Lire en public = « Harcelez moi! »

Il y a quelques mois, un lien a fait le tour de Facebook. Il menait à un billet de blog anglophone dans lequel son auteure se plaint d’être victime de harcèlement dans les transports en commun.

Résumé de son billet de blog: Lorsque Mademoiselle veut avoir la paix dans le métro, elle met un anneau de mariage à son doigt même si elle n’est pas mariée, et lit un livre dans lequel elle se penche la tête tout en se repliant sur elle-même.  Elle fait ceci afin que son langage corporel envoie aux gens qui l’entourent le message comme quoi elle veut qu’on la laisse tranquille.   Hélas, une fois sur deux, elle se fait quand même aborder par un homme.  Et lorsqu’elle lui dit clairement qu’elle ne veut pas être dérangée, l’homme le prend tellement mal qu’au lieu de lui foutre la paix, il l’agresse verbalement non-stop, et ce tant et aussi longtemps qu’ils sont tous les deux dans le même wagon. Conclusion: Il est difficile de vivre dans une société dans laquelle, pour avoir commis le simple crime d’être née femelle, on ne peut mettre un pied dehors sans être immédiatement sujette au harcèlement et à l’intimidation masculine. Et ce même si l’on prétend (silencieusement) être mariée.

Permettez-moi d’être quelque peu cynique en disant que je comprends que pour certaines femmes, toutes les excuses sont bonnes afin de démontrer que les hommes sont majoritairement des néandertaliens attardés machos et harceleur.  Le fait qu’elle se fasse ainsi aborder contre son gré une fois sur deux lorsqu’elle est dans le métro le prouve. Tant qu’il y aura des hommes en liberté, une femme ne sera en sécurité nulle part.

Sauf que… Si c’était vraiment le cas, ça arriverait à toutes les femmes, pas seulement à elle, non?  Je veux dire, la majorité de mes amis sont des femmes, elles prennent les transports en commun quotidiennement, et là-dessus il y en a peut-être deux ou trois qui ont déjà été la cible d’un freak dans le métro ou dans le bus.  Et il y avait généralement plusieurs mois, voire plusieurs années d’écart entre chacun de ces incidents.  Et pas besoin de me croire sur parole, faites juste regarder autour de vous lorsque vous êtes dans les transports en commun.  Avez-vous déjà été témoin d’une telle situation, vous?  Et si oui, est-ce que ça vous est arrivé aussi souvent qu’à cette blogueuse?

ATTENTION: Je ne dis pas qu’elle ment.  Au contraire, je crois à 100% qu’elle vit vraiment ces expériences.  Sauf que, il ne lui est apparemment jamais venu en tête que la source de son problème pouvait être autre chose que simplement être une femme.

Rassurez-vous, je ne cherche pas à blâmer la victime en l’accusant d’attirer, voire de provoquer ses harceleurs.  Je ne dis pas non plus qu’elle a juste à être moins belle, ne pas se maquiller ou bien de s’habiller moins sexy, et autres jugements machos faciles. Un nombre incalculable de belles filles maquillées et habillées sexy prennent les transports en commun sans jamais se faire déranger, alors là n’est pas le problème.  Enfin, je ne cherche surtout pas à justifier le comportement de ces hommes.  Oui, ce comportement de merde est totalement inacceptable.

Tout ce que je dis, c’est qu’on ne peut nier l’évidence: Si ça lui arrive à elle beaucoup plus qu’aux autres femmes, c’est parce que, consciemment ou non, elle fait quelque chose qui attire ces hommes vers elle.

Ce que je dis, c’est: Si elle ne veut pas se faire aborder dans le métro, est-ce qu’elle a déjà essayé de ne pas lire en public?

