Elle a dit OUI par peur des conséquences de dire NON.

Il y a 20 ans, cette année, j’ai appris que dans certaines circonstances, je pouvais, si je le voulais, devenir un agresseur sexuel, et personne ne pourrait jamais m’en condamner au sens légal.  Laissez-moi vous raconter comment j’ai fait ce triste constat.

Printemps 1997. J’ai 28 ans. Je suis chez un couple d’amis.  Il est passé deux heure du matin.  Le party vient de finir.  La majorité des invités sont partis, sauf deux ou trois qui ont été invités à passer la nuit, dont moi. Je suis couché au salon, dans le grand divan-lit, que je partage avec Audrey, une demoiselle de 19 ans.  

Audrey et moi nous nous sommes rencontrés ici-même il y a quelques heures. Nous avons passé la majorité de la soirée à jaser ensemble, chose que nous continuons de faire maintenant.  Puis, décidant qu’il est temps de passer aux choses sérieuses, je passe doucement ma main sur sa joue, l’incitant à tourner son visage vers moi, et je l’embrasse doucement, histoire de tâter le terrain.  Elle répond favorablement, en posant sa main sur mon épaule, ouvrant la bouche et glissant sa langue sur la mienne.  Après quelques minutes de french-kiss, comme il est de mon habitude dans ces cas-là, je passe à l’étape suivante qui est de commencer à lui caresser les seins, histoire de lui faire comprendre clairement mon désir d’aller plus loin.  Audrey comprend.  Aussi, elle interrompt nos embrassades pour dire:

« Ben…  Là chus dans ma semaine pis j’porte un tampon, fa que ça m’tente pas tellement.  Mais si tu y tiens vraiment, je peux toujours te branler.  Au pire, je pourrais sucer. »

Ces phrases résonnent dans ma tête.  Instantanément, je rejoue mentalement tout ce qu’elle vient de me dire.  Et je note certains passages en particulier.  

« Ça m’tente pas. »
« Si TU y tiens vraiment. »
 » Je peux toujours. »
 » Je pourrais. »
« AU PIRE! »

Je ressens aussitôt la malaisante impression je suis à deux doigts de commettre une agression sexuelle.  En fait, je me sens comme si je l’avais déjà commencée, cette agression.  Ceci me déstabilise moralement.  Aussi, c’est d’une voix calme et posée que je lui répond:

« Naah!  Merci, mais pas obligée, chuis épuisé.  J’ai toute ma journée dans le corps… Aujourd’hui, y’a eu le cégep, le cours d’éducation physique, j’ai aidé une amie à déménager, puis après ça y’a eu le party ici, sans oublier l’alcool…  Je remettrais ça à une autre fois, si ça adonne, et si on en a encore envie tous les deux.  Ça te va? »
« Ben correct! »

Sur ce, dernier petit baiser rapide, souhaits de bonne nuit, je lui tourne le dos et m’installe pour dormir.  

Un an et demi plus tôt, je quittais la plus longue et la plus toxique relation de ma vie avec la mère de mes enfants.  J’étais de retour aux études, à 27 ans, au cégep.  Puisque j’étais 8-9-10 ans plus âgé que les autres étudiants, je ne m’attendais pas à me faire des amis.  Voilà pourquoi j’ai été totalement pris au dépourvu lorsque quelques filles m’ont approché en me désirant comme amoureux et/ou amant.  Il faut dire qu’après avoir passé les cinq années précédentes coincé dans une relation dans laquelle j’étais sans cesse rabaissé à tous les niveaux, je ne m’étais jamais rendu compte que j’étais devenu beaucoup plus regardable que la dernière fois que j’étais allé à l’école.  Il n’y a qu’à comparer ces deux photos, prises l’une à 16 ans et l’autre à 26.
Cette nouvelle popularité auprès de la gent féminine m’a fait passer à travers quatre étapes:

