La responsabilité, l’irresponsabilité et la SURresponsabilité.

Avez-vous déjà remarqué que ceux qui vont vous accuser de jouer à la victime, ce sont les mêmes personnes qui vont vous reprocher d’avoir fait ce que vous aviez à faire pour ne plus en être une ?

La semaine dernière, j’écrivais une série de deux billets de blog au sujet d’Ariane, une ex-amie et ex-collègue de travail. J’ai raconté que, suite à avoir eu à endurer ses insultes pendant trois heures et demie dans mon auto, j’ai mis fin à la relation. Je ne l’ai pas confrontée. Je n’ai pas tenté d’ouvrir le dialogue. Je suis juste parti sans même lui dire au-revoir. Je l’ai bloquée de partout, la bannissant de ma vie pour toujours.

J’ai reçu en privé un commentaire d’un lecteur qui, après avoir lu ce billet, me reprochait mon évitement de la confrontation, et surtout ma fuite, tout en affirmant que je n’avais qu’à dire à Ariane un truc du genre de « Je ne me sens pas respecté » ou bien « Cette communication ne me convient pas » pour que tout s’arrange.

Il se trouve que tenter d’ouvrir le dialogue en m’exprimant de manière neutre et objective sur le sujet, c’est exactement ce que j’ai fait toute ma vie, et ce depuis que j’ai dix ou onze ans. Et à chaque fois, sans la moindre exception, ça n’a fait qu’empirer les choses. Car lorsque l’on exprime à l’autre nos sentiments de malaise face à son comportement, on lui dit en fait que son comportement est inacceptable. Ce qui l’insulte. Ce qui provoque chez l’autre une explosion de colère. Ce qui met fin à la relation de toute façon. Sauf que dans ce cas-ci, ça y met fin dans la haine. En 2015, j’ai fait cette petite BD qui représente parfaitement la chose.

Il y a d’ailleurs trois cas dans lesquels mes tentatives d’en discuter entre adultes matures ont dégénérés en croisades ouvertes contre moi qui perdurent depuis les 11, 21 et 22 dernières années. Car oui, on me rapporte souvent que ces gens continuent régulièrement de parler en mal à mon sujet à qui veulent (ou non) l’entendre. Ce qui est ironique, c’est que dans les trois cas, ces personnes sont trop orgueilleuses pour reconnaître les vraies raisons de notre conflit. L’expliquer, ça les obligerait à avouer publiquement leurs torts. Ainsi, pour justifier leur acharnement, elles sont obligées d’inventer toutes sortes de raisons bidon, en me collant des défauts, faits et gestes qu’elles sont les seules à voir en moi. Ce qui ajoute une couche d’ironie supplémentaire, c’est qu’en agissant ainsi, ces personnes démontrent posséder elles-mêmes de bien pires défauts que ceux qu’elles m’inventent.

La raison pourquoi il est impossible de dialoguer objectivement avec ce genre de personnes, c’est qu’on ne peut raisonner qu’avec des gens raisonnables. Si la personne avait été raisonnable, elle n’aurait pas créé ce conflit pour commencer. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’elle devienne soudainement raisonnable si on lui remet ses abus en face.

Il y a une école de pensée qui affirme que chaque personne est responsable de ce qu’elle subit. Là où cette doctrine démontre avoir zéro logique, c’est que si tu prends sur toi la responsabilité des agressions que tu reçois, ça signifie automatiquement que tu déresponsabilise ton agresseur. Comment peut-on à la fois affirmer qu’il faut être responsable, tout en surresponsabilisant l’un afin de déresponsabiliser l’autre?

Ce réflêxe social qui est hélas beaucoup trop répandu, provient d’une logique qui va comme suit: Ça prends deux personnes pour créér un conflit. Traduction : Tant et aussi longtemps que tu vas endurer les abus avec le sourire tout en fermant ta gueule, tout ira bien. Mais à partir du moment où tu refuses d’en subir davantage, alors là, c’est TOI qui cause la merde.

En 2014, lorsqu’il a été poursuivi en justice pour propos haineux, Gab Roy (et ses supporters) avait le même discours.

Et un an plus tard, il entrait en prison pour agression sexuelle sur une fille de 15 ans.

En 2016, même chose avec l’humoriste (?) Mike Ward.

Et rappelez-vous en 2017, lorsque Gilbert Rozon a été accusé d’agression sexuelle par plusieurs femmes, beaucoup ont jeté le blâme sur ces femmes, les tenant pour responsables de la débâcle de l’empire Rozon qui a suivi.

Pourquoi est-ce que ce serait la responsabilité de la personne qui subit, de porter seule tout le poids de l’harmonie de la relation? J’en reviens à Ariane. Certains diront que la vitesse à laquelle j’ai mis fin à notre amitié, ça démontre que celle-ci n’avait pas grand valeur à mes yeux. Étrangement, ils ne leur viendra jamais en tête de se demander quelle valeur notre amitié avait aux yeux d’Ariane, pour avoir passé trois heures et demie à me faire subir ses insultes non-stop, et ce sans la moindre raison valable. Elle est où, sa responsabilité, là-dedans?

À l’été de 2012, je m’exprimais déjà sur le sujet, en utilisant des personnages de Rage Comics d’internet. À commencer par cette citation faussement attribuée à Marylin Monroe.

Je me suis également attaqué à cette pensée gaslight-ogène qui semble avoir été créee dans le but de manipuler les gens à endurer les abus qu’ils subissent dans les relations de couple.

Et ça vaut tout autant pour les relations d’amitié.

Et je ne suis pas le seul à le dire.

Source: https://www.avancersimplement.com/la-culpabilite/

L’un des premiers billets de ce blog a pour titre Insulter en prétendant que c’est de l’humour, et a été écrit en juillet 2009. J’y donne quelques exemples vécus de gens qui faisaient partie mon entourage, qui faisaient sans cesse des remarques rabaissantes, blessantes, condescendantes, toujours en affirmant qu’il ne s’agit que de blagues, et que je serais vraiment susceptible de leur en tenir rigueur. Là encore, même si ces remarques se prétendaient être « des jokes sans importance entre bons amis », le fait de leur demander poliment d’arrêter a déclanché de violentes hostilités. Ce qui, ironiquement, démontrait clairement deux choses. De un, contrairement à ce qu’ils affirmaient, avoir le droit de rabaisser autrui avait beaucoup d’importance pour eux, au point de piquer des crises d’hystéries si on leur refusait ce droit. Et de 2, par leur réaction, le fait que le plus susceptible de nous deux, ce n’était certainement pas moi.

Ça m’a pris 45 ans d’essais à tenter d’ouvrir le dialogue lorsque je vivais cette situation, et à échouer à tout coup, pour enfin apprendre la leçon qui suit: Face à ce genre d’individu, tenter d’en discuter ne sert à rien. Il n’y a que deux voies que l’on puisse prendre.

  1. La voie de la confrontation. Conséquences : on transforme une amitié en haine féroce, et un(e) ami(e) en ennemi acharné(e) qui tentera de te causer du tort dans ta vie sociale, dans ton travail, dans ta famille, dans ton couple, pendant des mois, des années, voire des décennies.
  2. La voie de la fuite et du ghosting. Conséquences : On passe pour un susceptible, voire un lâche, aux yeux de notre agresseur. Mais ça finit là.

Voilà pourquoi je ne tente plus de dialoguer et que je prends maintenant la voie de l’évitement. Parce que cette situation négative dans laquelle l’autre t’entraine sans ton consentement, c’est la raison pourquoi existe le proverbe « De deux maux, il faut choisir le moindre. » Quand tu ne peux pas éviter les dégats, ton choix se résume à les limiter, ou à les empirer.

S’accrocher à une relation toxique, c’est affirmer que notre estime de soi est tellement basse que l’on a l’impression que l’on ne mérite pas mieux. On démontre que l’on se croit tellement loser et désespéré, que notre choix se limite à endurer les abus, ou bien passer sa vie seul. C’est faux. Il y a là, ailleurs, des gens respectueux. J’ai plusieurs amis de longue date qui le sont. Ils sont là, ils existent. Il suffit juste de les trouver. Chose qui n’arrivera pas si tu t’obstines à rester dans une relation dans laquelle l’autre ne cessera jamais d’être ce qu’il est : un agresseur qui t’a choisi comme cible pour ses comportements merdiques, et de qui tu restes la victime volontaire.

Et c’est là où elle se situe, ta responsabilité. Envers toi-même. Devenir ton agresseur, c’est son choix. Ne pas rester sa victime, c’est le tiens.

Je terminerai avec cette phrase que j’ai lu quelque part sur le net: Personne n’a jamais ressenti le besoin de rabaisser quelqu’un qui lui était déjà inférieur. Alors si une personne tente sans cesse de te rabaisser sans raison valable, sans argument pertinent et surtout sans provocation, sache que ça en dit bien plus sur sa propre valeur que sur la tienne.

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Y’A LIENS LÀ

Depuis que ce blog existe, nombreux sont les billets au sujet des gens déraisonnables qui vont te rabaisser et te faire subir encore pire si tu oses leur tenir tête. J’ai réuni la majorité d’entre eux sous ce lien: SÉRIE : La Conflictuodépendance.

L’âgisme réel et imaginaire

À mon travail, à chaque fois que je dis mon âge, mes collègues sont toujours étonnés d’apprendre que j’ai 56 ans.  Il est vrai que j’ai eu de la chance.  Ma peau ne ride presque pas et n’a pas encore perdu son éclat.  Et à ça je combine l’exercice cardio et musculaire.  Ajoutons la teinture pour dissimuler mes poils blancs, et tout cela ensemble me donne une apparence rajeunie.  Voilà pourquoi on me répond toujours que l’on me donnait entre 35 et 45 ans, ce qui est très satisfaisant pour mon orgueil. 

Sourire? Ça donne des rides.

Il arrive cependant des moments où je ressens une certaine hésitation à avouer mon âge.  Et c’est lorsqu’une intéressante jeune femme me le demande.  Si vous êtes un homme, ça vous est probablement déjà arrivé.  Sinon, ça ne saurait tarder. 

Que faire à ce moment-là ?  Avant toute chose, sachez qu’il y a cinq mauvaises réponses à ne pas donner, et une bonne.  Commençons avec : 

MAUVAISE RÉPONSE no.1 : Mentir. 
S’il est vrai que j’ai l’air d’avoir entre 35 et 45, je pourrais certainement dire à cette jeune femme que j’ai 39, tiens.  Et elle le croirait.   

