Le Nice Guy: Contributeur (et victime) de la société patriarcale.

Puisqu’il faut bien le préciser: Cet article ne dit pas « Toutes les filles sont comme ça. »  Je ne fais que décrire une situation que j’ai quelquefois observée, et même vécue deux ou trois fois, ainsi que sur quelques témoignages de femmes.

C’est bien connu, le patriarcat impose aux femmes plusieurs règles de société en matière d’amour et de sexualité.  Toute dérogation à ces règles mérite à sa contrevenantes des étiquettes peu flatteuses: Superficielle, bitch, opportuniste, et surtout salope. 

Tout commence à l’adolescence.  La fille est la cible d’un amour non-sollicité de la part d’un garçon qui ne lui plaît pas.  Ou, variante: Elle a commencé à sortir avec un gars, mais maintenant qu’il a perdu le charme de la nouveauté, il ne lui plaît plus.  Elle le repousse donc, ou casse, selon le cas. 

On a trop souvent tendance à oublier qu’à l’adolescence, nos critères de sélection et de refus se basent sur des détails qui ne sont pas socialement acceptables lorsque l’on est adulte.  Aussi, les raisons de repousser un gars peuvent être: Il est gros, ou d’une autre race/culture, ou alors sa famille est pauvre, ou bien il ne travaille pas, ou alors si mais il occupe un poste bas de gamme, ou bien il n’est juste pas assez beau / musclé / athlétique. 

La fille sait trop bien qu’elle vit dans une société patriarcale dans laquelle on ne peut repousser un garçon sans avoir une raison valable.  Et quand je dis valable, je veux dire valable aux yeux des gars de son âge, mais surtout aux yeux des adultes qui l’entourent.  Elle sait bien que si elle donne les vraies raisons de son dégoût, on lui collera les étiquettes de superficielle, raciste, jugementale, plotte à cash...  La fille n’a donc pas le choix: Si elle veut que l’on accepte et respecte sa décision, elle doit donner une raison acceptable et respectable.  Elle donne donc la seule raison qu’elle sait que personne ne va vouloir contester: Elle dit que le gars est trop porté sur le sexe à son goût, et/ou qu’il la harcèle sexuellement. 

La fille ne dit pas ça dans le but mesquin de détruire gratuitement la réputation du gars.  C’est juste que dans notre société, cette accusation est l’excuse idéale.  D’abord, puisque tout le monde s’attend ça de la part d’un gars, tout le monde va la croire.  Ensuite, puisque ce genre de comportement est inacceptable, personne ne va la blâmer de vouloir prendre ses distances avec lui.  Enfin, bonus non négligeable: en donnant ça comme raison de repousser un gars, elle démontre qu’elle n’est pas une salope.

À chaque fois qu’une fille se plaint de l’attitude obsédé sexuelle des gars, que ce soit à tort ou à raison (Parce que oui, des fois, c’est vrai), tout le monde en parle.  Ces histoires arrivent donc aux oreille des gars.  Et parmi eux, il y a ceux qui feraient tout pour plaire aux filles: Les soi-disant bons gars, les Nice Guys. 

Bien que certaines de ces anecdotes sont véritables, ces rumeurs comportent leur lot d’histoires bidon, de faits et gestes pris hors-contexte, et d’accusations mensongères à base d’excuses fausses mais socialement acceptables.  Par conséquent, le pourcentage de gars harceleurs et obsédés s’en trouve tellement gonflé que l’on finit par croire que la majorité des gars sont comme ça. 

Le Nice Guy, voulant plaire, se jure que jamais il ne commettra ces crimes contre la femme, lui!  Il saura les respecter, lui!  Il sera un bon gars, lui!

Le temps passe.  On passe d’adolescents à adultes.  Les filles deviennent des femmes.  Devenant plus matures, elles changent tous naturellement leurs critères de sélection en matières d’hommes et de couple.  Et c’est comme ça que le Nice Guy, ignoré dans sa jeunesse, voit des femmes qui commencent à s’intéresser à lui.  S’ils sont tous les deux célibataires, la situation est idéale pour commencer une relation.

Mais voilà: Il arrive parfois que la situation n’est pas idéale.  L’exemple que je vais vous donner en est un que j’ai vécu deux ou trois fois, en plus de l’avoir quelquefois observé chez d’autres.

