Le réflèxe de se défouler sur les innocents

Camélia fut une courte relation que j’ai eu lors de mon retour aux études. J’avais 28 ans et elle 20. C’est elle qui a fait les premiers pas, en me violant presque. Il est inutile que je vous raconte les détails des premières semaines de notre relation, sinon que je croyais avoir trouvé celle qui me réconcilierait avec la vie de couple. Elle était gentille, mince, très jolie avec sa peau couleur amande au miel grillé. Et elle avait ce petit look d’étudiante d’école privée (Lunettes, chemise blanche, jupe rouge à carreaux et longs bas blancs) qui éveillait certaines perversions que j’ignorais encore avoir en moi à ce moment-là.

Malheureusement, elle était aussi d’une grande maladresse. Durant les quelques mois qu’a duré notre relation, elle a massacré la moitié de mes verres, assiettes, ainsi que plusieurs autres de mes trucs cassants. Malgré ma réticences à endurer les contrariétés de la vie de couple, je me contentais de simplement soupirer de résignation lorsque de tels accidents arrivaient. Elle ne le faisait pas exprès après tout.

Je dois avouer que Camélia et moi n’avions pas grand chose en commun.  Les discussions ne tournaient qu’autour de sujets généraux d’une ennuyante banalité.  Élevée dans la soie dans une famille de riches, elle ne connaissait rien de la vie et avait zéro débrouillardise.  Par exemple, un soir où elle m’aidait à faire le repas, je lui ai refilé mon ouvre-boite manuel.  Elle me regarde, confuse, en me demandant qu’est-ce que je voulais qu’elle fasse avec ça.  À 20 ans, elle n’avait jamais vu un ouvre-boite non-électrique de sa vie.  

La raison pourquoi j’endurais son ignorance et sa maladresse, c’est que jusque-là, de toute ma vie, jamais n’avais-je eu une si belle jeune femme de si bonne famille tomber amoureuse de moi. Et surtout, le faire sans que je la drague. Et sexuellement, elle était au top. Elle faisait tout, elle aimait faire tout, elle en avait envie à tout moment, prenait la pilule, et avait la capacité d’avoir des orgasmes répétitifs avec ou sans mon aide. Le genre de partenaire sexuelle que l’on puisse considérer comme l’idéal lorsque, comme moi à l’époque, on est un très fringuant jeune homme.

Mais voilà, le sexe a beau être important dans la vie de couple, on ne peut pas passer nos journées à baiser.  Ça prend donc bien plus que ça pour vivre en harmonie.

La maladresse de Camélia n’était pas que physique. Il lui arrivait de passer quelques heures dans mon appartement aux résidences étudiantes lorsque j’étais absent. Parfois, je revenais chez moi et elle me disait que quelqu’un m’avait laissé un message sur mon répondeur, mais ne pouvais pas me dire qui car elle avait effacé le message avant de le prendre en note. Le temps de trouver un crayon et un papier dans mes affaires, elle ne se souvenait plus du nom ni du numéro de l’appelant.

Parfois, elle me demandait des explications sur des choses qu’elle avait trouvé dans mes tiroirs. Je n’avais rien à lui cacher, mais je commençais à trouver un peu lassant de toujours lui expliquer que telle ou telle photo de moi avec une fille a été prise il y a des années, et non depuis que nous sommes en couple. Surtout sur des photos sur lesquelles je n’arbore pas du tout la même coupe de cheveux que celle que j’ai adopté depuis qu’elle me connait.

La pire violation de ma vie privée m’est arrivée un soir où, dès que j’ai ouvert la porte, elle me tombe en sanglots dans les bras.  La cause : Ma demande d’inscription pour une 3e année au cégep avait été refusée. Elle avait trouvé ma clé de boite à lettres et était allé chercher mon courrier. Jusque-là, pas de problèmes. Qu’elle ait ouvert la lettre provenant du cégep, j’accepte encore. Mais elle s’était permise en plus d’ouvrir la lettre personnelle que m’avait envoyé un lecteur de ma série de bandes dessinée nommée Requin Roll. Pour celle-là, je trouvais qu’elle dépassait un peu les limites. Sa réponse :

« Ben là, on est un couple. Quand on s’aime et qu’on est sincère, on n’est pas supposé avoir de secrets l’un pour l’autre.« 

Je veux bien le croire. Mais tout de même.

