À 52 ans, je suis enfin rendu à cet âge où beaucoup de gens de ma génération rabaissent la génération suivante, pour la simple et mauvaise raison que celle-ci ne vit pas selon des principes semblables aux miens. Alors, en réponse à…

Ben non, ce n’est pas pour ça qu’on dit que cette génération est fragile. Je vais vous le dire, moi, les vraies raisons de pourquoi on dit ça.
Si on dit que cette génération est fragile, c’est parce que quand on change l’heure, il leur faut un arrêt de travail payé de six semaines, quatorze séance de psy, quatre mois de prescriptions de Lexapro, Cipralex, Sipralexa et Seroplex, et six mois de luminothérapie pour s’en remettre.
Cette génération est fragile parce qu’ils ne se nourrissent que de restos, de livraison ou de plats congelés déjà prêts, pour se plaindre ensuite du coût de la vie qui les oblige à vivre dans un placard. S’ils faisaient l’effort d’apprendre a cuisiner, ça leur coûterait 2,5 fois moins cher pour bouffer, et ils pourraient se payer un appartement plus grand. Calculez vous-mêmes: 750$ de resto contre 300$ d’épicerie = 450$ d’économies par mois. En cette époque du 200$-la-pièce, faire l’effort de cuisiner signifie un appartement de 2 pièces de plus. Ou mieux encore: Un appartement pour toi tout seul, sans colocataires.
Cette génération est fragile car elle abuse du snooze.

Si tu trouves ça pénible, de te faire réveiller le matin, pourquoi est-ce tu fais exprès pour multiplier cette mauvaise expérience de deux à huit fois, quotidiennement? ELLE EST OÙ, LA LOGIQUE?
Tiens, dans le même ordre d’idées que la cuisine, j’ai fait un petit calcul: Un pot de café, une boite de sirop d’érable et un 4-litres de lait = 20$. Avec ça, je me fais de 20 à 25 litres de café glacé à l’érable. Vous avez combien de café glacé trop sucré de chez Starbuck pour le même prix? Trois? Ça fait quoi comme quantité, un litre et demi?
Les commerce l’ont bien compris, eux, que vous êtes une génération tellement molle que vous êtes prêts à payer le gros prix, pourvu que l’on fasse les choses à votre place. Et aussi que l’image, la beauté, est importante, donc que vous débourserez aisément quelques dollars de plus pour qu’un barista vous fasse un joli p’tit dessin dans votre mousse de café, qui ne survivra pas quinze minutes.
Cette génération est fragile car elle préfère aller attendre vingt minutes pour un déjeuner au Tim Horton + le temps de le manger, parce qu’elle n’a pas le temps de prendre les quinze minutes requises pour se le préparer et le manger chez soi.
Un conseil: Lâche le snooze et tu vas l’avoir, le temps.
Il y a douze ans, pour mes 40 ans, j’ai pensé me faire tatouer sur un côté de la poitrine les mots « Courage, Ténacité, Sagesse », à l’envers, pour pouvoir les lire dans le miroir. Puis, je me suis ravisé. Je suis parfaitement capable de vivre ma vie selon ces principes, sans avoir à me les écrire dessus pour m’en rappeler. Il y a quelques années, j’ai vu une femme dans la vingtaine, qui s’était fait tatouer « Rêve, Espoir, Chance »… Le mien parle de mettre l’effort physique et logique pour faire de quoi de sa vie. Le sien parle juste d’attendre que tout lui arrive sans efforts.
Mais moi, je suis d’une autre génération. Pas un Millénial. Pas un Boomer. Je suis l’entre-deux. La Génération X. Et en tant que tel, j‘ai passé ma vie à me faire rabaisser, me faisant traiter de faible, de sans-coeur, de paresseux, de mou, de lâcheur, de gars qui recherche toujours la voie facile, et ce de la part de mes ainés, les Boomers. Pourtant, considérez ceci:
Il y a 27 ans, alors qu’une paternité non-prévue (de mon côté, du moins) ne me laissait plus assez d’argent pour vivre, pendant un mois et demi, j’ai eu deux boulots simultanés de pâtissiers à temps plein dans deux Dunkin’ Donuts différents, l’un de jour, l’autre de nuit. Mon appartement n’était plus qu’un dortoir.
Il y a 26 ans, alors que tous mes amis avaient leurs permis de conduire depuis dix ans, tous payés par leurs papas pendant les vacances d’été dans les rues calmes de St-Hilaire / Beloeil / Otterburn Park, j’ai ramassé chaque sou pour apprendre à conduire en plein hiver dans Montréal, le soir au gros trafic, tout en travaillant à temps plein.
Il y a 24 ans, au lieu de brailler que mon manque de diplôme de 5è Secondaire me condamne à des boulots chiants et cul-de-sac de lavage de vaisselle et de préparation de fast-food au salaire minimum, je suis allé aux cours aux adultes pour finir mon secondaire. Oui, malgré ma dyscalculie, j’ai fait l’effort de ne me ne concentrer que sur ces deux ans de maths qui me manquaient pour avoir mon diplôme. Et je l’ai obtenu.