Étape 1: J’ai subi quelques déboires amoureux et sexuel, puisque je ne savais pas du tout comment réagir aux avances de ces filles.  Par conséquent, elles perdaient intérêt devant mon manque de réaction.  Ou devant le fait que je réagissais, mais incorrectement
Étape 2: J’ai subi ensuite quelques déboires amoureux et sexuel, puisque cette fois je réagissais positivement à toutes les propositions de toutes les filles.  Par conséquent, j’avais de la difficulté à jongler avec le fait d’avoir plusieurs amantes à la fois, me faisant surprendre quelquefois en situation d’adultère.
Étape 3: J’ai ensuite subi quelques déboires amoureux et sexuel, puisque je me laissais choisir par n’importe qui.  Disons que quand le désir sexuel est tout ce que nous avons en commun, ça ne fait pas les meilleures relations amicales, encore moins amoureuses.

Aussi, depuis le début de l’année ’97, j’ai décidé de changer complètement mon attitude et de passer à l’étape 4:   Agir en Homme, en vrai!  From half-a-male to Alpha Male.  Puisque le cégep me donne accès à un grand bassin de population féminine qui se renouvelle à chaque session, j’allais en profiter à fond.  Et désormais j’allais avoir le contrôle.  J’allais choisir moi-même mes amantes, sans retenue.  Je me suis même donné comme défi de coucher avec plus de filles en 1997 que durant toute ma vie jusque-là.  J’allais être fonceur. Déterminé! Conquérant!  

Mais attention; fonceur ne veut pas dire défonceur.  J’allais quand même continuer à avoir une certaine retenue et un respect de leurs limites. Voilà comment j’ai créé ma devise: N’attend pas après son OUI, mais respecte son NON.  

Après une vie entière à rater de multiples occasions de baiser parce que j’étais trop passif, cette méthode s’est montrée infaillible.  Durant les cinq premiers mois de 1997, aucune ne m’a dit non.  Mieux encore, ça m’a permis de constater que même les filles qui n’avaient manifesté aucun désir sexuel pour moi étaient capable d’en ressentir à partir du moment où je leur démontrais le mien pour elles.   C’est autant de relations sexuelles que je n’aurais jamais eues si, comme avant, j’avais attendu passivement que l’autre me montre son intérêt.  Un intérêt que je ne faisais rien pour faire naitre en elle.  Ce qui me prouve que j’ai bien fait de l’adopter, cette méthode.  

Et là, couché sur ce divan-lit, tournant le dos à Audrey, pour la première fois depuis les cinq mois que j’utilise cette méthode, j’ai un doute au sujet de ma manière de l’appliquer.  Jusque-là, j’ai toujours cru qu’elle était irréprochable, puisque quoi qui se passe, les filles sont assurées de mon respect de leurs limites.  

Mais, et c’est là où ma méthode fait défaut, encore faut-il que les filles le sachent, que je vais les respecter, leurs limites.  Et ce soir, la réponse d’Audrey face à mes avances m’a bien démontré que non, rien dans mon attitude ne pouvait le lui faire savoir.

Et pire encore: Audrey m’a démontré que mon désir pour elle lui faisait peur.  Elle n’avait aucune envie sexuelle à mon égard.  Mais elle avait tellement peur de ma réaction face à son refus, qu’elle était prête à acheter la paix en m’offrant une compensation sexuelle, en s’offrant de me masturber.

Ou, au pire, me sucer.

« AU PIRE! »

J’ose à peine imaginer les réaction négatives et violentes qu’elle a dû recevoir dans le passé, de la part des gars à qui elle s’est refusée sexuellement, pour considérer aujourd’hui que faire une fellation à un homme qui ne lui plait pas, c’est la moins pénible des deux options.

C’est sûr que techniquement, j’aurais pu l’accepter, sa proposition.  D’accord, c’est moi qui a initié le premier contact physique.  N’empêche qu’elle a répondu positivement à mes baisers.  Et c’est elle qui m’a ensuite offert branlette et pipe, sans que je ne lui demande quoi que ce soit, ni que je lui mette de pression.  Je pourrais en profiter.  Je pourrais me retourner sur le dos, baisser mon pantalon, et lui dire: « Ok, j’accepte la fellation que tu m’offres. »  Je ne ferais que dire oui à sa proposition.  Aucun jury ne me condamnerait de l’avoir fait.  