(J’ouvre une parenthèse afin de préciser que l’anecdote qui va suivre se passe à l’époque pré-tout-l’monde-a-un-téléphone-portable. Mon téléphone était branché au mur chez moi, tout comme mon répondeur téléphonique. Par conséquent, il nous était impossible de s’appeler ou bien de se texter à n’importe quelle heure, comme c’est le cas aujourd’hui.)

L’incident qui allait sonner le début de la fin pour notre couple est survenu un matin de printemps. C’est que la veille au soir, j’étais allé chez un ami et j’en suis parti à trois heure du matin, donc bien trop tard pour prendre le dernier métro. Le problème est que je devais aller chez Camélia au matin vers 8:00. Je fais un rapide calcul mental : Mon rendez-vous est dans cinq heures. Attendre le bus de nuit et le prendre jusque chez moi prendrait deux heures. Ensuite, le temps de m’habiller, partir et me rendre au terminus, c’est encore une heure. Enfin, le bus qui m’amènera chez ses parents à Kirkland prend une heure. Il ne me resterait alors qu’une seule heure de sommeil. Dormir si peu ne servirait qu’à m’abrutir pour le reste de la journée. J’ai donc décidé de renoncer au sommeil et traverser la ville à pied jusqu’au terminus. C’est la meilleure façon de tuer le temps tout en restant éveillé.

Trois heures de marche plus tard, j’arrive au terminus et prend le bus vers chez Camélia. Lorsque j’arrive devant la porte de la maison de ses parents, je regarde ma montre. Il est 7:45. Je suis un peu en avance, mais je suppose que ce ne sera pas si grave si jamais je la réveille. Je sonne. Le père m’ouvre la porte et il sort, suivi de la mère, qui s’en vont tous les deux travailler. J’entre et vois Camélia en robe de chambre en haut de l’escalier. Aussi surprise qu’enragée, elle me crie :

« QU’EST-CE QUE TU FAIS LÀ ? »

Je fige de surprise. Je suis quinze minutes en avance, mais ce n’est quand même pas une raison pour se fâcher contre moi. Elle me demande où est-ce que j’étais ce matin.  Je lui raconte donc ma soirée d’hier, comment j’ai raté le métro, ma décision de rester éveillé, et ma nuit de marche à travers Montréal. Pourquoi cette question ?

Il se trouve que lorsqu’elle s’est réveillée ce matin vers 6:30, elle a eu l’idée de m’appeler pour s’assurer que je me lèverais bien à temps pour notre rendez-vous. Comme je ne répondais pas, alors la première (et la seule) conclusion à laquelle elle est arrivée, c’était que j’avais décidé de faire la grasse matinée, que j’avais déconnecté la ligne, et que je m’en foutais si ça ruinait nos plans. Elle m’a donc rappelé pour m’engueuler sur mon répondeur. Cinq fois. Elle m’a laissé cinq messages d’insultes. Elle me traite de pourri, d’égoïste, de salaud, de menteur, d’écœurant qui ne pense qu’à lui, de sale plein de marde qui se fout d’elle, et autres gentils compliments de ce genre.

Après avoir écouté tous ses messages à distance sous son regard gêné et angoissé, je regarde l’heure. Il est 7:58. Le regard que je lui lance en raccrochant en dit long sur mon humeur.

« Merci ! Merci, c’est très gentil. Et après que j’ai pris la peine de ne pas dormir, justement pour être ici à l’heure. C’est l’fun de voir que j’ai une blonde qui apprécie les efforts que je fais pour elle. Que tu penses des affaires de-même à mon sujet alors que je ne t’ai jamais donné de raisons de le faire, c’est déjà assez insultant…« 

« Ben… Tu répondais pas. Les apparences…« 

« Les apparences ? R’GARDE L’HORLOGE ! Y’É MÊME PAS ENCORE HUIT HEURE, TABARNAK!  C’était tellement important pour toi de m’accuser de ne pas venir ici que t’as même pas attendu que je sois en retard pour le faire.« 

Elle éclate en sanglots et se confond en excuses. Faisant de grands efforts pour regagner mon calme, je lui dis :