Il y a 22 ans, alors que le harcèlement moral au travail était encore légal, j’y ai eu tellement droit que j’en ai fait une dépression qui m’a amené à l’hôpital psychiatrique Douglas. Après un séjour et une foule de tests et de consultations, on m’a prescrit des médicaments. Je les ai pris pendant quatre jours avant de les foutre aux poubelles. Me faire droguer pour être capable d’accepter de me faire abuser avec le sourire? Pas question! Ce n’était pas moi le problème, c’était lui. Je me suis pris en main, je l’ai traîné en justice, et j’ai gagné.
Il y a 17 ans, en me voyant de plus en plus grossir, à en avoir le corps en forme de quille, j’aurais pu prendre la voie facile et devenir défenseur de la Fat Pride. À la place, je me suis levé, je suis allé au gym, et j’ai appris à mieux m’alimenter.
Il y a 12 ans, je lâchais Safarir après une 3e diminution de salaire, puisque ça me rapportait maintenant trop peu pour vivre. Je ne savais rien faire d’autre que des arts. Alors j’ai commencé en bas de l’échelle: Faire du ménage dans un garage de bus. Et le taux d’absentéisme parmi mes collègues était si haut que, en étant seul gars fiable de la place, je faisais 2-3 quarts de travail doubles par semaine, et je travaillais souvent des 10-12-15 jours de suite.
Il y a 11 ans, je me mets à la course à pied, activité physique dans laquelle j’ai été le plus nul de toute ma vie. Le premier jour, j’ai fait 200 mètres avant de tomber épuisé-mort, les poumons en feu. Quatre mois et demie plus tard, je faisais 5.2 km non-stop.
Il y a 9 ans, alors que je m’entraînais pour le marathon, foudroyante fasciite plantaire double, me permettant à peine de marcher, m’interdisant le marathon pour toujours.

Est-ce que j’ai fait une dépress’-à-pilules, de voir mon but dans la vie être détruit? Non! Je me suis ajusté à cette nouvelle réalité: J’ai renoncé au marathon, certes, mais maintenant, pour garder la forme, je cours pendant l’hiver, dans la neige, ce qui élimine l’impact. Et l’été, c’est vélo et trampoline.
Il y a 8 ans, je constate que mon travail au garage de bus est abusif et cul-de-sac. Est-ce que je suis resté là à chialer? Non! J’ai utilisé cette expérience pour me trouver un boulot de concierge résident. Je ne sais rien du travail de concierge? J’y ai appris la menuiserie, la plomberie et l’électricité.
Il y a 7 ans, je rencontre la fille parfaite pour moi, bien qu’elle soit de 20 ans ma cadette. Je lui fais des avances. Elle recule. Est-ce que je pars en drama-queen comme quoi elle me friendzone et que dans de telles conditions j’aime mieux prendre mes distances? Du tout! Je l’apprécie pour ce qu’elle est, en tant que personne et en tant qu’être humain, et non parce qu’elle a un vagin. Deux semaine plus tard, c’est elle qui me drague, et on a été ensemble les 4 années suivantes.
Il y a 6 ans, j’ai lâché la conciergerie dans un vieil édifice, pour un poste de surintendant dans une tour à condos de l’Île-des-Soeurs. Mauvaise idée car l’horaire, la quantité de travail et la direction étaient super abusives. On parle de 60 à 80 heures de travail par semaine. Et contrairement au garage de bus, j’avais un salaire fixe qui ne payait pas le temps supplémentaire. Et en 6 mois, j’ai eu un seul jour de congé: Noël. J’ai laissé tomber et je suis parti à la recherche d’un nouveau boulot.
Il y a 5 ans, je me suis retrouvé en chômage pendant quinze mois, à Hochelaga. Tous ces efforts pour me retrouver là. Ai-je déprimé? Ai-je renoncé? Du tout! Je me suis inscrit à un programme de création d’entreprise. Mon projet de buanderie a été approuvé à tous les niveaux.
Il y a également 5 ans, mon appartement est envahi par les punaises de lit, et le proprio ne fait rien pour régler le problème. Je n’ai pas perdu la tête ni le sommeil. Je ne me suis pas contenté de me plaindre contre ce nouveau problème non-mérité qui me tombait dessus. J’ai fait des recherches, j’ai appliqué les solutions, j’ai été patient et logique. Et en partant de là, j’y ai juste laissé les tapis, le lit et le divan, tout le reste a été sauvé.
Il y a 4 ans, impossible d’obtenir du financement pour ce projet de buanderie sur lequel j’ai tant travaillé. Je n’ai pas perdu de temps à chialer contre l’injustice des autres. Je suis retourné en conciergerie, cette fois dans une usine de portes et fenêtres. Bon salaire, horaire fixe, pas trop loin de mon appartement. Mon meilleur travail jusque-là.