N’empêche que la première chose qu’elle m’a dite, c’était qu’elle n’en avait pas envie.  Et ses « si tu y tiens vraiment », son « je pourrais », et surtout son « au pire », ça me montre clairement qu’elle le ferait contre sa volonté.   Et avoir du sexe contre la volonté de notre partenaire, c’est un viol.  Et même si ce viol est consenti, ça reste un viol quand même.

Je l’ai souvent répété: En situation sexuelle, 75% de mon excitation provient du fait que je sais que la fille me désire, qu’elle a envie de moi, qu’elle aime ce que l’on fait.  Que ce soit de l’instinct naturel, un réflexe acquis, du respect ou de l’orgueil, peu importe, il reste que c’est comme ça.  Dans de telles conditions, après ce qu’elle vient de me dire, il m’est impossible de voir en Audrey quelqu’un avec qui je puisse prendre plaisir à avoir une relation sexuelle.  Par conséquent, mon excitation est tombé et mon désir a disparu.

J’aurais pu tenter de la rassurer en lui répondant que j’avais compris son message.  Mais j’ai aussi compris que cette fille avait peur.  Peur de mon désir sexuel.  Peur que j’insiste.  Peur de moi.  Elle avait donc probablement tout aussi peur que je vois clair dans son bluff, en comprenant qu’en réalité elle ne voulait rien faire de sexuel avec moi.  Voilà pourquoi je lui ai répondu la seule chose qui pouvait la rassurer: Lui dire que finalement, je suis trop fatigué pour en avoir envie. Ça lui a évité de devoir faire les activités sexuelles qu’elle m’avait proposé à contrecœur, et ça lui a enlevé la crainte de subir des représailles de ne pas me les avoir fait.

Toute ma vie jusque-là, à force de voir les gars gentils et timides se faire dire non par les filles, et à voir les gars fonceurs se faire dire oui par ces mêmes filles, j’en suis arrivé, comme la majorité des gars, a croire que les filles aiment les gars fonceurs.  Eh bien ce soir-là, pour la première fois, j’ai compris que si une fille dit oui à un gars fonceur, ce n’est pas nécessairement parce qu’elle le veut vraiment.  C’est parfois parce qu’elle a peur des conséquences de lui dire non.  

Ce qui signifie que, de toutes ces filles qui m’ont dit oui depuis que j’utilise cette méthode, il y en a peut-être qui auraient préféré me dire non.  Ce qui signifie que sans le savoir, j’aurais été un agresseur sexuel.

Et voilà pourquoi j’ai changé ma méthode d’approche.  Depuis ce soir-là, c’est fini, la drague en propositions sexuelles directes.  En fait, je ne drague plus.  Si je trouve une femme intéressante, je vais lui faire la conversation.  À partir de là, de par ses réactions, il sera évident si elle est intéressé ou non.  Et s’il y a intérêt, il est facile à voir s’il s’agit d’intérêt amical, amoureux ou sexuel.  À ce moment-là, tout dépendant si je suis moi-même intéressé, je vais répondre comme il se doit.  Et maintenant, non seulement j’attends son approbation avant d’agir, je suis beaucoup plus attentif aux signes qui pourraient démontrer qu’elle ne m’aurait dit oui que par peur des conséquences de me dire non. 

Parce que même lorsqu’un agresseur sexuel reçoit l’autorisation de sa victime, ça ne change rien au fait qu’il est un agresseur sexuel.  Et ça, ce n’est pas quelque chose que je veux être.

S’entraîner avec sagesse.

Voici à quoi ça ressemble, au bout de six mois, une résolution du nouvel an qui n’est pas abandonnée en cours de route.  À l’aube de mes 49 ans, me voilà dans la meilleure forme de ma vie, et c’est sans la moindre appréhension que je vois arriver la cinquantaine. 