Et c’est une mauvaise idée, parce que ? 
Plus longtemps je vais lui cacher mon âge véritable, et plus il me sera difficile d’oser le lui avouer.  Alors si on se retrouve en relation de couple, et que le temps passe au point où ça devient vraiment sérieux, je devrai passer le reste de notre relation, peut-être le reste de notre vie, à le lui cacher. Et à vivre dans l’angoisse qu’elle découvre un jour la vérité. Or, ce genre de chose ne peut se cacher éternellement. Lorsqu’elle le découvrira, le choc de constater que je lui aurai menti pendant tout ce temps sera suffisant pour qu’elle se pose la question « S’il m’a caché quelque chose d’aussi anodin tout ce temps-là, quoi d’autre de bien pire est-ce qu’il me cache? » Ce qui mettra automatiquement fin à la relation, et ce dans une atmosphère extrêmement négative, dans laquelle je subirai tous les soupçons imaginables, allant de la polygamie jusqu’au passé criminel.   

MAUVAISE RÉPONSE no.2 : Répondre par une question. 
En particulier « Pourquoi tu veux savoir ça? » 

Et c’est une mauvaise idée, parce que ? 
Si c’était une question vraiment personnelle du genre de « Quel est ton numéro de carte de crédit? » ou bien « Quel sont tes légumes préférés pour le massage des hémorroïdes? », là, d’accord, c’est normal de demander pourquoi elle te la pose. Mais quelque chose d’aussi anodin que ton âge? Les seules personnes qui répondent « Pourquoi veux-tu le savoir? » sont ceux qui tiennent à le cacher.

MAUVAISE RÉPONSE no.3 : Refuser de répondre et/ou détourner le sujet. 
Il m’est arrivé, sur le ton de la blague, de répondre « Assez vieux pour savoir qu’il vaut mieux pour moi de ne pas répondre pas à ça. ».  Ou bien plus sincèrement « Assez vieux pour que ça me dérange de le dire. » 

Et c’est une mauvaise idée, parce que ? 
Alors que la réponse précédente, « Pourquoi tu veux savoir ça? » , donne l’impression que l’on n’assume pas son âge, refuser de répondre et/ou détourner le sujet confirme qu’on ne l’assume pas.  Ce qui démontre un grand manque de confiance en soi.  C’est également perçu comme mettre de l’importance dans les apparences, dans les choses frivoles, non-importantes. 

MAUVAISE RÉPONSE no.4 : Donner une réponse compensatoire. 
Par exemple, cette réponse typique des hommes dans la quarantaine : « 45, mais j’ai l’énergie et/ou la libido d’un gars de 25. »

Et c’est une mauvaise idée, parce que ? 
Lorsque tu ressens le besoin de compenser pour ton âge, c’est signe que tu ne te sens pas en sécurité avec celui-ci. De plus, tu exprimes que tu crois qu’avoir 45 ans, c’est être inférieur à ceux qui sont dans leur prime jeunesse. Ça exprime donc tes complexes, voire même ton auto-âgisme.

MAUVAISE RÉPONSE no.5 : Décider à sa place que ton âge est quelque chose de négatif pour elle.  
C’est quelque chose que je faisais encore au printemps dernier, comme on a pu le voir dans mon premier billet de la série Noémie, ou le rêve devenu réalité

Elle a mis son profil accessible aux gars de mon âge. Mais JE SAIS que je suis trop vieux.

Et c’est une mauvaise idée, parce que ? 
Si une femme constate qu’un homme s’intéresse à elle, mais qu’elle ne ressent rien pour lui, elle tentera de le décourager.  Pour ce faire, elle glissera sans cesse dans leurs conversations des indices comme quoi ils sont incompatibles.  Alors si tu lui énumère toutes les raisons pourquoi votre différence d’âge pourrait se mettre entre vous deux, c’est exactement ce que tu as l’air toi-même de faire : vouloir la décourager de se rapprocher de toi.  Ce genre de comportement a le don de se transformer en prophétie autoréalisatrice.

Laisse-moi t’apprendre quelque chose qui est pourtant logique quand on y pense : Si la femme te demande quel est ton âge, c’est parce qu’elle est déjà intéressée à toi.  La preuve : as-tu déjà été curieux de savoir l’âge de quelqu’un qui ne t’intéressait pas ?  Ben non, hein !?  Alors si elle te pose cette question, ce n‘est pas dans le but de voir si tu es trop vieux pour elle.  C’est tout simplement pour en savoir plus sur toi.  Parce que tu l’intéresses.  

Mauvaise réponse no.5 : Ne dire que le chiffre. 
« C’est quoi ton âge ? »
« 56 ! »

Bon, oui, techniquement, c’est une réponse franche, claire, précise, droit au but.  Maaaaaaais… 

… C’est une mauvaise idée, parce que ? 
Nous avons déterminé que si une femme te demande ton âge, c’est parce qu’elle a de l’intérêt pour toi.  Est-ce que tu en as pour elle en retour?  Oui ? Alors montre-le lui mieux que ça.  Parce qu’une réponse comme celle-là peut donner l’impression que tu espères que la conversation se termine là. 

Alors quelle est la bonne manière de répondre ? 
Une variante de ma propre réponse. Avant mon anniversaire, je disais : « J’aurai 56 ans le 21 juillet.  Et toi? »  Et depuis, je dis : « J’ai eu 56 ans le 21 juillet.  Et toi? » 

Et ça, c’est une bonne idée, parce que ? 
Tout d’abord, en répondant ceci, tu cesses d’être la personne qui subit un interrogatoire.  Tu es maintenant celui qui prends le contrôle de la conversation.  En répondant une phrase détaillée, tu prolonges la conversation.  Ceci est un signe d’intérêt.  Et tu lui renvoie sa question.  Ceci est un autre signe d’intérêt.  Et cette information supplémentaire qu’est ta date de naissance lui donne l’opportunité d’apporter du neuf sur le sujet.  Car si je me fie à mes expériences personnelles, 75% des femmes s’intéressent à l’astrologie.  Elle ne manquera donc pas cette opportunité de comparer vos signes, et d’y voir de la compatibilité.  Et si elle s’intéresse à vous, croyez-moi qu’elle saura les trouver, ces compatibilités.  La preuve : une de mes ex, Mégane.  Lorsque l’on a commencé à se fréquenter, elle nous avait tiré aux cartes, au tarot, aux runes, etc.  Et toutes ses lectures étaient claires sur le fait que j’étais l’homme de sa vie, son âme sœur, la seule, l’unique.  Deux ans plus tard, ces mêmes cartes, tarots et runes lui disaient exactement la même chose au sujet de celui pour qui elle m’a quitté. 

Et si, au contraire, après avoir appris ton âge, elle exprime que votre différence d’âge la répulse? Ça veut tout simplement dire que cette fille ne cherche qu’à te passer le message comme quoi elle n’est absolument pas intéressé à toi. Ce qui signifie que si elle n’avait pas utilisé la différence d’âge pour le faire, elle aurait trouvé autre chose pour bien te faire comprendre qu’entre elle et toi, il ne se passera jamais rien.

De toute façon, que ce soit au sujet de l’âge ou de toute autre différence entre vous deux, les anglophones ont un dicton qui résume très bien la situation : « Those who matter don’t mind. Those who mind don’t matter. » Ceux qui comptent n’y attachent pas d’importance. Ceux qui y attachent de l’importance ne comptent pas.

Ariane, 2 de 2 : Road Trip vers l’irréconciliable

Nous sommes dimanche matin, le lendemain de mon arrivée chez Ariane. Elle habite Laval, tout juste après Montréal. J’ai dormi dans la chambre du rez-de-chaussée, et elle dans la chambre du sous-sol. Au matin, on fait le plan de la journée.

Elle me dit qu’elle a plusieurs achats à faire aujourd’hui. Entre autres, passer à la boutique Ardène pour des bottes d’hiver. Et puisque nous sommes dimanche, les commerces ferment à 17h00. Quant à moi, je dois aller à Beloeil récupérer mes pneus pour mon rendez-vous au concessionnaire demain matin, 07h15. J’irai donc les chercher en soirée, après son shopping. Avec la distance Laval-Beloeil, et en tenant compte de la circulation et des travaux routiers, je devrais en avoir pour deux heures à faire l’aller-retour.

Ariane considère que c’est idiot de perdre la soirée à faire ça. Elle me fait une suggestion qui démontre clairement qu’elle ne comprend rien aux réalités des embouteillages des heures de pointe, car elle s’imagine qu’en partant à 06h00 demain matin, j’aurai le temps de traverser Montréal, d’aller chercher mes pneus, puis d’arriver au concessionnaire, tout ça en une heure et quart. Je sais que c’est impossible. Surtout au matin, alors que cinq voies doivent se combiner pour n’en faire qu’une seule pour passer par le tunnel Louis-Hyppolite Lafontaine.

Si je rate mon rendez-vous pour l’auto, et je vais certainement le rater si je fais comme elle dit, la prochaine date disponible ne sera pas avant la mi-janvier, dans deux mois. Et puisqu’au Québec la loi exige les pneus d’hiver pour le 1er décembre, ce qui est dans deux semaines, ça va me mettre dans la merde.

Elle insiste tout de même comme quoi j’aurai bien le temps de tout faire ça le lendemain matin. D’accord, je cède. On passera la soirée ensemble. Mais alors, il faudra que je me lève à 04h00 du matin pour partir aussi sec afin d’éviter l’heure de pointe. J’irai récupérer mes pneus, je petit-déjeunerai dans un Tim Hortons, puis j’irai au rendez-vous, voilà tout.

Elle n’aime pas mon plan. Elle dit que ça ne tient pas debout, que c’est stupide de couper sur mon temps de sommeil. Mais je n’en démords pas. J’ai habité à Montréal pendant 28 ans. Je connais les conditions de route montréalaise le matin. Je dois récupérer mes pneus, et ce sera ou bien ce soir, ou bien demain avant l’aube. C’est l’un ou c’est l’autre. Pas d’autre choix.

Elle me demande pourquoi je n’ai pas pensé à aller les reprendre hier, en arrivant, puisque Beloeil est sur le chemin de Montréal. Je lui rappelle qu’hier, mon auto était encombrée de ses machines de gym, et qu’il n’y a pas assez de place dans mon auto pour ça et mes pneus.

En soupirant, elle me propose une 3e option. On va tout de suite les chercher, et on ira ensuite au centre d’achats. Je lui dis qu’il y a plusieurs centres d’achats près de mon entrepôt, et dans les villes avoisinantes. Mais non, elle refuse. Il n’y a qu’un seul centre qui lui convient, et celui-ci est à Laval. Très bien, j’accepte. Mais alors, il faudra partir immédiatement car il est déjà 11h00.

