Depuis environ un mois, je correspondais avec Daisy, femme de 50 ans de la rive Nord de Montréal. Et malgré les 800 km qui nous séparent, l’attirance entre nous était palpable. Ce n’était pas que physique. Sans pour autant être tombés en amour, on s’est trouvés des traits de caractères assez semblables pour nous permettre de tisser des liens assez profonds.
Comme j’en ai parlé à plusieurs reprises dans ce blog depuis sa création, il n’y a que deux relations de couples à long terme qui ont vraiment compté pour moi, Karine et Flavie, avec qui j’ai été ami avant, pendant et après notre période couple et colocataires. Et je crois sincèrement que ça vient du fait que, tout comme moi, ce sont des artistes. Et il se trouve que Daisy fut autrefois designer pour une compagnie de jouets. Elle m’a montré de son travail. Ses dessins et sa couleur sont époustouflants. Son art égale le mien, le dépasse même. De là à penser que j’ai enfin trouvé mon match parfait, il n’y a qu’un pas. Un que nous franchirons peut-être, qui sait, lorsque l’on se rencontrera dans deux semaines, alors que j’aurai à faire à Montréal.
Entretemps, à ma grande déception, est arrivé un Red Flag. Et c’en était un que je ne pouvais pas ignorer.
Il y a trois mois, j’ai posté ici un billet qui s’intitule « Hostie qu’t’es con ! » ou: Le Red Flag qui ne trompe jamais. J’y démontre qu’à chaque fois que j’ai eu une personne dans mon entourage qui m’a traité de con de façon joyeuse et en riant, dans 100% des cas, cette personne était condescendante, rabaissante, et avait comme opinion de moi que je lui étais inférieur. Chose qu’elle démontrait en ne m’accordant aucune crédibilité et encore moins de respect. Et à tout coup, sans la moindre exception, ça a évolué en relation qui fut pour moi abusive et toxique. Ayant appris la leçon, je ne tolère plus le manque de respect, surtout si celui-ci se pointe au début de la relation.
Or, en réponse à une de mes blagues, Daisy m’a envoyé un message vocal dans lequel elle disait « Ha! Ha! Ha! Hostie qu’t’es con ! » … Soit exactement le Red Flag en question. Mot pour mot.
Ma déception était terrible. Parce que jusque-là, à part un petit problème de compréhension ou trois datant de nos premiers jours, le courant passait à merveille entre nous deux. J’ai même interrompu la rédaction de mon manuscrit pendant deux jours pour la soutenir moralement alors qu’elle passait à travers une terrible épreuve. Et j’ai su l’aider et la conseiller, en lui faisant prendre conscience de certaines choses qu’elle n’avait jamais pris en compte. Elle m’en était tellement reconnaissante que je me suis dit que logiquement, en retour, elle pourrait bien accepter de ne plus jamais me traiter de con lorsque je la rend joyeuse.
Malgré tout le respect qu’elle disait avoir pour moi, elle ne voulait pas en entendre parler. Toute sa vie, elle a toujours traité de cons les gens qui l’entourent. Et toujours, c’était dans un contexte humoristique. Ce mot était pour elle l’équivalent de drôle, amusant ou comique. Même si ce mot est reconnu et utilisé en tant qu’insulte dans tous les peuples francophones de la planète, il reste qu’elle s’obstine à dire que ce n’est pas son cas à elle. Et que c’est donc à moi de ne pas en prendre ombrage lorsqu’elle me qualifie de con.
Je l’ai donc envoyé lire mon billet de blog, afin qu’elle apprenne les expériences que j’ai vécues avec ceux qui me qualifiaient de con en riant, pour qu’elle comprenne mon point de vue sur le sujet. Apparemment elle a compris, car après lecture elle m’a écrit ceci :

Effectivement, elle a arrêté. Enfin, si on veut.
Durant les douze jours qui ont suivis, à chaque fois que je disais quelque chose pour la faire rire, j’avais droit à ceci :





Cinq commentaires qui peuvent tous se traduire par « Je veux te qualifier de con, mais tu l’interdis. » Donc, même si je lui ai demandé d’arrêter, elle continue de le faire. De façon détournée, mais elle le fait.
La raison de son obstination, c’est qu’elle ne considère pas que le mot con est une insulte. Ce qui signifie qu’à ses yeux, elle n’a aucune raison d’arrêter de me le lancer, donc que je dois accepter de le recevoir. C’est l’équivalent de te permettre de rentrer de force des arachides dans la gorge d’une personne allergique, juste parce que TOI tu ne l’es pas.
Puisqu’elle refuse de respecter ma limite, elle ne me laisse plus le choix.
« Tu sais parfaitement que je ne tolère aucun manque de respect.
Je ne vois pas pourquoi c’est à ce point-là important pour toi, de me répéter aussi souvent que tu me traiterais de con, si ce n’était pas du fait que je te l’interdis. Mais à chaque fois que tu me fais ça, ça reste l’équivalent de me traiter de con. Le fait que tu me le dises en sous-entendu, ça ne change rien au fait que tu me le dis quand même
J’ai été très patient. Personne ne peut dire le contraire. Mais là j’ai atteint ma limite.
Je ne pense pas t’avoir jamais manqué de respect. Mais peut-être que je me trompe.«
Sa réponse n’a pas tardé
« Je vais me permette d’être franche. Tu as mis ta limite, oui. Je t’ai expliqué mon point de vue par rapport à ce mot qui pour moi n’est pas un manque de respect, mais plutôt une mauvaise habitude « dans le parler ». Dans mon entourage, je traite tout le monde de con et ça n’a aucune connotation négative, ni manque de respect, JAMAIS.
