Pas obligé de rester loser, 12e partie: Être attiré par l’option la plus foireuse

Il y a des gens qui ne peuvent pas s’empêcher de poser les gestes les plus stupides. Dès qu’une occasion se présente, c’est plus fort qu’eux.

L’une de ces occasions, c’est quand ils se trouvent face à une situation dans laquelle ils ont plusieurs options. S’il y en a une qui peut leur causer des problèmes, ils seront irrésistiblement attirés vers celle-là. Et le pire, c’est que ce n’est pas un accident. Ils le savent que c’est une décision risquée. Ils le savent que les autres options sont meilleures, ou du moins sans danger. Mais voilà, pour eux, l’option dangereuse, c’est comme un défi à relever. C’est comme s’ils avaient l’impression qu’ils étaient au-dessus des règles, et qu’ils ressentaient un besoin vital de se le prouver, ou du moins de le vérifier.

J’ai ici quelques exemples réels de situations de loserisme auto-créée dont j’ai été personnellement témoin.


SITUATION #1 : Un gay est membre d’un site de rencontres.

Le choix : À tous les jours, il complimente sur son physique une ou deux jolies jeunes filles. Il choisit toujours des filles en couple.

La conséquence : Les petits copains de ces filles voient ça d’un mauvais œil.

Ce qu’il a à dire pour sa défense : Allons donc! C’est pas comme si j’allais lui voler sa copine. D’abord, chuis pédé comme un phoque. Ensuite, si je décidais de draguer quelqu’un, homme ou femme, je ne choisirais certainement pas une personne en couple.

Les questions qu’il aurait dû se poser avant de faire ça : S’il est gay, pourquoi est-ce que, sur un site de rencontre, il donne plus d’attention aux filles qu’aux gars? Et pourquoi toujours à des filles en couple?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Un gay qui cherche juste à provoquer la chicane afin de pouvoir clamer haut et fort que les straight sont aussi homophobes que caves.


SITUATION #2 : Un gars sait qu’il doit passer un test de dépistage de drogues avant d’obtenir un boulot. Le matin, au resto, en regardant les différentes sortes de bagels au menu, il se rappelle avoir vu un épisode de Seinfeld dans lequel le personnage d’Elaine teste positif à un tel test car elle a mangé des bagels au pavots. Or, c’est à partir du pavot que l’on fait l’opium. Ça a donc faussé ses tests.

Le choix : Amusé par cette idée, et juste pour voir si ça marche vraiment, il prend un bagel au pavot.

La conséquence : Oui, ça marche! Il teste positif et se fait refuser l’embauche.

Ce qu’il a à dire pour sa défense : Que les tests de dépistage sont vraiment de la merde, s’ils ne savent même pas faire la différence entre manger du pavot sur un bagel ou fumer de l’opium. Et puis d’abord, on n’est pas dans Le Lotus Bleu. QUI fume de l’opium en 2014 et au Québec? 

Les questions qu’il aurait dû se poser avant de faire ça : Avec les 8624 différents items que l’on peut prendre à déjeuner le matin, pourquoi faire exprès de choisir le seul et unique qui risque de lui coûter son emploi? Il a tout le reste de sa vie pour en manger, des bagels au pavots. Pourquoi est-ce que c’est si important pour lui d’en manger le seul jour où ça pourrait lui causer des problèmes?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Qu’il cherche une bonne excuse pour ne pas travailler. Ou bien qu’il cherche à se donner une bonne raison d’accuser son futur boss d’être un cave et un incompétent. Quel boss va vouloir d’un employé de ce genre-là dans son entreprise?


SITUATION #3: Un gars s’assoit sur un banc de parc. Il voit que le banc devant lui porte une pancarte Attention, peinture fraîche.

Le choix : Il se lève et quitte son banc sec. Il tâte le banc frais peint du bout des doigts. Ça semble sec. Satisfait, il s’assoit dessus.

La conséquence : Tâter du bout des doigts quelques secondes, c’est autre chose que couvrir une grande surface de tout son poids pendant plusieurs longues minutes. Ses vêtements, maintenant ornés de lignes vertes indélébiles à l’arrière, sont fichus.

Ce qu’il a à dire pour sa défense : Que ça avait pourtant l’air bien sec. N’importe qui à sa place s’y serait trompé.

Les questions qu’il aurait dû se poser avant de faire ça : Pourquoi est-ce que ce second banc n’a pas attiré son attention dès le départ?  Pourquoi ne lui est-il devenu intéressant seulement qu’à partir du moment où il a su qu’il représentait une situation à risques?  Où est la logique?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Un cave! Pour décrire un gars qui quitte son banc sec pour s’en aller aller délibérément s’assoir sur un banc qu’il sait frais peint, il n’y a pas d’autres mots.


SITUATION #4 : Dans un test de Français du cégep, une des questions est Qui a écrit le conte du Petit Chaperon Rouge?