Je prends la route vers le tunnel Louis-Hippolyte Lafontaine. Elle me dit de plutôt prendre le pont Jacques-Cartier. Je lui explique que le tunnel Lafontaine, c’est l’autoroute 20, et que mon entrepôt longe l’autoroute 20. Je ne vois donc pas la logique de faire un détour. Elle insiste comme quoi ça irait beaucoup plus vite. Je soupire.

Les Anglais ont un terme pour ce genre de personnes : Back-Seat Driver. C’est lorsqu’un passager tente de s’approprier le contrôle du véhicule en adressant au chauffeur des suggestions aussi répétitives que non-sollicités et des commentaires majoritairement négatifs sur sa manière de conduire, mais surtout sur sa connaissance de la route.

En 1997, j’ai subi ça de la part de Geneviève la Coloc de l’Enfer. Je n’ai pas envie de revivre cette merde avec Ariane vingt-sept ans plus tard. Aussi, j’utilise une option qui n’était pas disponible à l’époque : j’allume Google Map. Je dis au micro le nom de mon entrepôt. Et aussitôt, Google Map nous donne le chemin le plus rapide pour y arriver. Et ce n’est pas par le pont Jacques-Cartier. Mais bien, comme je le disais, le tunnel Lafontaine. Devant cette preuve, elle répond :

« En tout cas, moi, quand mon amie Joanne me reconduit de Longueuil à Laval, elle prend Jacques-Cartier et ça lui prend juste vingt minutes. »

Ah ? Je suppose que son amie Joanne a son brevet de pilote et son propre avion.

Je ne comprends pas pourquoi Ariane insiste de si mauvaise foi. Mais bon, puisque j’utilise Google Map, elle ne peut pas balayer mes dires comme étant la simple opinion d’un ignorant. Comme je l’espérais, voilà qui met fin cet irritant sujet de conversation.

Il est midi lorsque nous sortons du tunnel Lafontaine. Ariane s’en plaint.

« Au temps que ça prend, le centre d’achats va être fermé à notre retour. »
« Ah oui? Tu dis que ça va nous prendre quatre heures pour faire l’aller-retour ? Pourtant, ce matin, tu disais que le chemin pouvait se faire en une heure et quart. »
« Oui, si tu passes par le pont Jacques-Cartier. »

Je ne peux pas croire qu’elle insiste encore là-dessus. J’essaye d’acheter la paix, ne serait-ce que d’esprit.

« Alors écoute : je vais prendre la prochaine sortie, me rendre à Jacques-Cartier, et on va faire ton magasinage tout de suite. D’accord? Ensuite, je vais suivre mon plan original, qui est de passer prendre mes pneus tôt demain matin. »
« Ben là ! Non ! Laisse faire ! On est déjà sorti de Montréal, là. On va les chercher, tes pneus, ce sera fait. »
« Comme tu voudras. »

On arrive à Beloeil. On se rend à mon entrepôt. Je récupère mes pneus. Puis, d’un ton condescendant, elle me dit :

« Est-ce que tu sais comment te rendre au pont Jacques-Cartier à partir d’ici ? Ou bien est-ce t’as absolument besoin de ta petite machine pour être capable de le faire ? »

Je ne la savais pas si orgueilleuse. Elle n’a vraiment pas digéré que Google Map me donne raison.

« D’habitude pour aller à Jacques-Cartier, je prends la route 116. »
« La 20 est plus rapide. On n’a pas de temps à perdre. »

Il est vrai que juste avant de prendre le tunnel Lafontaine, la dernière sortie permet de rejoindre le pont Jacques-Cartier. Je ferai ça. On reprend donc la 20, direction Montréal.

Arrivés à la hauteur de Boucherville, on passe sous le viaduc de l’autoroute 30. Elle me dit :

« Pourquoi t’as pas pris la sortie qu’on vient de passer ? »
« Pourquoi est-ce que j’aurais sorti là ? »
« Pour se rendre au pont Jacques-Cartier. »
« Ah bon? Pourquoi est-ce que tu l’as pas dit ? »
« T’as dit que tu savais comment te rendre à Jacques-Cartier en passant par la 20. »
« Ben oui : en prenant la dernière sortie avant le tunnel. Ça aussi, ça mène à Jacques-Cartier. »
« Ouais, sauf que ça va nous rallonger de vingt minutes. »

Vraiment ? Voyons ce qu’en dit Google Map.

Je ne sais pas à quelle école elle a étudié. Mais apparemment, elle y a appris que soixante secondes, ça équivaut à vingt minutes. Je lui demande :

« Ça s’appelle comment, au juste, là où on va? »
« Le Méga Centre Notre-Dame, à Laval. »

Je répète aussitôt « Méga Centre Notre-Dame, Laval » au micro de Google Map. Et ceci semble contrarier Madame.

« Ferme ça ! Je l’sais par où passer pour s’y rendre. Je vais te le dire. »
« Ah oui ? Comme tu m’as dit de prendre la sortie pour l’autoroute 30, tantôt ? »

Elle ne répond pas. Mais sa mine renfrognée en dit long sur le frustration que mes paroles lui causent. Aussi, pour qu’elle le prenne moins personnel, je rajoute :

« Désolé si je préfère me fier à Google Map. Mais ni toi ni moi ne savons s’il y a des détours, des accidents et des travaux. Il le sait, lui. »

On traverse le pont Jacques-Cartier et on prends l’autoroute Ville-Marie. Après une quinzaine de minutes, comme de fait, voilà que Google Map annonce :

« Il y a un ralentissement pour cause d’accident sur la route. Prévoyez un retard de vingt minutes. »

Ariane soupire d’exaspération.

« Calice ! Il est déjà 14h00. Ça va être fermé quand on va arriver. »
« Regarde en bas de l’écran. Ça dit qu’on n’est qu’à 11 km de notre destination. Même si on y allait à pied, ça ne prendrait pas trois heures pour s’y rendre. »
« Pourquoi t’es pas parti plus tôt ? »

Sa mauvaise foi me hérisse.

« Pardon? À midi, quand on est sorti du tunnel, est-ce que oui ou non, je t’ai proposé d’y aller immédiatement ? »
« Qu’est-ce que ça aurait changé ? »

C’est quoi, cette question stupide ?

« Premièrement, on aurait pris Jacques-Cartier une heure et demie plus tôt. Et deuxièmement, grâce à ça, l’accident qui cause l’embouteillage ne serait pas encore arrivé. Voilà, ce que ça aurait changé. Si t’avais accepté. »

Sur ce, Google Map dit :

« Il y a un chemin plus rapide qui peut vous sauver quinze minutes. Pour le prendre, appuyer sur ACCEPTER. »

Cinq minutes de retard plutôt que vingt ? Très acceptable. Tandis que j’appuie sur ACCEPTER, Ariane prend son téléphone et elle appelle sa fille. Après les salutations d’usage, elle passe aussitôt à ce qui semble être le but réel de cet appel : me faire des reproches sans s’adresser directement à moi.

« Non, on n’est pas encorre arrivé. À cause qu’il voulait aller prendre ses pneus à Beloeil, on a perdu toute la journée. Là, on est pogné dans le trafic. Ça m’a complètement turnée off pour mon magasinage. J’ai juste envie de laisser faire pis de retourner à la maison. »

Je songe aussitôt à remplacer l’adresse du centre d’achats par celle de l’appartement d’Ariane sur Google Map. Mais je me doute bien que c’est le genre de réaction qu’elle cherche à provoquer en moi, dans le but d’ajouter inutilement du conflit. Aussi, je n’en fais rien, me contentant de prendre la route alternative que Google Map me propose pour éviter la scène de l’accident.

Nous arrivons enfin au Méga Centre Notre-Dame à 14h20. Il lui reste deux heures et quarante pour faire ses emplettes. Ça devrait lui suffire.

« Tourne à gauche. »
« Google Map
me dit de tourner à droite. »
« J’ai habité dans le quartier pendant vingt ans. Si tu penses que je suis trop cruche pour savoir où je m’en va, ok, continue de te fier sur ta p’tite machine plutôt qu’à ma parole. »

Ce que je fais : je tourne à droite. Et ce que je vois droit devant me donne raison.

« Tiens ! Regarde la boutique en face de nous. Ardène. Tu m’as bien dit que tu devais aller y acheter des bottes d’hiver, non ? »

Elle ne répond pas. Je stationne devant l’entrée principale. Elle débarque en me disant de l’attendre ici. Aussi bien !

Sérieusement, c’est quoi son problème aujourd’hui ? J’avais le plan parfait : On serait parti de chez elle à 11h00. On serait arrivé au centre d’achats à 11h30. On aurait fait tout le shopping qu’elle désire. On aurait ensuite passé la soirée ensemble, à faire ce tout ce dont elle aurait eu envie, ciné, resto, bar, etc. On se serait couchés. Je me serais levé à 04h00. Et puisque nous ne dormons pas dans la même chambre, ni au même étage, ça ne la réveillerait même pas. Je serais allé récupérer mes pneus, je serais allé au concessionnaire, et je serais revenu ensuite. Pourquoi tenait-elle à ce point-là à dérailler cet horaire impeccable ? Pour ensuite se plaindre non-stop des problèmes qu’elle a causé elle-même, tout en refusant les solutions que je proposais. Sans oublier cette manie qu’elle a, d’exagérer sans cesse sur le temps qu’il nous reste ou pas. C’est comme si son objectif, depuis son réveil, était de chercher à tout prix des raisons pour me faire des reproches. Mais dans quel but ? Pourquoi gâcher ce qui est l’un des rares moments que l’on pourra passer ensemble, maintenant que 800 kilomètres nous séparent ?

Même pas dix minutes plus tard, elle ressort du Ardène avec ses bottes. Impressionnant ! Je me dis qu’à ce rythme, grandes sont les chances qu’elle aura terminé tous ses achats bien avant la fermeture. En bon chauffeur, je lui demande :

« C’est quoi la suite du programme ? »
« On retourne à la maison. »
« Déjà ? T’avais pas d’autres achats à faire ? »
« Tant qu’à subir ton air bête, j’aime mieux rentrer. »

Mon air bête? C’est elle qui a passé les trois dernières heures à me faire la gueule non-stop et à chialer à cause de ses propres décisions… Mais c’est moi qui fais l’air bête ? La meilleure, c’est qu’avec tout ce qu’elle m’a fait endurer depuis notre départ, j’aurais été en droit d’être bougon. Mais je suis juste las. Si elle veut mettre fin à son shopping, ainsi soit-il. Le temps de mettre son adresse sur Google Map et on repart.

