Il y a vingt ans cette année, au début de 1996, j’avais 27 ans et j’étais de retour aux études, au cégep André-Laurendeau. En cette ère pré-tout-l’monde-a-un-cell et pré-tout-l’monde-photographie-et-filme, je possédais une caméra vidéo avec laquelle je filmais souvent le quotidien du journal étudiant dont je faisais partie, ainsi que les membres des autres comités. En fait, je filmais souvent, avec ou sans raison, et chaque personne que je croquais sur le vif se prêtait au jeu avec amusement.
À l’été de 1999, soit deux ans après la fin du cégep, l’un de ces ex-étudiants décide de faire un party-réunion chez lui. J’y vais, en compagnie de mon amie, la future photographe Isabelle Stephen que j’avais également rencontré à ce cégep. Il y avait une bonne vingtaine de personnes réunies. Dans le courant de la soirée, je propose que l’on passe au salon car j’ai une surprise pour eux:
« J’ai apporté une cassette VHS sur laquelle j’ai copié quelques bons moments de notre vie de cégepiens. »
Je me tourne vers la télé. Je m’agenouille et l’allume, ainsi que le magnétoscope.
« J’ai fait un montage chronologique, et c’est classé par thèmes: Le quotidien, les manifs, les activités, les partys au cégep, les sorties de groupe… »
Je mets la cassette vidéo dans le lecteur. Le temps de régler le tout et de voir les premières images apparaître, je me retourne en anticipant d’avance le plaisir que nous aurons tous à nous revoir deux ou trois ans plus jeunes, et… Il ne restait plus qu’Isabelle dans la pièce. Tous les autres avaient quitté le salon.
Et c’est là que, pour la première fois, j’ai constaté qu’il y a des gens pour qui l’évocation du passé ne leur apporte que du malaise. Ça m’a d’autant plus surpris, du fait que si nous étions tous réunis, c’était justement en tant qu’anciens du cégep de 1995-1997. Donc, techniquement, nous étions ici pour nous rappeler de ce passé. Et pourtant, sur les vingt personnes présentes, dix-huit avaient trop honte de leur passé pour être capable d’y faire face. Si au moins le passé en question avait été honteux. Mais non, aucun de nous n’avions posé le moindre geste incorrect à l’époque. Et si oui, je ne les avais certainement pas filmés. Et puisqu’il ne s’agissait que de deux ou trois ans dans le passé, personne n’avait vraiment changé de physique ni de look depuis notre graduation.
Donc, peu importe sous quel angle je retournais la chose, jamais je n’ai compris une telle réaction. Et j’en étais d’autant plus flabergasté de constater que c’est un sentiment que partageait la majorité de la population. Durant ces vingt dernières années, il m’est arrivé à plusieurs reprises de constater que cette tendance se maintenait. Je ne saurais compter le nombre de gens avec qui Facebook m’a permis de reprendre contact après des années, voire des décennies. Nous avions des conversations, ils étaient ravis d’apprendre ce que j’étais devenu. Mais dès que j’évoquais nos souvenirs communs, alors là, non, gros malaise de leur part. Et ce scénario se répétait presque à chaque fois. Je n’ai jamais insisté. N’empêche que j’ai beau respecter les limites de tout un chacun, il reste que cette limite-là en particulier, je ne la comprends tout simplement pas.
Puisque la majorité de la population démontre avoir horreur de son propre passé, je suppose que c’est la raison pourquoi il y a tant de gens qui me demandent pourquoi est-ce que je parle aussi souvent du mien sur mon blog. Surtout si la majorité de ces histoires sont loin de me montrer sous mon meilleur jour.
La réponse est simple: J’ai toujours regardé la chose avec logique. Avant même de connaitre l’adage qui dit que ceux qui oublient les erreurs du passé sont condamnés à les répéter, j’en étais déjà arrivé d’instinct à une conclusion similaire. Voilà pourquoi j’ai toujours cru que la pire chose que l’on puisse faire avec son passé, c’est d’essayer de l’oublier et de faire comme s’il n’avait jamais existé. Surtout si ce passé est imparfait. Me souvenir de mes gestes passés, mes paroles passées, mes décisions passées, mes situations passées, c’est l’instrument de base dont j’ai besoin afin de m’améliorer, guérir, évoluer, grandir, devenir toujours mieux que ce que j’étais. Et en m’améliorant sans cesse, j’améliore mes conditions de vie présente, et ainsi mon avenir.
Et si je partage mon parcours personnel, c’est parce que je ne suis sûrement pas la seule personne sur terre à avoir vécu telle ou telle situation. Aussi, en racontant comment j’ai fait pour m’en tirer, ça peut toujours servir à ceux qui vivent des situations semblables. Il me fait toujours plaisir de voir que c’est le cas lorsque je reçois certains témoignages comme celui-ci:
En fait, je crois que la raison principale pourquoi je suis aussi à l’aise avec mon passé, c’est que mon orgueil fonctionne à l’opposé de celui de la majorité. Alors qu’eux regardent en arrière avec dégoût en ayant l’air de se dire « Fuck! Qu’est-ce que j’étais idiot / qu’est-ce que j’avais l’air con dans ce temps-là! », c’est avec émerveillement que moi je me dis « Wow! Qu’est-ce que je me suis amélioré physiquement et mentalement depuis ce temps-là! ».
Alors voilà pourquoi je n’ai aucun problème à en parler: Parce qu’au lieu de ressentir de la honte pour mon passé, je ressens de la fierté pour mon présent.
Bonjour,
Ce ne serait pas plutôt les « anciens du cégep de 1995-1997 » plutôt que les « anciens du cégep de 2005-2007 » ? A moins qu’une faille temporelle ne se soit glissée quelque part, ce qui pourrait expliquer le malaise…
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Tu as raison. C’est encore ma dyslexie numéraire qui fait des siennes. Je corrige. Merci!
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