Ce qu’il y a de bien, lorsque l’on fait sans cesse des efforts afin de s’améliorer non-stop, c’est que l’on n’a jamais besoin de ressentir de la nostalgie pour ce que l’on a déjà été.

Bien que l’on voit déjà l’amélioration, je ne suis encore qu’à mi-chemin avant d’atteindre l’objectif que je me suis fixé, c’est à dire atteindre mon plein potentiel personnel de force et d’endurance.  Ensuite, je passerai à l’étape plus relaxe, celui de l’entretien.  C’est à dire passer de l’entrainement intense et régime modéré actuel, à l’entrainement modéré et régime relax.  Prendre mon poids une fois par semaine, et ajuster entrainement et nourriture de la semaine à ce moment-là, pour m’assurer de garder stable la bonne forme.  

Il y a une personne, ex-connaissance à moi, qui avait aussi comme résolution l’amélioration physique pour l’été de 2017.  Et cette personne a échoué en un an ce que j’ai réussi en six mois.  Il faut dire que notre approche de l’entrainement est très différente.  Et c’est en l’observant que j’ai compris pourquoi certaines méthodes fonctionnent alors que d’autres non.  Par exemple, tandis que…

L’AUTRE : Se plaignait sans cesse comme quoi il y avait toujours foule au gym, et que ça lui est un turn-off total.
MOI : Je faisais partie de la foule.  Mieux encore: J’utilisais la foule.  À chaque fois qu’une machine que je voulais était occupée, au lieu d’attendre et/ou de chialer, j’allais à la première machine libre que je voyais.  Machine que, autrement, je n’aurais pas été porté à utiliser.  Ça a diversifié mon entrainement.  Ça a même rajouté à ma routine des exercices que je n’aurais pas découvert autrement.

L’AUTRE : Courait sur les tapis roulants et les elliptiques.  Or, quand on court pour aller nulle-part, faut pas être surpris de ne pas atteindre son but.
MOI : La course, je la faisais deux fois : De chez moi en allant au gym, et ensuite du gym en allant chez moi, ce qui est beaucoup moins ennuyant. D’ailleurs…

L’AUTRE : Recherchait sans cesse une personne pour l’accompagner dans ses exercices, car elle trouvait l’entrainement ennuyant.
MOI : Je ne m’ennuie pas.  Au contraire, le fait d’observer, de penser à chaque exercice, de les planifier, de les diversifier, de me concentrer sur ce que je fais, fait que je n’ai pas besoin d’une personne pour me distraire.  Parce que c’est tout ce que ça ferais, justement: Me distraire de mes exercices, ce qui serait contre-productif.

L’AUTRE : N’utilisait pas ce que le gym pouvait vraiment offrir.
MOI : Car en effet, la course, le cardio, on peut faire ça partout à l’extérieur.  Par contre, les poids, haltères et autres machines à travailler les muscles, on ne peut pas trouver ça dans la rue.  C’est donc là-dessus que je travaille lorsque je vais au gym.

L’AUTRE : Ne faisait que du cardio.
MOI : Je fais de tout: Bras, jambes, poitrine, ventre, dos, muscu, cardio, force, résistance, endurance… Le corps brûle les gras et prend du muscle beaucoup mieux lorsque toutes les parties sont sollicitées, surtout de toutes les façons.  

L’AUTRE : Se vante d’avance de ses résultats à venir.  C’est une très mauvaise idée, car une fois que l’on a conditionné tout notre entourage à attendre nos résultats, ça nous met de la pression.  Ça transforme en corvée obligatoire ce qui aurait dû être une activité volontaire, et ça devient d’autant plus humiliant si on échoue dans nos objectifs.  
MOI : Je suis resté humble et discret.  Ainsi, ma victoire actuelle est une annonce agréable et positive qui prend tout le monde par surprise.  Et si j’avais échoué, alors personne ne l’aurait su.

