller.

Mais le lendemain encore, ce fut Jean, le meilleur ami de Simon qui avait aussi de quoi à lancer, et avant que j’aie eu le temps de me rendre compte de ce qui se passait, nous étions rendus une dizaine à lancer nos fanzines. Mon lancement personnel était devenu un événement collectif où la seule raison pourquoi ma publication et moi étions en tête de l’affiche, c’est parce que j’étais le plus connu, tous les autres n’ayant jamais été publiés ailleurs que dans le journal étudiant du Cégep du Vieux Montréal.  … Ça, et le fait que c’est moi qui faisait les affiches.

Je me suis vraiment rendu compte que j’avais été écarté du spotlight lorsque Salomé m’appela pour m’inviter chez Simon, car le reportage se ferait chez lui.  Comme c’était elle qui assurait le contact avec le reporter Patrick Masbourian, je suppose que je pouvais me compter chanceux qu’elle daigne m’inclure dans le reportage.  Encore heureux que j’avais Salomé en page couverture de ma publication, c’est probablement ça qui m’a permis d’être l’une des trois vedettes du reportage.  C’est quand même Simon qui fut traité comme étant le représentant et le sujet principal du lancement.  En réalisant ce coup là, Salomé venait de se tailler une jolie place dans le monde de la BD underground en tant que celle qui les faisait sortir de l’ombre.  Plus rien ne lui serait refusé de leur part désormais, et elle pourrait jouir d’une grande notoriété parmi eux, en apparaissant dans plusieurs de leurs bandes dessinées pour les années à venir, incluant des apparitions en tant que modèle de personnages pour des comics de Marvel et DC, de la part de ces dessinateurs qui y ont plus tard travaillé.

Il y a cependant des limites à ce que l’on peut tirer d’un milieu de publications où l’impression se fait à la photocopieuse, où la distribution se fait à la main dans une poignée de librairies, et qui ne se rend que rarement au-delà des limites de Montréal.  En automne 1998, Salomé mit fin à sa relation avec Simon pour commencer à sortir avec un gars qu’il lui avait présenté, un gars nommé Pierre.  Pierre était cofondateur et éditeur du magazine MangaFan, un trimestriel se spécialisant dans la BD et le dessin animé japonais, distribué partout au Canada, aux USA et même dans quelques pays d’Europe.  De grande fan et consommatrice de BD underground, Salomé était instantanément devenue grande fan et consommatrice de produits japonais: BD, animés, jouets…  Quant à Pierre, ayant trouvé la perle rare qu’il avait toujours espéré, il m’a confié que jamais de toute sa vie il n’aurait pu imaginer qu’une telle fille puisse s’intéresser à un gars comme lui.  J’avais comme une sensation de déjà vu.

Pierre n’était que trop heureux de publier des articles de Salomé dans les pages de MangaFan, et de la pavaner à son bras à toutes les conventions, les lancements, les premières, et tout ce que son statut d’éditeur peut rapporter.  Cependant, au bout d’un an, elle finit par se rendre compte que toutes les connections de Pierre ne pouvaient pas l’amener plus haut qu’elle était déjà en tant que journaliste pour un magazine diffusé à l’échelle internationale.  Malgré la grande popularité de la série Pokémon à ce moment là, le manga n’était encore apprécié que par une minorité de fans à travers le monde.  Rien qui puisse permettre à Salomé de sortir de l’ombre.  Elle n’avait donc plus aucune raison de rester avec Pierre, hormis le fait qu’elle ne voulait pas retourner habiter chez ses parents hors de Montréal, et que toutes les possessions qu’elle s’était accumulées en logeant chez lui gratos l’obligeraient à se louer un appartement au-dessus de ses moyens pour stocker tout ça.

Se considérant tout de même libre, elle a commencé à faire de l’œil à David.  Lui, il connaissait Salomé depuis que je l’avais introduite à la gang de bédéistes qui aidaient Paul à faire ses vidéoclips.  David était présent la plupart du temps où Salomé draguait un gars alors qu’elle sortait avec Paul.  Il était présent à son party d’anniversaire lorsqu’elle l’a laissé tomber publiquement en draguant Simon.  Il l’a vu aussi commencer sa relation avec Pierre, et attendre le moment où elle était sûre de pouvoir aller habiter chez lui avant de partir en coup de vent de chez Simon.  Même qu’il lui était arrivé de me dire que les gars sont donc ben naïfs de se laisser prendre aux pièges de Salomé, quand on la voit aller.  Pourtant, il n’a fallu à Salomé qu’une conversation, seule avec David chez lui, pour le convaincre qu’elle retrouvait en lui ce qu’elle a toujours recherché chez les autres hommes sans jamais l’avoir trouvé.  Lorsque je me suis amusé à rappeler à David ce qu’il me disait de Salomé avant de sortir avec, il m’a répondu un peu gêné:

DAVID: Ben là… Quand j’ai dit ça, c’est parce que que jamais de toute ma vie je n’aurais pu imaginer qu’une telle fille puisse s’intéresser à un gars comme moi.

