On connait tous la situation classique de la personne qui a passé sa jeunesse à voir tous les aspects de sa vie sociale, amoureuse et financière se faire sans cesse ruiner par ses parents. Des parents alcooliques, drogués, accros au jeu. Des parents violents, cruels, agresseurs sexuels. Des parents négligents. Des parents criminels avec un long dossier judiciaire. Des parents avec des problèmes psychologiques graves qui nécessitent suivi et médication. Dans ce temps-là, les lois, les organismes, et même l’opinion sociale, tout est en place pour aider la personne à échapper à l’influence perverse de tels parents indignes.
Mais qu’est-ce qui se passe lorsque ces parents ne sont pas des parents indignes? Qu’ils ne sont pas alcooliques, drogués, accros au jeu, négligents, cruels, violents, violeurs. Qu’ils ne sont pas reconnus comme étant psychologiquement troublés? Qu’ils sont au contraire des gens irréprochables? Des parents qui aiment leur enfant et qui feraient tout pour lui? Si cet enfant se plaint qu’ils ruinent tous les aspects de sa vie, personne ne va le croire. Aucune loi ne peut l’aider. Aucun organisme non plus. Et aux yeux de l’opinion publique, il n’est qu’un ingrat, un enfant indigne qui tente sans raison valable de trainer dans la boue ses pauvres parents qui ont tant fait pour lui.
Sous leur apparence irréprochable, ces parents sont incapables de couper le cordon car ils refusent de voir que leur enfant n’est plus un enfant. Ils passeront le reste de leurs vies à détruire tous les aspects de celle de leur enfant, lui faisant perdre amis, conjointes, boulots, appartements, argent, afin de le rendre éternellement dépendant d’eux.
Ces parents, ce sont les miens.
Suite à mon récent billet dans lequel j’ai révélé avoir renié mes parents, on m’a demandé des exemples de leur comportement. Je ferai donc quelques billets, chacun sous un différent thème. Ce premier texte va vous démontrer que, consciemment ou non, ma mère est une fine manipulatrice qui a étendu une facette de son jeu de conditionnement sur moi sur plus de trois décennies.
C’est parti:
C’est l’été, j’ai 13 ans et viens de terminer mon secondaire I. Je reviens d’une promenade en vélo. Ma mère me dit que je viens de rater un appel. C’était une fille. Je lui demande qui. Elle me répond que la fille en question ne s’est pas nommée, mais elle a dit qu’elle rappellerait.
À 13 ans, je suis à l’âge où je commence à m’intéresser aux filles. Aussi, je suis ravi qu’il y en ait une qui me téléphone. Je reste à la maison quelques jours, à attendre qu’elle rappelle. En vain!
Je recommence donc à sortir, histoire de profiter de mes premières semaines de vacances d’été. Mais bientôt, en revenant à la maison, ma mère me dit que la fille a rappelé. Comme la dernière fois, elle ne s’est pas nommée, mais elle a dit qu’elle rappellerait.
Au fil des semaines, l’incident se répète souvent. Mes amies de fille étant pour moi aussi rares et précieuses que l’or, ça me dérange de manquer ainsi l’occasion de parler à une qui semble vouloir me rejoindre au point de rappeler si souvent. Il y a cependant un truc que je trouve un peu étrange. Les filles que je connais, je ne suis pas ami avec elles au point qu’on se communique en dehors de quand on se voit à l’école. Aussi, cette appelante est doublement mystérieuse.
Durant les quatre années qui suivent, peu importe la saison, peu importe où je vais, lorsque je rentre à la maison, de une à trois fois par mois, ma mère va me dire qu’une fille m’a appelé. Et comme d’habitude, elle me dit que cette fille ne s’est pas nommée mais qu’elle va rappeler.
Manquer ces appels de façon aussi répétitive depuis aussi longtemps commence sérieusement à me frustrer. À cette époque pré-tout-l’monde-a-un-cell, il était pratiquement impossible de retracer un appel.
Ma patience à ce sujet atteint son point de saturation durant l’été de mes 17 ans et que je viens de finir l’école secondaire. Ma mère venait de m’envoyer dans la cour arrière, aller ramasser le linge sec sur la corde. En rentrant elle me dit que je viens tout juste de rater un nouvel appel de la fille. Frustré d’avoir manqué un appel alors que j’étais pourtant à portée de voix, je demande à ma mère:
« Mais voyons donc! J’étais juste là, dans la cour. Tu pouvais pas lui dire d’attendre, le temps pour toi de m’appeler par la fenêtre? »
Sa réponse:
« Heille! Soit poli! »
Je décide de faire ce que j’ai à faire afin de mettre un terme à cette situation ridicule. Alors qu’il fait si beau dehors, je perds mon temps à m’emmerder à la maison durant les trois semaines suivantes au cas où cette mystérieuse appelante me téléphonerait de nouveau. Trois semaines, c’est plus que le tiers de mes vacances d’été. Mais je m’en fous! Je suis tellement déterminé à ne pas rater son prochain appel que je me jure que je vais attendre le temps qu’il faudra, mais je ne sortirai pas de la maison tant qu’elle ne m’aura pas appelé et que je ne lui aurai pas parlé. Aussi, c’est à contrecœur que je laisse ma mère me convaincre de sortir. Les deux mains dans la popote, elle a besoin de lait et ne peut pas se déplacer, alors elle m’envoie en acheter à l’épicier du coin. Je m’y rend en sprintant.
