RÉSUMÉ: Été 1995. J’ai 26 ans et je passe une semaine sur un terrain de camping en compagnie de ma conjointe Kim qui souffre de jalousie maladive, ainsi que sa meilleure amie, Linda, qui n’a que du mépris pour moi.
C’est le matin du second jour. Ayant toujours été un lève-tôt, je me réveille en premier. Je mets mes lunettes. Je prends mon sac à dos et j’y mets mon savon, une serviette, des vêtements de rechange et mes produits à verres de contact. Sans réveiller Kim, je sors de la tente. Le soleil est levé. Sa brillance en basse altitude fait de très longues ombres. Le ciel est clair, l’air est frais, et le gazon est imbibé d’eau de la pluie que nous avons eu cette nuit. Au moment où je viens pour enfiler mes souliers pour me diriger vers les toilettes et douches publiques, je me fais engueuler par la mégère du terrain voisin à cause que Linda a laissé sa radio jouer toute la nuit. Et en effet, toujours accroché à sa branche d’arbre, il joue encore.
« J’ai pas payé pour me faire gâcher ma semaine à devoir endurer la musique des autres. »
Je pense que c’est inutile de lui expliquer que ce n’est pas moi le fautif. Je vais juste éteindre l’appareil. Plutôt que de le décrocher de l’arbre, j’opte pour la solution expéditive qui est de débrancher la prise de courant. À peine ais-je mis les doigts sur le fil électrique que je sens mon bras se raidir sous une douloureuse sensation de choc électrique. Le fil était imbibé d’eau de pluie, toute comme le gazon sur lequel je suis debout pieds nu. Si je l’avais saisi plutôt que de simplement le toucher, je n’aurais probablement pas été capable de le lâcher et je me serais électrocuté. J’emballe ma main dans une serviette sèche avant de saisir le fil pour l’arracher promptement.
De retour des cabines de douches publiques, je m’installe à la table et je mets mes verres de contact. Kim, Linda et Roger se lèvent presque simultanément. Le temps qu’ils s’habillent, on s’en va déjeuner à la cantine du camping, mais le très piètre rapport qualité/prix de ce déjeuner fait que Roger décide que demain, nous irons plutôt déjeuner dans un petit resto qu’il connait, situé dans un village pas loin d’ici.
Je passe une bonne partie de la journée sur la plage de terre sablonneuse. D’abord, je me baigne avec Kim. Puis, je m’assois par terre et je sors de mon sac ma tablette à dessin. Kim me laisse là en me disant qu’elle retourne sur notre terrain. Je passe les heures suivantes à dessiner le lac, la plage, les terrains, les arbres, les gens… Mon travail attire l’attention de quelques jeunes de dix à douze ans qui passent par là. Ils me complimentent sur mon talent. L’un d’eux me demande:
« Tu me ferais-tu un dessin? »
« Euh… Ok! »
« Fa-moé donc un AK-47. »
« Un quoi? »
« Un genre de mitraillette d’armée. Ou non, tiens, une Kalaschnikov. »
« Euh… C’est que, j’ai jamais dessiné des armes. »
« Ok! Ben dessine-donc une Lamborghini d’abord. »
« Euh… Chus pas spécialistes des chars non plus. Je pourrais bien le faire si j’avais un modèle, mais là… »
« C’est quoi que tu sais dessiner, d’abord? »
« La nature, les gens, les visages. Je peux faire des portraits ou de la caricature. »
« Ok, ben fais-moi donc Paméla Anderson. »
« Euh… Si j’avais un modèle, je pourrais bien la dessiner. Mais là, j’peux pas dessiner quelqu’un de mémoire. Par contre, puisque je vous ai devant moi, je pourrais vous faire vos portraits ou vos caricatures. »
« Naah, laisse faire. »
Sur ce, ils partent, me laissant à mes réflexions.
« Tsss… Ils sont entourés des beautés de la nature, et tout ce qui les intéresse, c’est les armes, les bagnoles pis les gros totons. Y’a pas à dire, la prochaine génération de rednecks québécois est assurée. »
Les heures passent dans l’insouciance, jusqu’à ce que je me sente envahi par quelque chose que je crois être d’abord une fièvre. Je remets mon matériel à dessin dans mon sac et je retourne à notre terrain où se repose Kim en lisant un roman. En me voyant arriver, elle pousse un cri de surprise.
