Jeudi le 19 avril 2012, je consommais de la cocaïne pour la première et la dernière fois de ma vie. J’avais eu l’idée de chroniquer cette expérience unique pendant que je la vivais. J’ai cru que j’avais perdu le texte à tout jamais lorsque mon disque dur a crashé à l’Halloween de 2015. Eh bien, il se trouve que je m’en étais envoyé une copie par courriel. Je viens de la redécouvrir en explorant le dossier Éléments envoyés de mon compte Hotmail. Alors voilà la chose.
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Samedi 14 avril
En nettoyant un bus, je trouve sous un banc de minuscules sachets genre ziploc contenant une poudre blanche, partiellement solide. Seul l’emballage me donne l’impression qu’il pourrait s’agir de cocaïne, puisque je n’en ai jamais vu de ma vie.
Dimanche 15 avril.
J’en parle à une amie en lui décrivant la chose. Elle me donne un truc pour savoir si c’en est ou non : En mettre une minuscule quantité au bout de mon doigt et me frotter la gencive. Si ça gèle comme du Oragel, c’en est.
Lundi 16 avril
J’essaye. Ça gèle. C’en est de la vraie. HOSTIE QUE ÇA GOÛTE MAUVAIS!
Je reste indécis… Dois-je la jeter ou la garder? Je décide de la garder finalement. C’est que, depuis que je suis ado, je me dit que si un jour j’entre en possession de cocaïne, je la garderais en cas d’extrême urgence. Genre, une situation de vie ou de mort qui réclamerait de l’énergie physique et mentale exceptionnelle afin de m’en tirer. Mais attention : En tout dernier recours seulement. Aussi, puisque le destin m’en donne l’occasion gratuitement, je décide de garder les deux sachets. Je les cache dans mon classeur, sous le dossier très approprié de « BS ».
Jeudi 19 avril 2012
En repensant à ma liste de TO DO de la journée, et au fait que je n’ai dormi que 4 heures, et que je n’arrive pas à me rendormir, et que mon rhume me rend faible, j’ai décidé d’essayer. Pour la première fois de ma vie, à l’âge de 43 ans, je vais faire mon baptême de cocaïne. Je n’aime pas trop l’idée de me mettre ça dans le nez, surtout dans mon état d’enrhumé. J’opte plutôt pour la mélanger dans un milkshake-déjeuner Carnation™ à la vanille. Tant qu’à consommer de la poudre blanche, ne faisons pas les choses à moitié.
10 :15 am
Je prends l’un des 2 sachets. Après l’avoir bien réduit en poudre à coup de marteau, je le mélange au milkshake. Première impression : La cocaïne a un goût très amer qui rend mon milkshake désagréable à avaler. Aussi, je le bois le plus vite possible.
10 : 20 :
Je me brosse les dents afin d’en enlever le goût. Je constate que ma gorge commence à geler, comme si j’avais avalé du oragel. Mais l’effet demeure minime. Puis, je m’installe devant mon ordi à regarder un épisode de Justice League Unlimited en attendant l’effet, si effet il y aura.
10 :41 am
Je sens que mon cerveau fonctionne plus vite. Ne sachant pas combien de temps va durer l’effet, aussi bien me mettre à mes tâches de la journée le plus vite possible. Je commence à écrire ce texte.
10 :55 am
Mon cerveau va encore plus vite. Ne sachant pas les conséquences psychologiques que cette drogue aura sur moi, je dois me rappeler de garder le contrôle sur mes pensées, ainsi que sur mon enthousiasme, et de rester bien prudent lorsque j’irai à vélo tantôt faire mes courses.
11 :05
Pris une douche et rasé en un temps record. J’ai l’impression que mon cerveau va trop vite pour mon corps. Je bouge vite, mais je me sens ralenti, comme si mon corps n’arrivait pas à suivre.
Je me sens tellement plus efficace. Je comprends maintenant pourquoi il est facile d’être accro psychologiquement à cette drogue. C’est pourquoi je reste sur mes gardes, et je me rassure comme quoi c’est normal. Cette sensation, c’est un effet de la drogue. Je ne dois pas oublier que quelqu’un peut se perdre moralement, physiquement et financièrement dans la coke, et que cette expérience est un one-time deal, SAUF SITUATION DE VIE OU DE MORT.
