La bêtise humaine, ça déménage (2 de 3)

Je ne pensais pas faire une série avec le billet précédent, jusqu’à ce que plusieurs personnes m’en demandent une suite.  Alors pourquoi pas !  Mais cette fois, j’y vais de mes souvenirs car je n’ai jamais mis ces anecdotes sur Facebook, alors je n’ai aucune capture d’écran pour les appuyer.

À 55 ans, j’en suis à mon 38e logis.  Et là-dessus, croyez-le ou non, ce n’est que la seconde fois que je déménage volontairement.  Toutes les autres fois étaient par obligations.  Je déménageais pour cause d’études, ou de fin de celles-ci.  Pour le travail, ou pour fin de ceux-ci.  Pour habiter en couple, ou partir à la fin de ceux-ci.  Pour colocation avec des amis, jusqu’au départs de ceux-ci, rendant le loyer trop cher pour mon budget.  Pour infestation de parasites, souris, punaises, rats.  Pour rénovations.  Pour reprises de baux par les propriétaires.  Et, non le moindre, tel que déjà raconté dans ce billet de la série Un câble d’acier ombilical, j’ai souvent eu à déménager à cause de mes parents qui m’ont fait perdre, à de nombreuses reprises, logis, carrières et couples.    

Cette fois-ci, au lieu de dénoncer la bêtise humaine des autres, je vais plutôt vous raconter comment on a essayé de m’arnaquer, en pensant que ce serait moi qui ferais preuve de bêtise. 

L’appartement qui est une voie publique.
1996, J’ai 27 ans et je suis de retour aux études.  Je trouve une petite annonce pour un loyer grand et abordable.  Il est dans le sous-sol d’une maison privée.  Le sous-sol est divisé en deux appartements.  Le superviseur de l’endroit, qui me fait visiter, habite l’autre moitié du sous-sol.  L’appartement libre est une grande pièce qui n’a aucune division.  Il y a un comptoir cuisine. Il y a une porte vers l’extérieur. Celle-ci mène à la cour arrière. Et il y a une porte intérieure. Celle-là donne sur un corridor, la porte du logis du superviseur, ainsi que sur l’escalier qui monte vers le logis du propriétaire.  La toilette est dans le corridor, donc partagée avec le superviseur. Et même en plein jour, il faut allumer la lumière car les deux minuscules fenêtres rectangulaires éclairent très peu.

Il me dit quatre choses qui m’enlèvent immédiatement envie d’habiter là.

  1. C’est dans mon logement que sont situées les boites électriques, le contrôle de l’eau et les câbles de téléphone et de la télé.  Je dois donc m’attendre à ce que le propriétaire et autres techniciens viennent y travailler n’importe quand. 
  2. La loi exige que chaque logement possède deux issues.  La seule porte extérieure du sous-sol est dans mon appartement.  Ainsi, pour des raisons de sécurité, il n’y a pas de verrou à ma porte intérieure, afin de laisser libre accès au voisin en cas d’incendie.
  3. D’ailleurs, le soir, afin de ne pas déranger les propriétaires qui habitent en haut, le superviseur passe toujours par la porte extérieure du sous-sol pour entrer et sortir de la maison. Porte qui est dans mon logis.
  4. Afin de « lui fournir une preuve comme quoi je suis vraiment étudiant », il demande une copie de mon horaire de cours.

« Je ne l’ai pas encore.  Mais je peux vous fournir ma carte d’étudiant du Cégep. »
« N’importe qui peut s’inscrire à un cégep et décider par la suite de ne pas y aller, et de faire quand même passer pour un étudiant avec sa carte. »

Ah bon !?  En quoi est-ce qu’un horaire de cours est une meilleure preuve de non-abandon-d’études qu’une carte étudiante ?  Déjà qu’il n’y a aucune raison logique ni légale pour laquelle je devrais fournir à un propriétaire une preuve comme quoi je suis étudiant, je ne vois qu’une raison pourquoi il exige mon horaire de cours : Savoir quand je serai absent de mon appartement.  Un appartement dans lequel les propriétaires et lui auront accès à tout moment, via la porte non-verrouillable.  Tant qu’à habiter dans un lieu public où j’aurai zéro intimité et qu’aucune de mes possessions ne seront en sécurité puisqu’il n’y a aucune pièce où je pourrais embarrer mes choses, je crois inutile de préciser que je suis allé me chercher un logis ailleurs. 