« Calice! T’es rouge comme un homard! »
Ce n’était pas de la fièvre. Je venais tout juste de contracter le plus gros et le plus rapide coup de soleil de ma vie jusque-là. Le front, les joues, la nuque, le dos, la poitrine, les cuisses, les bras… Pour la première fois de ma vie, je me rends compte que c’est vrai, tout ce qu’on nous raconte depuis quelques années au sujet de la couche d’ozone qui s’amincit, et du fait que les rayons UV du soleil sont plus dangereux que jamais. Kim a un tube de crème hydratante, ce qui a un peu soulagé le feu de mes brûlures. Quand je pense qu’à l’époque où j’étais enfant, dans les années 70, on pouvait passer la journée entière au soleil en maillot de bain, sans risques. Et il fallait un soleil de plomb particulièrement intense pour brûler. J’ai passé le reste de la journée habillé et à l’ombre, dans le bois, à boire beaucoup d’eau tout en me sentant fiévreux. Alors que je replace mon col de gilet qui irrite ma nuque écarlate, je constate que, ne serait-ce que physiquement, le soleil aura fait de moi un redneck.
Le soir arrive et le soleil passera ses deux dernières heures caché derrière les nuages, ce qui m’apportera enfin du répit. Je sors du bois et retourne sur le chemin, où le hasard fait que j’y croise immédiatement Linda. Avec un sourire malin, elle me dit:
« Kim te cherche. Elle a què’que chose de ben important à te dire. »
« C’est quoi? »
« Tu vas voir. Enwèye viens-t’en! »
Je retourne donc sur notre terrain, accompagné de Linda. Kim y est. Je l’approche.
« Linda m’a dit que tu voulais me dire un truc? »
« Oui! On a décidé qu’à soir, après minuit, on pourrait aller sur la plage et aller se baigner tout nus tous les trois. »
« Ah bon!? »
Voilà qui est surprenant comme nouvelle. Je ne m’attendais pas à ça. Un truc me tracasse cependant.
« Euh… Tous les trois, tu dis? Pis Roger? »
« Oh, lui il va passer la nuit à jouer aux cartes avec ses chums de gars. Y rentrera pas avant trois quatre heures du matin. »
« Ah bon!? »
Tandis que mon cerveau essaye tant bien que mal de procéder cette proposition pour le moins insolite, je ne suis pas au bout de mes surprises alors que Linda rajoute:
« Pis on s’est dit comme ça que, tant qu’à faire, en revenant d’aller se baigner, si ça te tente, on pourrais finir la soirée en faisant un trip à trois. »
Je ne sais pas ce que je trouve le plus incroyable en ce moment: Le fait que Linda me fasse une proposition pareille, ou le fait que Kim approuve l’idée avec sourire. La situation est tellement irréelle que j’en suis complètement désemparé. Je bafouille un:
« Euh… Vous me prenez au dépourvu, là… »
« Ben là! » Rajoute Linda. « C’est quoi, le problème? Tous les gars rêvent de fourrer deux filles en même temps. On te le propose, là! T’es pas content? »
« Euh… Ben, oui, mais… »
« Parfait! La question est réglée! »
Sur ce, Linda, qui dit avoir déjà mangé, décline de souper en notre compagnie. Je pars donc avec Kim en direction de la longue bâtisse qui sert à la fois de douches, toilettes publiques, cantine-resto, salle de danse, magasin général et bureaux de l’administration. Kim me parle du fait que des représentants de Direction sont passés sur tous les terrains pour annoncer aux gens qu’il y aura un grand party en fin de semaine près de la plage, histoire de financer un organisme de charité quelconque. il y aura des jeux, tirages, concours, et les hot-dogs se vendront exceptionnellement au coût de un dollar pièce au lieu des $2.50 habituels.
« Toi qui adore les hot-dogs, tu vas pouvoir en manger une douzaine si ça te tente. Ha! ha! »
Tandis que nous nous parlons de ces banalités, mon esprit est hanté par le ménage à trois que Linda et Kim m’ont promis pour ce soir. C’est vrai, je l’avoue, tout comme Linda l’a affirmé, j’ai toujours rêvé de pouvoir baiser plusieurs filles en même temps. C’est normal! Je suis un gars de 26 ans avec une libido à tout casser. C’est la raison pourquoi je suis en couple avec Kim. C’était la seule qui avait un appétit sexuel à la mesure du mien. Et non seulement elle me désire sexuellement, elle n’a pas honte de s’afficher avec moi en public, ni ne tient-elle à garder secret notre statut de couple. Il est vrai qu’à ce point-ci de mon existence, je ne suis attrayant ni du visage ni du physique. Avant Kim, des filles qui daignent s’abaisser à avoir une relation avec moi mais qui ont trop honte pour le dire, j’en ai déjà trop eues. Alors si on se demande pourquoi j’ai accepté de sortir avec quelqu’un avec un physique et une personnalité comme la sienne, c’est très simple: Je n’avais pas le choix. C’était le mieux que je pouvais faire, et surtout c’était mieux que rien. Je ne m’attendais juste pas à ce qu’elle lâche un jour la pilule sans m’en parler, juste pour me forcer à rester dans cette relation.