Ça semble être une constante chez elle.  J’avoue que j’ai toujours admiré le fait que Salomé puisse contrôler ses émotions à volonté, comme si son cœur avait un interrupteur on/off.  Tant qu’elle pouvait tirer profit d’une relation, elle aimait le gars sans retenue ni modération.  Dès qu’il ne pouvait plus rien lui rapporter, elle cessait automatiquement de l’aimer.   Avoir eu un tel contrôle sur mes émotions, j’aurais certainement moins souffert dans mes relations.

Étant totalement athée, donc libre de toutes craintes reliées à la punition éternelle, Salomé prenait plaisir à enfreindre toutes les lois de la Bible.  Des dix commandements, il n’y en avait qu’un seul qu’elle n’avait encore jamais violé. Tout ce qui lui fallait, c’était une bonne occasion de le faire sans se faire prendre.  Le destin allait bientôt lui offrir cette opportunité.

Cette anecdote, je la tiens de la bouche de Pierre lui-même peu de temps après sa rupture avec Salomé.  D’abord, il faut savoir que Pierre a un problème cardiaque, donc qu’il a peu d’énergie et s’essouffle rapidement, en plus de souffrir d’embonpoint.  Il leur était arrivé par le passé, quand les choses allaient mieux entre eux, de se faire des séances de chatouilles sur leur lit.  Salomé en sortait toujours en vainqueur étant donné la faible résistance de Pierre.

Vers la fin de leur relation, après deux semaines à lui faire subir le même genre de torture morale que j’ai eu à subir lors de ma 3e semaine avec elle, elle a décidé de passer à l’action.  Après avoir été particulièrement froide avec lui toute une journée, elle est allé le rejoindre au lit et a commencé à le chatouiller.  Cette fois, son visage n’était pas enjoué, il était impassible, neutre, sans la moindre émotion, même pas la colère.  Cette fois, elle jouait dur.  Il avait beau lui dire d’arrêter et d’essayer de la repousser, elle revenait toujours à la charge, jusqu’au moment où elle a réussi à le renverser sur le lit, embarquer sur lui, et lui immobiliser les bras avec ses jambes.  Elle a ensuite pris deux oreillers, les a mis sur le visage de Pierre, et a pressé dessus de tout son poids.  Malgré sa panique, Pierre était trop épuisé pour se dégager.  Il s’est donc forcé à se calmer, s’est ouvert la bouche bien grand et a commencé à respirer à travers les oreillers, le plus doucement possible.  Au bout d’une minute, il a même cessé de se débattre.  Se concentrant et faisant le vide dans son esprit, il a réussi à relaxer tous ses muscles.  Elle est resté comme ça, sur lui, une douzaine de minutes.  Puis elle a doucement retiré les oreillers.  Prenant une grande bouffée d’air, Pierre a trouvé l’énergie de la projeter en bas du lit.  Se levant du lit, il s’adressa à elle avec rage:

PIERRE: « T’as raté ta shot, ma maudite! »

Réalisant qu’il se trouvait dans une situation dangereuse, il a quitté la chambre et la maison.  Salomé avait raté l’occasion de vivre le thrill de commettre un meurtre parfait.  Les colocataires de Pierre savaient qu’il leur arrivait de faire des séance de lutte-chatouille amicale, et tout le monde connaissait les problèmes cardiaque de Pierre.  Elle n’aurait eu qu’à pleurer à chaudes larmes en disant qu’il s’était effondré alors qu’ils jouaient.  Qui aurait pu croire qu’elle aurait pu tuer à mains nues un homme qui faisait deux fois et demi son poids?  Sans compter que c’était la situation idéale pour elle: En le tuant, elle n’aurait pas eu à casser avec lui, et ainsi n’aurait pas eu le rôle de la méchante qu’elle craint tant d’avoir.

Elle n’a pas eu à s’en faire avec ça longtemps car le lendemain, Pierre envoya plusieurs de ses amis expulser Salomé et ses affaires hors de chez lui.   Lui était absent, il craignait de ne pas pouvoir se retenir de la frapper s’il s’en chargeait lui-même, et on sait tous ce qui attend légalement un homme qui oserait lever la main sur une fille, même en état de légitime défense.  Il fait dans les 250 lbs, et elle en fait à peine 100.  Toutes les apparences seraient contre lui.