L’ « amie » qui me voulait comme homme à tout faire… et homme à tout payer.
En 2011, après 12½ ans de relation de couple, Karine et moi nous sommes séparés à l’amiable.  En plus, le propriétaire reprenait notre logement pour y installer des membres de sa famille.  Karine est partie habiter ailleurs, et je suis allé vivre dans petit appartement de sous-sol près de mon travail.  Ça faisait un mois que je m’y étais installé lorsque j’y a reçu un appel de Salomé, une amie datant de mon cégep.  Elle a entendu dire que Karine et moi étions séparés, et elle m’offre une pièce de son appartement.  Je décline !  D’abord, son appartement pue la pisse de chat et la ménagerie.  Elle a en effet (au moins) trois chats, un lapin, des serpents, des lézards et je ne sais quoi d’autre.   Elle insiste, comme quoi elle s’ennuie de moi, et que le fait d’habiter ensemble nous permettra de repartir sur plein de projets artistiques comme dans le temps.

À ce moment-là, voilà quatorze ans que Salomé est dans mon entourage, et ça fait quatorze ans que je la vois agir. C’est une opportuniste sans la moindre empathie qui n’hésite jamais à manipuler et utiliser les gens pour son profit personnel. Puisqu’elle sait très bien que je la connais parfaitement, je me suis souvent cru à l’abri de ses magouilles.  C’est la raison pour laquelle j’ai quelquefois accepté de travailler avec elle sur certains projets. Mais à chaque fois que ceux-ci commençaient à fonctionner, elle m’en écartait pour en récolter seule les profits.  Au moment où elle m’appelle, voilà plusieurs mois, voire quelques années, que nous n’avons pas eu de contacts à part l’occasionnel LIKE sur Facebook.  Et là, comme ça, spontanément, je dois croire qu’elle s’ennuie de moi, et qu’elle est mue par une pulsion humaniste de venir à mon secours ?  Ça ne lui ressemble pas du tout. Aussi, je décline de nouveau, invoquant le bail que je viens de signer et qui me lie légalement aux paiements de cet appartement.  J’invoque également la distance entre son appartement et mon travail, distance que je ne pourrais plus couvrir à pied.  Enfin, il y a mon chat, Tommy, qui virerait certainement fou à se voir devenir coloc avec (au moins) trois autres chats.  Elle me demande une dernière fois si je suis vraiment sûr et certain de ma décision.  Je lui confirme que oui.  Elle met donc fin à l’appel.

Deux heures plus tard, Une amie commune (qui ignorait que Salomé venait de m’appeler) m’apprend via MSN que Salomé est en couple, qu’elle va aménager chez son nouveau mec, et qu’elle se cherche quelqu’un pour vivre dans son appartement.  Et, bien sûr, le payer à sa place puisqu’elle n’y logera plus.  Et puisqu’elle ne peut pas amener sa ménagerie chez son nouveau conjoint, la personne devra également s’occuper de ses animaux.

Et voilà! Il me semblait bien, aussi, que son offre sonnait faux.   Encore une fois, Salomé m’avait pris pour un imbécile exploitable en croyant que j’allais gober ses histoires.  Et elle l’a fait dans le but de me coincer à payer son appartement puant et à prendre les responsabilités, en travail, en temps en en argent, de nourrir, soigner et ramasser la merde de son zoo.

Il me semble que depuis le temps que l’on se connait, elle sait que je la vois venir avec ses arnaques.  Sûr, je suis tombé dans le panneau à quelques reprises au tout début de notre relation.  Mais j’ai appris ma leçon et plus jamais je ne l’ai laissé me prendre au piège de nouveau.  Pourtant, elle essaie encore et toujours, ce qui démontre qu’elle me croit trop stupide pour apprendre de mes erreurs passées.  C’est ce qui est le plus insultant.