Il y a 2 ans et 10 mois, suite à une chute dans les escaliers verglacés, je me pète une vertèbre entre les omoplates. Ce qui m’empêche de faire du travail manuel. Est-ce que je me suis mis en boule dans un coin en délirant à un psy comme quoi la vie et le destin n’arrêtent pas de me saboter à chaque tournant, s’arrangeant pour que je ne puisse jamais gagner ma vie, malgré tous les efforts que j’y mets? Et pis quoi encore!? J’ai utilisé le côté support technique de mon expérience de conciergerie pour me trouver un travail de bureau avec les meilleures conditions de travail de ma vie jusque-là, à Sherbrooke où le coût de la vie est le moins cher au Québec.
Et encore, attendez que je vous raconte mon année 2020 dans un billet futur. Cinq déménagements, la fin de mon couple, quarante jours d’itinérance, un retour aux études, un boulot avec des conditions abusives, couronnées par un renvoi. Tout ça pour m’arranger ensuite pour finir l’année en beauté en tant que préposé dans une résidence pour personnes âgées semi-autonomes. Et encore une fois, il s’agit d’un boulot meilleur que tous mes boulots précédents. Mes meilleures conditions de travail, mon meilleur horaire, avec mon meilleur salaire, à vie.
Et mon but, d’écrire tout ça? Oui, me vanter, je ne le nierai pas, c’est pratiquement tout ce que je fais depuis que ce blog existe. Mais je me sens justifié, du fait qu’à chaque fois que la vie m’a envoyé un coup de pied sur la gueule, j’ai roulé avec le coup, j’ai changé de direction, mais j’ai continué d’avancer, au lieu de rester là à brailler en attendant / espérant que l’on prenne soin de moi. J’ai ouvert de nouvelles portes, au lieu de m’écraser devant celles qui m’étaient désormais fermées.
Mais aussi, rappelez-vous, au début, quand je disais que j’avais passé ma vie à être rabaissé, toujours accusé d’être un faible constamment à la recherche de la solution facile. Eh bien sachez que je subis encore ça, de la part de gens de la génération qui a précédée la mienne. Des gens qui considéraient que d’avoir lâché le travail manuel pour une job de bureau mieux payée avec de meilleures conditions de travail, c’était un signe comme quoi je ne suis pas trop-trop vaillant. Et que d’être passé de Montréal à Sherbrooke, c’était fuir mes problèmes.
Et que d’avoir lâché tout ça pour revenir dans ma Montérégie d’origine? Ce qui m’a rapporté mon travail actuel dans lequel je suis apprécié de tous, collègues comme résidents? Où je suis nourri gratuitement? Dans lequel j’ai un horaire génial où je fais mes 37,5 heures en trois jours, ce qui me laisse quatre jours de temps libre par semaine? Qui me rapporte en salaire net le double de ce que je gagnais à mes quatre boulots précédents, depuis 2011? À six minutes à pied de mon nouveau chez-moi? Un chez-moi à loyer ridiculement bas, avec électricité et internet fourni? Moi j’appelle ça de l’évolution. Eux appellent ça de l’instabilité.
Peu importe ce que vous allez faire dans la vie, vous allez toujours vous faire rabaisser par quelques représentants de la génération d’avant. C’est inévitable. Alors, comme moi, faites de votre mieux, et fuck le reste!
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Une précision et quelques lien.
Au sujet du fait que j’ai dit non aux médicaments.
Je ne prétends pas que tout l’monde est capable de s’en passer. Ma dépression était due à une source extérieure. Une fois la source partie, je suis revenue à la normale. Ou, devrais-je dire, à ma normale personnelle qui, je le sais très bien, n’est pas celle de tout le monde.
Au sujet de mes prises et perte de poids.
Il y a ici mon témoignage d’un ex-gros.
Au sujet de mon entrainement pour le marathon, suivi de ma fasciite plantaire.
Le billet Dans l’espoir d’un marathon, décrivant mon premier mois d’entrainement.
Le billet Quatre mois d’entrainement: Le résultat.
Le billet Rouler avec les coups, expliquant pourquoi j’ai gardé le moral malgré ce handicap.
Enfin, dans Anecdote de course, je montre comment la police peut nous trouver louche lorsque l’on est un coureur sans en avoir l’air.
Au sujet de cet accident qui m’a fendu une vertèbre.
Voici le premier de quatre billets intitulés Le jour où tout a basculé.
Au sujet du harcèlement au travail qui m’a mené à la dépression.
J’ai plusieurs billets de blog à ce sujet, le premier étant ici, au milieu de la série Général Menteurs.
Merci pour ce témoignage courageux, il y a certains éléments qui m’ont fait comprendre que je n’étais pas seul au monde
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