L’AUTRE : Son objectif: Perdre 60 lbs / 27 kgs.  Par conséquent, son but était encore très loin.
MOI : Mon objectif: Aller au gym de 2 à 4 fois par semaines, faire 10 exercices, trois sets de 10 répétitions, jamais les mêmes exercices que le jour précédent.  Donc, à tous les jours où je revenais du gym, j’étais satisfait car j’avais atteint mon but.  Donc, tandis que…

L’AUTRE : Met son focus sur la perte de poids, donc sur le résultat de l’exercice…
MOI :  Je mets mon focus sur l’exercice.  Non seulement ça m’apporte la satisfaction quotidienne d’avoir atteint mon but, le résultat sous forme de perte de gras et de gains musculaires ne devient plus qu’un bonus, une prime qui se rajoute agréablement à la satisfaction du travail bien fait.  Par conséquent…

L’AUTRE :  Changeait de succursale, recherchant le gym qui lui conviendrait, sans jamais vraiment le trouver.
MOI :  Je m’adapte! Non mais sérieux, là, le principe de faire de l’exercice, c’est de forcer le corps et l’esprit à s’adapter à des situations qui ne lui sont pas familières, d’où évolution à tous les niveaux.  On va au gym pour chercher le challenge, l’inconfort.  Si tu y vas pour chercher ton petit confort, c’est perdu d’avance.

L’AUTRE : Bon, j’avoue, je ne connais rien de son régime alimentaire.  Tout ce que je peux dire, c’est que pour bien des gens, un régime consiste à manger moins, et à abandonner toute la junk food qui lui faisait tant envie.  Elle se retrouve donc à vivre sur une nourriture qui ne lui est pas familière, à quantité insatisfaisante, et à déprimer au sujet de tous ces mets qu’elle ne pourra plus jamais se permettre.
MOI :  J’ai utilisé une méthode en trois facettes:
– Facette 1: Je ne change pas la quantité de nourriture à laquelle je suis habitué.  Mais bon, au départ, je ne mangeais pas comme un ogre non plus.
– Facette 2: Six jours semaines, que des fruits, des légumes, peu de volaille, presque pas de viande, pas de pain ni ses dérivés.
– Facette 3: Le samedi, je mange tout ce que je veux, la quantité que je veux.  Car en effet, renoncer à la poutine et à la pizza pour toujours, ce serait déprimant.  Il m’est beaucoup plus facile moralement de me dire que samedi s’en vient.

L’AUTRE : Y a renoncé, préférant maintenant nier la réalité, se mentant à soi-même au sujet de son poids, changeant sa mentalité pour adhérer au mouvement Fierté Ronde, criant au FAT SHAMING contre tous ceux qui lui rappellent qu’elle a passé des années à chercher à en perdre.
MOI : Je continue le cardio, la bonne alimentation, la musculation, l’endurance, et, par conséquent, l’évolution positive.

Mais je crois que la plus grande différence, c’est le fait que pour…

L’AUTRE : Les exercices et la bonne alimentation sont un mal nécessaire, une obligation planifiée pour n’être que temporaire, le temps d’atteindre la bonne forme.
MOI : Les exercices et la bonne alimentation sont un bien nécessaire, quelque chose de volontiers, que je planifie bien garder pour le reste de ma vie, pour garder la bonne forme longtemps.

Ceci dit, si ma tendance habituelle se maintient, d’ici quatre ans, j’aurai repris le poids perdu.  Je ne crois pas que ça va arriver.  Mais même si c’est le cas, et alors?  Premièrement, j’aurai toujours les gains musculaires obtenus.  Ensuite, je n’aurai qu’à recommencer, et je réussirai de nouveau, voilà tout.

 


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Ça a été ma fête. Ou: Les 20 désagréments de mes 29 ans.

Dans quelques semaines, je fêterai mon 49ième anniversaire.  Et si je me souviens encore de celui d’il y a vingt ans, ce n’est pas par nostalgie.