Celle qui ne voulait pas payer ses quatre derniers mois.
Décembre 2020.  Je paie un prix fort pour habiter en chambre dans une maison où je dois garder le silence en tout temps, et où toute visite est interdite.  Puisque le prix de la chambre et du local de l’entrepôt où reposent mes possessions (et où j’ai habité clandestinement pendant tout le mois de juillet de l’année précédente) me coûtent ensemble le prix d’un 4½, je cherche un appartement où je pourrai enfin vivre une vie normale.  Ma copine Mégane m’en trouve un.  Il s’agit d’un très grand logement au prix étonnement abordable, situé tout près de mon nouveau travail.  Je le visite en compagnie de Mégane.  Il est situé en demi-sous-sol.  Grandes fenestrations.  Cinq pièces.  Cuisine et salle à diner séparé par un îlot de travail.  Beaucoup de rangement.  Accès à la cour par une porte patio.  Et, puisque c’est à Saint-Jean-Baptiste, ville agricole, on a droit à superbe vue sur la nature, la forêt, les champs, le Mont-Saint-Hilaire.  Et la meilleure : Ce demi-sous-sol n’est pas situé sous la maison, mais bien sous l’annexe de celle-ci qui sert en partie de garage.  Donc, aucun risque de subir le bruit des propriétaires, ni de les déranger avec le nôtre.  La fille qui y habite y est restée pendant trois ans.  Et là, elle quitte pour aller habiter avec son fiancé qui vient de s’acheter une maison.  Voilà pourquoi elle partira le premier mars.  Mégane, ravie, se voit déjà redécorer la place.  Je le prends.  Mais avant de signer la cession de bail, il me manque juste quelques renseignements pour remplir le contrat.  Nous partons donc en promettant de revenir dans une heure.

En sortant, nous croisons le propriétaire qui revient de travailler.  Nous allons nous présenter, et lui expliquer la raison de notre présence ici.  Le courant passe bien et il semble nous faire confiance.  C’est alors qu’il nous dit :

« Elle vous a bien précisé que c’est un bail de quatre mois ? »
« Bah non !  Mais ça me semble logique, puisque je suppose que son bail se termine le 30 juin, comme tout le monde.  Le prochain bail sera à mon nom. »
« Non !  Il n’y aura pas de prochain bail. Je reprends la place le premier juillet pour y loger mon fils, qui va avoir seize ans. Elle ne vous l’a pas dit ?  Elle cherche quelqu’un pour finir son bail parce qu’elle ne veut pas payer les quatre derniers mois. »

Non, elle ne nous l’a pas dit.  Je ne vais quand même pas aller m’installer à un endroit d’où je serai obligé de déménager de nouveau dans quatre mois.  Bonne chose que le propriétaire s’adonnait justement à passer au moment où nous sommes sortis, sinon cette arnaqueuse me mettait cette charge légale sur le dos.

Payer la moitié, pour occuper le 1/6e
On m’apprend qu’une collègue dessinatrice se cherche un colocataire.  Je visite l’appartement.  Je vois qu’elle possède déjà tous les meubles et électroménagers requis.  Elle occupe donc à elle seule quatre des cinq pièces, en plus du cabanon extérieur.  Elle exige que tout ce que je possède soit entreposé dans ma chambre, et que celle-ci soit fermée et verrouillée en tout temps.  Je dois me débrouiller pour entreposer ma nourriture, car son frigo et garde-manger sont pleins.  Il n’y a pas de place non plus dans ses armoires et tiroirs pour ma vaisselle.  Et aussi, ça serait apprécié que je ne sois pas là lorsqu’elle reçoit son copain, histoire qu’ils puissent avoir leur intimité.

Bref, elle voulait la part financière du colocataire, sans le colocataire.  Là encore, je crois inutile de préciser que je n’ai pas fait la bêtise d’accepter cet arrangement.

Le principe du Bait-and-Switch
Le Bait and Switch est une technique malhonnête qui consiste à annoncer un appartement (d’où bait, l’appât) et à en offrir un autre (d’où switch, changer) au moment de la visite.  J’en ai moi-même vécu quelques-uns.  Voici ceux dont je me souviens. 

