La fonction première du corps humain est d’assurer sa propre survie. Pour se faire, il s’adapte de manière à pouvoir survivre à un environnement hostile. Ceci est vrai autant pour l’aspect physique que pour l’aspect psychologique.
L’ASPECT PHYSIQUE
Prenons, par exemple, une personne sédentaire qui décide de se mettre au sport. Ça tombe bien, ça a déjà été mon cas. Je parlerai donc par expérience.
L’exercice ; le cardio.
À l’hiver de 2010-2011, je m’étais mis à la course à pied dans le but de pouvoir éventuellement courir un marathon. Le premier mois, j’avais le souffle court, les poumons en feu, le cœur qui battait à tout rompre. Ces réactions démontrent que je soumettais mon corps à un nouvel environnement qui lui était hostile. Mon corps a donc évolué de manière à pouvoir y survivre. Au fil des semaines, mon cœur s’est renforcé, mes poumons sont devenus plus performants, les muscles de mes cuisses ont pris du volume et de la force. Après quatre mois, je pouvais courir pendant une heure sans être essoufflé.
L’exercice : la perte de poids.
À devoir soutenir un tel effort sur une base quotidienne, mon corps a commencé à utiliser sa réserve de graisse pour la convertir en énergie dont elle avait besoin pour survivre à ce nouveau régime de vie. La perte de poids qui en a résulté fut spectaculaire, mais seulement lors du premier mois. Car plus le temps passait, plus mon corps devenait performant, et moins il avait besoin d’énergie. Voici le poids que j’ai perdu durant les quatre mois de mon entrainement :
1er mois : 13 lb. (5.90 kg)
2e mois : 7 lb. (3.18 kg)
3e mois : 2 lb. (0.90 kg)
4e mois : 0 lb. (0 kg)
Un truc semblable m’est arrivé en 2022. En mai et juin, le vélo m’a fait perdre beaucoup de poids. Et lèa encore, mon corps a évolué au point de devenir si performant que je ne perdais plus rien.
L’exercice ; la musculation.
Le principe même de la musculation repose sur l’évolution du corps en milieu hostile. Pour pouvoir survivre à une vie d’effort physique intense, les muscles grossissent et deviennent de plus en plus forts. D’où l’importance d’augmenter sans cesse la charge de poids et de varier les exercices. Sinon, le corps va s’habituer et il cessera son évolution. C’est d’ailleurs un fait reconnu dans le milieu du culturisme que c’est dans la première année d’entrainement que les gains musculaires sont les plus grands, pour peu que cet entrainement soit fait correctement. Ensuite, le corps s’habituant de plus en plus, sa progression ralentit.
Si le culturiste n’accepte pas ses limites naturelles, il prendra des suppléments de testostérone. Ou pire encore, des stéroïdes anabolisants. Ce qui nous amène au point suivant :
La testostérone.
Lorsque l’on prend des suppléments de testostérone, ou pire encore des stéroïdes anabolisants, le corps constate qu’il est saturé de beaucoup plus de testo que supposé. Dans une tentative de remettre les choses à la normale, le corps évolue : il en diminue sa production naturelle. Malheureusement, lorsque les couilles sont vexées de voir qu’on leur a volé leur boulot, elles se mettent en grève illimitée. À partir de ce point, plus jamais le corps n’en produira. Ce qui obligera l’usager à continuer d’en prendre pour le reste de ses jours, avec les problèmes de santé que ça comporte. Ou à se voir dégonfler et démasculiniser.
La peau.
Chez l’homme, lorsqu’il est adolescent, le rasage est un exercice pénible et douloureux. D’où le besoin de ramollir le poil avec de l’eau et de la mousse. Rendu adulte, la peau de son visage est si renforcée qu’il s’y passe le rasoir électrique à sec sans sourciller. Chez la femme, même chose avec les aisselles.
Nous avons tous vécu la douloureuse expérience des plaies au pieds causées par des chaussures neuves. Quelques jours plus tard, les plaies disparaissent. Ensuite, la peau épaissit. En général, à partir de trente ans, la peau des pieds est rendue tellement solide que ce problème ne se manifeste plus.
La drogue.
Tel que décrit dans ce vieux billet, jeudi le 19 avril 2012, j’ai consommé de la cocaïne pour la première et la dernière fois de ma vie. Ce jour-là, j’étais dans la pire journée d’un rhume. J’en ai donc pris un gramme, par voie orale, dans un smoothie. Puisque je n’étais nullement habitué à la chose, ça m’a fait effet pendant trois heures et demie. En vingt minutes, tous les symptômes de mon rhume ont disparu. J’avais de l’énergie comme jamais. Mon cerveau fonctionnait si vite que j’avais l’impression que tout marchait au ralenti. Et, chose étrange, mon appétit avait disparu. Tellement, que j’ai dû faire un grand effort de volonté pour manger une salade de fruits. Puisque l’on mange dans le but d’avoir de l’énergie, je suppose que mon corps ultra-énergisé par la coke considérait qu’il n’avait pas besoin d’être nourri.