Cependant, il y a deux raisons pourquoi je n’ai pas automatiquement répondu « FUCK YEAH! » à cette proposition de baise avec deux filles qui aiment le sexe autant que moi. La première, c’est bien évidemment Kim. Elle qui m’a toujours soupçonné à tort de vouloir la tromper, elle qui me fait des crises de jalousie pour des riens, voilà que soudainement elle est d’accord pour me partager sexuellement avec une autre fille? Elle qui, hier encore, m’a boudé sexuellement car elle délirait comme quoi je m’excitais sur Linda, voilà qu’elle m’encourage à baiser cette même Linda? Ça n’a aucun sens. Et puis, si elle pense que Linda m’excite alors que je n’ai jamais voulu coucher avec, qu’est-ce que ça va être par la suite si je le fais? Je ne tiens pas à ce que Kim s’imagine que j’ai préféré ça avec Linda, et que ça lui serve de base pour ses crises de jalousies irraisonnables à venir.
Et puis, il ne faut pas oublier non plus ma seconde raison pour ne pas être à l’aise avec cette offre. Cette seconde raison, c’est Linda. Je ne sais pas pour les autres gars, mais moi, personnellement, quand une fille fait tout pour me causer des problèmes, cherche à me rabaisser et prend plaisir à m’insulter, alors je ressens zéro attirance pour cette personne. Et ça inclut sexuellement. Kim est évidemment l’exception puisque nous sommes déjà en couple. N’empêche que cette attitude est loin d’être bandante. Mais pour en revenir à Linda, son soudain désir de me baiser ne colle pas du tout au mépris qu’elle a toujours montré à mon égard. Ça rend la chose incompréhensible, donc encore plus malaisante.
Et il y a un détail tout de même assez important à considérer ici: À chaque fois que Linda nous raconte ses expériences sexuelles, elle dit que pour elle, une bonne baise, c’est se faire défoncer sans ménagement par une très grosse queue. Non seulement n’ais-je pas ce format, « défoncer » n’est vraiment pas le mot que j’utiliserais pour décrire ma manière de baiser. Il m’a donc toujours été évident que Linda et moi sommes incompatibles sexuellement. Puisque Linda a toujours aimé se moquer de moi et me descendre, il faudrait vraiment que je sois stupide d’aller lui donner encore plus de matériel pour me rabaisser.
Enfin, je l’ai toujours dit, 75% de mon excitation sexuelle provient du fait que ma partenaire démontre aimer ce que l’on fait, le désirer, en être excitée. En sachant d’expérience à quel point Kim a en horreur l’idée que je puisse être approché par une autre fille, et en sachant d’avance qu’entre Linda et moi ça va faire patate, l’idée d’un ménage à trois avec ces deux-là n’a rien d’attrayant à mes yeux.
N’empêche que la situation me pose un problème moral de taille: Comment puis-je refuser? Et si, après toutes ces années à voir qu’elle me soupçonnait pour rien, Kim avait décidé de m’offrir ce cadeau afin de se faire pardonner? Pour une fois qu’elle fait l’effort d’être ouverte et compréhensive, ne risque t’elle pas d’être insultée ou bien blessée si je refuse? Ne serait-ce pas l’équivalant de cracher sur ses efforts? Si Kim me l’offrait avec une autre fille, je ne dis pas. Mais avec Linda? Non! Je ne le sens juste pas.
Sur le chemin du retour du resto, à la nuit tombée, Kim relance le sujet.
« Roger devrait partir dans une heure. À ce moment-là, on va mettre nos maillots pis on va commencer à aller vers la plage. »
Je réalise que je ne peux plus remettre le sujet à plus tard.
