Ceci est le j’sais-plus-trop-combientième billet de la série (Més)aventures sur sites de rencontres.
Il y a trois semaines, le jour où j’ai terminé mon assignation pour mon travail en Gaspésie, j’ai changé mon adresse sur le site de rencontres MeetMeat, passant de Carleton en Gaspésie, à Baie-Comeau sur la Côte-Nord. Presque simultanément, deux femmes de Sept-Îles, Côte-Nord, m’écrivent. Aucune des deux n’a de photo de profil. La première se nomme Fanny. Je commence par lui dire que malheureusement, Sept-Îles est à deux heures trente de Baie-Comeau, et je mets ma limite à une heure. Elle est déçue. Elle tente de me faire changer d’idée en m’envoyant des selfies. Je constate que Fanny est une belle femme dans la quarantaine. Petite, blonde, mince, joli sourire. Finalement, je crois bien que je pourrais faire exception pour elle.
Ce soir-là, on passera des heures sur la messagerie de MeetMeat. Jusqu’au moment où, alors que l’on s’apprête à se quitter pour dormir, elle se sent assez en confiance avec moi pour que l’on échange nos adresses Messenger. On y jase encore quelques jours, mais je finis quand même par y renoncer.
MOI
Tu es bien gentille mais ça ne marchera pas. 2h30 de route, ça reste deux fois et demie ma limite.
FANNY
Ah? Bon! C’est dommage. Mais je comprends
L’autre femme de Sept-Îles se nomme Brigitte. Je commence par lui dire la même chose qu’à Fanny, comme quoi Sept-Îles étant situé à 2h30 de chez moi, c’est un peu trop loin. Elle me répond qu’elle le pense aussi. Mais elle a aimé mon profil, donc elle a pris une chance. Sur ce, elle m’envoie des photos. Et il se trouve qu’elle aussi est une belle, mince et petite femme, celle-ci ayant les cheveux bruns légèrement frisés. Avec elle, je jase un peu, mais je finis par laisser laisse la conversation en suspens.
Trois semaines plus tard, lundi 12 mai. Voilà deux semaines que je suis installé à Baie-Comeau. Demain j’ai congé, et la météo annonce très ensoleillé avec quelques passages nuageux. Tant qu’à ne rien faire chez moi, et si je partais en exploration de la région ? Et tant qu’à avoir deux belles potentielles à Sept-Îles, pourquoi ne pas me rendre jusque-là ? En même temps, ça me permettrait de régler la situation ridicule que je vis depuis mon arrivée à Baie-Comeau, où il n’y a pas moyen de trouver un barbier sans prendre rendez-vous plusieurs semaines d’avance. Puisque je ne connais pas mon horaire plus que dix jours d’avance, je ne peux pas choisir une date. Peut-être qu’à Sept-Îles j’en trouverai un qui pourra me passer tout de suite. Et tant qu’à être là, j’ai plusieurs petits achats à faire. Aussi bien les faire sur place.
Je décide donc de faire comme Archie en me planifiant deux rendez-vous en même temps avec deux femmes différentes. À toutes les deux, j’envoie le même message.
MOI
Bonjour à toi.
Eh oui, un revenant. Et un arrivant aussi. Voilà deux semaines que je suis à Baie-Comeau.Est-ce que je t’ai déjà dit que l’année dernière, j’ai failli être assigné à Sept-Îles ? J’avais laissé ma candidature, Mais je n’avais pas été pris car il y avait plus de candidats que de postes disponibles.
Étant donné que j’ai congé demain et qu’il est supposé faire nuageux quoique ensoleillé, j’ai décidé que je vais aller visiter la place. Baie-Comeau c’est bien, mais on en fait vite le tour. Tandis que Sept-Îles, c’est beaucoup plus grand. Je vais en profiter pour faire du magasinage de printemps. Et aussi voir si je peux trouver un barbier qui ne demande pas un rendez-vous.
Aucune obligation de rencontre, bien sûr. Je ne sais pas combien de temps je vais passer là demain. Mais je pourrais te faire signe à un moment donné vers la fin d’après-midi, pour voir si ça te tente et/ou si tu es disponible pour un petit café.
C’est Fanny, la petite blonde, qui me répond en premier.
FANNY
Je suis contente que tu aimes Baie-Comeau. Il y a des activités à faire mais ce n’est pas toujours connu. Si tu aimes marcher genre randonnée il y a de beau sentier au Parc Nature de Pointe aux outardes. On y voit beaucoup d’oiseaux. Le boisé de la pointe St-Gilles est bien également. La Baie St-Pancrase. Il y a Attitude Nordique pour kayak de mer et activités. Et pour les restos, Uzumaki très bon. Et le Riviera à Chutes-aux-Outardes est excellent.