Juillet 1997.  Je viens d’avoir 29 ans.  Je sors avec une jolie étudiante du nom de Camélia, âgée de 20 ans.  La semaine, je suis administrateur (et résident) des Résidences Étudiantes du Cégep André-Laurendeau.  Les weekends je travaille au restaurant végétarien Le Commensal, situé près de l’Oratoire St-Joseph.  

À l’époque, je ne suis pas encore un partisan de la bouffe santé.  Aussi, ce samedi-là, je suis bien embêté de voir que j’ai oublié mon lunch chez moi.  Je me vois donc obligé de manger la seule chose qui se rapproche de mon menu habituel, soit la lasagne végétarienne.  Après le boulot, je me rends aux casiers, j’y laisse mon uniforme, et je me remets en shorts et T-shirt, ce qui sied avec la température actuelle de 27°C.

Cette année-là, mon anniversaire tombait un lundi.  Voilà pourquoi Camélia a préféré attendre le samedi suivant pour me fêter.  Je me suis donc rendu directement chez elle, à Kirkland, ce qui, à partir de mon boulot, demande un trajet de deux métros, deux bus et deux heures.   Ses parents étaient partis pour la fin de semaine.  Elle en a donc profité pour me faire la plus surprenante des surprise-party.  Il y avait une vingtaine d’invités, représentant mes amis du cégep, ceux du monde de la BD, et quelques uns de mes vieux amis de St-Hilaire, dont mon bon vieux copain Carl.  Ça avait beau faire deux ans que j’avais changé de vie pour le mieux, jamais avais-je eu droit avant à une si grande marque d’appréciation, d’un aussi grand nombre de personnes.  

À la fin de la soirée, après que les derniers invités soient partis, Camélia m’a fait rester, car elle était maintenant prête à m’offrir la seconde partie de mon cadeau, soit quelques heures de baise.  Un fringuant jeune homme de 29 ans ne dit pas non à ça.  Et lorsque nous avons enfin déclaré forfait, passé une heure du matin, je n’avais autre choix que de passer la nuit là.  Elle a réglé le réveil pour que je me lève à 5:30 am, ce qui me laissera 30 minutes pour me lever, déjeuner et partir, et les deux heures de bus et métro requises pour arriver au boulot à temps.

Dimanche matin, la sonnerie du réveil marque le début d’une longue suite de désagréments.

Premier désagrément: Le réveil. J’ai dû dormir à peu près quatre heures en tout. La fatigue + l’alcool pris la veille me donnent une désagréable gueule de bois.

2e désagrément: Je gèle!  Quelques heures plus tôt, lorsque l’on s’est endormis, la température avait encore le Celsius dans la vingtaine.  Aussi, on a laissé la fenêtre ouverte.  Eh bien ce matin il fait 12°C.   Et comme le veut le cliché, ma tendre moitié s’est emmitouflée dans les couvertures cette nuit, me laissant exposé au froid.

3e désagrément: Étant riches et snobs, les parents de Camélia ne connaissant pas le pain blanc tranché.  Dans une miche de pain de foin entier, je me taille maladroitement des tranches trop grosses pour le grille-pain, que je me vois en plus obligé de manger nature car la seule chose qu’il y a de tartinable ici, c’est de la marmelade d’orange, et j’ai horreur de ça.

4e désagrément: 12°C, quand on n’a rien d’autre qu’un T-shirt et des shorts, c’est inconfortablement froid.  Surtout au grand vent qu’il y a ce matin.  Je marche jusqu’au boulevard et je m’assois à l’arrêt de bus, qui n’est pas un abribus mais un simple banc, dans l’attente du premier bus, un local, qui ne fait que les rues de Kirkland.

5e désagrément: Je suis patient, mais au bout de 20 minutes d’attente dans le froid, je commence à en avoir un peu assez.  Histoire de ne donner une idée du temps qu’il me reste encore à attendre, je me lève et je vais jeter un oeil à l’horaire du bus pour savoir quand est-ce qu’il passe, au juste.

