General Menteurs, 1e partie: Travailler sur sa vie

À chaque fois que j’écris un nouveau billet, j’en poste le lien sur mon compte Facebook, sur le groupe Mes Prétentions de Sagesse et sur mon Twitter.  Aussi, sur mon Facebook, sous le lien vers mon billet au sujet des dangers à acheter une bagnole d’occasion, j’ai reçu le commentaire suivant : « Anecdote vécue? » 

J’étais loin de m’imaginer que ces deux petits mots allaient amorcer une discussion qui allait m’enlever des épaules un poids moral vieux de 21 ans, et qui a empoisonné mon existence depuis.

Si le vendeur d’autos arnaqueur est un cliché qui existe depuis aussi longtemps que l’automobile, ce n’est pas sans raisons.

Il y a 20-à-25 ans, j’étais beaucoup plus naïf qu’aujourd’hui.  Inutile de dire que du côté des leçons de vie, l’une n’attendait pas l’autre et je les subissait à la dure.  Et non seulement j’avais le don de toujours prendre des mauvaises décisions, on aurait dit que le hasard et le destin faisaient tout pour se liguer contre moi pour gâcher ma vie et mes finances, et ce de manière tellement implacable que je ne pouvais rien faire.  Il m’arrivait le genre de hasards tellement imprévisible, tellement incroyable, et surtout tellement improbables, que lorsque je le racontais, je n’avais que des réactions négatives. 

Pour ceux qui me croyaient : J’étais con, stupide, irréfléchi, ou alors je faisais exprès pour toujours me mettre dans des situations foireuses, car il était impossible que tant de hasards aussi mauvais qu’extraordinaires arrivent juste dans le but de tout faire foirer.
Pour ceux qui ne me croyaient pas : J’étais un irresponsable qui mettait toujours le blâme sur les autres au lieu de se regarder lui-même, un chialeux qui fait dans la victimisation, un pôÔôvre petit toujours harcelé parce que personne ne l’aime et tous sont contre lui, incluant le destin qui s’acharne sur lui, bou-hou-hou.

L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui, et pour la majeure partie des deux prochaines semaines, est celle qui m’a valu tout ce mépris.  C’est la raison pour laquelle je ne l’ai jamais mise en ligne avant.  Mais depuis la discussion qui a suivi la question « Anecdote vécue? », j’ai compris beaucoup de choses qui changent totalement la donne. 

Cette histoire sera longue, aussi je la posterai en 10 parties.  Ça va comme suit :

C’est à 25 ans que j’ai eu l’une de mes premières et plus dures leçons de vie :  Le mythe de la grosse laide qui compense en étant gentille, eh bien c’est juste ça : Un mythe.  Quand tu ne t’aimes pas, tu ne peux pas imaginer que l’on puisse t’aimer.  Convaincue qu’il était inévitable que je la quitte, elle me faisait la vie dure, pour me faire payer d’avance cette future traîtrise de ma part qui n’existait que dans son imagination.  Et pour s’assurer que je reste dans cette relation abusive, elle a lâché la pilule sans m’en parler, et je me suis retrouvé avec une paternité imposée sans que je sois prêt à l’assumer, financièrement ou autrement. La voilà, ma récompense, pour avoir eu la maturité de ne pas avoir mis d’importance dans l’apparence physique.

Désolé si la vraie vie n’est pas politically correct, mais les faits sont les faits. 

J’ai décidé de prendre mes responsabilités paternelles. À l’époque, je n’avais pas mon diplôme de 5e secondaire.  Et un gars sans diplômes, ça ne se fait pas offrir les meilleurs boulots.  Ne voulant pas élever mes enfants dans la pauvreté, je suis retourné aux études.  Tout d’abord aux cours aux adultes, où j’ai obtenu les deux années de maths qui me manquaient à cause de ma dyscalculie.  Et ensuite, à 27 ans, au cégep, pour me spécialiser. J’ai joint le journal étudiant.  Un mois et demi plus tard, on m’offrait le poste de rédacteur en chef.  Jusque-là, ma prise en main donnait des résultats positifs, et l’avenir semblait prometteur.

Mais voilà, au cégep, il y a des filles.  Ce simple fait a fortement déplu à la mère de mes enfants, ce qui a rendu la relation encore plus abusive.  Au point où, devant mon refus d’arrêter les études, elle me fasse expulser de la maison par la police sous de fausses accusations de violence conjugales.  C’est une femme et une mère, alors évidemment on l’a cru sur parole.  La police m’a sorti de là.  Elle a changé les serrures.  J’ai eu à retourner vivre chez mes parents.  À St-Hyacinthe.  À 42 km de mon cégep.

