Chacun de nous avons au moins un problème insolvable qui revient périodiquement casser les couilles de notre existence. Dans mon cas personnel, c’est le fait que je semble attirer majoritairement des… Hum… Comment dirais-je?

Depuis le temps, j’ai fini par trouver la solution à ce problème : Choisir plutôt que me laisser choisir. Karine et Flavie, de qui j’ai parlé à de multiples reprises dans ce blog, sont de bons exemples de cette pratique. Dans les deux cas, c’est moi qui leur ai montré de l’intérêt en premier. Dans les deux cas, ce qui nous a séparé, c’était nos évolutions personnelles qui prennaient des chemins différents. Et dans les deux cas, nous sommes restés bons amis.
Mais là, je vais vous parler de la dernière à m’avoir approché d’elle-même, en l’ayant fait non pas sur le net mais en personne. Je vous en ai déjà parlé un peu ici et là dans quelques billets ces trois dernières années, mais seulement de manière anecdotique et en tordant un peu la vérité pour éviter que l’on pose trop de questions. Cette fois, on y va à fond.
Tout d’abord, mise en contexte. Il y a cinq ans, j’ai suivi une formation afin de devenir préposé aux bénéficiaires. À ma grande surprise, bien qu’étant âgé de 51 ans, j’étais le second plus jeune homme de ma classe. Et aussi le plus beau, mes 40 jours d’itinérance ayant fait de moi un athlète. À ma connaissance, au moins cinq femmes de cette classe se sont intéressées sérieusement à moi. Mais la majorité avaient une personnalité et/ou un physique que je ne trouvais pas attrayant. Et puis, j’ai toujours évité comme la peste les relations au travail. Car si ça tourne au vinaigre, il n’y a rien de pire que de d’être obligé de côtoyer son ex cinq jours par semaine.
Cependant, j’ai dû faire exception pour Mégane. Non seulement était-elle la plus directe et la plus insistante, son langage corporel et ses réactions physiques face à moi démontraient une attirance profonde et un instinct de désir quasi-animal qui allait bien au-delà du simple caprice. En plus d’avoir cinq ans de moins que moi, et de tout de même bien paraître pour ses 46 ans, ce qui ne gâchait rien.

Mégane était un cas classique que l’on retrouve assez souvent. En couple avec le même homme depuis vingt ans, mère depuis dix ans. Elle le décrivait comme un gars sans passion, sans drive, sans grands buts dans la vie. Ça faisait une éternité et demie que la passion et la complicité entre eux était disparue. Même que côté sexe, le gars était le poster-boy du classique et routinier entre-vient-retire-s’endort qui néglige sa partenaire.
Le gars gagnait bien sa vie, avec un revenu équivalent à quatre fois le salaire minimum. Et son père était un riche homme d’affaire qui lui lèguera un jour quelques millions. Pour reprendre ses mots à elle, il est né avec une cuiller en argent dans la bouche et une fourchette en or dans l’cul. Et à cause de ça, depuis son plus jeune âge, il avait entendu son père lui répéter que la fortune familiale faisait de lui une proie de choix pour toutes les profiteuses qui n’en voudraient qu’à son argent. Voilà pourquoi ça a pris dix ans de vie commune avec Mégane avant qu’elle réussisse à le convaincre de fonder une famille.
Et lors de leur vingtième anniversaire de couple, elle lui a sorti le grand jeu. Hôtel de luxe en montagne. Spa. Repas 47 étoiles. Champagne. Chambre nuptiale. Les pétales de roses et les chandelles. La panoplie complète. Et au moment de passer au lit, elle lui sort les alliances et la Grande Demande sur un genou.
… Demande à laquelle il a réagi en lui faisant une crise de panique. Et bien que la soirée se termina au lit, elle le fut avec lui qui sanglottait en demandant à Mégane de comprendre qu’il ne se sent pas prêt pour un tel changement dans leur vie. D’ailleurs, n’a-t-elle pas déjà la vie d’une femme mariée et mère de famille ? Ne manque-t-elle déjà de rien ? Qu’est-ce qu’elle veut de plus ?
C’est là que Mégane a compris que jamais leur relation ne sera officielle, ni entre eux, ni pour la famille, et surtout pas devant la Loi. Ce revers, elle l’a pris comme la pire des claques sur la gueule. Malgré vingt ans à être la femme parfaite et dix à être une mère exemplaire, il n’avait jamais cessé de se méfier d’elle. Les sentiments qu’elle nourissait envers lui avaient beau être sincères, il vient un temps où le manque de réponse positive de son partenaire finit par les éroder. Si vingt ans ensemble n’ont pas suffi pour qu’il lui accorde sa confiance, on ne peut la blâmer si cette distance qu’il persiste à garder entre eux a fini par en venir à bout.