Pour le reste, je crois que rien de ce que je puisse raconter entre son expulsion de chez Pierre en 1999, et le moment où je lui ai signifié que je ne la voulais plus dans ma vie et mon entourage en 2004, n’apporterait quelque chose de nouveau à ma description de sa personnalité.  Pour la petite histoire, je vous dirai qu’elle est restée deux ans avec David qui était éditeur indépendant.  Elle a mis sur pied un projet de livre d’art distribué au Canada et aux USA dont David a fait 60% de la job.  Le lendemain de la livraisons des mille exemplaires du bouquin, elle le sacrait là.  Ce livre alla engraisser le portfolio de Salomé pour se faire de nouveaux contacts dans différents niveaux des arts et…

Et aux dernières nouvelles, après quelques courtes relations en chaîne,  elle s’est trouvé le chum idéal: Un musicien, peintre, photographe et critique de cinéma pour un magazine populaire au Québec.  Grâce à lui et à son statut de journaliste, elle est de toutes les premières, profite de toutes les gratuités qui viennent avec la job de son chum, et rencontre tous les gens influents du cinéma et de la musique qui passent à Montréal.  Bref, il est l’homme idéal, celui qu’elle pourra aimer et chérir toute sa vie.

… Ou du moins, jusqu’à ce qu’il lui permette de rencontrer mieux que lui.

Et lui qui n’a jamais vraiment eu de chance dans ses expériences de couple avant, il bénit le jour où je lui ai présenté Salomé.  Car jamais de toute sa vie il n’aurait pu imaginer qu’une telle fille puisse s’intéresser à un gars comme lui.

La vérité sur les phrases d’approches

Nous connaissons tous ce que les anglais appellent des pick-up lines. Ce sont des phrases que les hommes utilisent dans le but de séduire instantanément une fille qu’ils viennent de rencontrer. Certaines de ces phrases sont quétaines, d’autres sont ridicules, d’autres encore sont offensantes, mais elles ont toutes ceci en commun: Elles manquent d’originalité.

Et pourtant, certainespick-up lines fonctionnent. Il y a quelques années de ça, je vivais en colocation avec une amie. Un matin, après une nuit de baise avec sa nouvelle conquête, et une fois celui-ci reparti, elle m’a raconté comment ils se sont rencontrés. Elle était à un bar et ce gars-là l’a approché. Il lui a dit: « Hey! Je te regarde depuis tantôt et je te trouve intéressante. J’aimerais beaucoup passer la nuit avec toi. » Elle a été séduite par le fait qu’il ait été aussi direct. Elle aime se sentir désirée, elle aime savoir à quoi s’en tenir, et ce gars-là lui offrait exactement cela. Elle l’a donc ramené à l’appartement et ils ont baisé comme des lapins sur les speeds jusqu’à l’aube.

Mais attention: Ça ne marche pas pour tout le monde. Ayant eu l’exemple de comme quoi cette pick-up line fonctionnait, j’ai moi-même approché des filles en l’utilisant plusieurs fois dans les semaines et les mois qui ont suivi. Laissez-moi vous dire que je me suis fait virer de bord tout aussi directement.

C’est qu’il y a un détail que j’avais négligé dans tout ceci: Le gars qui avait séduit ma coloc vendait de l’équipement de gym et il avait le physique qui va avec. J’étais un épouvantail de 140 lbs et j’étais sans emploi, chose qui parait généralement dans ton allure. Une pick-up line aussi directe pouvait certainement fonctionner avec lui. Mais elle ne pouvait pas marcher aussi bien avec moi.

Ça m’a pris du temps mais j’ai fini par comprendre une chose importante: La pick-up line, ça ne sert pas à séduire. Ça sert à briser la glace. Ça sert à effectuer un premier contact. Une fois ce premier contact fait, c’est ton look et/ou ta personnalité qui va faire que tu vas séduire ou non. Parce que la pick-up line parfaite n’existe pas. Il n’y a aucune phrase qui, telle une formule magique, va instantanément te transformer en gars attirant si tu ne l’es pas déjà. C’est plate mais c’est ça.

La seule chose que je peux recommander comme pick-up line envers une fille que tu veux approcher, c’est de lui dire « Allo, ça va? » et d’attendre sa réaction. Si elle dit oui mais regarde ailleurs, oublie ça. Si elle te renvoie ton salut et commence la conversation, ce n’est peut-être pas assuré d’être la nuit de baise. Mais au moins, tu n’auras pas donné la première impression que t’es rien qu’un hostie d’crapet. C’est pas mal ça qui est le plus important.