Si cette expérience a été aussi formidable, pourquoi ne suis-je pas tombé dans le piège de la dépendance? Parce que, comme tout le monde, je n’ai pas eu besoin de le vivre moi-même pour savoir ce qui se passe lorsque l’on prend l’habitude de consommer des drogues dures. Au tout début, comme je l’ai vécu, c’est une expérience extraordinaire. Il est donc tentant de vouloir la revivre. Plus souvent on en prend, plus le corps s’y adapte, et plus il en annule les effets. Jusqu’au jour où en consommer n’apporte plus aucun bénéfice.
Je n’en connais pas les raisons puisque je n’ai pas étudié la chose, mais tout comme pour la testostérone, la coke semble remplacer quelque chose produit par l’organisme. Car rendu à ce point, le corps réclame de la cocaïne afin de pouvoir fonctionner normalement. On commence par en prendre car ça nous fait sentir plus-que-tout, et on se retrouve obligé d’en prendre pour ne pas se sentir moins-que-rien. Et on y laisse nos revenus et notre santé.
Et c’est la raison pour laquelle je n’ai jamais renouvelé l’expérience au-delà de cette unique fois. Je suis peut-être un incorrigible optimiste. Mais je ne suis pas assez fou pour croire que je suis spécial au point où ça se passerait différemment pour moi.
Certains poisons.
Je n’ai jamais su si c’était un fait historique ou une légende. Mais j’ai déjà entendu une histoire qui racontait à peu près ceci : Un empereur de Chine était un tyran qui faisait la vie dure à ses citoyens. Il était craint, respecté, et c’était également un grand parano qui faisait goûter tous ses plats une heure avant de les consommer lui-même, par crainte d’un assassinat par empoisonnement. Sa plus grande faiblesse était son amour pour les jeunes filles.
C’est ainsi que des villageois, apprenant que l’empereur passera bientôt avec son armée sur leur village, ont préparé une jeune fille pour lui. Le premier jour, ils ont mis une goutte de cyanure dans le repas de cette dernière. Au repas suivant, ce fut deux gouttes. Le repas suivant, trois. Et ainsi de suite, jusqu’au jour où la jeune fille put avaler une grande quantité de ce poison sans risque pour sa santé. Elle fut ensuite offerte à l’empereur. Le soir-même, ils eurent des relations sexuelles. Et l’empereur mourut empoisonné pendant l’acte, car tous les fluides corporels de cette jeune fille étaient hautement toxiques.
Que cette histoire soit véridique ou non, c’est un fait reconnu depuis plusieurs siècles que le corps humain peut s’adapter afin de résister à certains poisons, s’il y est soumis à faible dose. Les vaccins fonctionnent sur un principe similaire.
Et maintenant, passons à l’évolution dans :
L’ASPECT PSYCHOLOGIQUE
La conscience a beau être immatérielle, il reste que celle-ci réside dans le cerveau. Et puisque le cerveau est un organe du corps humain, celui-ci est forcément affecté par le principe de l’évolution pour s’adapter en milieu dérangeant. On peut le constater aisément sur nos cinq sens,
L’ouïe.
Tandis que vous lisez ceci, prenez un moment pour être attentif aux bruits qui vous entourent. La climatisation. Le moteur du frigo. Le tic-tac de l’horloge. Le murmure des appareils électriques. La première fois que vous vous êtes retrouvés dans cette pièce, vous entendiez clairement tout ça. Mais votre cerveau a évolué de manière à bloquer les bruits constants et sans importance. Ainsi, ils ne vous dérangent plus, et votre esprit reste clair.
La vue.
Fin novembre / début décembre. Vous décorez l’intérieur de la maison pour Noël. Les premiers jours, tous ces éléments détonnent de votre décor habituel, et vous vivez pleinement l’émerveillement de la magie du temps des fêtes. Puis, au bout de la troisième semaine, la magie s’est estompée, et vous ne remarquez même plus la déco. Puisqu’il n’est pas dans la nature de l’humain d’être constamment émerveillé, le cerveau s’est adapté de manière à ne plus se laisser distraire par la nouveauté de ces éléments.
Le goût.