Le choix : Il sait que c’est Charles Perrault. Il sait également qu’il y a deux façons d’écrire ce nom de famille. Il répond donc : Un certain Charles Perrault, et non « Perreault » comme certains font l’erreur de l’écrire.

La conséquence : La prof a rayé le Perreault-avec-un-e à l’encre rouge, et lui a enlevé un point.

Ce qu’il a à dire pour sa défense : Qu’elle n’avait aucune bonne raison de lui enlever ce point. D’abord parce que sa phrase contient la bonne réponse.  Ensuite, puisqu’il existe deux façons d’écrire ce nom, il n’y avait techniquement aucune faute dans celui qu’elle a rayé. La raison pourquoi il a répondu cette phrase, c’était juste pour montrer à sa prof qu’il est probablement aussi cultivé et intelligent qu’elle, assez pour ne pas faire l’erreur qu’il dénonce dans sa réponse. Mais là, en lui mettant une faute, elle a juste prouvé qu’en fait, elle est moins brillante que lui.

Les questions qu’il aurait dû se poser avant de faire ça : S’il le sait, le vrai orthographe du nom de famille de l’auteur, pourquoi faire exprès de rajouter le faux? La prof a plusieurs dizaines de copies à corriger, alors pourquoi faire exprès de rendre sa tâche plus difficile en l’obligeant à réfléchir sur sa réponse? Et surtout, pourquoi créer une situation qui risque juste de lui faire perdre des points?

Parce que tout ce que la prof voit, c’est: Une mauvaise réponse.

Et s’il explique pourquoi il a répondu ça, il ne va qu’empirer son cas. Parce que quand une personne a le contrôle sur ta réussite ou ton échec, ce n’est jamais une bonne idée de lui faire savoir que tu viens de lui faire passer en douce un test qui démontre qu’elle est moins intelligente que toi.


SITUATION #5 : L’amant d’une femme vient de subir une liposuccion. Son ventre est extrêmement douloureux.

Le choix : Elle ne cesse d’y toucher ou bien de l’accrocher par accident

La conséquence : Plus elle le touche, plus elle lui cause de la douleur, et plus la patience du gars envers son amante diminue.

Ce qu’elle a à dire pour sa défense : Ben là, je l’savais pas que ça te faisait encore mal. Ou : S’cuse, c’était un accident.

Les questions qu’elle aurait dû se poser avant de faire ça : Elle qui n’a jamais ressenti le besoin particulier de poser la main sur le ventre de son amant, pourquoi est-ce qu’elle ne peut s’empêcher de le faire à répétition maintenant qu’il ne faut pas? Elle qui n’a jamais accroché accidentellement son amant en passant, pourquoi est-ce qu’elle se met sans cesse à travers son chemin?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Une sadique qui prend plaisir à faire souffrir les autres, une personne qui se fout de sa vie de couple, une femme qui cherche à se faire abuser physiquement et moralement par son amant en provoquant sans cesse sa colère.


SITUATION #6 : Au travail, la direction prévient les employés de ne pas ouvrir l’attachement jesuisunvirus.exe s’il vient dans un courriel puisque, devinez quoi, c’est un virus. Un jour, une membre du personnel le reçoit.

Le choix : Elle l’ouvre.

La conséquence : Son ordi est infecté et le virus se répand dans quatre autres ordis.

Ce qu’elle a à dire pour sa défense : Je voulais juste voir de quoi ça avait l’air, un virus. Mais c’est correct, je l’ai fermé immédiatement après l’avoir ouvert.

Les questions qu’elle aurait dû se poser avant de faire ça : Quand la direction prend la peine d’avertir tout le monde qu’il ne faut pas faire quelque chose, en quoi est-ce une bonne idée de désobéir à cet ordre? Et le simple fait qu’elle voulait voir ce que fait un virus, ça prouve qu’elle n’y connait rien, donc que son « c’est correct, je l’ai fermé immédiatement après » est un argument invalide. Alors pourquoi faire le contraire de ce que lui ordonnent ceux qui savent de quoi ils parlent?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Une employée à problème qui ne cherche qu’à causer du trouble à ses collèges, à l’entreprise et à la direction. Le genre de personne dont une entreprise n’a pas besoin.


SITUATION #7 : Une fille prépare un gâteau Duncan Hines.

Le choix : Après avoir lu les instructions, elle double la température du four afin de diminuer de moitié le temps de cuisson.

La conséquence : Le gâteau brûle autour et reste liquide à l’intérieur.

Ce qu’elle a à dire pour sa défense : Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Mon raisonnement était pourtant logique.

Les questions qu’elle aurait dû se poser avant de faire ça : Qui est le plus en mesure de savoir le meilleur temps de cuisson, ici? Quelqu’un sans expérience en pâtisserie, ou ceux qui l’ont créé et testé, ce mélange?

Parce que tout ce que les autres voient, c’est: Une épaisse trop conne pour être capable de suivre des instructions qui sont pourtant très simples.