« Ouain, euh… À propos de ça… »
« Oui? »
« Pour être franc, je ne suis vraiment pas à l’aise avec ça. »
« Avec çaaa? »
« Ben, la baignade tout nus avec Linda. Pis le trip à trois après. »
« Ah non? »
« Non! Vraiment pas! »
Kim garde le silence. Comme je le craignais, j’ai l’impression que mon refus la déçoit. Aussi, je m’explique.
« Écoute, je suis sincèrement désolé. J’apprécie que tu ais essayé de me faire plaisir. Je suis reconnaissant que tu ais voulu faire cet effort-là. Je comprends que t’as voulu me combler sexuellement en m’offrant ça. Mais voilà, moi chus déjà comblé, puisque t’es toujours partante pour baiser. Fa que non, sérieusement, là, chuis juste pas à l’aise avec l’idée de faire ça. C’était bien gentil mais t’aurais dû me consulter avant. Ça t’aurais évité d’embarquer Linda là-d’dans. »
« C’est correct! Y’a jamais été question de baignade tout nus, pis encore moins d’un ménage à trois. »
« Hein? »
Je m’attendais à tout sauf à cette réponse-là. Kim précise sa pensée.
« C’était juste pour te tester. Je voulais voir si t’avais envie de fourrer Linda. »
Extérieurement, je reste impassible. Intérieurement, par contre, je suis scandalisé. Non seulement parce qu’elle n’a jamais été sincère en m’offrant le rêve sexuel de presque tout homme hétéro, elle ne cherchait qu’à me prendre en défaut. Et elle l’a fait avec la complicité de Linda. Ça ne devrait pas me surprendre. Non seulement Linda cherche toujours à me rabaisser, elle est toujours à essayer de convaincre Kim d’échanger sa vie de couple stable contre une vie libertine comme la sienne. Alors en sachant à quel point Kim est soupçonneuse, possessive et jalouse à mon égard, quoi de mieux que d’essayer de jouer là-dessus en provoquant elles-mêmes la situation d’adultère. S’il le faut, en me faisant hypocritement accroire qu’elles sont d’accord.
Et moi, pauvre cave naïf, non seulement y ai-je cru, j’ai sincèrement pensé qu’elle pourrait être blessée de mon refus. Quand je pense que j’étais à deux doigts de lui dire qu’avec une autre fille que Linda, par contre, je voudrais bien le faire. Une chance que je n’ai pas eu le temps de lui faire cette précision. En tout cas, je vois au moins un point positif qui ressort de ce test.
« Ah ben tant mieux! Comme ça, au moins, maintenant, tu sais que Linda ne m’attire pas. »
« Ça veut rien dire! Tout c’que ça prouve, c’est que ça t’tentes pas de fourrer Linda en ma présence. Ça ne me garantit rien pour le reste du temps quand chuis pas là. »
Je ne la crois pas, celle-là. Même quand je lui donne la preuve ultime de ma fidélité, elle trouve quand même le moyen de tordre les faits afin d’en faire une preuve d’adultère potentiel.
« Pourquoi tu m’as fait passer ce test-là, d’abord, si c’est pour continuer de me soupçonner, même si je l’ai réussi? Sérieux, là, quand une fille encourage son chum à coucher avec une autre fille, pis que même dans ce temps-là ça ne lui tente toujours pas, ‘me semble que c’est une preuve comme quoi il est fidèle. »
« Un gars fidèle, c’est comme le Père Noël: Quand tu y crois pis qu’t’es un adulte, faut que tu sois attardé mental en tabarnak. »
Mais qu’est-ce que c’est que ce raisonnement aussi haineux qu’irréaliste?
« Euh… Regarde, là! Ça fait quatre ans qu’on sort ensemble. ‘Me semble que si j’avais déjà voulu te tromper, tu t’en serais rendu compte. Surtout de la façon que t’as à toujours me surveiller. Veux-tu ben m’dire pourquoi c’est si difficile pour toi de croire que je puisse t’être fidèle? »
« Un gars fidèle, ça n’existe pas. Les gars se divisent dans deux catégories. Il y a ceux qui trompent leurs blondes. Et il y a ceux qui trompent leurs blondes, mais qui cachent bien leurs jeu. »
Je garde le silence, mais intérieurement je soupire. Décidément, quoi que je dise, quoi que je fasse, rien à faire pour lui faire entendre raison. On peut seulement raisonner avec des gens raisonnables.
FIN DE LA SECONDE JOURNÉE
La suite demain.
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