« Après l’affront que tu viens de me faire, je devrais juste m’en aller chez moi pour dormir. Mais voilà, ça ferait juste te donner raison comme quoi je préfère dormir plutôt que de passer l’avant-midi avec toi.  Alors voilà ce qu’on va faire : Moi je vais monter prendre une douche pour m’aider à me garder réveillé. Pendant ce temps-là, toi tu prépares nos lunchs. Ça va nous permettre de passer à autre chose, et ensuite on prendra les vélos et on ira passer l’avant midi et le diner aux parcs sur le bord de l’eau, comme on l’avait prévu.« 

Elle a accepté. La journée se passa telle que prévue. Bien que je n’ai plus reparlé de l’incident pour le reste de la journée, et que je démontrais une humeur positive comme si rien ne s’était passé, il était clair dans ma tête que je ne voulais plus rien savoir de continuer ma relation avec elle. Je sors d’une pénible relation avec Kim, la mère de mes enfants qui m’a accusé faussement de vouloir la tromper pendant toutes les années où nous étions ensemble.  La dernière chose que j’ai envie est une autre relation de couple avec une soupçonneuse.

Ne voulant pas prendre une telle décision à la légère, réalisant que ma frustration pouvait être amplifiée par la fatigue que je ressentais, j’ai décidé de dormir là-dessus et laisser passer quelques jours.

Trois jours plus tard, après m’être bien reposé et avoir bien réfléchi, ma décision n’avait pas changé. Même le meilleur sexe au monde ne vaut pas le manque de respect pour ma vie privée, la destruction physique régulière du peu que je possède, et le fait d’être la cible de soupçons non-fondés, pour lesquels elle me fait payer d’avance, sans preuves. Mon ex, au moins, craignait seulement que je la trompe. Tandis que Camélia, elle, me démontrait qu’elle me soupçonnait négativement sur TOUT.

Lors de sa visite suivante chez moi, je lui ai fait part de ma décision de mettre un terme à notre relation.  Je m’attendais à ce que ça l’attriste, mais j’étais loin d’être préparé pour sa réaction : Elle a pleuré de manière incontrôlable pendant près d’une heure, et si fort que je suis certain que la moitié des locataires de l’étage pouvaient l’entendre. Entre les sanglots, elle ne faisait que répéter la raison de sa détresse, comme quoi notre rupture lui démontrait qu’elle allait passer sa vie seule car elle n’a pas ce qu’il faut pour garder un bon gars.  Il aura fallu ça pour qu’elle reconnaisse enfin que j’en étais un.

À sa demande, j’ai accepté de continuer de la fréquenter en tant qu’ami, et même de continuer de coucher avec elle, jusqu’au jour où elle se trouverait un nouvel amoureux. On a donc eu une harmonieuse relation d’amitié + sexe durant quelques mois, jusqu’à ce que ses parents (à qui elle a stupidement tout raconté) décident de s’en mêler.  Son père m’a pris dans une arnaque financière et m’a fait perdre mon travail afin de me ruiner (Voir la série Général Menteurs), faisant de moi le genre de personne trop pauvre pour encore pouvoir plaire à sa fille.  Ça a marché. 

Aux dernières nouvelles, Camélia avait le bon mari au métier d’architecte, l’enfant, la maison, l’hypothèque, la cour, le gazon plus vert que chez l’voisin, la piscine, le chien, le barbecue… Bref l’univers dans lequel elle avait été élevée. Je me demande si lui aussi l’abuse et l’intimide, comme les autres hommes dans sa vie avant moi. Probablement, puisqu’avec elle il n’y a pas d’entre deux. Ou bien son amoureux en abuse, ou bien c’est elle qui abuse de son amoureux.

Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ?
Camélia était-elle l’une de ces bitchs psychopathes de qui tant d’hommes se plaignent? Je ne crois pas. Camélia était beaucoup trop naïve pour être capable de monter avec intelligence des plans propres à gâcher tous les aspects de la vie d’un homme. De plus, elle était d’un naturel gentil et positif.  Mais les relations qu’elle a eu avec les hommes l’ont rendue très méfiante.  Son père, son frère, ses ex, tous la traitaient sans le moindre respect. Elle était toujours contrôlée, sous-estimée, insultée, discréditée, réduite au silence, rabaissée.