Et voilà comment Mégane s’est retrouvée dans la situation classique de ces femmes que l’on entend souvent dire « Je ne ressens plus rien pour lui, mais je suis obligé de rester pour les enfants et parce que je n’ai pas l’argent pour partir. »
Lorsque la réalité devient trop difficile à vivre, beaucoup de gens ont le réflêxe de la fuir. Voilà comment Mégane a commencé à se tourner vers le mysticisme. Le tarot. Les cartes. Les runes. Les divinités paiennes. Les cristaux. La pensée magique. Tout comme la religion et l’horoscope le font pour certaines personnes, ces pratiques lui apportaient l’espoir que les choses allaient éventuellement s’améliorer pour elle. Ça l’a même guidé vers le chemin de son émancipation en lui montrant la voie à suivre : Débuter une nouvelle carrière. Et puisque nous étions au printemps de 2020, lors du début de la pandémie, et que le Gouvernement a annoncé leur programme gratuit et accéléré pour former 10 000 préposés aux bénéficiaires, elle y a vu un signe du destin.
Lorsqu’elle m’a vu en classe, tout de suite elle y a vu un autre signe. Signe qu’elle a vérifié avec le tarot. Et ce dernier lui a non seulement confirmé que oui, j’étais l’homme que le destin avait mis sur son chemin. Mais il lui annonça aussi un événement prochain qui saura lui démontrer hors de tout doute que dans le cas de son conjoint, c’était définitivement devenu l’inverse. Cet événement arriva vingt-quatre heures plus tard.

S’étant abimé la cheville droite, elle ne pouvait plus conduire. Et bien que son conjoint était lui-même en congé forcé à cause de la pandémie, il rechignait à aller la porter à l’école, et encore plus à devoir s’arracher de ses jeux en ligne pour retourner la chercher. Et il lui jetait de nombreux blâmes, comme si cette situation était de sa faute à elle.
Il faut dire que jusque-là, elle avait passé la majorité de leur relation à être femme au foyer. C’était surtout lui qui voulait ça. Je suppose qu’il tenait à la rendre dépendante de lui et s’assurer qu’elle ne la quitte pas. Ce qui expliquerait pourquoi il voyait sa formation d’un mauvais oeil, et ne voulait pas l’aider. Ce qui obligea Mégane à faire un choix : Ou bien elle se paie elle-même le transport, ou bien elle devra renoncer à ses études.
S’il restait à Mégane le moindre doute comme quoi elle n’avait plus rien à faire avec lui, ce comportement les lui a définitivement enlevés.
Quant à moi, je n’avais pas remarqué Mégane plus qu’il le faut. Je croyais qu’elle était mariée car je la savais mère et en couple. Et il y avait deux autres étudiants qui ne la quittaient pas d’une semelle pour l’aider à se déplacer. Enfin, le hasard voulut que pour les travaux d’équipe, nous n’avions jamais été mis ensemble. Ce n’est qu’après la fin de nos deux premier mois de formation, à la veille de notre troisième et dernier qui serait un stage en milieu hospitalier, que son problème de pied se régla. Et qu’elle vint me faire connaître son intérêt pour moi.
Vingt-trois ans plus tôt, lors de mon retour aux études au cégep, j’avais vécu une situation similaire. Ma camarade de classe Océane était une belle jeune femme qui s’intéressait à moi, mais qui était en couple. À l’époque, j’étais un Nice Guy qui tenait mordicus à avoir un comportement parfait et irréprochable. À cause de ça, je me suis montré plus vertueux qu’elle, en la mettant à la porte, en lui précisant bien que si elle n’avait été ni saoule ni en couple, les choses se seraient passées autrement. Par ce geste je croyais avoir sauvé notre amitié d’une possible catastrophe. Je l’ai plutôt gâchée pour de bon. En plus d’avoir détruit ce qui avait le potentiel de devenir l’une des plus belle relation de couple de ma vie jusque-là, avec l’une des plus compatibles filles que la vie avait mis sur mon chemin. Ayant appris ma leçon à la dure, je ne comptais pas refaire cette erreur. D’où mon changement d’attitude face à cette situation. Car comme on dit par chez nous, faut quand même pas être plus catholique que le Pape.

