Quand l’intérêt ne comporte PAS de date d’expiration.

AVERTISSEMENT.  Puisque la réalité n’a que faire de la rectitude sociale, certains termes utilisés dans ce texte vont probablement choquer certaines âmes sensibles.

Comme on dit au Québec, cette année, je pogne! 
J’ai d’abord plu à Noémie, jeune femme de 25 ans.  Puis à une seconde Noémie, au gym, dans la mi-trentaine. Parallèlement, une de mes collègues de travail a eu un sérieux coup de foudre pour moi.  Mais celle-là, Pierrette, en avait 60.

Il suffirait de presque rien 25 à 35 ans de moins
Pour être honnête, malgré son âge, Pierrette n’était pas si mal fichue.  Elle avait gardé un corps mince et en forme.  Si on lui mettait un sac de papier sur la tête, on pourrait certainement croire qu’elle a 20 ans.  Mais comme vous l’avez compris en lisant la phrase précédente, c’est au niveau du visage que son âge est évident.  Et aussi dans sa voix, rauque comme si elle avait fumé toute sa vie.  Ceci, et le fait que je ne connais rien à son sujet, explique qu’elle ne fait naitre en moi aucun intérêt pour elle.

Pierrette a commencé à travailler à la résidence en avril, tout de suite après le fiasco de ma relation avec Noémie, celle de 25 ans.  Ce matin-là, nous allions lever, laver, habiller et installer un résident.  Alors que l’on commençait nos soins, celui-ci m’a demandé :

« C’est-y ta femme? »

Amusée, Pierrette lui répond :

« Ben oui! Stéphane et moi, on vient de se marier, même si ça fait juste deux heures qu’on se connait. »

J’entre dans la blague en ajoutant :

« Ouais, et j’ai dû abuser du champagne, parce que je ne me souviens pas du tout de la nuit de noces. »

Pour le reste de la journée, à chaque fois que l’on croisait un collègue, et à chaque résident assez éveillé cognitivement pour comprendre, Pierrette répétait :

« Hey !  Savais-tu que Stéphane et moi, on est mariés ? »

Rendu à midi, je commençais à être un peu moins à l’aise avec cette blague qui, selon moi, n’aurait pas dû sortir de la chambre du résident qui m’avait posé la question.  Voilà pourquoi j’ai cessé d’ajouter ma remarque au sujet de la nuit de noces.  J’expliquais plutôt que c’était un résident qui avait présumé ce matin que nous étions mariés.

Au bout de deux semaines elle continuait de répéter ça à qui voulait ou non l’entendre. je commençais à trouver ça lourd.  Il y a une raison pourquoi on dit que les blagues les plus courtes sont les meilleures.  C’est là que j’ai eu l’impression que l’idée que nous soyons en couple ne devait pas lui déplaire.

Un soir, elle arrive derrière moi, agrippe l’arrière du col de mon uniforme en en vérifie l’étiquette.  Elle s’explique en disant qu’elle me verrait bien dans un gilet de marque Polo jaune moutarde.  Et là, devant moi, sur son téléphone, elle le commande sur Amazon.  Surpris, je proteste.  Et c’est là qu’elle m’exprime le second indice de son intérêt pour moi :

« Je suis comme ça.  J’ai toujours aimé habiller mes hommes. »

C’est mieux que de me déshabiller, je suppose.  J’insiste quand même pour le lui rembourser sur livraison.

Dans les jours qui suivent, nous ne nous voyons presque plus.  Nos horaires cessent de correspondre, alors que nos heures et sections assignées divergent.  Mais un début d’après-midi, alors qu’elle travaillait dans une autre section de la résidence, elle vient me rejoindre.

« Est-ce que tu voudrais m’accompagner à un mariage? »
« Pas le nôtre, j’espère !? »
« Ha! Ha!  Non!  T’sais, la préposée, Danyka ?  C’est ma nièce.  Elle va se marier le 31 août avec son chum, notre collègue, Jasmin.  Lison aussi va venir, c’est sa demoiselle d’honneur. »
« Attend un peu.  Je vais consulter mon horaire. »

Je prends mon agenda.  Et comme je me souvenais, ce jour-là, je travaillerai à temps double, de 7 :00 le matin jusqu’à 23 :00.  Heureux d’avoir une bonne excuse pour décliner, je le lui montre. 

