Tout d’abord, voici une image de profil de l’acteur français Alain Delon, tirée de l’un des films qui en fit l’idole des foules en Europe dans les années 60.
Le rapport? Cette BD que je vous ai promis il y a quelques temps. Elle est tirée de l’album autobiographique Les Professionnels de Carlos Gimenez, dans lequel il décrit un ex-collègue de travail qui a exactement le profil-type d’un conflictuodépendant. Ça se passe à Barcelone, vers 1964, dans les bureaux d’un magazine de bandes dessinées.
Dans cette histoire, Cervantés passe à travers les 10 étapes, déjà décrites dans ce billet, qui démontrent sa conflictuodépendance:
ÉTAPE 1: Cherche querelle à une personne calme et sans histoire. Pablito cherche juste à travailler en paix. Le fait que Cervantés le provoque dans la joie et non la haine, comme c’est souvent le cas avec les conflictuodépendants, ne change rien au fait qu’à la base, son but est d’écraser l’autre, de prouver être son supérieur.
ÉTAPE 2: Le motif utilisé pour démarrer les hostilités est tellement anodin qu’il en est insignifiant. Ici, c’est la beauté, les fléchettes…
ÉTAPE 3: Devant le refus de l’autre à entrer dans le conflit, insiste. Il est en effet très insistant: Beauté, grandeur, fléchettes, flipper et bras de fer.
ÉTAPE 4: Envoie des accusations farfelues en prétendant connaître les motivations cachées de l’autre. Comme quand il lui dit: « T’as peur, hein? Tu sais que je suis bien plus fort que toi. », au lieu de simplement reconnaître que Pablito veut juste travailler en paix.
ÉTAPE 5: Accuse mensongèrement l’autre de quelque chose dont il est lui-même coupable et/ou honteux. Dans ce cas-ci, son professionnalisme.
ÉTAPE 6: … et ainsi, consciemment ou non, manipule l’autre à l’attaquer sur ce point faible et/ou honteux. En effet, Pablito force Cervantés à reconnaître qu’il n’est pas si professionnel qu’il le prétend.
ÉTAPE 7: Se victimise en se plaignant comme quoi l’autre l’a l’attaqué sur ce point faible et/ou honteux. Ici, il ne se plaint pas verbalement. Mais son air de chien battu passe le message très bien à leurs collègues dans le studio.
ÉTAPE 8: Fuit le conflit qu’il a lui-même créé. Cervantés quitte la pièce.
ÉTAPE 9: Cherche à rallier leur entourage commun contre l’autre. Deux fois. Au début, lorsqu’il demande à leur collègue Adolfo de trancher sur qui est le plus beau. Adolpho refuse de s’en mêler. Alors il le fait une seconde fois, passivement, avec son air triste. Là ça réussit, ce qui pousse Adolfo à dire à Pablito qu’il n’aurait pas dû. Mieux encore, cette fois, Adolfo convainc Pablito à être d’accord comme quoi Cervantés est le plus beau, sujet sur lequel il avait d’abord refusé de trancher.
ÉTAPE 10: Cherche à rendre l’autre coupable de s’être défendu, et (s’il le peut) le punit pour l’avoir fait. Pablito se sent coupable, en effet. Et alors qu’il vient faire la paix en lui offrant une cigarette, Cervantés le punit en recommençant à le rabaisser, cette fois-ci sur leurs choix de tabacs.
Les seuls moments où Cervantés n’a pas l’air déprimé, c’est lorsqu’il tente de rabaisser Pablito. Ce qui démontre non seulement qu’il s’agit d’une personne qui souffre d’une basse estime de soi, son bien-être dépend des conflits, ce qui en fait un conflictuodépendant. Puisque l’histoire se passe en Espagne dans les années 60, ça prouve que ce genre de comportement, et la personnalité qui vient avec, est universel et intemporel.
Je dois admettre que d’essayer de lui faire accroire qu’il ressemblait à Alain Delon de profil était un coup de génie. D’abord, parce qu’il lui serait difficile de se voir de profil dans le miroir. Ainsi, il est obligé de croire les autres sur parole. Ensuite, parce que grâce à cette prétendue ressemblance, son Ego est gonflé en permanence. Il n’a donc plus besoin d’emmerder ses collègues en essayant de les rabaisser plus bas que lui. Ce qui en revient à dire que si vous avez un conflictuodépendant dans votre entourage, le seul moyen de vous éviter ses tentatives de vous rabaisser, c’est de le complimenter faussement sur un sujet qui lui tient à coeur.
Ironiquement, il est fort possible que Cervantés était vraiment supérieur à Pablito en beauté, grandeur, fléchettes, flipper et bras de fer. C’est juste que son insistance à aller chercher l’autre pour le rabaisser sur ces points, ça fait de lui une personne désagréable. Personnellement, avoir été à la place de Pablito, non seulement je n’aurais jamais essayé de faire la paix avec un tel enfoiré, je n’aurais eu aucun remord à le laisser misérable, en le forçant à regarder ses travers en face. Mais bon, quand il s’agit de quelqu’un que l’on est obligé de revoir sur une base presque quotidienne (collègue de travail, voisin, famille, colocataire), je peux comprendre que laisser ses illusions à un tel déficient social, c’est un faible prix à payer pour ne pas pourrir l’ambiance.
Ah, en passant…
C’est lui, Fernandel.
Faut avouer qu’il y avait ressemblance, en effet. Plus qu’avec Delon en tout cas.
Fernandel et Alain Delon n’étaient probablement pas les acteurs évoqués dans l’œuvre originale, parue en espagnol ; il s’agissait de citer des noms connus de tous au sein du public francophone, mais je doute qu’ils aient bénéficié de la même notoriété en Espagne (en tout cas pas sous Franco). Faudrait vérifier ! Bon évidemment ça ne change strictement rien au propos de Gimenez ni au tien 😉
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Je me suis posé la même question. J’ai trouvé ici pas mal de pages avec le texte original espagnol, mais pas celles-là en particulier.
https://www.google.ca/search?q=los+profesionales+gimenez&client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=rcs&biw=1024&bih=629&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=VWZ1VKm4GY21sQT-sILoDQ&ved=0CAYQ_AUoAQ
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