Lorsque j’ai suivi mon premier régime alimentaire il y a 21 ans, j’ai constaté que le goût pouvait évoluer de manière à aimer des aliments qui, autrefois, me laissaient indifférent, ou bien que je n’aimais pas. Par exemple, le thé. À mon goût, il n’y avait pire boisson dans toute l’histoire de l’humanité. Mais à force de consommer du thé vert pour ma santé, j’ai fini par y prendre goût, qu’il soit chaud, tiède ou froid du frigo. Et ce, nature.
Il y a quelques années, j’ai vu à la télé un reportage au sujet d’un homme qui a survécu à un naufrage, dans un canot gonflable. Pendant trois semaines, il ne se nourrissait que des poissons qu’il arrivait à capturer. Ce manque de variété dans son menu lui créait des carences alimentaires. Après quelques jours, il a constaté qu’il était particulièrement friand des yeux de ces poissons. Il semblerait que ces yeux contenaient un élément nutritif important pour sa survie. Son corps et son cerveau ont donc évolué de manière à lui donner un grand appétit pour ceux-ci.
L’odorat.
Vous mettez un parfum. Au bout d’une quinzaine de minutes, vous ne le sentez plus. Est-ce qu’il s’est estompé ? Du tout ! Les gens qui vous croisent le sentent. C’est juste que votre cerveau s’est adapté de manière à ne plus se laisser distraire par la présence de cette odeur nouvelle.
Ça marche également avec les mauvaises odeurs. J’avais une ex qui fumait, et cela empestait la maison. Lorsque je passais quelques heures chez elle, je ne le sentais plus. Mais lorsque je partais, particulièrement en auto ou en bus, au bout de 30 minutes, je constatais peu à peu que mes vêtements puaient la cigarette. Mais pendant que j’étais chez elle, mon cerveau s’est adapté de manière à ne plus se laisser distraire par cette odeur désagréable.
Le toucher.
Prenez un moment pour constater le contact de vos lunettes sur votre nez et vos oreilles. Les vêtements sur votre peau. Les bracelets sur votre poignet. La langue dans votre bouche qui touche vos dents et votre palais. Avant que je vous le dise, vous ne sentiez rien de tout ça. Votre cerveau s’était adapté de manière à ne plus se laisser distraire par ces sensations. Maintenant, à cause de moi, vous en êtes conscients.
Il n’y a pas que dans les expériences hostiles ou dérangeantes que le cerveau s’adapte de manière à ne plus ressentir. Il le fait également avec les expériences positives. Par exemple, le rire. Il y a quelques années, j’avais écrit un recueil de courtes histoires et anecdotes humoristiques. Mon ami Loïc a commencé à lire le manuscrit. Ses réactions allaient du sourire amusé, au petit rire, et parfois jusqu’aux éclats. Au bout d’une heure, rendu aux trois quarts de sa lecture, il me rend mon manuscrit en me disant. « Tiens, je vais reprendre la lecture plus tard. J’ai trop ri, ça ne me fait plus effet. » Et c’est normal. Le cerveau n’est pas fait pour être en état d’hilarité constante. Alors il s’adapte de manière à revenir à la normale.
Pour la nourriture, même principe. Je crois que nous avons tous déjà vécu la situation suivante : Un jour, on découvre une boisson ou une nourriture quelconque. Et on ressent l’envie d’en reprendre. Et encore. Et encore. Alors sur une période pouvant aller de deux semaines à six mois, on en consomme une forte quantité sur une base régulière. Puis, un jour, l’envie n’y est plus, on arrête brusquement d’en consommer, et on le laisse périmer au frigo ou au garde-manger. Là encore, le corps a évolué de manière à estomper ce besoin qui était hors de son ordinaire.
Quand le charme de la nouveauté créé la dépendance psychologique.
Le charme de la nouveauté est une sensation très agréable. Et ceci donne parfois lieu à de la dépendance lorsque l’habitude la fait s’estomper. Plus haut, je parlais de la cocaïne. C’est bien connu que cette drogue créé une dépendance physique. Mais la sensation qu’elle apporte, d’être au summum de nos capacités physique et intellectuelle, créé également une dépendance psychologique. Il en va de même pour certaines expériences plus anodines. Par exemple :
Sorties de bar.
1996, j’avais 28 ans et j’étais de retour aux études. Une camarade de classe a organisé une sortie dans un bar-spectacle du centre-ville de Montréal. Ne consommant d’alcool que très modérément, et ne supportant pas l’odeur de la cigarette, je n’avais jamais été un gars de bars. Mais c’est cette année-là qu’est entrée en vigueur au Québec l’interdiction de fumer à l’intérieur des commerces et autres endroits publics. J’ai donc accepté l’invitation. Et j’ai vécu une expérience extrêmement positive. La camaraderie, l’ambiance, le spectacle, la musique, les rires. Toutes ces découvertes, ces nouvelles expériences, firent qu’à mes yeux, cette soirée était magique.
