Lorsque je manque d’inspiration, il arrive que je pige dans de vieux textes qui, de toute façon, se seraient retrouvés sur ce blog, s’il avait existé. Celui-ci date d’ailleurs de mars 2009, soit d’un mois avant la création de Mes Prétentions de Sagesse.
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Ce qui suit est un courriel que j’ai envoyé à l’administrateur d’une mailing liste créée pour l’équipe de soccer de la prestigieuse University of Cambridge, England. Je l’ai traduite en français pour votre convenance.
Bonsoir.
Depuis les six dernières années, je reçois régulièrement les courriels de la mailing list de l’équipe de soccer de l’Université de Cambridge. Le problème, c’est que je suis de Montréal. Je ne suis jamais allé à Cambridge, ni n’y ai-je joué au soccer.
Depuis les six dernières années, j’ai essayé de m’y désabonner en vous écrivant. Et à chaque fois, j’ai reçu ce qui, apparemment, passe chez vous comme étant du service à la clientèle, soit une note disant: « Pour vous désabonner, veuillez aller sur (adresse) et annulez votre abonnement. »
Depuis les six dernières années, j’ai essayé de m’y désabonner de la façon dont vous me suggérez, et j’ai échoué. Normal; je ne connais pas le mot de passe utilisé par celui qui m’y a abonné.
Depuis les six dernières années, j’ai essayé de récupérer le mot de passe, en suivant précautionneusement les instructions données sur votre page dans ce but. Là aussi j’ai échoué, je ne l’ai jamais reçu.
Depuis les six dernières années, j’ai essayé la solution alternative qui est de cliquer sur « Marquer comme courriel indésirable » lorsque je recevais vos messages. Ça a filtré peut-être le 1/3 des envois. Je continue de recevoir les autres.
Et oui, par la suite, à chaque fois que j’ai demandé en vain de recevoir le mot de passe pour me désabonner, j’ai aussi vérifié mon dossier « Courriel indésirable ». Je ne suis pas idiot, malgré le fait que je ne suis jamais allé à Cambridge.
Depuis les six dernières années, j’ai été patient. Mais puisque je vous ai demandé une bonne dizaine de fois de me désabonner et que vous ne l’avez toujours pas fait, ça commence sérieusement à devenir du harcèlement
Aussi, je vous demande encore une fois, s’il vous plaît, veuillez trouver le temps d’enlever mon nom de votre liste d’envoi. Je suis sûr que ça vous prendra beaucoup moins d’efforts que j’ai eu à y mettre, en vain, depuis les six dernières années.
Bien à vous.
Steve R.
Exactement quatre minutes plus tard, j’ai reçu cette réponse:
Bonjour Steve,
Je n’ai aucune idée comment votre adresse a pu se retrouver sur notre liste d’envoi. Je ne comprends pas plus comment le procédé pour vous désabonner n’a pas fonctionné pour vous, puisque ça a bien marché pour les autres depuis le temps où j’occupe ce poste. Je vais immédiatement vous en retirer moi-même.
Robin Brown,
Cambridge University
Quelques minutes plus tard, j’ai reçu un second courriel disant « Vous avez été désabonné de la mailing liste de l’équipe de soccer de l’University of Cambridge ». J’ai émis un soupir de soulagement. Enfin, après six ans, c’était terminé. Et aujourd’hui, sept ans après ce désabonnement, je n’en ai plus jamais reçu un seul.
Il y en a qui vont dire que de nos jours, avec l’amélioration des systèmes de filtres de pourriels, le problème eut été réglé. Possible, mais d’abord ce n’est pas garanti, et ensuite là n’est pas le sujet. C’est plutôt ceci:
Lorsque confronté à des expériences négatives, les gens peuvent réagir de quatre façons:
- Il y a ceux qui souffrent en silence. ceux-là s’assurent que les abus n’arrêteront jamais
- Il y a ceux qui vont se contenter de se plaindre, sans jamais rien faire d’autre pour que ça arrête.
- Il y a ceux qui vont se contenter d’essayer UNE fois, de manière à pouvoir chialer avec conscience tranquille comme quoi ils ont essayé et ça n’a rien donné.
- Et il y a ceux qui vont faire ce qu’il faut faire, qui vont prendre le temps que ça prend, pour s’assurer que la situation prenne fin.
Je suis fier de pouvoir affirmer que je fais partie de cette dernière catégorie. Il ne s’agit pas d’acharnement aveugle dans lequel je me bats pour le plaisir de me battre. J’ai la force de caractère d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaitre la différence. Lorsque l’on vit une situation inacceptable, dès que l’on reconnaît qu’elle peut être changée, alors il ne faut jamais lâcher prise. Travaille dessus! Parles-en! Dénonce-là! Bats-toi! Parce que, comme le prouve mes échanges avec Cambridge, même si tu ne rencontres qu’indifférence au début, tu finiras bien à les avoir par l’usure. Ironiquement, ça peut être vu comme du harcèlement. Mais lorsque c’est toi qui a raison, lorsque c’est toi qui subit une situation inacceptable, ça ne pourra jamais être vu légalement comme tel.
Ainsi, non seulement réussiras-tu à mettre fin à la situation, tu deviendras un exemple pour ceux qui ont maille à partir avec leurs propres situations inacceptables personnelles, que ce soit au niveau financier, légal, sexuel, ou même quelque chose d’aussi anodin que de se retrouver abonné contre son gré à une liste de courriel non-sollicitée. Parce que peu importe sous quel angle on retourne la situation, il reste que si elle a cessée, c’est parce que je l’ai dénoncée.
Parce que le plus grand complice de ce qui abuse de toi, c’est ton propre silence.