6e désagrément: Je constate que je viens d’attendre pour rien.  Ce bus ne passe pas le dimanche.  Il fallait s’y attendre.  Kirkland est un de ces endroits de riches, avec surtout des maisons privées, où vivent des familles biens établies en suivant les valeurs à l’ancienne. Autrement dit, ici, le monde travaille du lundi au vendredi, parfois le samedi, mais jamais le dimanche. Par conséquent, l’autobus n’a aucune raison de passer ce jour là pass’que tout est fermé et que les gens restent chez eux. Et s’il y en a qui ont à se déplacer, ils ont leur auto pour le faire. Par conséquent:

7e désagrément: Je me vois obligé de marcher un autre 20 minutes le long du boulevard pour me rendre à l’arrêt de l’autre autobus qui, lui, va m’amener jusqu’au métro Lionel Groulx. Si seulement j’avais consulté l’horaire du bus local dès mon arrivée, je serais déjà en train d’attendre le 2e bus en ce moment, ou peut-être serais-je déjà dedans.  Je marche dons à pas rapide, du côté ensoleillé de la rue, dans l’espoir de me réchauffer quelque peu.

8e désagrément.  Une fois rendu à l’intersection, je constate qu’il y a des arrêts de bus aux quatre coins, mais un seul qui n’a ni abribus ni banc: Le mien.  Au moins, l’horaire de bus de celui-là confirme qu’il passe les dimanches, et le prochain sera dans onze minutes.  C’est déjà ça.

Accoté à un arbre à me les geler en attendant le bus, il me prend une banale envie de flatuler.  Je suis seul et au grand air, pour ne pas dire au grand vent, alors comme de raison je me laisse aller sans retenue.

9e désagrément: Ce n’était pas gazeux! C’était liquide!  Je ne peux m’empêcher de lâcher à haute voix mon répertoire de mots d’église par ordre alphabétique.  Pendant un instant, je songe à aller me réfugier dans l’un des trois abribus afin de rapidement enlever mes shorts et jeter mon caleçon.  

10e désagrément: … Mais voilà que j’aperçois le bus qui arrive.  Je ne peux pas me permettre de le rater.  Je me vois donc obligé d’embarquer, de m’y asseoir, et de passer toute l’heure suivante à devoir endurer le visqueux qui m’imprègne désagréablement les poils du cul.

De retour au métro Lionel Groulx, j’emprunte la ligne orange, pour ensuite transférer sur la ligne bleue. Inutile de dire que j’ai hâte d’arriver pour pouvoir me torcher, nettoyer mes bobettes dans l’évier des bécosses du resto, et me changer en linge de job, en espérant que le fait d’étendre mes boxers dans mon casier pendant 8 heures sera suffisant pour les faire sécher. J’ai horreur d’avoir le paquet à l’air dans mon pantalon, mais là je n’aurai pas le choix.

11e désagrément: J’arrive en retard.  Bon, d’une seule minute, donc pas assez pour me faire engueuler, mais c’est chiant quand même. D’ailleurs, parlant de chiant, j’avais très hâte de pouvoir me réfugier aux toilettes du boulot parce que mon accident de tantôt n’était que le précurseur de ce qui s’en vient.  Car en effet, depuis un bon quart d’heure…

12e désagrément: J’ai de la pression intestine qui va en augmentant, avec des crampes qui reviennent par vagues de plus en plus rapprochées. Ça va être un miracle si je n’explose pas avant d’arriver. c’est avec soulagement que j’agrippe la poignée de la porte principale du Commensal et que…

