Il y a trente ans ce mois-ci, en octobre 1994, j’ai adopté Steve Requin comme nom de plume. Aujourd’hui, ce nom ne me sert plus que comme adresse pour mon blog, mon Twitter et mon Facebook. Voilà bien des années que je n’ai plus rien signé ainsi.
Il est vrai que je n’ai plus rien en commun avec celui que j’étais lorsque j’ai pris cette identité. À 26 ans, j’étais sans travail, sans salaire, sur l’assistance sociale (BS), sans diplôme d’école secondaire, pauvre, envieux, coincé dans une relation extrêmement toxique par paternité imposée, et convaincu que je n’avais aucun avenir. En typique homme faible de corps, d’esprit, de volonté et de personnalité, j’étais impuissant à y changer quoi que ce soit. J’étais cependant désireux de pouvoir exprimer mes revendications nées des frustrations quotidiennes qu’apportent une série de mauvaises décisions de vie de ce genre-là.
En 2013, j’avais chroniqué ma génèse requinesque sous forme de BD.

















Afin d’alléger, je ne posterai pas ici les pages suivantes, qui racontent que pendant mon enfance, mon père avait mauvaise réputation dans mon village d’origine. Par conséquent, porter son nom m’a toujours porté préjudice. En plus d’être un nom de marque de commerce associé aux produits pour bébés, c’est à dire Johnson & Johnson.
En 1994, période pré-internet, la seule façon de pouvoir s’exprimer publiquement sans censure, c’est par auto-publication. Par textes, par bandes dessinées. Donc…




Quelques jours plus tard, j’en refis une version en couleur.

À partir de ce jour, et pendant une quinzaine d’années, j’ai produit une grande quantité de textes et BD. À ceci s’est ajouté Internet, avec de nombreuses pages dans lesquelles j’étalais mes revendications sans la moindre retenue.
Aujourd’hui, lorsque je relis ma production requinesque, de mon premier fanzine Requin Roll de 1994 jusqu’à ma dernière BD dans Safarir en 2008… Ouf! Je constate que c’est du gros n’importe quoi, pourvu que ça choque et attire l’attention par la controverse. Le tout enrobé d’un humour forcé qui n’était qu’un réflexe de survie morale. La seule chose tirée de cette époque dont je suis vraiment fier, c’est d’avoir créé le premier texte viral québécois francophone d’internet.

… que vous connaissez probablement mieux sous cette forme:

J’ai appris la semaine dernière que ma page française sur Wikipedia n’existe plus. Et franchement, si celle en anglais pouvait disparaître aussi, ça ferait bien mon affaire. Ce n’est pas comme si ma contribution au monde de la BD avait été significative. D’accord, j’ai créé MensuHell. Mais ce n’est qu’à partir du 34e numéro, lorsque j’en ai cédé la direction, que ça a vraiment décollé, et que c’est devenu le fanzine québécois qui eut la plus grande longévité.
Durant ma période Requin, j’ai également produit dix manuscrits. De la fiction, de l’autobiographie, des essais d’analyse de société. Mais ces textes étaient tous influencés par mes frustrations personnelles. Aucun éditeur n’en a voulu. Aujourd’hui, je suis soulagé que pas un de ces projets de livres n’ait vu le jour. Seul mon 11e manuscrit, Le Sucre Rouge de Duplessis, a trouvé preneur en 2023. Et avec raison : il s’agit d’une recherche historique sérieuse qui ajoute des pages inédites sur le règne de l’Union Nationale de 1936 à 1960. C’est le seul que j’ai signé sous mon vrai nom. Et je suis fier de savoir qu’on le lira encore dans 100 ans, ce qui est normal lorsqu’il s’agit d’une publication sur l’Histoire du Québec.
Sinon, de toutes les publications signées Steve Requin, il n’y a plus que mes quatres dernières années de production, de 2015 à 2018, que je revendique encore. C’est à dire :
- Mes deux numéros de L’Héritage Comique.
- Mes trois BD du recueil annuel Crémage.
- Mon album de La Clique Vidéo.
Et ces publications ont été réalisées après que l’on m’ait tiré de sept ans de retraite, alors que je ne produisais plus rien depuis ma démission de Safarir en automne 2008. Autrement dit, j’avais déjà mis ma vie artistique et créative derrière moi. Ce n’était que par habitude que je continuais de signer Steve Requin.
Donc, après 30 ans, maintenant que ma vie et moi ne ressemblons plus en rien à ce que nous étions lorsque je me suis créé cette identité, il est temps pour moi de tourner pour de bon cette page personnelle. Désormais, ce nom ne me servira plus que comme adresse de blog, Twitter et Facebook.
R.I.P. Steve Requin, 1994-2024.
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Y’A LIENS LÀ
La génèse de ma liste de noms de famille composés.
Un autre texte à ce sujet, incluant d’autres listes de noms composés.
Au sujet de La Clique Vidéo
Quelques planches de La Clique Vidéo.
Au sujet de l’Héritage Comique.
Le recueil de BD Crémage.
Le fanzine MensuHell.
Reportage au sujet de mon livre, Le Sucre Rouge de Duplessis