… Ok !
Je lui dis que je veux visiter Sept-Îles, et peut-être la rencontrer. Et elle me donne une liste d’activité à faire près de chez moi.
Traduction : Reste donc chez vous.
Brigitte la petite brunette, par contre, est beaucoup plus réceptive.
BRIGITTE
Cool. Je finis de travailler à 15h30.
Ça ne peut pas être plus positif comme réponse.
Le lendemain matin, je me réveille vers 05h00. À 05h17, juste comme je prends mon téléphone, elle m’écrit.
BRIGITTE
Bon matin à toi.
Cool ! Elle me relance dès l’aube. Voilà qui augure très bien. À moins que ce soit pour me dire que finalement elle ne soit pas disponible ?
BRIGITTE
Aux Galeries Montagnaises de Sept-Îles, tu vas trouver un salon de coiffure. Sinon, je pense qu’il y a un barbier sur la rue Brochu, Chez Jimmy.
Wow ! Je suis allé à bien des rendez-vous dans ma vie, mais c’est la première fois qu’il y en a une qui prend l’initiative de me guider pour trouver ce que je cherche, et ce près de chez elle. C’est autre chose que la réponse de Fanny.
Ravi, je saute dans la douche. Puis, je me fais tout beau, je monte dans l’auto, et je pars en direction de Sept-Îles.
Tout le long du chemin que je découvre, je trouve le décor de toute beauté. Il est vrai que le soleil matinal contribue à l’améliorer. La grande quantité de conifères apporte beaucoup de vert, malgré l’absence des feuilles dans les arbres.
Alors que je m’arrête à moitié chemin pour faire le plein, je reçois un texto.
BRIGITTE
Est-ce que tu es en route ?
Elle est vraiment charmante, de prendre sans cesse des nouvelles comme ça. On sent vraiment sa hâte de me rencontrer. On échange quelques messages. Elle m’envoie un selfie pris à l’extérieur. Je lui en envoie un à mon volant. En guise de réponse, elle envoie un émoticon animé qui a des cœurs à la place des yeux, et dont la bouche bouge de manière à dire « Wow ! »

Ça augure vraiment bien pour ce soir. Je reprends la route, tout heureux de me sentir autant désiré.
J’arrive aux Galeries Montagnaises de Sept-Îles. J’entre et j’y trouve aussitôt un petit salon de barbier. Il me prend immédiatement, et j’ai droit à une coupe bien faite et vite faite. En sortant, j’écris à Brigitte pour lui dire que j’ai enfin la coupe que je voulais, et je lui envoie des selfie. Qu’elle commente de coeurs.

Je fais mes autres achats sur place. Puis arrive 11H00. J’ai faim. Il y a justement un A&W pas loin. Ça fait des années que je n’en ai pas eu. Je m’y stationne, j’entre, je vais au comptoir, je passe ma commande, pour manger sur place. Je suis servi en un éclair. J’amène mon cabaret à une table et je m’y installe. Je prends mon téléphone, juste comme je reçois un message.
BRIGITTE
Je suis libre pour le diner de 11h30 à 12h50. Veux-tu me rejoindre au Casse-Croute du Pêcheur ?
Je suis émerveillé. Elle a tellement hâte de me voir qu’elle ne peut même pas attendre après la fin de son travail.
Quand une femme exprime le désir de te rencontrer maintenant, si tu ne veux pas tout faire foirer, alors tu y vas right fucking now. C’est une leçon que j’ai apprise à la dure, entre autres l’année dernière avec Noémie, ma tatouée gothique de 25 ans. Je confirme à Brigitte que j’y serai. Mon A&W, ça sera mon souper, voilà tout. Je me relève et je retourne au comptoir avec mon cabaret pour demander au caissier s’il pourrait me mettre ça pour emporter SVP. Il me regarde d’un air méfiant.
« Vous ne voulez plus manger ici ? Quelque chose vous déplait dans notre salle à dîner ? »
Ça ne me tente pas vraiment de lui expliquer que je crains de mettre mon avenir sexuel en jeu en mangeant un hamburger-frites seul plutôt que des fruits de mer avec une amante potentielle. Je baratine donc comme quoi j’ai reçu un texto du travail disant que je dois y retourner immédiatement. Il me met le tout dans un sac, et je pars. Le temps de trouver l’autre resto sur Google Map, je reprends la route, tout souriant, en me disant que ça fera une amusante anecdote à raconter à nos futurs enfants.