La semaine suivante, nous y sommes retournés. C’était bien, mais pas autant que la première fois. Normal, je n’avais plus rien à y découvrir. Le charme de la nouveauté n’était plus là. Une semaine plus tard, la soirée n’avait plus rien d’extraordinaire. Je me souviens d’avoir eu le réflexe de vouloir sortir ailleurs, découvrir d’autres bars, et de le faire plus souvent. Et j’ai constaté que je ne me reconnaissais pas dans ce comportement. Je n’ai jamais été du genre à sortir le soir pour la danse et la drague. Et de l’alcool, je n’aime ni le goût ni les effets ni le prix. Alors pourquoi est-ce que je suis soudainement porté à vouloir me soumettre à des habitudes qui ne me conviennent pas? J’ai alors compris que je cherchais à recapturer le moment magique de ma première sortie.
Romance et sexualité.
Ça, c’est quelque chose que j’ai vu chez beaucoup de femmes. Je vais donner comme exemple l’une de mes ex. Lorsque j’ai rencontré Mégane, ça faisait vingt ans qu’elle était en couple avec le père de son enfant. Elle s’est tout de suite intéressé à moi. Quant à moi, constatant que j’avais beaucoup d’atomes crochus avec cette jolie femme plus jeune que moi, je lui ai démontré mon intérêt. C’était la première fois depuis une éternité qu’un homme la faisait se sentir désirée. L’excitation qu’elle ressentait pour moi était énorme. Et le sexe n’en était que meilleur. Cette excitation se trouvait décuplée par le fait que, après vingt ans à être une fidèle épouse et bonne mère rangée, elle jouait maintenant à la vilaine fille. Elle développa sa sexualité en découvrant avec moi des pratiques qui allaient bien au delà du missionnaire-vient-retire-dodo de son mari.
Au bout de quelques mois, le charme de la nouveauté a bien fini par s’estomper. Alors lorsqu’un ex de son adolescence l’a retracée sur Facebook et qu’il lui a fait le baratin du Tu es toujours aussi belle qu’avant et voilà trente ans que je ne pense qu’à toi car tu es la femme de ma vie, elle retrouva avec lui cette excitation de nos débuts. Elle me lâcha pour devenir son amante régulière, et alla avec lui beaucoup plus loin dans sa sexualité qu’elle ne l’avait fait avec moi.
Avec le temps, elle découvrit de plus en plus que le baratin de son beau parleur n’était que du vent. Il la décevait de plus en plus souvent. Elle s’est tout de même accroché à lui pendant un an, dans l’espoir de retrouver éventuellement la passion de leurs débuts. Jusqu’au jour où il lui causa une profonde blessure émotionnelle qui causa leur rupture. Et depuis, elle multiplie les conquêtes, toujours à la recherche de cette excitation de se sentir désirée, prenant de plus en plus de risques pour sa santé. Tout en étant de plus en plus malheureuse. Tout ça parce que son cerveau s’est habitué aux nouvelles conquêtes sexuelles, et il s’est adapté de manière à ne plus y ressentir le charme de la nouveauté.
Où est-ce que je veux en venir, avec ces multiples exemples d’évolution et d’adaptations du corps humain et du cerveau ?
Au fait que tout ceci est étroitement relié au sujet d’une série de billets que j’ai écrit il y a quelques semaines, intitulé L’intérêt d’une femme vient avec une date d’expiration. La femme rencontre l’homme. La femme découvre l’homme. La femme se trouve sous le charme de la nouveauté au sujet de cet homme. Son corps a des réactions physiques d’intérêt pour cet homme : excitation, pupilles dilatées, augmentation du rythme cardiaque, hausse de température. Puis, à mesure que le temps passe, si l’homme ne fait rien pour prolonger l’intérêt de la femme, la nouveauté s’estompe, le charme s’évapore et son intérêt pour l’homme disparait.
Il ne faut pas y voir un caprice d’orgueil féminin. Tout ce procédé n’est que la réaction normale du corps humain, dont fait partie le cerveau, qui évolue de manière à s’adapter à une nouvelle situation. L’intérêt est un virus qui dérègle la routine du corps et de l’esprit. Alors le corps et l’esprit s’y habituent afin de s’en immuniser.
Et c’est la raison pour laquelle il est impossible pour un homme de faire renaitre en une femme l’attrait qu’elle ressentait pour lui, dès que celui-ci s’est estompé. C’est parce que cet homme est un virus contre lequel elle est désormais immunisée.