Il est vrai que je suis fatigué. Et depuis que je connais Ariane, je sais que lors de ses journées de congé, elle fait habituellement une sieste l’après-midi. Je crois bien qu’un petit repos nous ferait du bien à tous les deux. Aussi, je dis :

« Aussi bien ! J’ai un coup de fatigue. »
« Ben dans ce cas-là, t’appelleras ton amie Flavie, pis tu iras t’installer chez elle. Si tu penses que je vais te regarder dormir deux heures pendant que j’ai des achats urgents à faire… »

Pardon ?

Lorsque je l’amène faire ses achats, elle veut rentrer chez elle. Et lorsque je l’amène chez elle, elle veut faire ses achats ?

« J’ai seulement évoqué l’idée d’une sieste parce que tu as mis fin à tes achats. Mais si tu en as d’autre à faire, allons-y. »
« Laisse donc faire ! Si tu penses que ça me tente de magasiner avec quelqu’un qui n’a pas l’air de vouloir être là. »

Je vois !

Et c’est à cet instant précis qu’une chose devient claire dans ma tête. Entre nous, c’est terminé. Je ne veux plus jamais revoir cette femme. Elle demande :

« Combien de temps ça va te prendre pour rapatrier dans ton char toutes tes affaires qui trainent chez moi? »
« Pas longtemps. »

On arrive chez elle. On entre. Puis, je commence à ramasser mes affaires, que je ramène dans mon auto. Tandis que je remets dans ma glacière portable tout ce que j’avais mis dans son frigo, elle fait de la projection en me disant que je n’ai aucune raison de faire mon frustré, juste parce qu’elle a autre chose à faire que me regarder dormir. Elle me répète ses accusations, comme quoi on voit bien que je n’ai nullement envie de magasiner avec elle.

Je pourrais me défendre. Dieu sait que je ne manque pas d’arguments logiques et de preuves comme quoi elle interprète, exagère, déforme les faits, ment. Mais mon but premier dans une relation, ce n’est pas de gagner la guerre des arguments. C’est de vivre en harmonie. Si elle refuse de me donner ça, alors je n’ai aucune raison de discuter, et encore moins de rester.

Sans mot dire, je rentre mes derniers bagages dans mon auto. Puis, je la bloque sur mon téléphone, mes textos, Messenger, Facebook, Tik Tok, Hotmail, Gmail, Instagram, et partout où elle pourrait me communiquer. Puis, sans aller la saluer, je m’installe au volant. Je démarre. Je sors de son stationnement et de sa vie pour toujours.

Pourquoi est-ce que je préfère mettre fin à notre amitié plutôt que d’en discuter ? Simple : Ariane a 48 ans. À son âge, voilà bien longtemps qu’elle est adulte. Une adulte est supposée avoir la capacité de raisonner, ainsi que de savoir gérer ses émotions. Surtout lorsqu’elle n’a jamais été provoquées de la moindre façon que ce soit. Alors c’est de deux choses l’une. Ou bien elle ne se rend pas compte que son comportement est déraisonnable. Ce qui signifie qu’elle n’a pas la capacité de raisonner. Ce qui fait que je perdrais mon temps à tenter de le lui expliquer. Ou bien elle sait très bien ce qu’elle fait. Ce qui en fait une obstinée de mauvaise foi. Là encore, il ne servirait rien à tenter de lui expliquer quoi que ce soit. D’une manière comme de l’autre, rien ne pourra l’empêcher de me faire subir ses abus. Rien, sauf m’en éloigner pour de bon.

D’habitude, lorsque j’écris une anecdote, c’est pour raconter quelle leçon de vie j’en ai tiré. Mais aujourd’hui, je fais l’inverse. Je n’ai pas tiré de leçon de cette histoire. J’y ai plutôt appliqué des leçons que j’ai apprises à la dure tout le long de ma vie.

LEÇON 1: Une personne qui cherche à te prendre en défaut va toujours te prendre en défaut, quitte à créer elle-même le problème pour le faire.
Elle ne me dit pas de prendre la sortie pour l’autoroute 30, pour ensuite me blâmer de ne pas l’avoir fait. Elle m’insulte si je n’utilise pas Google Map, et m’insulte lorsque je le fais. Si je l’amène faire son shopping, je suis dans l’erreur car elle veut rentrer. Et si on rentre, je suis dans l’erreur car elle doit faire son shopping. Elle fait tout pour m’enlever l’envie de passer du temps avec elle, pour ensuite me reprocher de perdre l’envie de passer du temps avec elle.

LEÇON 2 : Un(e) ami(e) qui cesse d’agir en ami(e) n’est plus un(e) ami(e).
En fait, elle ne l’a jamais été. C’est sûr qu’il y a quelque chose qui attirait Ariane vers moi, puisque nous nous sommes fréquentés pendant quatre mois. Mais peu importe la raison, ce n’était certainement pas de l’amitié. Une amie n’agit pas comme elle l’a fait avec moi. Ce comportement, c’est celui d’une ennemie.

LEÇON 3 : On ne peut raisonner qu’avec des gens raisonnables.
C’est la raison pour laquelle je n’ai pas discuté, ni ne me suis-je défendu de ses accusations farfelues. Il était impossible qu’elle voyait pas qu’elle causait elle-même les problèmes pour lesquels elle me blâmait. Elle savait parfaitement ce qu’elle faisait. Alors non seulement je ne lui apprendrais rien en le lui disant, je perdrais mon temps. Une personne déraisonnable ne va jamais reconnaître ses torts. Je n’obtiendrais d’elle que déni et gaslighting.

LEÇON 4 : Le negging est une méthode de manipulation.
Personne n’aime faire mauvaise impression. Voilà pourquoi beaucoup de manipulateurs utilisent la méthode du « Je vais penser le pire de toi sans raison pertinente, c’est à toi de faire l’effort constant de me prouver le contraire. » L’idée est de contrôler sa cible en menaçant l’orgueil de ce dernier.

Comme si l’opinion d’une personne manipulatrice avait la moindre valeur.

 Face à une personne qui ne cherche qu’à dire / penser / prouver du mal d’autrui, on n’a pas à ressentir le besoin de se justifier. Surtout lorsque l’on sait que, même si j’avais tout fait pour lui enlever ses idées erronées à mon sujet, ça n’aurait pas marché. Je serais juste devenu son esclave volontaire. Lorsque la personne manipulatrice voit que sa méthode marche, pourquoi abandonnerait-elle une formule gagnante ? Elle aurait donc continué de me mépriser. Et ça, c’est à cause que…

LEÇON 5 : Aucune femme ne respecte une lavette.
À ma place, plusieurs hommes lui aurait demandé pourquoi elle agissait ainsi. Et ils le feraient avec une voix et une attitude démontrant un mélange d’incompréhension et de désespoir. Ou pire encore, ils insisteraient pour aller faire son shopping, l’accompagner avec le sourire, affirmer que oui, ils ont envie d’être avec elle. Ces réactions ne sont rien de plus qu’une déclaration d’impuissance et de soumission. Aucune femme ne respecte un impuissant soumis. Surtout si, pour le réduire à cet état, elle n’a eu qu’à se montrer illogique et déraisonnable. L’homme qui (ré)agit ainsi donne à la femme tout le pouvoir, et par le fait même ne fait que l’encourager à continuer ses abus.

LEÇON 6 : Les gens ne changent jamais, surtout dans leurs défauts.
À 18 ans, elle portait des accusations mensongères contre son conjoint. Trente ans plus tard, à 48, elle portait des accusations mensongères contre moi. Oh, c’est sûr que ce n’est pas du même niveau, puisque lui a été faussement accusé de violence conjugale, tandis que moi c’était d’être frustré, de ne pas savoir s’orienter en auto, de l’avoir mise en retard, d’être grognon. N’empêche que dans un cas comme dans l’autre, à la base, ça reste des accusations mensongères. Si elle a fait ça toute sa vie, ce n’est pas rendue à 48 ans qu’elle va pouvoir changer.

LEÇON 7 : C’est en regardant le passé que l’on peut apercevoir l’avenir.
Son passé à démontré qu’elle portait des accusations mensongères, au point où ça a causé des problèmes légaux et sociaux pendant des années à (au moins) un de ses ex. Il démontre également qu’elle a fait (au moins) un séjour en prison. Qu’elle a eu des accusations de menaces de voies de fait portées contre elle. Qu’elle a été également poursuivie pour harcèlement par un autre de ses ex. Si je combine tout ça avec les six autres Red Flags que j’ai aperçu en elle depuis que je l’ai rencontré il y a cinq mois, alors il n’y a qu’une seule conclusion logique : Cette femme est dangereuse. Si on se fie à son histoire personnelle, ce qu’elle m’a fait vivre ce jour-là dans l’auto, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Pas question que je fasse un Titanic de moi.

LEÇON 8 : Personne n’est irremplaçable.
Il y a huit milliards d’humains sur terre. Elle saura bien se trouver une autre victime. Une qui, contrairement à moi, acceptera son statut de victime. Et je saurai bien me trouver une autre amie. Une qui, contrairement à elle, saura conserver son attitude d’amie.

Trop souvent, au nom de l’amitié, on est portés à fermer les yeux sur les abus que l’autre nous fait subir. C’est parce que trop souvent, on oublie que « mieux vaut être seul que mal accompagné », ça s’applique également dans les relations d’amitié.

Ariane, 1 de 2 : une amitié parsemée de Red Flags

À notre époque, les gens voient des Red Flags partout.  En fait, c’est rendu tellement normal d’avoir des Red Flags que le fait de ne pas en avoir est considéré comme étant louche, ce qui soulève un Red Flag.  C’est que puisque personne n’est parfait, chacun de nous va forcément évoquer des Red Flags aux yeux de quelqu’un.  Voilà pourquoi on a appris à les tolérer.  Parce que si on se coupait de tous ceux en qui on voit des Red Flags, on ne fréquenterait plus jamais personne. 

Ariane est devenue ma collègue en juin dernier.  48 ans, belle grande femme, en forme, énergique, elle travaillait toujours avec sourire et enthousiasme.  

Représentation aproximative d’Ariane via I.A.

Peu après son arrivée, elle a commencé à se plaindre comme quoi elle était la cible de harcèlement constant de la part de notre collègue Kevin.  Ariane m’a montré des textos qu’il lui envoyait.  Le gars ne faisait pas dans la subtilité.  Déclarations d’amour, propositions sexuelles…  Et, voyant qu’elle ne lui répondait plus, il lui a même écrit : « Réponds-moi sinon je t’embrasse passionnément au poste des infirmières devant tout le monde lol. »  Elle a fini par porter plainte à la direction, textos comme preuves, et il a été immédiatement congédié.