La fille est déjà en couple, mais le gars en question ne l’intéresse plus.  Or, lorsque l’on est adulte, casser comporte des changements de vie beaucoup plus compliqués et majeurs que lorsque l’on était ado.  Aussi, tant que l’atmosphère est toujours vivable entre les deux partenaires, beaucoup préfèrent encore maintenir le statu quo en restant ensemble.  Une situation décrite cyniquement comme « avec lui en attendant mieux. »

Or, il se trouve que son ami le Nice Guy est, à ses yeux, mieux que son partenaire actuel.  Il l’intéresse.  Pour lui, elle casserait.  Encore faut-il que ses sentiments soit partagés par le Nice Guy.  Elle va donc tâter le terrain.  

Au fil des jours, elle lui fait des confidences de plus en plus intimes, dans laquelle elle lui donne des indices sur ses préférences sexuelles: Elle aime être prise, dominée, claques sur les fesses, tirer les cheveux, ce genre de trucs.  Le Nice Guy a depuis longtemps compris et accepté qu’ils ne sont qu’amis.  Aussi, il n’y voit pas de message caché, et ça ne fait que l’amuser.  La femme, constatant que non seulement il n’est pas scandalisé par ses confidences, il en est même amusé, elle voit ça comme un bon signe comme quoi il puisse être intéressé.

Un soir, elle invite le Nice Guy chez elle sous un prétexte bidon et platonique.  Avec quelques coupes de vin pour détendre l’atmosphère et chasser les inhibitions, elle détourne subtilement la conversation vers un ton plus sexuel.  Finalement, que ce soit en gestes, en paroles ou en attitude, elle s’offre à lui.

N’importe quel gars sauterait sur l’occasion de la sauter.  Mais voilà, le Nice Guy n’est pas n’importe qui, lui!  Il a passé sa vie adolescente et adulte à étudier les filles, leur comportement, à écouter ce qu’elles disent, pour savoir ce qu’elles apprécient chez les hommes, et surtout ce qu’elles n’apprécient pas.  Aussi, il est sincèrement convaincu des points suivants:

  • Tu es ami avec une femme? Alors tu es automatiquement dans sa friendzone.
  • Toutes les femmes détestent qu’un homme tente de sortir de la friendzone.
  • Quand une femme a bu, elle n’a plus toute sa tête.
  • La preuve: À-jeun, elle ne lui a jamais montré autre que de la simple amitié.  Et maintenant qu’elle a bu, elle le désire sexuellement?  Alors qu’elle est déjà en couple?  C’est bien la preuve que l’alcool enlève à la femme tout son jugement.  
  • Tout homme qui profite d’une femme sous l’influence de l’alcool est un salaud, un agresseur sexuel, un contributeur à la culture du viol.
  • Les femmes ne veulent au lit qu’un homme doux et patient. (Ce qui est généralement vrai à l’adolescence lors de leurs premières relations. Mais après, en général, ça évolue.)
  • Prendre une femme de force, la dominer, claques sur les fesses, tirer les cheveux, c’est de la violence.  La pire de toute; la violence sexuelle.  Autrement dit: Un viol.
  • Et puis d’abord, toutes les femmes sont fidèles. Elles ne supportent ni l’adultère, ni les hommes qui ne respectent pas le fait qu’elles soient en couple.
  • Une femme infidèle, c’est une salope. 
  • Or, son amie n’est pas une salope, et il la respecte trop pour en faire une.  

D’instinct, le Nice Guy voit cette situation comme un test qu’elle lui fait passer.  Il est très fier d’avoir cette opportunité de lui montrer qu’il n’est pas comme tous les autres hommes, lui!  Qu’il est à l’écoute des femmes, lui!  Qu’il sait ce qui est bon pour elle, lui! 

Toute sa vie, les filles et les femmes lui ont fait la leçon en matière de comportement masculin.  Aujourd’hui, il va enfin pouvoir leur montrer qu’il a bien appris sa leçon. 

