Je viens de retrouver un document sur Wordpad que j’ai écrit il y a dix-huit ans, en février 2004. Puisque Mes Prétentions de Sagesse ne sera créé que cinq ans plus tard en 2009, je me demande bien à quoi je le destinais. J’avais bien quelques blogs à l’époque, tels The Testosterone Diary sur la plateforme Xanga, ainsi que Ryu; Because I have something to say sur MySpace. Mais comme l’indiquent ces titres, ils étaient en anglais. Quant à La Zone Requin, c’était un recueil d’expériences négatives vécues dans le style de Fuck My Life, ce qui n’est pas du tout le thème de ce texte. Donc, mystère total. Le voici dans son intégralité, on verra s’il est toujours d’actualité.
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La fin du trip de jeunesse.
D’après ce que j’ai pu observer avec les années, la fin du trip de jeunesse est quelque chose qui vient naturellement, qui n’est pas une décision consciente. C’est d’abord un truc que l’on vit, puis que l’on remarque, puis qu’on constate ensuite avoir naturellement accepté.
Quand on vit chez ses parents ou bien sous les prêts et bourses, on n’a pas trop de soucis à se faire, pas vraiment de responsabilité. Déjà, le simple fait de suivre des cours volontairement (cégep et université) nous donne l’impression d’être responsable. Alors évidemment c’est les gros trips: Le cinéma, les bars, les restos, la boisson, le sexe…
Puis vient la fin des études. On commence à travailler. Bonne chose, car il faut commencer à rembourser les prêts étudiants. On part de chez ses parents ou des résidences étudiantes pour aller en appartement. On travaille dur pour payer le loyer, l’électricité, le téléphone, la bouffe, le prêt étudiant.
Avant, « de l’argent », c’était tout l’argent que l’on recevait. Maintenant, « de l’argent », c’est le peu qu’il nous reste, une fois qu’on a tout payé. Alors si on veut se meubler en plus, faut en mettre de côté. Pour ça, on devient économe, on sacrifie sur certaines choses moins utiles. On coupe sur les sorties. Anyway, avec le travail, on a moins de temps pour en faire. On voit moins souvent nos amis. Après une bonne journée de travail, on a envie de rentrer et se reposer, on a donc moins d’énergie. Peu à peu, on s’atrophie. Alors qu’il y a deux ans à peine, quand on faisait l’party, tout l’monde dansait, maintenant on reste assis calmement et on parle de nos jobs, nos soucis, nos paiements, nos relations de travail…
Et c’est là qu’on remarque que notre vie a bien changé entre nos 19 et 21 ans, et qu’on s’est tellement bien adapté à notre vie actuelle qu’on réalise que l’on n’aurait ni l’énergie physique ni l’énergie mentale de revenir en arrière. Et même si on le voulait, on ne le pourrait pas. On ne peut pas cesser de rembourser un prêt étudiant avant qu’il soit terminé, ni casser un bail, ni retourner chez nos parents. Dès que l’on a commencé à payer, il est impossible d’arrêter. Pas question de cesser de travailler dans ce temps là.
Courir après le sexe opposé devient quelque chose pour lequel on n’a plus de temps pour niaiser sur des détails idiots, comme jouer à l’indépendant et se tourner autour pendant des mois. Sans aller à l’école, le nombre de représentant de l’autre sexe que l’on peut rencontrer se limite aux collègues de travail, c’est à dire très peu, et ils sont loin d’être tous potables. Sans avoir l’embarras du choix pour remplacer aisément son chum / sa blonde, on commence a prendre les relations un peu plus sérieusement, à accepter l’autre avec ses défauts et à faire des concessions, à vouloir faire durer la relation plus longtemps.
Bon nombre de filles avec qui j’ai eu des relations durant mes années de Cegep étaient très libérées sexuellement: Bisexuelles, échangistes et friandes de leur liberté. Comment oublier les 4-5 partys dans ma chambre aux résidences étudiantes, qui sont virées en séance de sexe à plusieurs. À peine leurs études terminées, cette partie de leur passé leur faisait déjà honte. Maintenant qu’elles sont sérieuses et rangées, malheur à celui qui oserait le leur évoquer, il se retrouvera aussitôt banni de leur entourage.
Et un jour, quand on se rend compte que non seulement notre vie a changé mais qu’on ne pourrait pas faire machine arrière, c’est là qu’on se dit: « Ouais, j’ai fini mon trip de jeunesse. Chuis sérieux maintenant. »
Et ceux qui n’ont pas commencé a travailler dans la début vingtaine ? Ceux qui ont essayé d’étirer leur vie de jeunesse plus longtemps ? Ils se sont rapidement retrouvés biens seuls, en constatant que leurs amis évoluaient, sauf eux. Ils n’ont alors pas le choix d’évoluer à leur tour, car des trips seuls, c’est pas vraiment trippant.
Et celui qui insiste pour continuer de vivre son trip de jeunesse ? On le reconnait aisément: C’est le gars de 35-40 ans assis au fond d’un bar enfumé où tout le monde boit et/ou joue aux machines à poker et que personne ne danse, avec la moustache, la bedaine, la coupe Longueuil, la job misérable (s’il est salarié et non su’l’BS), désespéré que sa blonde est encore enceinte.
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À première vue, il n’y a que quatre choses qui font dater ce texte:
- La mention du bar enfumé. L’interdiction de fumer dans les endroits public a commencé dans les écoles en 1996, pour se conclure dans les bars en 2006.
- Tinder, ainsi que plusieurs autres apps de rencontres, ont réglé le problème du nombre limité de conjoints potentiels autour de nous.
- En ces temps (espérons temporaires) de Covid-19, pas sûr que la majorité des activités de groupes décrites ici seraient encore réalisables.
- La description du personnage au dernier paragraphe. La moustache et la coiffure mullet, c’était la mode à la fin des années 80. Il était donc normal que l’on retrouve des hommes de 35-40 ans qui arboraient toujours ce look en 2004. Mais en 2022? Vraiment pas!
Mais sinon, ouais, dans l’ensemble, je crois bien que le thème principal du passage obligatoire à la vie adulte qui met fin au trip de jeunesse, c’est quelque chose qui ne se démodera jamais.