Je ne dois pas me croire au-dessus de tout ça, je ne dois pas me croire invulnérable à la dépendance. Parce que c’est quand on pense comme ça que l’on perd toute prudence, tout contrôle, que l’on succombe et que l’on devient camé jusqu’aux yeux et qu’on perd tout.
11 :10
J’ai le cœur qui bat à vitesse folle. Bonne chose que l’exercice des dernières années a mis mon cœur dans un excellent état.
J‘ai envie de commettre quelques risque, comme mettre mes verres de contact, mais je sais que accepter un petit risque peut m’amener à vouloir en prendre un plus gros plus tard. Je reste en contrôle et j’oublie ça.
Holy shit, j’ai jamais tapé du clavier aussi vite. Si je suis encore sur effet quand j’aurai fini mes tâches de la journée, je vais finir l’épisode 4 de The Eight.
Oooooh, mauvaise pensée, ça. Je me révise tout de suite : JE NE DOIS JAMAIS RÉ-UTILISER DE LA COKE POUR M’AIDER DANS MES TÂCHES OU MES PROJETS, C’EST COMME ÇA QUE L’ON DEVIENT DÉPENDANT.
JE DOIS TOUJOURS ME RAPPELER QUE CE QUE JE VIENS DE FAIRE EST ÉPOUVANTABLE, ET JE NE DOIS JAMAIS ME RAISONNER EN ME DISANT QUE « FINALEMENT Y’A RIEN LÀ ! » Au contraire. A 100$ le gramme, il y a BEAUCOUP là, on peut facilement arriver à la ruine.
11 :15
J’ai l’impression que mes sensations physiques ont doublé… incluant la douleur de mon traitement de la verrue plantaire. Bonne chose que la majorité de mes courses seront à vélo.
JE ME JURE QUE, À MOINS DE ME TROUVER DANS UNE SITUATION DE VIE OU DE MORT, CETTE EXPÉRIENCE DOIT RESTER UN ONE-TIME DEAL ! EVER ! ! !
11 :21
La SAAQ est loin à vélo. J’ai mon changement d’adresse à faire. J’aurais pu le faire, je trouve le défi excitant. Mais l’aller-retour me prendrait au moins 2 heures, et je trouve que ce serait idiot de perdre toute cette énergie sur une seule tâche. Je décide donc de faire celle-là par téléphone.
11 ;38
D’abord, je pensais que j’aurais à réduire mon débit de voix. Mais je parlais normalement. Même que je me trouvais étrangement mieux articulé que d’habitude… Ce qui n’est pas logique, je suis TOUJOURS articulé. Mais je crois saisir la différence : D’habitude, je cherche mes mots. Là, je parle smooth, sans bris, sans pause.
Je comprends VRAIMENT comment on peut accrocher à la coke. Plus je vois des améliorations dans ce que je fais, et plus je vois les pièges dans lesquels on peut tomber pour virer accro. Une chose est sûre en tout cas, je comprends pourquoi tant de gens se ruinent pour cette poudre.
Ce qui me rappelle que j’ai entendu dire que c’était un excellent coupe faim. Je dois donc ne pas oublier de manger même si je n’ai pas faim, pour ne pas surtaxer mon organisme. Je crains aussi le crash qui arrivera Dieu sait quand.
J’ai terriblement soif. Je cale un gros verre de thé en un temps record. C’est une erreur. Je dois me rappeler de manger et boire à vitesse normale.
11 :44
Je suis impatient, j’ai furieusement envie de bouger. L’ironie d’utiliser la coke pour étendre mon linge à toute vitesse ne m’échappe pas, puisque j’ai toujours dit que j’aimais faire la lessive parce que ça me détend. Well, chus loin d’être détendu en ce moment.
Histoire de tirer profit de mon expérience, je me regarde aller faire mes tâches, et je vais essayer de prendre ça comme exemple à suivre (sans la coke) pour être plus efficace dans l’avenir.