Mais bon, c’est juste Duncan Hines, hm!? Qu’est-ce qu’ils s’y connaissent en mélanges à gâteaux?


Et vous savez chez qui on retrouve le plus ce genre de comportement?

  • Chez les gens qui sont tellement habitués à avoir un comportement qui fait tout foirer que ça a envahi tous les aspects de leur vies.
  • Chez des gens qui sont tellement convaincus d’être des incapables qu’ils s’arrangent pour l’être. Parce que même si elle est négative, rien ne vaut une routine pour apporter un sentiment de stabilité.
  • Chez des gens chez qui la réussite est tellement rare, la simple possibilité de l’atteindre en devient une source d’angoisse. En s’auto-sabotant, au moins ça règle la question. Ils peuvent donc cesser de stresser en attendant de savoir si ça va marcher ou non, et peuvent passer à autre chose.
  • Mais surtout: Chez les gens tellement désespérés de leur situation de losers qu’il cherchent à prouver aux autres (ainsi qu’à eux-mêmes) que ce sont les troubles qui courent après eux et non l’inverse. Sauf que, pour pouvoir le prouver, il faut d’abord qu’il vivent une situation de loserisme. Ils vont donc provoquer eux-même cette situation pour pouvoir la montrer en exemple. Ironiquement, tout ce que ça démontre, c’est justement le fait qu’ils sont eux-mêmes la source du problème puisque ce sont eux qui le provoquent.

Une personne avec qui j’ai déjà jasé de ce comportement avait, pour défendre ces gestes idiots, l’argument suivant: Suivre aveuglément tout ce que tout le monde te dit, c’est avoir un comportement de mouton. C’est la meilleure façon de montrer que tu n’es pas capable de penser par toi-même.  Est-ce qu’on peut être d’accord pour dire que négliger des instructions claires pour choisir une autre voie afin de voir ce que ça fait parce qu’on ne le sait pas, c’est justement ça, faire quelque chose aveuglément? Et que prendre une option différente que la meilleure sans y réfléchir avant, c’est exactement ça, la meilleure façon de montrer que tu n’es pas capable de penser par toi-même?

Avant de se jeter stupidement dans une situation loser-ogène, posez-vous les questions suivantes: Pourquoi quitter une situation claire et sécure pour s’en aller dans une qui est nébuleuse et risquée? Une situation qui, dans le pire des cas, va causer des problèmes? Une situation qui, dans le meilleur des cas, ne rapportera rien?

Tu as déjà bien assez des circonstances, des gens qui t’entourent et du mauvais hasard pour te rendre loser.  Ne fais pas exprès pour t’y mettre toi aussi.

4 réflexions au sujet de « Pas obligé de rester loser, 12e partie: Être attiré par l’option la plus foireuse »

  1. Je ne pense pas être un de tes fervents lecteurs, enfin j’ai lu la plupart de tes articles et j’ai découvert ton blog par hasard, cela doit faire.. 3 ans environ, pour être plus exacte c’est à la parution de ta critique(au sens large du terme) sur Socrate: Socrate était déconnecté de la réalité.

    Et j’ai continué à le feuilleter doucement, et quand j’ai vu la première partie de « Pas obligé de rester loser, », je me suis demandé « Qu’est ce qu’il appelle loser? », j’étais méfiant. Et puis j’ai lu, et je dois dire qu’avec le titre j’ai été mitigé, mais que le contenu est très intéressant.

    Ta conclusion est intéressante : est-ce mouton de suivre le chemin conseillé ou est-ce idiot de sortir des sentiers battus en connaissances de cause. La 13e partie le dira.

    D’un lecteur belge, bonne continuation ! 🙂

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  2. Pour la situation n° 4, j’ajouterais aussi « compliquer volontairement la tâche à un(e) prof qui a des dizaines de copies à corriger et qui aura la tête comme une citrouille quand elle en aura terminé ». La coopération, un peu comme l’exemple du concierge qui n’a pas changé les poubelles faute de sacs (je dirais que cela s’applique aussi assez bien à la situation n° 6).

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  3. Etant moi même une belle espèce de loser, je me suis penchée sur la question et ma théorie est que nous sommes affectés par « l’effet Golem ». L’effet Golem est l’opposé du l’effet pygmalion: là ou certains, encouragés, vont devenir meilleur sans effort particulier, d’autres, rabaissés, vont voir leurs compétences déclinés. L’homme est un animal social, il a donc tendance pour être accepter à se comporter exactement comme son semblable voudrait qu’il se comporte. Il perpétue donc sans sans rendre compte le cycle infernal du loserisme.
    Ca se vérifie chez les enfants maltraités (dont je fais partis); L’enfant maltraité par un ou ses parents pensera que la vision de son géniteur a de lui est juste. Il va donc se saboter en permanence pour ne pas le contredire. Puis plus tard, il va l’appliquer dans tous les domaines de sa vie ( amitié, amour….). Triste n’est ce pas?

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