J’aurais pu me laisser démolir moralement et tout abandonner, de voir qu’elle avait ainsi gâché mes efforts pour faire quelque chose de ma vie.  J’ai choisi de persévérer.  J’ai affronté les obstacles, fait fi de la distances, et je n’ai pas lâché mes études.  Hélas, un prêt étudiant calculé pour une personne qui habite près de son école, ça ne peut pas éponger le coût du transport St-Hyacinthe / Montréal / St-Hyacinthe cinq jours semaine.  Trois semaines avant la fin de session, je n’ai plus un sou.  Je ne peux donc plus voyager.  Je manque les examens.  Je coule ma session.  Une année perdue, un prêt étudiant gaspillé.

L’année suivante, à 28 ans, j’ai fait ce que j’avais à faire : Je me suis trouvé un travail à temps plein à laver de la vaisselle dans un restaurant.  Je suis allé habiter au résidences étudiantes du cégep.  J’ai demandé et obtenu un nouveau prêt étudiant.  J’ai gardé mon boulot pendant les fins de semaines.  Et j’ai recommencé le cégep à zéro. 

Toujours au journal étudiant, j’y rencontre Camélia, 19 ans, à ce moment-là en couple avec un de nos journalistes. 

Pour Camélia, son idéal masculin devait avoir de belles valeurs et prendre son avenir au sérieux.  Ce sont deux qualités qu’elle retrouvait chez ce gars-là.  Or, dans son cas, il y avait une raison :  C’était un fanatique religieux.  Et sa foi contrôlait sa vie de couple au point où il lui imposait de plus en plus de restrictions.  Retrouvant chez moi les qualités de ce gars, mais sans ses défauts, elle est tombée en amour avec moi.  Mince, belle, jeune, de bonne famille, avec un bon avenir, qui ressent de l’amour et non de la possessivité envers moi, bombe sexuelle… Pourquoi aurais-je dit non à ça?

Bonus absolument non négligeable, c’était une fille de riche.  Je ne sais pas quel était le titre du poste de son père au juste, mais c’était un super boss haut placé chez General Motors.  Raison de plus pour croire que contrairement à mon ex, elle ne me fera jamais une paternité dans le dos pour que je l’entretienne pour les 20 prochaines année 

Au début, ses parents m’appréciaient car j’étais une sérieuse amélioration sur sa relation précédente.  Hélas, il est arrivé un moment où ils se sont demandés qu’est-ce que je faisais au cégep, alors que j’avais dix ans de plus que les autres étudiants.  Croyant naïvement qu’ils apprécieraient un homme à la fois ambitieux et assez vaillant pour se tirer de la misère et agir convenablement pour faire quelque chose de sa vie, je le leur ai expliqué.

Et aussitôt, à leurs yeux, j’étais devenu le genre de merde qu’ils ne voulaient pas que leur fille fréquente. 

Camélia me rapportait parfois leurs paroles.  Ils lui mettaient en tête que j’étais un irresponsable, de ne pas avoir fait avorter mon ex, alors que je n’avais pas les moyen de partir en famille.  Ensuite, que j’étais un lâche d’avoir abandonné mes enfants.  Ils lui disaient de se méfier, de ne pas me marier ni fonder une famille avec moi, parce que ça prouvait que j’allais les abandonner eux aussi un jour.  Et surtout, un gars qui a à payer une pension alimentaire, ça n’aura jamais d’argent, donc ce sera elle qui sera obligée de me faire vivre.

Quelques semaines plus tard, l’épouse de mon bon copain Carl (le gars super-winner de la vie, de qui j’ai parlé quelquefois dans ce blog) m’offre du travail pour la boite où elle est employée.  Un très grande boite qui faisait deux milliards de chiffre d’affaires par année.  J’entre au salaire de $14.00 de l’heure, alors que le salaire minimum était de $7.35.  J’en gagnais donc presque le double.  Voilà qui allait pouvoir leur rebattre le caquet à mon sujet.