Pour moi, l’affaire est réglée.  Mais pas pour elle.  Elle insiste.  Elle me dit que je devrais demander congé, et que de toute façon je travaille déjà trop.  Mais je refuse.  Mon horaire de travail, c’est sacré. Surtout que, payé à temps et demi, un double équivaut pour moi à $500 clair sur mon chèque de paie.  Je ne cracherai certainement pas là-dessus pour accompagner une femme qui ne m’intéresse pas à un événement dont je n’ai rien à cirer. J’ai toujours gardé ma vie sociale et ma vie professionnelle séparée, et ce n’est pas pour elle que je vais déroger de cette règle. 

Après qu’elle insiste une fois de trop, je lui dit sèchement :

« Et c’est toi qui va me la rembourser, ma paie à temps-et-demi que je vais perdre cette journée-là? »

Avec un petit sourire, elle se contente de rouler des yeux avant de retourner dans sa section.

Deux jours plus tard, elle me rejoint pour me demander :

« Et puis ?  Est-ce que tu as demandé congé pour le mariage ? »

Étant donné que je lui ai déjà dit non plusieurs fois l’avant-veille, je commence à trouver qu’elle insiste lourdement.  Je trouve cependant l’excuse parfaite.

« C’est impossible !  Ce jour-là, Ta nièce va être absente, son fiancé va être absent, sa demoiselle d’honneur va être absente, et toi tu seras absente.  On manque déjà de personnel, c’est la raison pour laquelle je fais régulièrement des 64 à 80 heures par semaine.  Avec vous quatre qui seront absent, je ne peux certainement pas m’absenter aussi.  Surtout sur deux quarts de travail. »

Et je la laisse sur place, allant m’occuper d’un résident dans sa chambre.

Le lendemain, elle revient me voir.

« Je viens d’aller voir Marie-Jeanne. »

Marie-Jeanne, c’est ma patronne immédiate, ma chef de département.  C’est elle qui s’occupe, entre autres, de mon horaire.

« Je suis allé lui demander de te donner congé pour le 31 août.  Mais elle m’a dit que si tu veux avoir ton congé, il va falloir que tu ailles le lui demander toi-même. »

Ces paroles me frappent comme une gifle.  Là, elle va trop loin.  L’une des nombreuses raisons pourquoi j’ai renié mes parents il y a plus de deux ans, c’est parce qu’ils ont toujours fait en sorte de me faire perdre mes emplois en venant y foutre la merde.  Alors je ne vais certainement pas accepter ça de la part d’une vieille peau désespérée qui n’a aucun respect de mes limites, au point où c’en est devenu du harcèlement. 

Je file droit vers le bureau de Marie-Jeanne, à qui je me confonds en excuse, en lui disant que Pierrette avait mal compris mes intentions, et que dans les faits je ne demande aucun congé.  Évidemment, ma patronne veut comprendre la situation. Je me vois donc obligé de lui raconter l’invitation de Pierrette, et son insistance face à mon refus.  Ce qui me contrarie sans bon sens, puisque je déteste mêler vie privée avec vie professionnelle.  C’est en fulminant que je ressors du bureau et retourne dans ma section.  Pour constater que Pierrette est retournée dans la sienne.  Ce qui lui évite de recevoir ma façon de penser.

Pour les deux semaines qui suivent, je ne revois plus Pierrette.  Pas même sur les horaires des différentes sections.  Ce qui me porte à croire qu’elle ne travaille plus pour la résidence.  Tant mieux si c’est le cas.  Je m’abstiens de poser des questions à ce sujet à sa nièce Danyka, au cas où ça puisse être interprété comme étant un signe d’intérêt de ma part. Étant donné la négativité des sentiments que j’ai pour elle, ça serait extrêmement contreproductif.

Pierrette II, le retour.  Cette fois, c’est personnel.
Un début d’après-midi, voilà Pierrette qui réapparait dans ma section.

