Ma cousine est une grosse connasse quand elle est ivre, mais sa jeune copine, une jolie étudiante asiatique assez mature, sait calmer ses excès avec doigté.
Vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, mais la phrase que vous venez de lire contient assez de mots cochons pour transformer la robe de Benoit XVI en chapiteau de cirque pour le temps d’une saison et ses supplémentaires. Bah oui, du moins si on en croit l’engin de recherche Google Image. Vous avez tous entendu dire que la porno est partout sur le net, même dans les choses les plus innocentes? Eh bien c’est vrai, je vous en apporte la preuve ici-même.
Pour faire le reportage qui suit, je suis allé sur la section image de Google, et j’ai désactivé les filtres. J’y ai ensuite entré les 12 mots principaux constituant ma phrase, et j’ai fait une capture d’écran de la première page des résultats. Voyez ce que ça donne:
Mot pourtant innocent #1: Cousines
Les images qui reviennent le plus souvent ont rapport à Tendres Cousines, un film du photographe David Hamilton, dont l’Oeuvre sur le thème de l’éveil sexuel incestueux et/ou lesbien et/ou chez les adolescent(e)s n’est devenu un classique respecté que parce que c’est sorti dans les années 70 et en Europe. Parce que de nos jours, et en Amérique, tout homme qui ferait exactement la même chose se retrouverait en prison pour production de matériel pornographique infantile.
Sinon, les images non-hamiltonesques montrent des mains baladeuses sur la poitrine, entre cousines si on en croit le texte. Comme quoi le lesbianisme incestueux continue encore d’exciter les pervers.
Mot pourtant innocent #2: Grosse
Il fut une époque où l’obésité au féminin était un sujet de dérision aussi répandu qu’acceptable. Je suis assez vieux pour me rappeler que dans les années 70, s’il y avait une blague à faire au sujet de Ginette Reno ou de Lise Payette, c’était immanquablement au sujet de leur poids. Il n’y a qu’à penser à ce passage dans la chanson Je Rêve à Rio de Robert Charlebois: « J’ai le coeur en mille miettes, gros comme Lise Payette ». Et quand on voyait une grosse toute nue prenant des poses érotiques sur un calendrier, c’était toujours une obèse morbide, et le but était de faire rire et/ou de dégoûter.
Voilà pourquoi Internet a été une bénédiction pour les femmes rondes. Le web étant le reflet des goûts de ses usagers, et non un médium soumis aux standards de beauté fixés par une industrie bornée, les sites érotiques et pornos montrant des grosses cochonnes en chair et en chair se sont multipliés, rendant érotique et désirable aujourd’hui ce qui était pathétique et méprisable hier. Par conséquent, impossible de chercher le mot grosse sans trouver d’la porn.
Mot pourtant innocent #3: Conasse
Cochonne, ça rime avec conne, et c’est un cliché bien présent sur le net. Sinon, comment expliquer la présence de photos de filles nues pour illustrer un mot qui parle en mal du quotient intellectuel féminin?
Mot pourtant innocent #4: Ivres
Aaah, l’alcool, à qui l’humanité doit tellement de gallons de vomi du lendemain de la veille, moins provoqué par la saoulerie que par la nausée de voir l’horreur avec qui on a passé la nuit. Ces images semblent hélas appuyer le cliché qui dit que si tu veux rendre une femme cochonne, tu dois la saouler.
Être ivre causerait également l’infidélité, comme le démontre la 5e image où on voit une fille sauter la clôture.
Mot pourtant innocent #5: Jolie
Apparemment, être jolie et être cochonne, c’est du pareil au même.
Mot pourtant innocent #6: Copines
Depuis le tournant du siècle, c’est la grande mode chez les filles de se dire bisexuelle. Ce doit être vrai, parce qu’une image sur trois montre que quand une fille est en compagnie d’une autre fille, elle a quelques difficultés à garder ses vêtements.
Mot pourtant innocent #7: Jeune
On parle beaucoup de l’hypersexualisation des jeunes. Ça doit être pour ça que quand on cherche le mot jeune, on se retrouve avec des images hypersexuelles.
Mot pourtant innocent #8: Étudiantes
Dès la première page, on constate qu’étudier, ça signifie s’habiller sexy, se déshabiller pour des photos érotiques, être bisexuelle, faire des ménages à trois et participer à des orgies. Ça a ben l’air que je n’ai pas étudié au bon cégep.
Mot pourtant innocent #9: Asiatiques
– Mamaaan! Ça veut dire quoi « Asiatique »?
– J’pense que ça veut dire « chinois ». Chuis pas certaine. Cherche donc sur Google pour voir.
– Ok!
Et c’est ainsi que Roland, 10 ans, apprit que Asiatique signifie Vachement Cochonne.
Mot pourtant innocent #10: Mature
Bizarre! Il me semble que quand j’étais jeune, une personne mature, c’était quelqu’un de sérieux, réfléchi, pour qui le devoir passait avant le plaisir. Bref, tout le contraire de la cochonne hypersexuée. Les choses ont bien changé; Toutes les images que m’a donné Google pour ce mot, sans la moindre exception, montrent des femmes de plus de 35 ans en contexte érotique ou bien carrément porno.
Mot pourtant innocent #11: Excès
Eh oui, même un mot aussi banal tombe victime de l’excès de porno.
Mot pourtant innocent #12: Doigté
Jusqu’à aujourd’hui, je pensais que le mot doigté signifiait seulement Avec précision et adresse. Maintenant je saurai que c’est aussi un verbe décrivant un contact vulvo-digital.
Ça permet quand même de faire des phrases comme « Il l’a doigté avec doigté. »
Si on peut trouver de la porno sur Google Image en recherchant des mots aussi innocents, imaginez ce que ça donne quand on y cherche délibérément des cochonçetés. Pour vérifier, j’ai essayé avec une bonne vieille expression sexuelle vulgaire bien de chez nous: Noune.
À ma grande surprise, cette recherche a donné zéro image cochonne. La plus perverse du lot est une page de BD sur laquelle on voit un intello maigre à complet-cravate qui lèche un cornet de crème glacée, ce qui est aussi érotique que… ben, que de voir un intello maigre à complet-cravate qui lèche un cornet de crème glacée. Quand aux images de filles, le bout de texte dessous démontre que Noune est ou bien un nom de famille, un nom de chien femelle, ou un surnom féminin en Europe.
Mais l’image qui revient le plus souvent dans cette recherche, c’est la couverture d’un livre pour enfants intitulé Noune, l’Enfant de la Préhistoire.
Un titre qui est quand même assez dérangeant en soi, quand on sait qu’ici, au Québec, noune est un mot signifiant vagin.
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