Dès le départ, Mégane a été très claire avec moi. Je ne suis que son amant, rien de plus. Même si elle ne ressent plus que du mépris pour son conjoint, pour le bien de son fils de dix ans, pas question pour elle de briser ménage. Si nous sommes vraiment les âmes soeurs destinées à passer le reste de notre vie ensemble, telles que les runes et le tarot nous décrivent, on saura bien attendre la majorité de son fils pour qu’elle puisse se séparer d’avec son père. Ça me va !
Bon, en vérité, ça ne me convenait pas vraiment. Quel homme accepterait l’idée d’être cocu volontaire en partageant sa copine avec un autre homme, même si ce dernier est son conjoint des vingt dernières années ? Il est vrai que techniquement, c’était lui qu’elle allait cocufier avec moi. N’empêche que comme situation, ce n’était pas l’idéal. Cependant, l’une des leçon que j’ai apprise avec le temps, c’est qu’il y a des choses qu’il ne faut pas nécéssairement planifier d’avance en se basant sur la situation actuelle. Tout évolue, tout change. Et surtout, la réalité n’a que faire de la rectitude morale. Mon ami André a lui-même été l’amant d’une femme mariée il y a vingt-cinq ans. Elle a divorcé. Ils se sont mariés. Aujourd’hui, ils sont toujours ensemble, heureux en couple et fiers parents de deux grands adolescents. Beaucoup de choses qui débutent dans le vice évoluent vers la vertu. C’est comme ça !
Dès nos premiers instants intimes, ce fut volcaniquement explosif. Rarement ai-je eu une si grande compatibilité sexuelle avec une partenaire, et ce dès la toute première fois. Malgré ma libido qui avait diminué à cause que ma production de testo avait commencé à baisser, elle a su me la remonter comme dans ma jeunesse. Chacun de nous était convaincu avoir trouvé son match parfait. Elle commençait déjà des plans d’avenir pour nous deux, et parlait même de mariage.
Une chose causait de la friction entre nous : nos situations financières opposées. J’avais passé quarante jours de cet été-là en tant qu’itinérant. Et dès que j’ai appris à quel endroit nous allions faire le stage de notre troisième mois de formation, je suis allé prendre la meilleure option de logis qui s’offrait à moi, c’est à dire habiter une chambre dans une maison privée assez près de mon travail pour me permettre de faire le trajet à pied, même dans les grands froids d’hiver. C’était plus cher que le loyer de ce 3½ que j’occupe aujourd’hui cinq ans plus tard, au moment où j’écris ces lignes. Mais puisqu’il n’y avait rien de plus près, et que je n’avais pas de véhicule, je n’avais pas le choix.
Mégane ne voyait pas la chose du même oeil. Elle avait passé la majorité de sa vie adulte à être une femme au foyer, donc à se faire vivre par son conjoint dans une environnement confortable où elle n’a jamais manqué de rien. Elle ne connaissait donc rien aux réalités économiques. Elle me disait que, maintenant que nous allions gagner le double du salaire minimum, je n’avais qu’à me payer un condo et une auto.
MOI: « Je vais d’abord payer mes dettes. Je n’y arriverai pas si mon argent part à mesure dans mes paiements de condos et d’auto. »
ELLE: « Mais qu’est-ce que tu t’imagines? Tout le monde a des dettes, mon pauvre Stéphane. Quand on est adulte, c’est normal d’être endetté. »
MOI: « Oui, mais les dettes dont tu parles sont contractées pour l’achat d’une maison, d’une auto. En échange de ces dettes, les gens ont des possessions. Moi, je n’ai rien ! Mes dettes, je me les suis fait en perdant mon travail avec la pandémie, à déménager de Sherbrooke à Saint-Hilaire, en devant vivre sans revenus. Et ensuite, pour survivre à mon itinérance. »
ELLE: « Tu n’as qu’à emprunter à la banque. T’as jamais entendu parler des prêts auto et des hypothèques? »
MOI: « Je répète : Je n’ai rien ! Les banques ne prêtent pas d’argent à ceux qui n’ont rien. Et encore moins ceux qui ont plusieurs milliers de dollars de dettes. Ils ont besoin d’une garantie comme quoi je serai en mesure de rembourser. »
ELLE: « T’as une job pis un bon salaire. C’est une garantie, ça. »
MOI: « Une garantie? On commence à peine notre stage d’un mois. On n’est même pas encore salariés, on vit sur nos bourses. Et on a eu juste une formation accélérée de deux mois. Je ne sais même pas encore si j’ai ce qu’il faut pour être embauché à la fin du stage. Mes dettes actuelles peuvent attendre. Mais un prêt auto et une hypothèque, ce sont des dépenses que l’on s’engage par contrat légal à payer à tous les mois. Après le stage, si je ne fais pas l’affaire, on me mettra à la porte et je ne pourrai plus payer. La seule façon de casser ces contrats sera de déclarer faillite. Entretemps, j’aurai multiplié ma dette par dix. Dette que je devrai tout de même rembourser. »
Et c’est là que, pour la première fois, elle me démontre avoir tendance à rejeter la réalité.