J’ai déjà parlé ici, il y a quelques années, de l’importance de la première impression que l’on fait sur les autres.  Par exemple, lorsqu’un conjoint devient abusif, sa femme va continuer de s’accrocher à l’image de l’homme bon, respectueux et romantique qu’il était au début.  C’est comme ça qu’elle l’a connu, alors c’est comme ça qu’est « le vrai lui » à ses yeux.  Ainsi, à cause du harcèlement qu’Ariane a subi dès son entrée en poste, elle a obtenu dès le départ une image de victime pure et innocente, s’attirant la sympathie et la solidarité de tous.

Et voilà pourquoi je serai porté à fermer les yeux devant les Red Flags que soulèveront les comportements d’Ariane dans les semaines qui allaient venir. 

1er RED FLAG : La vérité au sujet de sa relation avec Kevin.
Elle a fini par m’avouer certains trucs qui remettent les choses en perspective. Quelques semaines plus tôt, le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, elle était allé sur la plage pour voir les feux d’artifices. Elle y a croisé Kevin par hasard. Ils ont passé la soirée sur la plage, ensemble, à boire et s’amuser. Puis, il l’a reconduit chez elle. Et là, au moment où elle allait entrer, elle cède à une impulsion. Elle l’agrippe, l’embrasse, lui dit bonne nuit, entre chez elle et ferme la porte.

Le reste de leur courte relation diverge selon qui me la racontait. Mais une chose concorde, et c’est qu’elle avait un comportement envers lui qui changeait sans cesse, passant d’amicale à froide et inversement. Disons que je comprennais un peu mieux pourquoi il lui envoyait des textos comme s’ils étaient en couple. Le gars ne savait plus sur quel pied danser.

Tout Red Flag que c’était, je me disais que, bof, la personnalité de cette fille ne m’attire pas. Alors si elle tente ce genre de repprochement avec moi, je lui ferai comprendre immédiatement que non, désolé, je ne le sens pas. Donc, pas de risque pour moi.

2e RED FLAG : Les conflits de plus en plus nombreux avec les collègues.
Un jour, alors qu’il y avait une section isolée pour cause de covid, il fallait bien évidemment porter l’uniforme de sécurité, incluant gants, masque et visière.  Lors d’une conversation sur Messenger avec notre collègue Francine, cette dernière avait écrit à Ariane qu’elle détestait porter le masque et qu’il n’était pas question qu’elle le mette.  Elle ajouta même que, devant les patrons, elle le mettra.  Mais dès qu’elle sera dans la section isolée, là où les patrons ne vont pas, elle le retirera.

Ariane considérait que l’attitude de Francine représentait un danger de contamination pour les résidents sains.  À juste titre, je dois dire.  Elle a donc envoyé des captures d’écran de cette conversation aux patrons.  Et ceux-ci ont tôt fait de renvoyer Francine. 

Mais bientôt, pour diverses raisons, elle déposait des plaintes au sujet d’un autre collègue.  Et d’un autre.  Et d’un autre.  Rendu à sa sixième plainte en deux mois, c’en était rendu un peu n’importe quoi: Une collègue avait demandé congé pour deuil. Il se trouve que la collègue était sa voisine d’en face, leurs deux portes étant opposées. Ariane ayant entendu la collègue rire et recevoir des amis, elle l’a dénoncé au directeur, comme quoi elle n’avait vraiment pas l’attitude d’une personne en deuil. Donc qu’elle avait demandé congé pour des raisons bidon.

À partir de ce point, le directeur lui a carrément dit que là, puisque ça sortait du cadre du lieu de travail, c’était une atteinte à la vie privée. Et qu’à partir de maintenant, il ne voulait plus l’entendre se plaindre de qui que ce soit.  Il est vrai que si on l’écoutait, il faudrait mettre tout le monde dehors, alors que nous sommes déjà en manque de personnel

De plus, elle me parlait souvent des conflits qu’elle avait eu avec les différents propriétaires des logis successifs qu’elle a occupé.  Dont le proprio actuel et les deux précédents, et ce simultanément.  Elle leur adressait des plaintes, des menaces d’appels à la police, ils ont eu droit à des mises en demeure et à des poursuites à la Régie du Logement, et aux tribunaux légaux, au civil et au criminel.

Tout Red Flag que c’était, je me disais que, bof, personnellement, je ne risquais rien.  Je n’avais aucun comportement répréhensible, ni dans mon travail, ni envers elle.  Elle n’avait donc aucune raison de me causer des problèmes avec mon travail et/ou avec la loi. 

Puisqu’elle habitait sur mon chemin, que nos horaires correspondaient et qu’elle n’avait pas de véhicule, elle a commencé à me demander de passer la prendre.  Ce que j’ai accepté.  Et c’est comme ça qu’on a commencé peu à peu à se voir en dehors des heures de boulot.

Au travail, notre complicité était évidente.  Ce qui fait que la moitié de nos collègues croyaient que nous formions un couple.  Et l’autre moitié, qui savaient que ce n’était pas le cas, trouvaient néanmoins que l’on irait bien ensemble. Je n’étais pas de cet avis.  Premièrement, tel que je l’explique dans ce billet, pour douze raisons, je suis radicalement opposé aux relations amoureuses et/ou sexuelles avec une collègue de travail.  Surtout qu’à partir du moment où tu es en couple, l’autre se croit en droit de t’imposer des exigences de toutes sortes.  Je connais assez Ariane pour savoir qu’elle est facile à contrarier.  Être avec elle deviendrait pénible assez vite.

3e RED FLAG : Son alcoolisme.  
Un jour, elle me demande s’il y a de bons restos et bars dans le coin.  Il y en a près de chez moi.  Puisqu’elle n’a pas de transport et moi oui, c’est ainsi qu’on a commencé à faire des sorties ensemble.  Elle ne buvait jamais de bière, mais se rattrapait amplement dans les cocktails.  Elle en buvait d’ailleurs beaucoup lors de ces sorties.

Au fil des semaines, je constate que lors de nos pauses de diner au travail, elle boit du vin rouge, du rosé, du mousseux.  Un matin alors que je vais la chercher avant le travail, je la réveille.  Elle se lève, va à la cuisine, ouvre le frigo, prend une bouteille de vodka, en boit deux ou trois gorgées.  Puis, elle remet la bouteille au frigo et se prépare un café. 

Tout Red Flag que c’était, je me disais que, bof, qu’est-ce que ça donnerait que je lui en parle?  Elle a 48 ans.  Elle doit bien le savoir, qu’elle est alcoolique.  Tout commentaire de ma part à ce sujet serait considéré comme étant jugemental. 

Un soir, au travail, alors que nous mangions à une table à l’extérieur, elle a bu la moitié d’un carton d’un litre de vin pendant son repas, et elle a vidé le reste dans sa gourde pour pouvoir continuer de boire pendant le reste de son quart de travail.  Le lendemain, elle était congédiée.

4e RED FLAG : Son côté revanchard, impulsif et irréfléchi.  
Dès qu’elle a appris qu’elle était renvoyée pour consommation d’alcool sur les lieux de travail, j’ai été le premier qu’elle a soupçonné de l’avoir dénoncé.  Par écrit et par message vocaux, j’ai eu droit à ses menaces, comme quoi elle avait contacté plusieurs de nos anciens collègues de travail, afin de déposer des plaintes contre moi à la direction, également pour consommation d’alcool au travail.   Qu’importe que ce soit faux, l’important était que je ne me tire pas impunément de cette trahison. 

Tout Red Flag que c’était, je me disais que, bof, il est vrai que de son point de vue, j’étais effectivement la seule personne qui savait qu’elle buvait au travail.  Il était donc normal que je sois le premier suspect de cette délation.  Et qu’avec sa promptitude explosive à réagir face aux comportements négatifs des autres, il fallait que je m’attende à ses plans de vengeance. 

Le lendemain, elle m’appelle en larmes et implore mon pardon. Elle a appris qu’en fait, c’était un collègue dans une auto, dans le parking, qui l’avait vu faire, et qui l’a dénoncé à la direction.  On a donc pu faire la paix. Puisqu’en perdant son emploi elle perdait automatiquement son logis, elle a eu à retourner à Laval. Je l’ai amené prendre le bus à Rimouski, à trois de route heures d’ici, ce qui a grandement diminué son temps de voyagement.  Elle n’a pas pu emporter son encombrant équipement de gym.  Je l’ai laissé dans mon auto, en lui promettant que je le lui apporterais lors de ma prochaine semaine de congé dans trois semaines.

On a continué de se texter à tous les jours.  Et c’est là, à l’avant-veille de mon départ, que j’ai eu mon…

5e RED FLAG : Son passé criminel. 
Déjà qu’il est difficile de se retrouver un emploi si on s’est fait renvoyer pour consommation d’alcool au travail, voilà qu’elle se plaint que les enquêtes des employeurs où elle a soumis sa candidature ont révélés la présence de plumitifs à son nom. Les plumitifs, ce sont les registres publics informatisés qui contiennent l’historique des dossiers judiciaires des gens et des entreprises au Québec.  Elle en aurait trois en tout. Un datant de 1995, dont elle ne se souvient plus la raison. Un de 2005, pour violence conjugale. Et le dernier, pour harcèlement, pas plus tard qu’il y a trois ans, en 2021.

Elle m’explique l’accusation de 2005. Alors qu’elle était enceinte, le (futur) père de sa fille aurait appelé la police afin de la faire sortir du logis commun, après qu’elle l’aurait menacé de l’agresser avec un pic à glace pendant son sommeil.  C’est ainsi qu’elle a passé quelques temps à Tanguay, la prison pour femmes.

Bien sûr, elle nie tout.  Elle affirme que, suite à une violente dispute, il voulait la jeter dehors.  Puisqu’elle refusait de partir, il aurait appelé la police et l’a fait sortir en portant de fausses allégations contre elle.

Je dois avouer que je ne suis pas prêt à 100% à croire qu’il mentait.  Lorsque je repense aux menaces qu’elle m’a écrit alors qu’elle croyait à tort que j’avais dénoncé son alcoolisme au travail, je l’imagine aisément être capable de dire n’importe quoi dans le cadre d’une violente dispute de couple.

Tout Red Flag que c’était, je me disais que, bof, je ne suis pas en couple avec elle et je ne le serai jamais. Elle n’a donc aucune raison d’avoir la moindre exigence à mon égard. Cela me met à l’abri de ses menaces de voies de fait.