Naah, je plaisante. Je suis vasectomisé.
Je me rends au Casse-Croute du Pêcheur et j’arrive en premier. Je vois son auto arriver et se stationner. On se reconnait, petit câlin, petit bisou. Elle est souriante et aussi belle que sur ses photos.
Quelques minutes plus tard, nous sommes à table. La conversation se passe très bien. On parle de nous, de notre travail, notre parcours de vie. Et finalement ce qui nous amène sur MeetMeat. Elle me dit que depuis son divorce, elle a renoncé au concept du couple. Maintenant, elle vit pour elle-même, et rencontre de temps en temps les hommes qui lui plaisent. Je constate que c’est à peu près semblable à moi, en inversant les sexes. Elle me parle de sa maison, et je constate que sa propriété et sa façon de vivre ressemble incroyablement à mes anciens buts de vie, avant que je lâche tout pour devenir travailleur nomade.
Le repas terminé, elle propose une balade sur le bord de la mer, pour le temps de pause qu’il lui reste. Nous sortons du resto. Juste comme nous foulons l’asphalte, un gars se dirige vers nous en souriant. Brigitte est surprise. Elle le reconnait. En souriant, elle va se jeter dans ses bras. Je constate que le gars a un look et un style un peu similaire au mien. À ceci près qu’il est plus jeune, plus grand et plus beau.
Il se penche pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Et c’est d’un ton surpris et ravi dans la voix qu’elle lui répond.
« Hein ? T’es-tu sérieux ? »
Puis, elle le quitte pour revenir vers moi, en lui disant un dernier truc.
« M’as te texter tantôt. »
Tandis que le gars entre au resto, Brigitte m’entraine vers le bord de l’eau, là où j’ai laissé mon auto. Elle m’explique :
« Ce gars-là, c’est un de mes amants. Je suis obsédée par lui en particulier depuis au moins un an. Mais il ne pouvait rien se passer de sérieux entre nous deux, à part le sexe, parce qu’il était en couple. Et là, il est venu ici parce qu’il savait que j’y viens souvent pour diner. Il vient tout juste de m’annoncer qu’il est célibataire. »
Ces mots font naître en moi un malaise. Je sens que ça augure mal. Ce sentiment se confirme alors qu’elle me fait un petit câlin et me dit :
« Bon et bien, bonne fin de séjour à Sept-Îles. »
…
Tu me fucking niaises ?
Je reste là, sur le parking, en totale aberration devant ce qui vient de se passer, en la regardant marcher en direction du restaurant, avant d’y entrer. Je reste figé sous le choc pendant une bonne minute, avant de remonter dans mon auto.
Par le passé, il m’est déjà arrivé qu’un plan de rencontre se fasse annuler parce qu’un gars plus intéressant que moi a entretemps surgi dans le décor. Mais je n’aurais jamais imaginé que je pouvais vivre cette situation pendant la rencontre. Et surtout pas par une femme qui avait passé toute la journée jusque-là à multiplier ses signes d’intérêt pour moi.
Elle était ma rencontre parfaite. Mais c’est lui qui était la sienne.
Le chemin du retour m’a semblé beaucoup moins charmant que celui du matin. Pour le reste de la journée, mon humeur était à l’image de mon souper, avec mon burger froid, mes frites molles qui avaient pris le goût du carton de son emballage, et de ma root beer tiède et flate.
Cinq heures de transport, $80 d’essence et $60 pour deux restaurants, en pure perte. Bon, ma coupe de cheveux et les autres achats, je ne les compte pas là-dedans. C’est quelque chose qui était prévu. Mais pour le reste, ça fait quand même $140 aux poubelles.
Mais bon, c’est la règle du jeu. Lorsque tu es un homme sur un site de rencontres dans lequel le ratio homme-femme est de 50 contre 1, il faut s’attendre à ce que la compétition soit féroce. Et surtout, qu’il y aura toujours un gars qui lui plaira plus que toi.
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ANNONCE. Suite à cette expérience, j’ai décidé de suivre les suggestion que je reçois parfois, et j’ai décidé de rédiger un livre qui va raconter mes expériences de rencontres les plus abracadabrantes. Son titre : L’Amour est dans le champ de patates. Ou : Les réalités du dating pour un homme dans la cinquantaine à l’ère des apps et sites de rencontres. Et c’est pour vous en offrir un extrait que j’ai rédigé ce billet.