ELLE: « Bon ! Ok ! Si tu veux passer ta vie dans une chambre trop chère où t’as pas le droit de recevoir de la visite, c’est ton choix. »
MOI: « HEY! Ça ne me prendra pas toute ma vie pour rembourser mes dettes. Mais si je fais ce que tu dis, même si je garde mon emploi, alors là, oui, assurément, je ne me sortirai jamais de la misère. Laisse-moi le temps de solidifier ma position dans mon travail en prenant de l’expérience. Puis de clairer mes dettes. Après ça, je pourrai épargner. Et un jour, dès que j’aurai en banque la moitié de la valeur d’une maison, la banque m’en prêtera l’autre moitié sans soucis. Parce qu’entretemps, en remboursant mes dettes et en ayant accumulé de l’argent, je leur aurai prouvé que je ne suis pas un risque pour eux. Fais-moi confiance, je sais ce que je fais. Rien ne presse. On a huit ans devant nous. »
Céder à la gratification instantanée, il n’y a pas de meilleure formule pour s’assurer de rester dans la misère toute sa vie. Je le sais ! Je l’ai vécu en étant dépendant de parents qui vivaient au-dessus de leurs moyens. Je l’ai vécu de nouveau avec des conjointes dépensières compulsives. Et surtout, je l’ai vécu quand la mère de mes enfants et ma belle-mère ont tout perdu au Casino, tout en refusant d’ajuster leurs manières de vivre. C’est une erreur que je ne ferai jamais. Je veux bien céder à certains caprices des autres, si ces décisions n’ont pas le potentiel de me causer des ennuis. Mais lorsque je sais que j’ai raison et que d’écouter les autres va me causer des problèmes, personne ne peut me faire céder. Si Mégane n’est pas en mesure de comprendre ça, alors qu’elle reste avec son conjoint riche.
Apparemment, l’idée de me perdre lui était plus insupportable que celle de sortir avec un gars temporairement pauvre. Devant ma détermination, elle a cessé de me mettre de la pression à ce sujet.
Pour l’année et demie qui allait suivre, nous allions vivre notre relation en cachette. Malheureusement, à cause de nos horaires et de sa vie de conjointe et mère, nous n’avions que peu d’opportunités de se voir. On l’avait mis sur l’horaire de nuit, et moi de jour. Aussi, deux ou trois jours par semaine, pendant sa pause d’une heure, je me levais au milieu de la nuit pour aller la rejoindre dans le parking du CHSLD. Et là, dans son auto, on laissait libre cours à notre passion. Je retournais ensuite dormir avant de me relever pour aller travailler.
Tel que déjà abordé dans un billet de 2021 intitulé Préposé aux Maléficiaires, au bout de trois mois, des seize étudiants de ma classe qui furent embauchés, j’ai été le huitième à être congédié de manière abusive. Je me suis félicité d’être resté sur mes positions au sujet de l’auto et du condo.
Mon congédiement ne changeait rien au fait que le milieu de la santé manque cruellement de travailleurs. Aussi, me suis-je rapidement trouvé une place dans une maison de retraite au privé, dans la ville de Saint-Jean-Baptiste. Et c’est Mégane qui m’y a trouvé le petit logis pas cher que je loue toujours aujourd’hui. Mais cinq mois plus tard, à la fin de mai 2021, pour des raisons obscures, ma patronne perdait sa licence et a été obligée de fermer. J’étais de nouveau sans emploi. Mais cette fois avec un bail qui ne prendrait fin que dans quatorze mois. Et ceci m’empêchait de déménager vers là où il y a de l’emploi dans mon domaine.
C’est là qu’il m’est venue une idée. Et si je prennais des vacances d’étudiant ? Deux ou trois mois de vacances d’été. Non seulement n’avais-je plus de dette, j’avais réussi à me mettre un peu d’argent de côté. Avec ça et mon bon crédit, je pourrais me le permettre. Et puis… Pendant les neuf dernières années, je n’ai pas arrêté. J’ai commencé par être gars de ménage dans un garage de bus. J’ai enchainé en tant que concierge dans un édifice d’une vingtaine d’étages. Puis comme chef-concierge dans une tour à condos de luxe de 33 étages. Puis surintendant dans une usine de portes et fenêtres. Technicien aux données pour la BAnQ. Technicien en sécurité et accès aux données pour BMO. Enfin, étudiant puis préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD, puis pour une résidence. J’ai eu à déménager dans plusieurs quartiers de Montréal, puis à Sherbrooke, Mont-Saint-Hilaire, Beloeil, Saint-Jean-Baptiste… Sans compter tous les problèmes que mes parents m’ont causés en venant se mêler de ma vie privée et professionnelle, qui furent en partie responsables de certaines de mes obligations de déménager, de changer d’emploi, de conjointes, et même de mon itinérance de l’été 2020. À mes yeux, je méritais bien un repos.