11 ;51
Hostie que j’ai envie de me dépenser. Vélo, exercices, courir… Mais justement, je ne dois pas oublier la leçon que j’ai eu de la course, en développant une fasciite plantaire qui m’empêche de courir : Quand la volonté et l’énergie dépasse les capacités physiques, ça peut avoir des conséquences fâcheuses, certaines temporaires, certaines pour le reste de notre vie.
Je constate que cette soif que j’ai est similaire à celle que j’ai eu quand j’ai testé la coke sur ma gencive. Donc, observation : La coke donne soif.
Ah, tiens, autre chose à ne pas oublier : Comme c’est la première fois que je prends de la coke, mon corps n’est pas habitué, donc je n’en ressens que les bienfaits. C’est à la longue, à force d’en consommer, que le corps s’habitue, et finit par ne plus fonctionner normalement sans ça. Comme la caféine dans le café, ou les boisson énergie, dont il a fallu me sevrer il y a quelques années, qui m’ont donné des symptômes de manque.
Alors je ne dois jamais oublier ceci : CE NE SERA JAMAIS AUSSI BON ET AUSSI GÉNIAL QUE LORS CETTE PREMIÈRE FOIS.
12 ;05
Je constate, avec la madame de Hydro Québec au bout du fil (Encore mon changement d’adresse), que mon impatience aussi est décuplée. Heureusement je réussis à voir la chose avec logique : C’est sûrement la coke qui booste les facettes de mon tempérament, donc je n’ai pas de raisons d’être impatient, donc ce n’est qu’une illusion. Juste le fait de me dire ça, je me calme d’un coup sec. Étrangement, contrairement à ce que j’aurais imaginé, ma logique aussi est décuplée.
12 :15
Ca y est, on va voir ce que ça donne côté énergie physique : Je pars à vélo faire mes courses.
Quand je pense à tous ceux qui utilisent la coke comme drogue récréative, quelle perte. Moi au contraire, je veux utiliser tout le temps qu’il reste à mon high pour en faire le plus possible. Pas oublier : Ceci est une opportunité unique.
Eh oui, le fait que je me le répète sans cesse montre la peur que j’ai de virer accro. Et c’est normal, cette drogue est terriblement efficace. Mais je sais que tant que j’aurai cette crainte, je saurai m’en tenir loin.
L’effet est différent des ritalins, dont je consommais les suppléments de Jonathan. Ça me donne plus d’énergie, mais pour la concentration, je reste non-convaincu. Parfois je suis full focussé, et d’autres fois je suis incontrôlablement distrait… Finalement, dans mon état mental normal, juste extrême.
12 :39
Mon vélo est attaché sur De l’Église à Verdun. Je viens de faire mes achats au Rona, je me dirige vers le marché Métro pour d’autres déjeuners Carnation, rapport que j’ai pris le dernier ce matin. Je suis déçu. Je m’attendais à une performance vélocipédiste athlétique. En fait, je ne vois pas de différence avec la normale. Là encore, la normale, ce serait d’avoir dormi 8 heures au lieu de 4, et ne pas être démoli par un rhume.
12 : 54
Réalisant que mon déjeuner coké était il y a 2 heures et demi, je me dis qu’il faudrait bien que je mange encore. Voulant éviter un gros repas qui utilise l’énergie pour la digestion, j’opte pour un petit bol de salade de fruits frais, pris au marché Métro, que je mangé sur le trottoir. À ma grande surprise, je constate que non seulement je ne ressens pas la faim, mon corps ne veut pas manger. Je me force tout de même. Une fois tout mangé, je ne ressens rien de spécial, sinon le soulagement d’avoir arrêté de manger. C’est assez curieux comme effet secondaire. Mais ça me permet de comprendre pourquoi les gens cokés maigrissent.
13 :11
Au retour, sur le pont de la rue Jolicoeur reliant Verdun à Ville-Émard, je me fais arrêter par un vieux monsieur qui me dit : « Hey, how much further away is it from the Dairy Queen ? I’m a tourist, see, I’m from California. Maybe you know my friend, he’s an actor from Grey’s Anatomy, it’s playing tonight. He’s my special friend, if you know what I mean. I won’t say more. Hehe ! » HEILLE, ON S’EN COLISSE-TU QUE TU SUCES DES PINES D’HOLLYWOOD, VIEILLE POUFFE ! LAISSE-MOI DONC RVENIR CHEZ MOI, QUE JE PROFITE DE CE QUI ME RESTE DE MON HIGH POUR M’Y RENDRE UTILE.