Et c’est là qu’elle me sert le…

6e RED FLAG : Ses propres allégations mensongères.
Elle me dit que dans le fond, avoir été la cible de plaintes mensongères à la police, c’était un simple retour de karma. Car c’est quelque chose qu’elle faisait déjà elle-même lorsqu’elle avait 18 ans, alors qu’elle était en appartement avec son conjoint de l’époque.  Un soir où elle s’était disputée avec lui, elle l’a fait arrêter en mentant aux policiers, en l’accusant de violence conjugale.  Le pauvre gars a passé la nuit au poste de police.  Mais elle me conclut son anecdote en me disant que le lendemain, elle retirait sa plainte, donc que tout était OK.

Le problème, c’est que non, je sais très bien qu’avec ce genre d’accusations, tout n’est pas OK.  Lorsque la femme retire sa plainte, la loi applique une mesure préventive, au cas où elle ne la retirerait que par peur des représailles de la part de l’homme.  L’homme se voit donc être mis sous probation pendant deux ans.  Deux ans pendant lesquels il lui est interdit d’avoir le moindre démêlé avec la Justice, sinon c’est la prison directe.  Ce qui signifie qu’elle l’a mis en position pour pouvoir abuser de lui à loisir pendant deux ans, à obéir à ses moindres caprices, sinon elle avait le pouvoir de ruiner sa vie, en faisant de lui un criminel.  Et après la fin de la probation, c’est trois ans d’attente avant d’avoir le droit de demander un pardon judiciaire qui effacerait son dossier.  Et c’est un procédé qui prend aisément un an, sinon deux. Ce qui signifie de six à sept ans à avoir un dossier judiciaire.  J’espère qu’il avait déjà un emploi.  Parce qu’il est difficile de touver un employeur qui ne fera pas d’enquête avant l’embauche.  Comme le constate actuellement Ariane avec son plumitif, puisqu’elle ne s’est jamais donné la peine de faire effacer son propre dossier.

À ce Red Flag-là, par contre, je n’ai pas dit bof ! Ses méthodes d’attaques en situation de conflit me rappellent inconfortablement ce que je subissais moi-même de la part de la mère de mes enfants. J’ai toujours trouvé étrange que les femmes victimes de violence conjugale ou d’agressions sexuelles affirment ça ne sert à rien de porter plainte car la loi ne fait rien contre les hommes. Par contre, chaque fois qu’une femme dépose une plainte mensongère à la police contre un homme, ce dernier se retrouve avec des problèmes judiciaires et sociaux pendant de nombreuses années. Il y a quelque chose qui m’échappe dans tout ça.

Mais bon, là encore, puisque je ne serai jamais son conjoint, son amoureux, son amant, ni même son colocataire, et que jamais je n’ai mal agi envers elle, je suis à l’abri de son attitude revancharde. Je suppose que je peux me permettre de fermer les yeux encore une fois sur son comportement.

Pour ma semaine de congé qui approche, Ariane m’invite chez elle, m’offrant l’hébergement pour toute sa durée. Je vais accepter pour le premier soir, puisqu’il est prévu que je passe une partie de mon séjour chez Flavie. (Une ex avec qui j’ai toujours été en bons termes, et avec qui on se partage parfois la garde de nos deux chats.) L’une des raisons pour laquelle je reviens dans la région, c’est que nous voilà au temps de la révision annuelle de mon véhicule, ainsi que la pose des pneus d’hiver. Mes pneus sont dans mon entrepôt à Beloeil, ville située peu avant Montréal. Mais je ne peux pas les embarquer puisque mon auto est encombrée avec les machines de gym d’Ariane. Je dois d’abord aller déposer ces dernières chez elle samedi. J’irai récupérer mes pneus à Beloeil dimanche. Et j’irai à mon rendez-vous au concessionnaire lundi.

Alors que je parcours les 800 km qui nous séparent, je ne me doute nullement que dans 24h, tout va s’écrouler entre nous.

À CONCLURE. Suite et fin juste ici.

L’approche négative et la manipulation (2 de 2)

Tout d’abord, rappel important. Le but premier de ce billet n’est pas de vénérer la manipulation. C’est d’en dénoncer les techniques.

Le lendemain, je reçois une réponse. Et celle-ci est tout ce que j’espérais. Tout d’abord, elle admet ses torts et me présente ses excuses.

Ensuite, comme je m’en doutais, lui dire que FB Rencontre ne me propose que des gens peu éduqués dans le coin, ça résonne avec sa propre expérience.

Je comprends que la précision qu’elle me fait entre parenthèse est née de sa peur de passer pour étant prétentieuse. Je ne crois pas qu’elle l’est. Elle ne fait que dire les choses telles qu’elles le sont. Mais le fait qu’elle me fasse cette précision, ça démontre qu’elle veut éviter de mal paraître à mes yeux. Ce qui augure bien pour notre potentielle relation future.

Ho! Ho! Je vois dans cette dernière phrase la manifestation de son orgueil. Puisque je lui ai dit que j’en étais arrivé à la conclusion que nous sommes incompatibles, il faut qu’elle sauve la face en me disant un truc semblable. Mais attention, elle ne nous ferme pas la porte. Elle n’a pas confirmé que nous sommes incompatibles. Elle dit juste que l’on ne communique pas si bien ensemble. Ça laisse la porte ouverte à quelque chose, si on arrive à mieux communiquer.

Pardon?

J’éclate de rire. Incroyable ! Elle m’a fait la leçon, défendant la valeur de cette oeuvre littéraire… alors qu’elle ne l’a même pas lue. Je ne peux qu’apprécier son humilité et son honnêteté, de me l’avoir avoué.

Alors voilà, ça y est. Le dialogue est établi entre nous. Et c’est un beau dialogue. Amusant. Honnête. Positif. Qui nous permet de voir nos points en commun. Bref, mon but recherché depuis la toute première fois où je suis tombé sur sa fiche au printemps dernier. C’est quand même dommage de constater que pour avoir enfin obtenu ce résultat, il m’a fallu opter pour l’approche négative, puisque mes deux premières tentatives de rapprochement, qui étaient positives n’avaient rien donné. Mais maintenant que j’ai obtenu le résultat escompté, je n’ai plus besoin d’user de négativité ni de negging.

En un paragraphe, j’arrive simultanément a me vanter et à la complimenter.

Vingt-quatre heures passent. Aucune réponse de sa part. Voilà qui me déçoit quelque peu. Je ne dois pas oublier que nous sommes sur une app de rencontre. Et puisque Lyne est une belle femme, j’ai certainement pas mal de compétition. Aussi, je décide de passser à l’étape suivante : la proposition de rencontre.

Pour ce faire, je commence par appliquer un petit gaslighting de rien du tout : je fais de la projection en inversant nos rôles. Afin de cacher le fait que je l’ai mise dans une position où elle a eu à se défendre, je vais prétendre que c’est le contraire qui est arrivé. Et de la manière dont j’en parle, ça se tient.

J’enchaine avec le parfait argument pour l’influenser à accepter l’invitation qui suivra.

Enfin, il est toujours de bon ton de montrer à une femme que l’on écoute ce qu’elle dit. Chose que je fais en concluant avec :

La seule raison pour laquelle j’ai utilisé l’approche négative, le negging, le gaslighting, c’était uniquement dans le but de la rencontrer. Tout ce que je veux depuis le début, c’est une chance de voir si nous pouvons être compatibles. Et pour ça, ça prend au moins une rencontre en personne. Maintenant que ce but est pratiquement atteint, je n’aurai plus jamais besoin d’utiliser ces méthodes. Elles ont beau fonctionner mieux que l’approche positive et sincère, il reste que je n’ai pas vraiment apprécié de devoir m’y abaisser.

Sa réponse m’arrive quelques heures plus tard.

Oui, bon, elle a une vie en dehors des réseaux sociaux. Je m’y attendais. C’est nornal, et même très sain.

Oh?

Bon ! Eh bien… Il n’y a qu’une chose que je puisse répondre à ça.

Bon ben voilà. C’est terminé. Il n’y aura jamais rien entre elle et moi. Les deux premières fois que j’ai tenté de la contacter, je pouvais encore espérer. Mais cette fois, c’est officiel.

Cette expérience m’a donnée une bonne leçon. En fait, elle a surtout confirmé ce qui était pour moi une théorie à laquelle je souscris depuis mon adolescence : en amour, la manipulation, ça ne sert à rien au bout du compte. Sûr, j’ai pu la manipuler à communiquer avec moi. J’ai pu la manipuler à m’attaquer. J’ai pu la manipuler à admettre ses torts. J’ai pu la manipuler à me faire ses excuses. Mais je ne pouvais pas la manipuler à ressentir de l’attrait pour moi. Elle n’en avait pas les deux premières fois. Elle ne pouvait donc pas en avoir à la troisième.

L’approche négative et la manipulation (1 de 2)

Intro 1 : Le but premier de ce billet n’est pas de vénérer la manipulation. C’est d’en dénoncer les techniques.

Intro 2: Il existe une organisation sportive américaine nommée Special Olympics réservée aux enfants et adultes ayant une déficience intellectuelle. En 2017, il y a eu cet échange sur le mur du Facebook d’Arnold Schwarzenegger. Je vous l’ai traduit.

Cette capture d’écran, ou du moins sa version originale Anglaise, se promène sur Internet depuis mars 2017. Et ceci démontre plusieurs choses, La première, c’est que contrairement à ce qu’affirme Arnold, grâce au contenu négatif de son message, personne ne l’oubliera jamais.

Et ceci m’a fait réaliser que c’est justement grâce au contenu négatif de son commentaire que ce type a su attirer sur lui l’attention d’Arnold Schwarzenegger. Il doit bien y avoir des centaines, des milliers de personnes qui lui ont écrit des commentaires positifs. Arnold n’a répondu à aucun d’entre eux. Par contre, il suffit qu’une personne lui écrive un commentaire teinté d’ignorance et de négativité, alors , il ne peut s’empêcher de répondre.

Ce qui signifie que si, quelques temps plus tard, ce même troll était revenu lui dire qu’il a réfléchi, qu’il a suivi sa suggestion, et qu’il avait réalisé ses torts, alors sûrement qu’Arnold lui répondrait quelque chose de positif, ce qui amorcerait le dialogue entre eux.

En conclusion, la négativité d’un troll est potentiellement plus efficace pour se rapprocher d’une vedette internationalle, que le positif de la part d’un fan. Mais bon, ce n’est pas d’hier que je connais ce navrant principe. J’en parle pratiquement depuis la création de ce blog. Un exemple au hasard: mon billet 40 gars typiques de sites de rencontres.