Et puis, voilà que j’arrive dans sa vie.  Je la traite avec respect.  Je la traite en égale. Je suis le premier à lui donner confiance en elle et en ses capacités.  Elle ne savait donc pas comment dealer avec un gars comme moi. La vie ne l’avait tout simplement pas préparée à ça.  En ayant seulement appris à survivre dans la discorde, elle n’avait jamais appris à vivre dans l’harmonie. 

Se sentir opprimée par les hommes, c’est tout ce qu’elle a vécu avec eux. Elle a eu toute sa vie pour apprendre que les hommes sont des salopards, menteurs, égoïstes et hypocrites.  Elle ne croyait pas qu’un homme puisse être différent.  À ses yeux, puisque je n’étais pas salopard, menteur, égoïste ni hypocrite en sa présence, ça voulait juste dire que j’étais salopard, menteur, égoïste et hypocrite en cachette.  Par conséquent, à chaque opportunité qu’elle avait de croire que je préparais un mauvais coup, elle réagissait comme si c’était le cas, sans même attendre d’en avoir des preuves. Pour elle, je n’étais pas un gars bien. J’étais aussi merdique que tous les autres.  La seule différence, c’est que je cachais mieux mon jeu. Par conséquent, elle était d’autant plus sur ses gardes, du fait qu’avec moi, elle ne pouvait pas voir venir les coups. Normal, puisque je ne lui en réservais pas.

Le syndrome de Lépine.  Ou : Pourquoi se défouler sur ceux qui n’ont rien fait pour le mériter ?
La réponse est tristement simple : Les gens abusifs sont intimidants.  Les gens intididants font peur.  Une personne qui n’abuse pas est inoffensive.  Les gens inoffensifs ne font pas peur.  Après toute une vie de frustrations envers les hommes, j’étais, pour elle, le premier homme contre qui elle n’avait pas peur de se défouler des abus qu’elle avait subi de mes semblables.

Cette réaction, c’est ce que j’appelle Le Syndrome de Lépine. Selon ce que j’ai pu comprendre, Marc Lépine avait de mauvaises relations avec les femmes qui avaient abusé de lui moralement, comme sa mère, ses tantes, sa sœur, et les amies de cette dernière.  Lorsqu’il a décidé de prendre sa revanche en tuant des femmes, est-ce qu’il s’est attaqué à celles qui avaient abusé de lui ?  Du tout !  Il s’est plutôt rendu à l’école Polytechnique de Montréal, où il a tué quatorze femmes au hasard.  C’était plus facile pour lui se défouler sur elles, puisque celles-là ne l’avaient jamais dominé.

À la lumière de ceci, je pouvais comprendre pourquoi Camélia violait ma vie privée à en ouvrir mon courrier, me soupçonnait négativement de n’importe quoi, pourquoi elle réagissait automatiquement à son moindre soupçon, et pourquoi elle le faisait avec une telle haine. Or, j’avais beau comprendre son comportement, je ne pouvais pas l’accepter pour autant.

Il est inacceptable de payer pour des gestes que l’on n’a pas commis, juste parce que la personne offensée n’a pas la force morale de faire face à ceux qui lui ont causé du tort.

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QUELQUES LIENS

Depuis la création de ce blog en 2009, j’ai parlé de Camélia à plusieurs reprises. Entre autres:

– Lorsque je dis qu’elle a fait les premiers pas vers moi en me violant quasiment, c’est parce que j’ignorais La convention sociale du « Si tu viens, tu couches »

– Un autre exemple d’elle qui fouille dans mes tiroirs pour y trouver des renseigmenents qui ne la concernent pas. Et comment, en parlant ouvertement de ces renseignements à tous, elle a mis la pagaille dans la famille d’une amie commune et ruiné ma vie sociale: Quand l’autre fait de toi la Cassandre du couple.

– Un autre exemple d’elle qui m’accuse de n’importe quoi pourvu que ça soit négatif. Alors que je viens pour acheter une automobile, voilà qu’elle prétend que je vais démissioner de ma job en informatique, parce que je n’aime pas ma job (Quoi?) parce que je suis un artiste. Et ce, devant le vendeur d’auto. General Menteurs 2e partie, un piège à cons.

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