L’annonce dit que c’est un 3½ pour $450 dollars.  Je le visite.  La propriétaire me montre un 2½.  Je lui dis que l’annonce parlait d’un 3½.  Elle me répond : « J’en ai un, mais il est plus cher. »

Une autre annonce parle d’un 3½ pour 400$.  C’est bien un 3½, mais il est $500.  Je lui rappelle que l’annonce disait 400.  Il me dit que j’ai mal lu car ce logis a toujours été 500.  Je lui montre l’annonce, disant bien $400, avec photo du building, donc impossible que je me trompe.  Il me baratine alors comme quoi le journal a dû faire une erreur en retranscrivant l’annonce.  Et que ce n’est pas à lui de se faire pénaliser de $100 pour les erreurs des autres.  Étrangement, cette « erreur » persistera pendant plusieurs mois dans les éditions suivantes de ce journal.

Il y a aussi plusieurs proprios d’édifices à logements qui annoncent « 2½, 3½, 4½, à partir de $400 », lorsque tu appelles, il t’annonce qu’il ne lui reste plus que « des 4½ à partir de $600 », et que lorsque tu visites, il ne lui reste plus qu’un grand 4½ à $750.

Je me souviens également ce celle qui avait annoncé un 2½ mais m’a fait visiter un 1½.  Lorsque je lui ai fait remarquer, elle me pointe par terre, montrant que la moitié du plancher est recouvert de prélart et l’autre moitié d’un tapis.  Elle dit : « Ça c’est la cuisine.  Et ça c’est le salon. »

Si un propriétaire se montre aussi malhonnête dès le départ, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit correct si vous acceptez de devenir son locataire.  Alors tout comme moi, il suffit de ne pas commettre la bêtise de prendre ces logements, et vous éviterez ces ennuis.  Car il est inutile d’en dénoncer ces propriétaires malhonnêtes au Tribunal Administratif du Logement.  Tout ce qu’ils vont vous répondre est : « Si vous voyez que c’est une arnaque, c’est à vous de ne pas signer le bail. »  Et ceci laisse ces propriétaires libres de continuer leurs tentatives d’arnaques jusqu’à ce qu’ils arrivent à faire une victime.  Et inutile pour celle-ci de dénoncer ces propriétaires malhonnêtes au Tribunal Administratif du Logement.  Tout ce qu’ils vont vous répondre est : « Si vous avez signé le bail, vous êtes tenus de le respecter.  C’était à vous de faire attention avant de signer. »  

J’avoue que j’ai déjà été tenté de me faire imprimer des cartes d’affaires avec un nom fictif et en ayant comme titre « Enquêteur du Tribunal Administratif du Logement », avec les vraies coordonnées du T.A.L.  Comme ça, à chaque fois que je tomberais sur un/e propriétaire malhonnête, je lui remettrais ma carte en disant : « Nous avons eu quelques plaintes à votre sujet.  C’est pour ça que je suis venu constater par moi-même que ces plaintes étaient bien fondées.  Je vais remettre mon rapport à mon supérieur.  Vous aurez de nos nouvelles bientôt.  Bonne journée. »  Voilà qui devrait l’effrayer un brin et lui faire passer l’envie de recommencer.  Mais bon, étant donné que j’espère à chaque fois que ça sera mon dernier déménagement, je n’imagine jamais que ça puisse me servir.

PROCHAIN BILLET : Il y a un peu plus d’un an, dans la série un câble d’acier ombilical, j’ai donné plusieurs exemples de la bêtise de mes deux parents, et celle de mon père en particulier.  Dans cet ordre d’idées, je ne pouvais pas passer à côté de vous raconter leur dernier déménagement, celui d’avril 2021, un an avant que je coupe les ponts avec eux.  Vous verrez que dans les derniers temps de notre relation, leur bêtise atteignait des sommets qui étaient devenus extrêmement pénibles à endurer.

Une réflexion au sujet de « La bêtise humaine, ça déménage (2 de 3) »

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