Ça vous semble ridiculement simplet comme solution?  Vous croyez que je suis un insensible crétin déconnecté de la réalité, d’oser émettre l’hypothèse comme quoi la source de son harcèlement n’est rien d’autre qu’un geste aussi banal et insignifiant que de lire en public? Je n’affirme pourtant pas ça à la légère.  Je sais de quoi je parle.  L’image qui suit est une capture d’écran tirée de la section Le Petit Désagrément du Jour de mon ancienne page La Zone Requin. Voyez ce que j’y raconte:


J’ai écrit ça en 2004.  Et même à cette époque, ça n’était pas la première fois que je constatait ce phénomène.  Le simple fait d’avoir rédigé une chronique sur ce thème le prouve.  Depuis que j’utilise les transports en commun, c’est à dire depuis 1985, j’ai vécu ce problème, et je le vis encore lorsque je lis en public.  Et pourtant, je suis un homme.  On ne peut donc pas prétendre que c’est parce que « l’homme harcèle la femme. »  Jusqu’à date, voici le genre de personnes que j’ai attiré en lisant en public:

  • Les gars saouls/drogués qui délirent.
  • Les vieux/vieilles fatigant(e)s, tels que décrits sur ma capture d’écran, qui me posent plein de questions sur ma vie privée, plus que je ne suis confortable de répondre.
  • Et au moins une fois l’an, généralement à l’arrêt de bus / au terminus, il y a une folle débraillée qui s’exprime en hurlant des insanités, capable de me crier des insultes pendant une heure non-stop.

Comme vous voyez, la moitié de mes harceleurs sont des femmes.  On ne peut donc pas dire que c’est un phénomène exclusivement homme-envers-femme.

Et quand je ne lis pas en public, vous savez ce qui arrive? Rien! Les gens me foutent la paix.

Je ne dis pas que c’est de sa faute, ni ne prétends-je qu’elle fait exprès pour attirer le harcèlement.  Comment pourrait-elle savoir que c’est le fait de lire qui attire les freaks?  Moi-même, si je n’avais pas personnellement vécu cette situation aussi souvent, je n’aurais jamais pu faire le lien de cause à effet.  Pourtant, il est là.   

Mais d’où viennent ces freaks et pourquoi sont-ils attirés par les gens qui lisent?  Des gens mal à l’aise en société, il y en a partout. Consciemment ou non, le malaisé a l’impression qu’il n’a sa place nulle-part.  Et lorsqu’il est dans un lieu public, son malaise le pousse à ignorer les gens qui, eux, semblent être à leurs places: Ceux qui parlent, qui  marchent, qui regardent autour, qui cherchent ou attendent quelque chose.  Des gens à l’aise, fonceurs, voire agressifs.  Ces gens qui semblent à l’aise dans cet environnement intimident le malaisé, qui s’en tient donc à l’écart.

Et dans cette foule de gens inaccessible, il y a elle, elle aussi à l’écart des autres:  Assise, ne regardant personne, repliée sur elle-même, le nez dans son livre…

Pour les gens normaux, oui son langage corporel dit qu’elle veut avoir la paix.  Et puisque ce sont des gens normaux, ils comprennent et acceptent.  Mais pour le malaisé, le langage corporel de cette fille ne lui dit pas qu’elle veut être tranquille.   Il lui dit qu’elle n’est pas fonceuse, qu’elle n’est pas agressive, qu’elle est passive.  Mieux encore: Il lui donne l’impression qu’elle est encore plus mal à l’aise que lui en public.  Son instinct reconnait donc immédiatement en elle une personne qui est semblable à lui.  La seule dans cette foule qui ne l’intimide pas.  La seule qui lui semble accessible.  Ça peut même aller jusqu’à lui donner inconsciemment l’impression que cette fille pourrait bien être son âme soeur. (J’ai déjà parlé de ce phénomène dans le billet Dose de réalité: La mystérieuse charmeuse)

Une personne malaisée souffre de ne pas avoir d’interaction sociale. Hélas, sa nature de malaisée fait qu’elle a également une peur bleue de subir du rejet.  Plus elle veut mettre fin à sa solitude, moins elle ose. C’est une véritable torture morale.  Voilà pourquoi, lorsque que son subconscient lui fait croire qu’elle vient enfin de trouver quelqu’un qui lui est aussi accessible que compatible, c’est un peu normal qu’elle perde le contrôle de ses gestes et paroles, et l’abordera un peu n’importe comment. Et voilà également pourquoi le malaisé réagira aussi mal du refus: Il se fait repousser par la seule personne qui, à ses yeux, avait un langage corporel qui l’a mis en confiance en l’invitant à venir lui parler.  Même si c’était seulement dans son imagination, n’empêche qu’il se sent blessé, humilié, trahi.  Pas surprenant qu’il réagisse si mal.