Intro 3 : Comme je crois l’avoir déjà écrit ici dans un billet précédent, depuis deux ans, je vais régulièrement me faire un compte sur Facebook rencontre. En général, au bout de quelques semaines à quelques mois, je perds intérêt et je le ferme. Par conséquent, à chaque fois que j’en ouvre un autre, je revois beaucoup des mêmes candidates que j’avais vu lors de mes tentatives précédentes.

Intro 4 : Tout le long de ma vie, j’ai souvent été exposé aux manigances de gens qui voulaient me contrôler et/ou tirer un quelconque profit à mes dépends. Par conséquent, je connais toutes les techniques de manipulation. C’est juste qu’avant cette semaine-là, il ne m’était jamais venu en tête de les utiliser moi-même dans un contexte de rencontres.

Ainsi, ai-je eu l’envie de me livrer à une petite expérience. Ce qui nous amène au sujet de ce billet : L’approche négative et la manipulation.

À chaque fois que je suis sur Facebook Rencontres, l’app me montre ce profil qui me plaît à tout coup.

Afin de protéger son identité, sa photo a été remplacée par une image créée par intelligence artificielle.

Cette femme me plait pour trois raisons. Les voici par ordre d’importance:

  1. Elle est professeure de littérature. On ne se mentira pas, en région éloignée, pour la majorité de la population, « culture » est un mot qui évoque surtout les champs de maïs et de patates. Aussi, l’idée de rencontrer une femme encore plus cultivée que moi n’est pas pour me déplaire.
  2. Elle a onze ans de moins que moi. J’ai 56 ans. Je ne les fais pas car je me tiens en forme et en santé. Ce n’est malheureusement pas le cas de la majorité des femmes célibataires de ma génération, qui ont passé leur jeunesse à se négliger et se soumettre à des abus de toutes sortes. En fait, même pour ses 45 ans, elle parait très bien.
  3. Elle habite dans la même ville que moi. Ma dernière relation sérieuse habitait à une heure trente de route. Je trouvais ça plutôt long. Et si j’avais sauté sur l’opportunité d’avoir une relation avec Noémie au printemps dernier, c’eut été deux heures quinze. Alors un aller-retour la même journée, c’est toute une perte de temps.

La première fois que j’ai vu son profil,je me suis contenté d’appuyer sur le coeur. Elle n’a pas répondu.

La seconde fois que je suis tombé sur son profil, je suis allé modifier la photo principale sur le mien. J’en ai mis une sur laquelle je tiens fièrement un exemplaire de mon livre, Le sucre rouge de Duplessis. Puis, je suis allé mettre un commentaire sur une de ses photos, ce qui déclanche un LIKE automatiquement. J’ai écrit « Tu es prof de littérature. Je suis auteur. Nous sommes faits pour nous entendre. » Mais là encore, aucune réponse de sa part.

La troisième fois que FB Rencontres m’a montré son profil, j’y étais revenu avec un nouveau compte avec de nouvelles photos. Cette fois, je décide d’y aller avec une stratégie totalement différente : l’approche négative. On verra bien si celle-la aura plus de succès que mes précédentes. Mais attention, je le fais dans la subtilité. J’écris ce commentaire sur sa photo principale.

Je m’arrange de façon à ce que l’intention de ce premier message ne soit pas clair. Ainsi, tout dépendant de son humeur, elle pourrait le prendre à la négative.

Comme de fait :

Et voilà ! Elle l’a pris comme une attaque personnelle. Elle ne pouvait pas laisser passer ça sans répliquer. Et elle le fait en beauté. Exactement comme Arnold avec son troll.

Maintenant que le dialogue est ouvert, il ne me reste plus qu’à jouer habilement de mes cartes. Pour ce faire, pas question pour moi d’être sur la défensive. Un homme qui se montre offensé est un faible et un irritant. Je ne dois pas non plus adopter une attitude condescendante. Ça dépeint comme étant un orgueilleux et un fake. Et je ne dois surtout pas me confondre en excuses et implorer son pardon. Ça ferait de moi un minable. La meilleure attitude à avoir face à son commentaire, c’est la compréhension et l’ouverture d’esprit.

Je n’essaye pas de l’éblouir en parlant comme un dictionnaire, mais le simple fait que j’utilise le terme question réthorique lui démontre que j’ai une certaine éducation. Je ne prétend pas être à son niveau littéraire, mais si j’ai eu à lire ce roman au cégep, ça signifie que j’ai moi-même étudié en Lettres, ce qui sera perçu par son inconscient comme un bon point en commun entre nous. Sinon, mes paroles sont celles d’un homme poli, raisonnable, qui reconnait ses torts. À côté de ça, elle fait piètre figure, avec sa réponse brusque dans laquelle elle démontre n’avoir rien compris de mon approche.

Ma conclusion à ce message, « Merci d’avoir répondu et bonne journée » , indique que je m’attends à ce que la discussion se termine là. Ce qui lui passe en sous-entendu l’idée que je suis prêt à mettre fin à nos communications avec cette image négative que j’ai à son sujet. Si elle a le moindre orgueil, elle ne voudra pas me laisser sur cette impression.

Et effectivement…

Voyez vous ça. Malgré le fait qu’elle reconnait ses torts, elle s’en justifie en étant vraiment bloquée sur l’idée que mon message était une attaque. Voilà qui va me servir au-delà de mes espérances.

Vous connaissez la technique du negging? C’est démontrer à l’autre qu’elle pourrait bien nous plaire, sauf qu’elle n’a pas tout à fait ce qu’il faut pour y arriver. Lorsque c’est fait de façon habile, le negging provoque chez l’autre le réflexe de vouloir nous prouver qu’au contraire, elle a ce qu’il faut. Autrement dit, c’est manipuler l’autre de manière à lui donner l’envie de vouloir nous plaire.

Avec son accusation d’avoir attaqué son travail et sa discipline (qui la passionne), elle me donne la plus pertinente des raisons de la soumettre au negging. Le défi ici est de faire ça sans lui donner l’impression que je lui porte un jugement.

Laisse-moi te traiter de bitch sans clairement te traiter de bitch.

Cette subtilité est atteinte ici juste en choisissant bien mes mots. Si j’avais écrit « Tu as perçu ça comme étant attaquer ton travail », ça aurait été un reproche. Mais en optant pour dire « C’est perçu comme étant attaquer ton travail », j’expose seulement un fait.

Et pour bien m’assurer qu’elle ne le prenne pas comme un reproche, j’ajoute ceci:

Le sentiment qui passe en douce dans ce message est « Tu ne mérites pas d’être en couple car tu es du genre à avoir des soupçons négatifs contre autrui sans raisons valables. » Et ça, c’est quelque chose qu’elle voudra certainement me prouver comme étant faux. Il n’en tient qu’à moi de lui en donner l’opportunité.

Une technique que maîtrisent les plus grands manipulateurs, c’est de reconstruire l’orgueil de la femme tout juste après l’avoir détruit. Ainsi, en ayant compris qu’elle tire fierté de son éducation et de sa culture, c’est sur ces points que je la valorise.

Les hommes ont tous cette réputation d’obsédés sexuels, surtout les célibataires d’apps de rencontres. Alors lorsqu’un homme fait comprendre à une femme que même sexuellement il n’en veut pas, elle a de quoi se taper une sérieuse remise en question. En lui laissant la porte ouverte avec mon offre d’amitié, je lui donne l’opportunité de se racheter. De plus, en tant que femme éduquée, il est évident qu’elle a eu droit à plus que sa part d’ignorants qui l’ont approchée. En lui disant que c’est moi-même ce que j’ai vécu ici, je lui démontre que nous avons ça en commun.

Enfin, je conclus humblement, sans lui mettre de pression, et en lui faisant même des excuses.

Comment réagira-t-elle ? Est-ce qu’elle verra clair dans mon jeu ? Ou bien se laissera-t-elle manipuler aussi docilement que je me l’imagine ?

À CONCLURE

L’illusion de la neutralité

Il y a au moins une personne parmi vous qui correspond à la description suivante.
C’est une personne aimable, gentille, pleine de bonne volonté, qui fait ce qu’elle a à faire.  Une personne capable de reconnaître la différence entre quand c’est le temps d’être réfléchi et quand c’est le temps d’être impulsif.  Son naturel la porte à être généreuse, donnant du temps pour écouter ou aider autrui.  Mais pas trop, quand même, car il faut bien se protéger de ceux qui pousseraient la chose trop loin.  Elle sait prendre la bonne décision, ou du moins la solution qui lui semblait la plus logique à ce moment-là, selon ce qu’elle savait. Mais puisqu’il est rare que l’on connaisse toutes les facettes d’une situation, et encore moins l’avenir, cette personne regrette parfois sa décision en se disant « Ah, si j’avais su! » Bien sûr, il lui arrive une fois de temps en temps de commettre une vraie erreur de jugement.  Mais bon, qui n’en a jamais fait ?  Cette personne a un entourage composé de gens, somme toute, assez sympathiques. N’empêche que personne n’est parfait. Ainsi, certains sont ennuyeux.  Certains sont maladroits.  Certains sont indélicats, impolis, irrespectueux. Et ils le démontrent en lui servant des paroles offensives, blessantes, en déguisant parfois la chose en tentative de faire de l’humour.  D’autres sont carrément des exploiteurs qui cherchent à obtenir de cette personne le maximum qu’ils puissent en tirer.  Même parmi celles qui aiment le plus cette personne, il y en a qui démontrent par leur comportement qu’ils sont parfois insensibles et qu’ils ne l’apprécient pas à sa juste valeur.  Et le pire, c’est qu’on dirait qu’ils ne s’en rendent pas compte. Sauf dans le cas de certains dont les faits et gestes prouvent hors de tout doute qu’ils ont une personnalité négative, une nature perverse, voire carrément méchante.  Et c’est hélas avec ce genre d’entourage que cette personne doit tant bien que mal composer.

Avouez-le, vous vous êtes reconnus dans le paragraphe précédent. Normal !  C’est que nous vivons tous, comme le dit le titre de ce billet, dans notre illusion de la neutralité.  Être réfléchi et majoritairement irréprochable, tout en subissant les autres, leurs paroles, leurs gestes et les conséquences de leurs stupidité, c’est comme ça que nous nous percevons tous, sans exception. 