13e désagrément: La porte refuse d’ouvrir.  Eh oui, la place est verrouillée. Je ne comprends pas!  D’habitude à cette heure là, il y a déjà au moins un cuisinier + Étienne et Patrick, mes deux autres collègues bus boy / plongeurs.  Il n’y a aucune explication, rien d’affiché sur la porte.  C’est juste fermé, c’est tout!  Je réfléchis.  J’essaye de me rappeler si aujourd’hui est un jour férié ou de congé spécial.  Mais non, pour autant que je sache, il n’y a rien du tout.  Je vais à la croissanterie située juste au dessous du Commensal. On partage une entrée commune, alors ils doivent bien savoir ce qui se passe. L’employé me dis qu’il n’en sait rien.  Bah, en attendant que le mystère s’éclaircisse, je vais au moins en profiter pour utiliser leur toilettes. Mon statut d’employé d’un commerce de la place me permet de passer outre le règlement comme quoi les toilettes sont réservées pour les clients seulement. Aussi, je me dirige expressément vers les toilettes…

14e désagrément:  … qui sont déjà occupées.  Pour les dix minutes qui suivent, je me vois obligé de prendre mes crampes en patience et pousse la résistance de mes sphincters à leurs limites en attendant que le client finisse par sortir des bécosses!

Après avoir enfin pu les utiliser, j’en ressors fortement soulagé, caleçon en moins sous mes shorts puisque je l’ai abandonné dans la poubelle.  Je passe les heures suivantes à attendre en vain l’ouverture du resto.

15e désagrément: J’ai faim!  Il est presque midi.  Je n’ai aucun argent sur moi pour m’acheter à manger.  Travaillant dans un resto, je m’attendais à manger sur place.  je n’ai donc rien amené comme lunch de chez Camélia.  Je dois me rendre à l’évidence, Le Commensal est fermé aujourd’hui, je rentre donc chez moi, affamé.

16e désagrément: Une heure plus tard, à peine entré chez moi, je dois me précipiter de nouveau à la salle de bain de toute urgence.  Je commence à croire qu’il y avait quelque chose dans la nourriture servie dans mon party d’anniversaire la veille qui n’était pas de première fraîcheur, parce que j’ai les intérieurs qui veulent vraiment pas le garder.  Soulagé de nouveau, je prends une douche bien méritée, et surtout bien nécessaire.

En sortant de la salle de bain, je vois qu’il y a des messages sur le répondeur téléphonique. Je les écoute. L’un d’eux, qui m’a été laissé la veille, est de Lise, l’assistante-gérante du Commensal. Elle me dit que je n’ai pas à me présenter au Commensal dimanche, donc aujourd’hui, car ça va être fermé.

17e désagrément:  Je constate que si je n’avais pas passé la veille chez Camélia, ou si j’avais pris la peine de vérifier mes messages, j’aurais pu m’éviter une bonne partie des désagréments des sept dernières heures.

Et pourquoi est-ce que le Commensal est fermé, au juste?  Eh bien, c’est qu’on leur a signalé des cas de clients qui ont été contaminés la veille par un item du buffet. À cause de ça, le resto va être fermé quelques jours, le temps que tout soit décontaminé, et que les employés contaminés se fassent tester et soigner s’il y a lieu.

Et de quel item et de quels symptômes s’agit-il au juste?

18e désagrément: La lasagne végétarienne, contaminée par un virus qui donne la diarrhée.

19e désagrément: De toutes les journées pour oublier son lunch, pourquoi a-t-il fallu que je laisse le mien chez moi CE JOUR-LÀ EN PARTICULIER?  

20e désagrément: De tous les mets parmi la soixantaine disponible au buffet, pourquoi a-t-il fallu que mon choix se porte sur CELUI-LÀ EN PARTICULIER?

Les gens ont beau dire que la chance, c’est quelque chose que l’on se fait soi même parce que la malchance n’existe pas puisque ce n’est qu’une conséquence de nos mauvaises décisions….  N’empêche que je ne vois vraiment pas comment le fait d’oublier mon lunch aurait pu être une décision de ma part.  D’accord, oui, à cause de ça, j’ai décidé de manger de la lasagne.  Mais comment aurais-je pu savoir qu’elle était contaminée?  

J’aurai appris au moins une chose de ce weekend-là, et c’est que parfois, peu importe ce que tu fais ou ne fais pas, il arrive que le hasard mette tout en oeuvre pour te faire chier.