Juste pour faire exprès, devinez ce qui s’est passé durant les six minutes que ça m’a pris pour faire un aller-retour au dépanneur? Eh oui! La fille m’a appelé, ne s’est pas nommée, a dit qu’elle rappellerait, et a raccroché. Inutile de dire qu’après les trois semaines de patience et de sacrifice que j’avais mis, j’en avais ras-le-bol de cette situation frustrante.
Je passe des nuits blanches à me demander qui peut bien en être l’auteure. Je sais que ce n’est aucune de mes amies de la bande avec qui j’me tiens, celles-là se nomment à chaque fois qu’elles m’appellent. Alors qui? J’en viens à me créer des théories qui tiennent à peine debout. Est-ce une voisine que je ne connais pas, qui, chaque fois qu’elle me voit partir de chez moi, en profite pour m’appeler sans se nommer juste pour me faire enrager ? Possible mais vraiment trop peu probable.
En fin de compte, je ne saurai jamais de qui il s’agissait.
Éventuellement, j’ai quitté la maison familiale et je suis allé vivre en appartement à Montréal.
Trois ans plus tard. J’ai 24 ans, j’habite et travaille à Montréal. Je passe une fin de semaine chez mes parents. Par trip nostalgique, je fais une petite promenade dans les rues du quartier. À mon retour, devinez quoi?
« Y’a une fille qui t’a appelé. »
« Qui? »
« Je l’sais pas, à s’est pas nommée. Mais elle a dit qu’elle va rappeler. »
Non!
Non, cette fois, je refuse d’y croire.
Ça fait trois ans que j’habite à Montréal. Il est impossible que cette mystérieuse fille m’appelle encore chez mes parents, trois ans que je sois parti de là. Et que, par le plus grand des hasards, elle le fasse l’un des rares jours de l’année où je les visite, et encore une fois juste au moment où je ne suis pas là! Ça ne tient pas debout. Pourquoi est-ce qu’une fille aurait passé ONZE ANS à m’appeler et à continuer de le faire, bien que je ne sois jamais là pour lui répondre? C’est juste trop gros pour être crédible.
Et puis d’abord, pourquoi est-ce que ça arrive seulement à ma mère? Jamais mon père n’a reçu un tel appel. Non seulement est-ce ma mère qui a le monopole sur ces mystérieux appels, ça arrive toujours lorsqu’elle est seule à la maison.
Non, désolé, rendu à ce point-ci, c’est juste impossible!
La seule explication plausible, c’est que tout ce temps-là, c’est ma mère qui m’a fait accroire à des appels qui n’ont jamais eu lieu, de la part d’une fille qui n’a jamais existé.
Je me suis longtemps demandé dans quel but est-ce qu’elle aurait fait ça. Mais aujourd’hui, je me rends compte qu’il y avait une méthode dans cette folie. Car en effet, en me montrant que je rate des appels importants lorsque je ne suis pas à la maison, ça peut que m’enlever toute envie de sortir.
Ce qui signifie que, consciemment ou non, pendant onze ans, elle n’a inventé cette histoire que dans le but de me manipuler à rester à la maison. À sa maison. Autrement dit, m’isoler du monde afin me garder pour elle.
Me rendre compte de cette situation m’a permis de comprendre certains autres de ses agissements mystérieux. Par exemple, à la télé, lorsqu’il y a un sujet qu’elle sait qui me passionne. Où lorsqu’un de mes collègues auteur de BD passe en entrevue à la télé. Ou lorsque je suis moi-même le sujet, comme la fois à Salut Bonjour où on a parlé de mon billet 30 comportements qu’il faudrait cesser d’avoir sur Facebook, ou bien ma liste de noms de famille composés. Ma mère va attendre à la toute fin de l’émission ou de l’entrevue pour m’appeler pour m’avertir qu’il y a tel sujet, ou telle personne que je connais, qui passe à la télé. Et à chaque fois, lorsque j’allume le poste, trop tard, j’ai tout raté.
Pendant les trente ans où j’ai habité hors de chez mes parents, elle a bien dû me faire le coup une fois ou deux par année. Jamais ne m’a-t-elle appelé pour me le dire pendant que l’entrevue commençait, ou même lorsqu’elle était en cours. JAMAIS! À chaque fois, c’était pour que je constate par moi-même que j’avais tout raté.
Une fois, deux fois, dix fois, passe encore. Mais la totalité des environs-quarante-fois où elle m’a appelé pour le dire sur une période de trente ans? C’est un peu fort comme coïncidence, non?
Sauf si on réalise que là encore, tout comme avec l’appelante mystérieuse, il s’agit d’un stratagème pour me conditionner à penser que la seule manière pour moi de ne pas sans cesse tout rater, c’est en étant avec elle, chez elle.
À SUIVRE
WoW ! C’est incroyable de faire ça à son enfant 😥
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Le pire, c’est que je suis certain que si on lui demanderait pourquoi est-ce qu’elle agit ainsi, elle ne saurait sincèrement pas quoi répondre. Mais voilà, l’instinct et le subconscient vont toujours pousser quelqu’un à agir de manière à obtenir ce qu’ils veulent.
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