Avec du recul, je dois avouer un truc : Camélia et moi n’avions rien à faire ensemble.  Oh, il y avait une très forte chimie sexuelle entre nous.  Mais à part ça, nous n’avions rien en commun.  Les discussions ne tournaient qu’autour de sujets généraux d’une ennuyante banalité.  Élevée dans la soie, elle ne connaissait rien de la vie et avait zéro débrouillardise.  Par exemple, un soir où elle m’aidait à faire le repas, je lui ai refilé l’ouvre-boite.  Elle me regarde, confuse, en me demandant qu’est-ce que je voulais qu’elle fasse avec ça.  À 20 ans, elle n’avait jamais vu un ouvre-boite non-électrique de sa vie.  Et son ignorance n’avait d’égale que sa maladresse et sa stupidité.  C’est en son honneur que j’ai créé l’expression « Utile comme un balai pas-d’brosse. » 

Qu’est-ce que je faisais avec elle, alors?  Simple : C’était une bonne personne. Sa stupidité involontaire valait mille fois mieux que la mesquinerie volontaire de mon ex.  Et après tout l’ignorance, ça a le mérite de se guérir.  Mais surtout, elle était mon ticket vers une meilleure vie.  Non pas dans le sens où je planifiais de l’exploiter financièrement.  Mais plutôt parce qu’en l’épousant, surtout avec le salaire que je faisais, je ferais officiellement partie de l’élite de la société.  Et ça, étant issu de la classe ouvrière-et-BS pauvre, ça a toujours été mon but dans la vie.  Un but enfin à ma portée, pour peu que je sois patient et conciliant avec elle.  Avec le temps, en voyant bien que je suis aussi vaillant qu’irréprochable, ses parents finiraient bien par se faire une raison.  Et avec l’expérience que je prends dans mon travail de bureau, qui sait, peut-être qu’éventuellement, mon millionnaire de beau-père me trouvera une place en administration à GM, m’assurant le salaire qui me permettra de faire vivre sa fille dans le luxe auquel elle est habituée.

Malheureusement, je me faisais des idées.  Dans les faits, l’élite méprise le parvenu.  Même si j’avais réussi à me tirer de la merde, pour eux j’en avais toujours l’odeur.  Il n’était pas question que leur fille fasse sa vie avec quelqu’un comme moi.

De plus, les choses n’étaient pas aussi roses pour moi que je voulais le faire croire.  Les mauvaises décisions de mon passé sabotent mon présent en m’empêchant de récolter le juste fruit de mes efforts.  C’est qu’en plus des retenues normales à la source, mon salaire part dans deux autres directions :

Direction 1 : Mon prêt étudiant inutile.  Que je sois allé au cégep ou non, je me la serais quand même faite offrir par la femme de Carl, ma carrière actuelle.  Si je m’étais juste contenté de rester assis en me tournant les pouces en attendant que le boulot de rêve me tombe dessus, comme le gros lâche sans-cœur paresseux que mes beaux-parents disent que je suis, ça serait arrivé.  Mais voilà, en me prenant en main, en faisant ce que j’avais à faire, en ayant la volonté de mettre mon temps et mes efforts là où il le fallait, je me suis juste endetté, donc appauvri, de deux prêts étudiants.

Direction 2 : La pension alimentaire.  Et celle-là est assez salée.  Voici pourquoi: Mon ex était sur le BS.  Le BS, c’est le gouvernement.  Le gouvernement veut diminuer au max les chèques des prestataires.  J’ai donc eu droit au tarif maximum pour la pension.  Ensuite, ils amputent le chèque de BS de mon ex du montant exact que je lui verse en pension.  Ainsi, même si je lui verse maintenant une grosse pension, elle ne reçoit pas un sou de plus, et moi je suis pénalisé pour avoir commis le crime (involontaire) de devenir père.  

Qui aurait cru que le fait de baiser sans protections avec sa blonde qui prend la pilule et retourner aux études pouvaient être de si mauvaises décisions de vie?  Bref, toutes ces retenues gobent 64% de mon revenu brut, ce qui fait que je vis avec 36% de mon salaire, soit moins d’argent que lorsque je travaillais au salaire minimum à laver de la vaisselle.   Au moins, j’arrive à cacher ce fait à Camélia, histoire de ne pas donner raison à la belle-famille.

Bref, dans les apparences, je suis prospère, et mes faits, gestes et paroles envers Camélia sont irréprochables.  La belle-famille ne peut plus rien dire contre moi sans faire preuve de mauvaise foi.

… Ce qui oblige le beau-père à prendre les choses en main.

À SUIVRE