Et surtout, être libre de tout horaire de travail m’a permis de voir Mégane bien plus souvent. Elle avait ajusté son horaire comme suit :
- La nuit, elle travaille.
- Au matin, elle dort pendant quatre heures.
- Elle vient me voir de jour, tandis que son conjoint est au travail et son fils à l’école. Ou au camp de jour pendant l’été.
- Elle repart chez elle pour leur retour.
- Elle dort quatre autres heures en soirée.
- Puis elle repart travailler.
Ma situation de vacancier allait vraiment améliorer notre relation. On se voyait de deux à cinq fois par semaine. Elle venait chez moi. On faisait l’amour jusqu’à épuisement. Puis, on partait explorer les villes avoisinantes, faire du shopping, aller en ballade à pied, s’arrêter à des restos, partir en road trip. Pas trop loin puisque son temps était compté, mais assez pour ne pas craindre d’être vus par des gens qui la connaissent. Le bonheur presque parfait. Et pendant les weekends qu’elle était bien obligée de consacrer à sa famille, je travaillais sur mes projets de BD et d’écriture. Entre autres, un projet d’album de Lucky Luke, sur un scénario que j’avais en tête depuis plusieurs années.

Au bout de trois mois, j’étais de nouveau légèrement endetté. Il était donc temps de redevenir travailleur salarié. Je n’avais pas de regrets. Je m’étais offert de longues vacances reposantes pour le corps et l’esprit, sans le moindre soucis, dans un très bel été, et j’avais passé celui-ci en compagnie de la femme que j’aime et qui m’adore. Je ne demandais rien d’autre de la vie.
Dans un village agricole comme Saint-Jean-Baptiste, les opportunités de travail sont peu nombreuses, surtout à la fin de la saison des récoltes. Ma meilleure option était de joindre l’abattoir de dindes pas loin de chez moi, à travailler sur une chaîne de production. Et ceci me pose deux problèmes.
Premier problème : Un calcul rapide me démontre qu’une fois les déductions salariales retirées, travailler à l’abattoir me rapportera bien en dessous du salaire d’un préposé aux bénéficiaire. Ce n’est pas avec ce revenu que je pourrai me payer un véhicule qui me permettra d’aller chercher un meilleur travail ailleurs. Je me vois donc condamné à passer le reste de ma vie pauvre. Pauvre et seul. Car, second problème, l’abattoir n’a qu’un seul quart de travail, et c’est de jour, du lundi au vendredi. C’est-à-dire les seuls moments où Mégane et moi pouvons nous voir.
À tout hasard, puisque j’ai un projet de livre en chantier, je fais une demande de bourse auprès du Conseil des Arts et Lettres du Québec. Mais celle-ci est rejetée.
Sans autre choix, je postule à l’abattoir. Je suis aussitôt embauché. Malheureusement, les bottes qu’ils fournissent pour le travail me sont inconfortables, même avec mes orthèses. La douleur me force à arrêter au bout de quatre heures. Je recevrai tout de même une paie d’un jour complet de travail, étrangement.
Sans trop y croire, mais ne voyant pas d’autres options, je dépose une demande au chômage. À ma grande surprise, non seulement celle-ci fut acceptée, j’ai droit à cinquante semaines, à $2 200 par mois. Avec un loyer de $500 pour un 3½ un peu délabré mais propre, et mon train de vie modeste, ça m’est plus que suffisant pour vivre. Et ça va me permettre de consacrer tout mon temps libre à terminer mon projet de livre Le Sucre Rouge de Duplessis sur lequel je travaille depuis déjà deux ans. Et qui sait, peut-être que dans cette année-là, d’autres opportunités se présenteront, ou bien je verrai d’autres options que je n’ai pas maintenant. L’avenir s’annonce donc plutôt bien.
Bien que je devais notre relation aux croyances mystiques de Mégane, celles-ci n’avaient pas vraiment eu l’occasion de s’infiltter dans notre couple. Ça allait changer. Et pas de manière positive.
_____
À CONCLURE.