Et moi le premier.  La preuve : la majorité des 563 articles de ce blog tombent dans la catégorie « Voyez tout ce que l’on a à subir injustement de la part des autres. »  L’exemple le plus flagrant est ce vieux billet de 2012, 30 comportements qu’il faudrait cesser d’avoir sur Facebook. On y reconnait plein de gens… SAUF soi-même.  (Ou alors si peu).  Pas étonnant que ce billet fut le plus populaire de ce blog, m’ayant rapporté plus d’un demi-million de visites cette année-là.

Et pourtant, je suis probablement moi-même coupable de plusieurs comportements qui dérangent autrui, aussi bien sur le net que dans la vraie vie.  Mais voilà, comme le démontre mon utilisation du mot « probablement », mes défauts personnels, je ne les vois pas.  Je ne vois que ceux des autres.  Sans le savoir, je pourrais être l’exemple parfait décrit dans le proverbe On voit la paille dans l’oeil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien. Je ne sais plus qui a dit la phrase suivante mais elle décrit bien la situation: Nos défauts sont comme nos odeurs corporelles : On ne les sent pas soi-même, elles ne dérangent que les autres.

« Je ne fais rien subir aux autres, je ne fais que subir les autres. » Ou: Le principe de la Mary Sue.
Dans les créations de beaucoup d’auteurs, aussi bien amateurs que professionnels, on retrouve ce que l’on appelle une Mary Sue Il s’agit d’un personnage qui, volontairement ou inconsciemment, est la représentation de son auteur. Bien qu’il existe plusieurs genres de Mary Sue (ou  Marty Stu / Gary Stu  s’il s’agit d’un homme), la majorité possèdent les mêmes particularités. En voici une courte liste:

  • Peu ou pas de personnalité qui se démarque.
  • Irréprochable dans son comportement.
  • Aucun défaut physique particulier. 
  • Tout tourne autour de ce personnage.
  • Les bonnes choses, tout comme les mauvaises, lui arrivent par elles-mêmes, sans que ce personnage ne les aient provoquées.

Dans les années 90, le personnage titre de l’émission Seinfeld était le parfait Marty Stu.  La preuve: Demandez à ceux qui s’en souviennent encore (ou bien qui en regardent les reprises) de vous décrire les différents protagonistes de la série, et ils vous diront ceci: George est un loser complexé incapable de trouver une femme ou bien de la garder. Kramer est un excentrique sans-gène irréfléchi.  Elaine est une égocentrique.  Newman est un méchant et un lâche. Les parents de Jerry sont des moralisateurs à tort.  Les parents de George sont contrôlants et envahissants. Oncle Léo est un arnaqueur et un profiteur. 

Et Seinfeld lui-même? Eh bien…   

  • Peu ou pas de personnalité qui se démarque.
  • Irréprochable dans son comportement.
  • Aucun défaut physique particulier.
  • Tout tourne autour de ce personnage.
  • Les bonnes choses, tout comme les mauvaises, lui arrivent par elles-mêmes, sans que ce personnage ne les aient provoquées.

À quoi s’attendre d’autre d’une comédie nommée Seinfeld écrite par le comédien Jerry Seinfeld dans lequel le comédien Jerry Seinfeld tient le rôle du comédien Jerry Seinfeld?

En littérature, un exemple flagrant de la Mary Sue classique est le personnage de Bella dans Twilight.  En ne faisant aucun autre effort que d’exister, elle provoque chez un vampire centenaire, jusque-là aromantique et asexué, l’envie de connaître l’amour sous toutes ses formes.  Juste en étant passive, elle amène deux peuples surnaturels à lui graviter autour, faisant d’elle tour à tour source de désirs et de conflits.  En ne faisant rien du tout, à part être aussi bella que son prénom, elle est l’influence qui marquera à jamais l’histoire de ces deux grandes puissances occultes.

Seinfeld ou Twilight, pourquoi croyez-vous que ces séries sont si populaires? C’est justement à cause de la nature Mary-Sue-esque des personnages principaux: Parce qu’il est très facile pour le spectateur de se reconnaitre dans un personnage principal neutre.  Parce que dans nos têtes, nous sommes exactement comme eux: Nous ne faisons rien de mal. Nous sommes irréprochables.  Le monde tourne autour de nous. Nous ne faisons que subir les faits, gestes et paroles des autres. Exactement la perception que Jerry Seinfeld a de lui-même, chose qu’il projette dans son avatar télévisuel.  Exactement la perception que Stephenie Meyer a d’elle-même, chose qu’elle projette dans son avatar littéraire. 

Et c’est exactement la perception que chacun de nous avons de nous-même. Parce que nous vivons tous dans notre illusion de neutralité.

Deux leçons tirées de la procrastination

Printemps 1997. Afin de fêter le 100e anniversaire de la sortie de Dracula par Bram Stoker, le bédéiste Marc Jetté avait comme projet de sortir une publication au sujet des vampires. André Poliquin devait faire la couverture avant. Et Marc m’a offert la couverture arrière. J’ai accepté.

À l’époque, j’étais encore plus procrastinateur qu’aujourd’hui. Aussi, à force de toujours remettre ça au lendemain, j’ai fini par arriver au matin de la date de tombée. Je devais rencontrer Marc et André le soir-même, vers 20h. Je m’installe donc à ma table à dessin au matin à 08:00, en me disant que je n’en aurais que pour trois heures, peut-être quatre, à faire ce dessin.

Pour faire original, je décide d’éviter le cliché de la vampiresse en robe de soirée gothique / médiévale / BDSM d’une famille noble et richissime habitant un château. Ma vampiresse sera une jeune fille moderne, style gang de rues, en jeans et en veste de cuir. D’ailleurs, pour gagner du temps, je vais calquer une version miroir d’un autre de mes dessins intitulé Catherine.

Celui-ci.

Quand à sa victime, comme modèle, je me prends en photo dans la pose requise. Je n’aurai qu’à m’y ajouter le genre de barbe qui était à la mode à ce moment-là pour dissimuler que c’est mon visage. (peine perdue, on me reconnaîtra à tout coup.)

Puisque c’était au début du digital et que je ne possédais pas encore d’appareil photo numérique, et que les téléphones de l’époque n’avaient pour toute fonction que de téléphoner, j’ai eu à me payer un petit aller-retour à la plus proche boite publique de photos.

Pour mon dessin, pas besoin de gribouiller un brouillon. J’ai confiance en mon talent, je suis convaincu que le premier jet sera parfait. Ça devrait donc se faire en un rien de temps.

J’avais surestimé mon talent et sousestimé ma vitesse. Ça m’a pris huit heures pour dessiner les personnages, le muret de briques, et les colorer. Au crayons Prismacolor et aux feutres Steadler. Parce que tout artiste que je prétendais être, je ne me suis jamais soucié de m’acheter de l’équipement de pros.

Je n’avais pas l’habitude de planifier d’avance mes mises en page. Ça se voit clairement ici, alors que ma signature, encrée dès le départ, m’empêche de placer la main droite de la fille là où elle aurait dû naturellement être. J’ai donc eu à « briser » le muret de briques pour l’y poser. Mais ce n’était rien à côté du problème suivant: C’est une vampiresse. Je dois donc faire un décor de nuit. Je réalise que de faire un ciel noir allait poser un problème avec le manteau de cuir qui allait se fondre dans le décor. Et je n’ai vraiment plus le temps de l’habiller autrement, ni de remplir le fond complet de briques pour en faire un mur. Je n’avais pas de scanner, pas d’ordi, et du reste je ne pense pas que Photoshop existait. Dommage, ça m’aurait permis de réduire sa main gauche qui est beaucoup trop grande.

La solution qui me vient en tête pour le décor, c’est de faire un collage sur une image déjà existante, et de bon format. Mais laquelle?

Je fouille fébrilement ma collection de vieilles BD, et je tombe sur cet album d’une série belge obscure des années 80: Serge Morand, détective. La page de garde est une peinture d’une scène de nuit d’extérieur. Exactement ce qu’il me faut. De plus, la série est si peu connue au Québec que le risque que l’on découvre mon repiquage est mince.

Je découpe donc la page et j’y colle mon dessin. Je n’aime pas être obligé d’avoir recours à cette technique. Mais pour cause de manque de temps, je n’ai aucun autre choix. Et puis, c’est juste pour la couverture arrière. Ce n’est pas comme si ça allait passer à la postérité.

Afin d’aider à dissimuler mon vol, je décide de donner à ce décor un cachet local. Avec mon crayon de liquid paper et une règle, j’y ajoute la croix du Mont Royal. Mais le seul endroit où je pouvais la dessiner donne l’impression que la croix surgit de la tête de la victime. Au moins, ça a l’air peint, comme le reste du décor.

Quant au lettrage, c’est du fait main, découpé, collé… et mal centré. Le mot porte trop vers la gauche. Pour éviter de devoir tout décoller et recentrer, je tente de camoufler la chose en y ajoutant trois petits points. Et voilà le résutat.

La colle n’est même pas encore sèche que c’est le temps de partir. J’apporte le tout à Marc et André. Et c’est là qu’ils ont une réaction à laquelle je ne m’attendais pas. Ils aiment tellement le résultat qu’ils décident d’en faire la couverture avant. André, à qui devait revenir cet honneur, ne fait pas que me céder sa place. Il me la donne volontairement.

Cette situation me cause un grand malaise. Mais surtout un grand étonnement. Ne voient-ils pas l’énorme différence de style entre mon dessin et le décor? Sont-ils incapable de voir que mon décor est une image imprimée, contrairement au reste de mon dessin?

Eh bien, apparemment, non, ils ne constatent rien de tout ça. Ma croix du Mont Royal y est peut-être pour quelque chose.

Refuser cet honneur m’aurait obligé de leur en expliquer les raisons. Et je ne voulais pas. J’avais commis un vol d’image, chose déjà réprimandable à mes propres yeux, je ne voulais certainement pas l’avouer à d’autres. J’ai donc accepté leur offre, signant ainsi la couverture avant de ce recueil de BD. Et pour les quelques années qui viendront, je vivrai dans l’angoisse que quelqu’un finisse par se rendre compte de mon vol.

… Ce qui n’est jamais arrivé. Serge Morand n’avait pas grands fans au Québec.

J’ai quand même tiré deux leçons profitables de cette expérience. la première, c’est de ne plus jamais procrastiner, surtout pour quelque chose qui doit être fait pour une date déterminée. Et la seconde, c’est de prendre d’abord le temps de bien planifier. Deux leçons que je continue d’appliquer à divers aspects de ma vie.

Il ne me reste plus qu’à avouer la chose à Marc et André, en espérant qu’ils me pardonnent 27 ans plus tard pour cette supercherie, la seule du genre de toute ma carrière d’artiste.