Vous me répondrez peut-être: «Ouais, ok, je comprends ça.  Mais ça n’explique pas pourquoi il se conduit envers elle comme un freak et non comme un être civilisé.» C’est simple : Nous parlons ici d’un être qui n’est pas habitué à faire du social.  Par conséquent, il est totalement ignorant des règles de comportements en société. Voilà pourquoi il considère de manière erronée que l’attitude de la fille qui lit est invitante.  Voilà pourquoi il l’aborde maladroitement, et voilà pourquoi il frustre et l’exprime sans retenue.

Ceci, bien entendu, n’excuse pas ce comportement.  Ça ne fait que l’expliquer.

Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous, le fait de lire en public ne devrait pas faire de vous la cible de n’importe quel rejet frustré.  Oui, je suis d’accord comme quoi leur comportement est inacceptable.  Je suis d’accord comme quoi les choses ne devraient pas se passer ainsi.  Malheureusement, ça ne change rien au fait que oui, c’est ainsi que les choses se passent.  Qu’on le veuille ou non, chaque foule contient sa part de freaks. Et si vous ne voulez pas les attirer à vous, alors vous devriez vous abstenir de faire la seule chose qui va les encourager à le faire, c’est à dire lire en public, surtout en se repliant sur vous-même.  Les femmes ont déjà bien assez de soucis avec les harceleurs, si un truc aussi simple peut suffire pour diminuer le nombre de ceux qui vont l’approcher, aussi bien l’utiliser.

Parce que des fois, on a beau se méfier de la voie facile, il arrive que la source du problème, tout comme sa solution, ne soit pas plus compliquée que ça.

10 réflexions au sujet de « Lire en public = « Harcelez moi! » »

  1. Genevième, OMG! Oui! Y’a même déjà eu une madame qui lisait par-dessus mon épaule alors que je faisais des mots croisés ET ME DISAIT LES RÉPONSES!!!! Mais c’est pas arrivé souvent. En général, les gens me foutent la paix quand je lis.

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  2. Point de vue Intéressant. y a surement de ça! Mais comme tu dis on a tous droit a notre lot de freaks. La fille capote tellement à l’idée de se faire déranger qu’elle penses juste à ça et donc inévitablement elle attire ça.

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  3. Dans le genre, il y a aussi le gars un peu gossant qui décide de t’aborder dans un show parce que tu sembles seul ou bien que ça semble tendu ton affaire (exemple, Parc Jean-Drapeau en 2010, on est en haut sur la butte, deux ou trois personnes avec qui j’étais s’en vont temporairement je ne me souviens plus où et il y a donc un espace entre moi et une fille qui fait la gueule et que je ne connais pas bien bien (la blonde d’un autre), forcément, ça l’a attiré l’attention d’un dude). Ce genre de personne bien attentionnée n’est pas assez maladroite pour essayer de se greffer à un groupe de gens au complet.

    Quant au billet de blogue de la Californienne, il y a de quoi qui cloche dès le début du texte, la victimisation et l’agressivité sont excessives. Elle se justifie de prendre le métro pour économiser de l’argent, alors qu’anyway, c’est un des principes du transport en commun. Moi qui pourtant est quelqu’un d’assez sauvage et facilement irritable en autobus, j’en reviens pas qu’elle pousse le bouchon à mettre une fausse alliance. Outre le fait que je ne connaisse aucune fille qui se fait aborder une fois sur deux dans les transports en commun (y compris ma soeur qui est à Toronto), j’ai l’impression qu’elle a une perception de la réalité très déformée, ce qui n’aide pas à relativiser des incidents pénibles du genre.

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