D’une voix douce et d’une attitude compréhensive, il lui dira alors des trucs du genre de:

  • « Voyons! Tu n’y penses pas. » 
  • « Nous sommes amis seulement. »
  • « On ne peux pas coucher ensemble sans être des amoureux.  Le terme le dit: Faire l’amour! »  
  • « Tu es déjà en couple, ce ne serait pas correct pour lui. »
  • « Je te respecte trop pour te faire ça. »
  • « Je le respecte trop pour lui faire ça. »
  • « Tu as bu, donc tu n’as plus toute ta tête. »
  • « Dans de telles conditions, coucher avec toi, ce serait t’abuser sexuellement. »
  • « On risquerait de le regretter tous les deux. »
  • « Tu sais, tes histoires, là, de domination, de tirage de cheveux, de claques sur les fesses…  Est-ce que tu te rends compte que tu ne fait qu’encourager la violence sexuelle envers la femme?  Que tu la banalise?  Que tu contribues à l’idée comme quoi être violentées sexuellement par des hommes, vous ne demandez que ça? »
  • « Tu sais, si tu étais célibataire, si tu n’étais pas sous l’influence de l’alcool, et si tu ne me demandais pas de te violer, j’adorerais le faire avec toi.  Mais là, non, désolé, je ne peux pas.  Ce serait un manque de respect envers toi, envers ton homme, et envers moi-même. »

Sur ce, le gars repars chez lui.  Frustré sexuellement, certes, mais fier de lui.  Fier d’avoir pu prouver qu’il est respectueux de la femme, lui!  Qu’il est capable de contrôler ses pulsions, lui!  Bref, qu’il est tout à l’opposé de cette société patriarcale qui méprise la femme, lui! 

… Sauf que la femme, chez elle, seule après le départ du Nice Guy, ne ressent pas vraiment les choses de la même façon. 

Elle ne voit pas le déroulement de la soirée comme étant « la preuve comme quoi il y a encore des bons gars sur terre. » 

Elle n’est pas « honorée du respect dont il a fait preuve envers elle. »  

Elle n’est pas heureuse que « par la retenue dont il a fait preuve, il a sauvé leur amitié et son couple. » 

Non! 

Elle voit qu’il l’a repoussé.

Elle voit qu’il l’a accusé de ne pas avoir toute sa tête. 

Elle voit qu’il l’a qualifiée d’ivrogne, incapable de tenir l’alcool.

Elle voit qu’il l’a jugée comme étant incapable de savoir ce qu’elle fait.

Elle voit qu’il prétend savoir mieux qu’elle ce qu’elle veut.

Elle voit qu’il a démontré qu’elle manquait de respect.  Envers lui.  Envers son conjoint.  Et surtout envers elle-même. 

Elle voit qu’il l’a fait se sentir comme si elle n’était qu’une salope.

Bref, encore une fois, elle a été humiliée et méprisée par un homme, parce qu’elle a commis le crime de déroger des règles sociales en matière d’amour et de sexualité.  Des règles que la société patriarcale impose à la femme.

Lorsque l’on vit une situation dans laquelle on a été à ce point-là humilié, on ressent le besoin d’en parler, ne serait-ce que pour s’en défouler.  C’est normal.  Mais voilà, la femme a bien apprise sa leçon.  Elle ne veut pas prendre le risque de se faire encore qualifier de salope, ivrogne, irrespectueuse et écervelée.  Aussi, lorsqu’elle raconte cette soirée, elle inverse les rôles au sujet de qui a dragué qui, et qui a repoussé qui. 

D’accord, cette fois-ci, peut-être que la fille ne dit ça que dans le but mesquin de détruire la réputation du gars.  Normal, puisqu’elle est frustrée contre lui.  N’empêche que là encore, cette accusation est l’excuse idéale.  D’abord, puisque tout le monde s’attend ça de la part d’un gars, tout le monde va la croire.  Ensuite, puisque ce genre de comportement est inacceptable, personne ne va la blâmer de vouloir prendre ses distances avec lui.  Enfin, bonus non négligeable: en donnant ça comme raison de le repousser, elle démontre qu’elle n’est pas une salope.

Et comme à chaque fois qu’une fille se plaint de l’attitude obsédé sexuelle des gars, tout le monde en parle.  Ces histoires arrivent donc aux oreille des gars.  Et parmi eux, il y a ceux qui feraient tout pour plaire aux filles: Les soi-disant bons gars, les Nice Guys.  Le Nice Guy, voulant plaire, se jure que jamais il ne commettra ces crimes contre la femme, lui!  Il saura les respecter, lui!  Il sera un bon gars, lui!

Et c’est ainsi que le patriarcat créé le Nice Guy, qui à son tour recréé le patriarcat, qui à son tour recréé le Nice Guy, qui à son tour recréé le patriarcat, qui à son tour recréé le Nice Guy, en un mouvement perpétuel infini dans lequel tout le monde est perdant, les hommes comme les femmes.

Mais, faut le reconnaître, surtout les femmes. 

3 réflexions au sujet de « Le Nice Guy: Contributeur (et victime) de la société patriarcale. »

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