Un câble d’acier ombilical. 2e partie, m’isoler en pourrissant ma réputation

Mes parents ont toujours voulu que leur maison soit un refuge pour moi. Or, un refuge, ça sert à fuir un milieu hostile. Qu’est-ce qui se passe lorsque j’habite dans un environnement dans lequel je n’ai que des relations harmonieuses? Simple: Ils s’arrangent pour que ces relations me deviennent hostiles. En voici un exemple parmi les nombreux qu’ils m’ont fait subir depuis que j’ai quitté leur maison.

J’habitais depuis environ deux ans dans le quartier Ville-Émard de Montréal.  C’était un 3½ au rez-de-chaussée d’un petit bloc de huit appartements.  C’était une coopérative d’habitation.  Tour à tour, chaque locataire devait faire de menus travaux.  En plus, je faisais partie d’un organisme qui distribuait de la nourriture aux familles pauvres du coin.  De ce fait, j’avais de bonnes relations avec les voisins et une bonne réputation dans le quartier. 

J’avais eu à quitter le quartier pendant six mois, car l’organisme propriétaire de mon logement avait eu droit à une subvention pour rénover le bloc au complet. J’ai pu le réintégrer au début de juin de cette année-là.

Ce dimanche-là, mes parents sont venus me visiter.  C’était un beau début d’après-midi ensoleillé.  Une grande partie des gens qui habitaient ma rue, majoritairement des noirs, en profitaient pour s’installer sur leur terrain devant les logements, pour se reposer à l’ombre des arbres tout en profitant de cette belle journée.

Mes parents arrivent pendant que je suis affairé à balayer le chemin de béton qui mène à ma porte.  Ils se stationnent devant chez moi.  En débarquant, mon père regarde autour, et vois tous ces gens qui relaxent.  Aussi, c’est avec un grand étonnement qu’il me dit, là, devant tout le monde, assez fort pour que toute la rue entende :

« Christ!  Y’en a donc ben, des nè████, icite! »

Bien que je n’approuve absolument pas ses paroles, je suppose que d’un certain sens je peux comprendre pourquoi il les a prononcées. Dans les St-Hilaire et St-Hyacinthe où il a passé sa vie dans les années 1950, 60, 70, 80 et 90, très rares étaient les non-blancs.  Et là-bas, personne ne lui a jamais dit que certains mots qu’il a utilisé toute sa vie pour désigner les noirs étaient très mal vus. 

C’est donc sous les regards lourds de tous ces gens que j’entraine mes parents à l’intérieur.

En entrant dans la cuisine / salle à diner, ils constatent que la cuisinière n’est pas collée contre le mur.  Je leurs explique que le propriétaire et ses employés sont passés ce matin pour changer le prélart de la pièce.  Mon père se dirige sur la cuisinière en disant:

« Attend, j’va t’aider! »
« Un instant.  Laisse-moi le temps d’aller chercher du carton. »
« Pourquoi? »
« Pour mettre sous les pattes de la cuisinière, pour que ça glisse sur le prélart. »
« Ben là! Franchement! Pas d’besoin! »

Et aussitôt, il pousse la cuisinière de toutes ses forces, causant instantanément quatre déchirures d’un pouce de large par six pouces de long dans le prélart.

Un prélart neuf.  Posé le matin-même!

Environs une heure plus tard, il sort dans la cour arrière.  Il revient avec une chaise.

« Stééééphaaaane!  Regarde ce que ton papa y t’amène! »
« Une chaise?  Qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça?  J’ai déjà quatre chaises de cuisine, deux chaises d’ordi et une chaise longue de patio. »
« T’a mettras à côté de ta porte, pour t’assir quand t’enlèves tes bottes. »
« Ben voyons donc! J’ai pas de place pour ça.  Pis où est-ce que tu l’as trouvée? »
« C’est tes esties de caves de voisins d’à côté qui jettent plein de belles affaires. »

Ceci allume aussitôt une alarme dans ma tête.  Dans ce quartier et à cette époque, ce n’est pas dans la ruelle que l’on met les poubelles le jour où elles passent.  C’est à la rue.  De plus…

« À côté?  Tu veux dire que tu es allé prendre ça sur leur terrain? »
« Ben oui!  Tu devrais aller voir tout c’qu’y’ont jeté! »
« MAIS C’EST PAS DES ORDURES!  ILS RÉNOVENT! »

Je lui enlève la chaise des mains et je sors.  Je constate que plusieurs de mes voisins de cour arrière regardent dans ma direction.  Ils ont vu mon père aller prendre la chaise chez le voisin.  Et là, ils me regardent aller la rendre.

Avant que mes parents passent chez moi ce jour-là, j’avais de bonnes relations avec le voisinage et avec le propriétaire.  Après leur départ, les voisin d’en arrière me prenaient pour un voleur, la population noire du quartier me voyaient comme un raciste, et le propriétaire me jugea comme un imbécile parce que trop cave pour être capable de faire attention au prélart neuf qu’il venait tout juste de me poser.

Tout ça en une seule visite.

Ce n’était pas la première fois qu’ils causaient du trouble entre mon voisinage et moi. Et ça ne sera hélas pas la dernière. Je n’ai choisi cet exemple-ci uniquement qu’à cause de la vitesse et de l’étendue de leur travail de destruction sur ma réputation dans le quartier et auprès du propriétaire.

Au moment d’écrire ces lignes, j’occupe mon 37e logement depuis que j’ai commencé ma vie adulte il y a 35 ans. Oui, je tiens une liste à jour depuis maintenant deux décennies. Ne vous demandez pas pourquoi j’ai eu à déménager aussi souvent.

À SUIVRE

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