Je suis désolé de ne pas avoir respecté ta limite. Par contre pour ma défense, tu as joué à ça ! Toujours à trouver la blague pour me faire répliquer ce mot.«
Voilà un discours qui est assez similaire à celui d’un homme qui commet du harcèlement sexuel. Il s’en justifie en disant que c’est l’autre qui l’a provoqué.
« Je suis en période de recherche de simplicité, et notre manque dans notre communication me cause des maux de tête. Je n’ai aucune amertume de ce que nous avons vécu mais cela devient trop lourd pour moi. Je suis en quête de légèreté et je dois constant surveiller mes mots, mon vocable, comment je dis les choses… ça m’ajoute de la charge mentale.«
Tu me fucking niaises ?
Tout ce que je lui demande, c’est de ne pas me traiter de con lorsque je la fais rire. Et elle réagit avec l’équivalent de OMG TU M’OBLIGES À SURVEILLER CHAQUE MOT DE CHACUNE DE NOS CONVERSATIONS AVANT QU’ILS SORTENT DE MA BOUCHE, TU M’IMPOSES TELLEMENT TROP DE PRESSIOOOON!!! À l’entendre, on pourrait croire que le fait de l’empêcher de me traiter de con fait de moi une personne toxique.
Sur ce, elle termine son message sur ces mots:
« Merci d’avoir été là! Je te souhaite une belle continuité! Malheureusement, comme je n’aime pas ce que je te fais ressentir (et que ça n’a jamais été mon intention), je mets fin à nos discussions. On s’est parlé de vive voix, tu as pu ressentir que je n’ai jamais eu de mauvaises intentions, mais tu continues de croire que j’en ai, à toujours me ramener ça.«
Il est plus simple pour elle de foutre notre relation en l’air que de s’abstenir de m’insulter. Et jamais elle ne va se remettre en question. Toujours, elle se qualifiera de bonne personne, sans malice ni intentions malveillantes. Je veux bien croire que c’est l’intention qui compte. Un enfant qui donne du chocolat à un chien ne le fait pas dans le but de le tuer. Il cherche à le rendre heureux. N’empêche qu’après ça, le chien est mort. Est-ce que ça lui donne le droit de continuer de donner du chocolat aux chiens ?
Est-ce que j’en demande trop ?
Imaginons que j’aurais passé mon enfance à subir des agressions sexuelles d’un homme qui commençait toujours ses assauts en me disant « Bonjour ! » Et qu’à cause de ça, je ne puisse plus supporter que l’on me dise bonjour. Je pourrais comprendre que les gens auraient de la difficulté à respecter ma limite, puisque ce mot n’est ni une insulte ni une agression. En fait, ce serait à moi de suivre une thérapie, afin d’accepter d’entendre ce mot sans me sentir attaqué.
Mais ici, on parle du mot CON. Une insulte ! Je veux bien croire que dans un certain contexte, il peut être utilisé pour remplacer des mots comme drôle, amusant ou comique. Mais c’est justement ça, mon point : Pourquoi ne peut-elle pas remplacer le mot con par drôle, amusant ou comique ? Contrairement au mot bonjour, elle a le choix. Il y a plusieurs autres mots qui conviennent beaucoup mieux à ce qu’elle veut me dire lorsque je la fais rire. Mais sur lequel porte-t-elle obstinément son choix ? Sur celui qui peut blesser. Et ce, en toute connaissance de cause. Et elle refuse d’arrêter.
Dans les années 70, 80 et 90, j’ai utilisé à plusieurs reprises le mot-qui-commence-par-N. Ce n’était pas par racisme. Ça faisait juste partie de mon vocabulaire. En fait, pas juste du mien. Ne dit-on pas d’une personne vaillante qu’elle travaille comme un n**** ? Combien de fois a-t-on entendu Normand Brathwaite dire n**** à la radio ou à la télé ? En sa compagnie, lors d’un Bye-Bye de fin d’année, François Pérusse n’a-t-il pas parodié la chanson L’Aigle Noir en N**** Noir ? Du côté littéraire, le livre Les n***** blancs d’Amérique est considéré comme étant le meilleur document québécois sur les conditions de vie des années 1960. L’un des romans classiques d’Agatha Christie se nomme Dix petits n*****. Et que dire de Dany Laferrière, avec son roman devenu film, Comment faire l’amour avec un n**** sans se fatiguer. Et puisque l’on parle de littérature, n**** est le mot utilisé pour parler d’un ghost writer, c’est à dire personne qui rédige anonymement un livre qui sera publié sous le nom d’un autre auteur.
Malgré ça, on me dit que je ne dois plus utiliser ce mot parce que les gens concernés le considèrent comme une insulte. Est-ce que j’ai revendiqué mon droit de le dire quand même, en me justifiant du fait que ce mot étant un synonyme pour noir, ce n’est techniquement pas une insulte ? Me suis-je obstiné en disant que moi, personnellement, je n’ai jamais utilisé ce mot pour rabaisser ou blesser qui que ce soit ? Ben non ! Les individus concernés m’ont dit que pour eux, ce mot était malvenu. Alors j’ai tout simplement cessé de l’utiliser. Parce que je respecte leurs limites. Parce que c’est la chose décente à faire.
Alors en quoi serait-ce si difficile de faire pareil pour le mot con, qui EST une insulte ?
Je dois avouer que les derniers mots qu’elle m’a écrit ont fait naitre du remors en moi. Elle déplore que je la juge comme étant une mauvaise personne, ce qu’elle n’est pas. Avais-je vraiment raison ? Est-elle vraiment dans le tort ?
Et puis, j’ai considéré la chose objectivement :
- Je revendique mon droit au respect.
- Elle revendique son droit de me manquer de respect.
Alors finalement, est-ce une si mauvaise chose qu’elle ne fasse plus partie de ma vie ?
À CONCLURE