« Allo Stéphane.  J’ai quelque chose pour toi. »

Elle me remet un colis.  C’est le chandail Polo jaune moutarde qui a fini par arriver.  Tandis que j’ouvre le paquet, Pierrette me caresse doucement les cheveux et me susurre :

« Je suis contente de te revoir.  Tu m’as beaucoup manqué, tu sais! »
« Euh… Ça doit bien faire deux semaines que je ne te voyais plus ici.  Je pensais que tu ne travaillais plus. »
« Je ne suis plus préposée.  Mais je viens de me faire réembaucher, cette fois en service privé. »

Le service privé consiste à faire de la surveillance, assis dans le corridor, devant la chambre des résidents qui peuvent avoir un comportement dangereux envers les autres et/ou eux-mêmes.  Je ne le savais pas à ce moment-là, mais peu après que j’ai été obligé de raconter mes ennuis à ma patronne, Pierrette a été convoqué au bureau de la direction.  La piètre qualité de son travail a été évoquée pour mettre fin à son contrat.  Et j’ai l’impression que se mêler de mes affaires n’a pas dû aider sa cause.  On pourrait croire qu’elle en aurait tiré une leçon.  Malheureusement…

« Et puis ?  Est-ce que t’as réussi à avoir congé le 31 août ? »

Ironiquement, oui, entretemps, j’ai obtenu congé pour cette date.  Mais c’est pour pouvoir participer à l’exposition Couples Artistes qui va se dérouler les 30 et 31 août ainsi que le 1er septembre, au Manoir Rouville-Campbell de Mont-Saint-Hilaire.  Aussi, sans lui préciser le comment du pourquoi, je lui montre mon agenda.

« Comme tu vois, j’ai pris toute la semaine, trois jours avant cette date et trois jours après. »

Décidant qu’il était temps d’en finir pour de bon avec elle, j’ajoute :

« Étant donné que nos horaires ne correspondent pas, donne-moi donc ton numéro de téléphone.  Ça va faciliter les choses pour la planification. »

C’est toute heureuse qu’elle me le donne, avant de repartir faire sa surveillance.

15 :00, je termine mon quart de travail.
15 :14, j’entre chez moi.
15 :16, j’ouvre mon ordi.
15 :17, j’ouvre Word et je lui prépare un texte court, droit au but.
15 :41, je le lui copie-colle, un paragraphe à la fois.

Eh oui ! J’ai utilisé la ruse toute féminine de m’inventer une relation afin de la décourager pour de bon de m’approcher. Étant donné qu’elle n’a accepté aucun de mes refus, ce n’est pas comme si elle m’avait laissé le choix.

Alors voilà, problème réglé.  Au moment d’écrire ces lignes, je ne l’ai pas revue depuis à la résidence.  Je suppose que si, comme je l’imagine, elle ne s’était fait réembaucher que dans le but de se rapprocher de moi, alors ma réponse fit qu’elle n’avait plus aucune raison d’y rester.

De cette mésaventure, j’aurai au moins tiré un joli gilet jaune moutarde.  Dommage que ce ne soit, au bout du compte, qu’une imitation de Polo.

En avril dernier, je publiais une série de trois billets intitulés L’intérêt d’une femme vient avec une date d’expiration.  Je racontais qu’à six reprises dans ma vie, je n’avais pas répondu à temps aux avances de jeunes femmes qui pourtant m’intéressaient.  Par conséquent, leur intérêt pour moi a disparu pour de bon.

Or, dans mon dernier billet, celui qui précède celui que vous lisez en ce moment, je parle de Nathalie.  À 50 ans, elle m’a démontré s’intéresser à moi.  Et moi, dans l’espoir qu’elle comprenne que ce n’était pas réciproque, j’ai passé deux ou trois mois à jouer au nigaud trop cave pour comprendre.  Tout en ne démontrant moi-même aucun intérêt autre qu’amical pour elle.  Mais tout comme avec Pierrette, j’espérais pour rien, puisque l’intérêt de Nathalie envers moi n’avait PAS de date d’expiration.

Pourquoi l’intérêt de certaines femmes vient avec une date d’expiration et d’autres non?  Je pense que l’indice principal se trouve dans leurs descriptions physiques.

Océane. 18 ans.  Très belle.
Daniella. 19 ans.  Très belle.
Noémie.  25 ans.  Très belle

Tandis que…

Pierrette. 60 ans, avec le visage qui le démontre.
Nathalie.  50 ans.  Obèse.  Divers problèmes de santé. Le corps et le visage ravagé par une vie d’abus d’alcool, drogues, cigarettes, et accident de la route.

Le premier groupe est constitué de belles jeunes femmes.  Quand un gars n’en veut pas, elles peuvent aisément passer au candidat suivant.  Grâce à leur jeunesse et leur beauté, elles ont des options.  Ce qui n’est malheureusement pas le cas du second groupe.

C’est triste pour elles, mais c’est ça quand même.

Laissez un commentaire