Insulter en prétendant que c’est de l’humour

Il y a quelques temps, j’écrivais ceci dans un billet intitulé Le genre de monde que l’on rencontre sur le net:

L’insulTannante
Cette personne considère qu’insulter quelqu’un est une forme d’humour acceptable, alors elle ne s’en gêne pas. Si on le lui fait remarquer, l’InsulTannante va se montrer très surprise qu’on prenne son commentaire si mal, et elle s’en défendra en utilisant la grande classique « J’essayais juste de détendre l’atmosphère. »

Ce genre de personne se retrouve hélas trop souvent dans la vraie vie. Cinq ou six fois, dans la mienne, et ce depuis aussi loin que mon secondaire IV, j’ai perdu des amies, des blondes et des amantes après leur avoir fait comprendre que je tenais à m’en éloigner parce que je n’en pouvais plus de leurs abus. Ça m’a valu de me faire traiter d’immature et de me faire envoyer chier.

J’aurais aussi bien pu m’y mettre moi aussi et répondre une insulte à chacune des leurs. Mais ce genre de comportement, ce n’est pas moi. Mon but dans une relation, ce n’est ni de dominer l’autre, ni me laisser écraser par l’autre. C’est de vivre en harmonie. S’il n’y a pas d’harmonie, je préfère m’en aller. Mais je ne partais pas comme ça, d’un coup de vent, sans prévenir. Plusieurs fois, j’ai essayé de leur faire comprendre comment les abus de leur part me dérangeaient. Plusieurs fois, je leur ai demandé poliment de juste cesser d’agir ainsi. Et à chaque fois, elle le prenaient très mal, se transformant en l’équivalent IRL de cette autre créature du net:

La FrustRieuse
Plus cette personne veut exprimer sa frustration, et plus elle veut cacher qu’on a réussi à la faire frustrer. Par conséquent, entre chaque phrase, elle va intercaler un LOL. Ça donne un message assez paradoxal dans lequel elle passe sans cesse de la colère au rire.

Où était mon immaturité la-dedans? D’après elles, mon immaturité venait du fait que j’ai décidé de prendre mes distances car je ne pouvais plus endurer de me faire chier dessus à répétition avec le sourire par quelqu’un à qui je n’ai pourtant jamais manqué de respect de toute ma vie.

Où étaient mes insultes là-dedans?  D’après elles, mes insultes étaient dans mes raisons de vouloir m’en éloigner. Des explications objectives qui n’étaient constituées de rien d’autres que de faits réels et vérifiables.  Je ne donnais pas des opinions, je me contentais de relater des faits, preuves à l’appui.

De quel genre d’abus de leur part est-ce que je parle?  Les exemples suivants proviennent tous de ces de filles citées plus haut. Certaines ont dit plusieurs de ces phrases, tandis que certaines phrases ont été dites par plusieurs d’entre elles. Comme quoi ce genre de comportement est un cliché, ce qui le rend prévisible à la longue. Et dans tous les cas, ce sont non seulement des remarques tout à fait gratuites, elles provenaient toutes de filles à qui jamais je n’ai manqué de respect ou de politesse d’aucune façon que ce soit:

  • Une amie vient chez moi chercher un peu de réconfort parce que rien ne va plus dans sa vie amoureuse. On en discute au salon. Au milieu de ses confidences, elle prend une pause pour me dire « Hostie qu’ty’est lette ton fauteuil! » Eh oui! Comme ça, gratuitement. Puis elle reprend son récit en s’attendant toujours à de la compassion de ma part après m’avoir insulté sur mes possessions dans mon propre appartement.
  • Je fais un truc, n’importe quoi. Son commentaire: « Hostie qu’t’as du temps à perdre! »
  • Je reçois un nouveau paquet de verres de contact, et j’écris patiemment au feutre G pour gauche et D pour droit sur chacun des petits contenants, au cas où j’en égare les boîtes. Elle me dit: « Ouain, c’est pas pratique pour ceux qui ont pas de cerveau.  …Comme toé! »
  • « C’est ton chat, ça? Hostie qu’y’est lette! »
  • Certaines laissaient sur mes pages web tellement de commentaires insultants, rabaissants et gratuits que de mes amis m’écrivaient en privé pour me demander quel était son problème avec moi.
  • J’aide une amie a déménager tandis qu’elle me lance plusieurs pointes insultantes sur ma façon de travailler ou sur mon look. Ceci dit, niaiser ceux qui l’aident à déménager, on retrouve ça souvent chez celles qui soulèvent rien du tout en laissant toute la job aux autres.
  • Peu importe le produit électronique que je possède, elle a toujours à redire dessus: Ou bien je l’ai payé trop cher, ou bien c’est d’la marde, ou bien c’est une vieillerie préhistorique.
  • Je traverse la période la plus basse moralement de toute ma vie. Chaque solution que j’envisage pour m’en tirer, elle ne manque pas de me dire que ça ne marchera pas. À bout de possibilités de solution, sans plus aucun espoir, je finis par lui dire qu’à l’entendre, la seule option qui me reste est le suicide. Elle me répond qu’elle peut me donner des trucs pour que je puisse faire ça sans laisser de traces. Je débranche le net et pars pour une promenade avant de faire une connerie. Au retour chez moi, un message de sa part m’attend sur son répondeur: « T’as un tabarnak de caractère de chien, toé! En tout cas c’est pas la maturité qui t’étouffe! »
  • « Les couleurs de ton nouveau blog sont en plein celles que je ne mettrais jamais sur une page web. C’est vraiment à chier ».
  • Tu aimes vraiment [insérer ici le nom d’un groupe, d’une chanson, d’une série télé, d’un film, d’un style vestimentaire, d’un genre de filles, d’une lecture, d’une boisson ou d’une nourriture quelconque] ? Oh ouache! T’as donc ben pas de goût!

Et je pourrais continuer longtemps comme ça. J’ai tellement d’exemples que vous en auriez pour des heures de lecture. C’est que, dans la tête de ces gens, voici comment les choses sont:

  • Lancer des remarques rabaissantes à l’autre, c’est une façon mature de faire des blagues pour détendre l’atmosphère. Parce que « C’est rien qu’des jokes! »
  • Se faire demander poliment par l’autre d’arrêter de faire ça, c’est se faire dénigrer de façon immature. Parce que « Si les autres sont pas capables d’en prendre, c’t’eux autres qui ont un problème! »

C’est n’importe quoi! Mais bon, il y a des gens qui diraient les choses les plus illogiques pour se justifier, au lieu de simplement reconnaître leurs torts, en tirer une leçon et ne plus recommencer. Surtout que, vous constaterez que  la majorité des gens qui pensent comme ça, ce sont également ceux qui s’offusquent du moindre truc anodin.

Il y a un détail commun assez troublant chez au moins 50% de ces filles. Tôt ou tard, elles se plaignaient de leurs chums avec qui elles constituent un couple stable depuis plusieurs années. Et à chaque fois, la plainte était la même: Le gars est un loser. Un slacker qui ne fait rien de sa vie. Il ne fait rien à la maison. Il ne fait rien côté travail. C’est tout juste s’il ne faut pas qu’elle lui brosse les dents elle-même, tellement il est négligeant. Sans compter que c’est un pessimiste souvent déprimé. Oh, pourquoi est-ce qu’elle n’a pas la chance de se trouver un chum mature, indépendant financièrement, qui a de la drive, des buts dans la vie, une personnalité forte et optimiste, qui croit en lui-même?

La réponse est simple: Quand tu passes ta vie à chier sur le monde, les seuls qui vont accepter de vouloir passer leur vie avec toi, ce sont les losers et les slackers. Personne d’autre n’acceptera tes abus. D’abord parce que, en tant que slackers, il ne possèdent pas d’estime d’eux-mêmes, chose que tu ne cesse d’attaquer et de démolir chez les autres. Et en tant que losers, ils savent qu’ils les méritent, ces abus. Ça en fait donc les seuls hommes capable de pouvoir endurer quelqu’un comme toi à long terme. Par conséquent, tu ne l’auras pas de sitôt, ton chum mature, indépendant financièrement, qui a de la drive, des buts dans la vie et une une personnalité forte et optimiste, qui croit en lui-même. Les gars comme ça méritent mieux que toi, et ils le savent.

Lorsque tu fais de ton public la cible de tes blagues insultantes, alors il ne faut pas t’attendre à avoir l’amour inconditionnel de ce public pendant longtemps. C’est vrai pour les humoristes et c’est aussi vrai pour les relations interpersonnelles. Parce que même si tu te justifies à mort pour tes jokes qui insultent et rabaissent les autres, le fait reste quand même que tu insultes et rabaisses les autres. Si c’est ça ton but, eh bien bravo, ça marche. Sinon, ne vient pas te plaindre après comme quoi tu te fais juger.