13 :22
Retour à la maison. Je me sens encore high, mais à ce point-ci, je ne saurais dire si c’est la coke ou l’hyperventilation due au vélo.
13 :30
L’effet me semble avoir diminué. En ce moment, comment je me sens est comparable au meilleur de ma forme lorsque en état normal. Mais le hyper-boost que j’ai ressenti lors de la première heure et demie n’y est plus.
14 :00
Je sens que l’effet diminue. Je suis maintenant dans ma moyenne normale. Sauf que je vais probablement continuer ma descente, puisque je suis enrhumé et avec peu de sommeil. J’ai la tentation d’aller acheter du Red Bull pour en prolonger l’effet. Je me ravise aussitôt. Ça montre à quel point je peux accrocher au fait d’être efficace, sans que ça me demande un effort de volonté. Raison de plus pour me laisser revenir à la normale.
14 :40
Bon ben me voilà redevenu l’enrhumé épuisé de ce matin. Au bout du compte, ce furent quatre heures très intéressantes.
EN CONCLUSION
D’un point de vue strictement scientifique, je ne regrette pas l’expérience. J’ai appris les effets de la cocaïne sur un organisme non-habitué aux drogues. Et j’en suis aussi arrivé à une conclusion qui, je le crois, cimente à tout jamais ma décision de ne jamais recommencer : Pour les gens comme moi, les paresseux de nature qui doivent déployer de grands efforts de volonté pour faire quelque chose, l’attrait que peut avoir la cocaïne est une très dangereuse réalité. Parce que, d’un simple petit gramme de cette drogue, on obtient toute la volonté et la drive requise pour réaliser nos projets, et ce sans effort.
Or, je possède un trait de caractère en particulier qui a toujours été naturellement plus fort que ma volonté : Mon orgueil. Jamais je n’ai accepté d’être le jouet de quelqu’un, et ce n’est pas pour devenir le jouet de quelque chose. Je n’ai pas besoin de vivre moi-même le fait d’être accro pour savoir que ça se passerait ainsi. Depuis que je suis enfant, la TV, la radio, les magazines et les journaux m’ont bombardé de milliers de témoignages d’ex-drogués disant que la coke c’est ben l’fun au début mais plus le corps s’y habitue et moins ça fait effet, et on finit par en prendre juste pour ne pas vivre le manque. Et à 100$ et plus le gramme, c’est facile de se ruiner là-dedans.
Une recherche Google au sujet de la cocaïne m’apprend un truc qui me laisse la mâchoire pendante. L’effet de la coke est supposé durer de 30 à 45 minutes. ÇA M’A FAIT EFFET PENDANT TROIS HEURES ET DEMIE!!!
Est-ce parce que je l’ai pris par voie orale? Est-ce parce que je l’ai mélangé à un milkshake ne contenant que des éléments full nutritifs? Est-ce parce que j’étais malade, donc que je pouvais vraiment sentir la différence entre coké et non-coké? Ou est-ce tout simplement parce que c’était la première fois de ma vie que j’en prenais, donc que mon organisme n’y était pas du tout habitué? Une chose est sure, ça ne sera plus jamais aussi génial que cette fois-là. Je comprends donc que, pour que cette expérience reste agréable et positive, il faut que ça reste un truc d’une seule fois dans une vie. C’est donc sans remords que je me débarrasse du second gramme dans les toilettes.
Et puis, après avoir vu sur le net qu’au Québec, la simple possession de cocaïne peut valoir 1000$ d’amende et 7 ans de prison, ça a quelque peu influencé ma décision de ne pas la garder.
Et voilà! Sept ans plus tard, je n’y ai toujours pas retouché. Je continue de voir cette expérience unique comme étant positive. Et surtout, je suis toujours aussi convaincu que, pour que ça reste comme ça, je ne dois plus jamais recommencer.
Comme quoi, dans le fond, ce qui fait la différence entre expérimenter le paradis et vivre un enfer, c’est d’avoir le bon sens de savoir tracer une limite et de la respecter.
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