Un ménage qui était dû depuis longtemps

Aujourd’hui, à six semaines de mes 56 ans, le bilan de mon existence se résume en un seul mot : Liberté.

Il y a deux ans, j’ai amorcé le plus grand ménage de ma vie. Tel que mentionné dans la série de billets Un câble d’acier ombilical, j’ai renié ma famille. Au cours des mois qui ont suivi, j’ai également coupé les ponts avec toutes les autres personnes toxiques de mon entourage. Pour faciliter la chose, je suis allé refaire ma vie à 750 km de là, en Gaspésie, un endroit où je n’avais jamais mis les pieds. J’y occupe un travail que j’aime dans lequel j’excelle, où mes collègues et la direction m’apprécient.

Je garde toujours mon appartement à Saint-Jean-Baptiste comme adresse officielle. Ça me permet d’être dans la catégorie Travailleur en région éloignée, ce qui m’apporte des primes assez intéréssantes, comme l’essence remboursée, le logement gratuit près de mon travail et un per diem alimentaire, $70 quotidien, qui s’ajoute à mon salaire. Et tant qu’à avoir un logement vide, je permet à mon ex-beau-frère Lucas d’y habiter. Pendant un an, nous nous partagions la facture du logis, ainsi que la location du sous-sol pour y ranger nos affaires en surplus car il n’y a pas assez de place dans mon 3½ pour nos possessions réunies.

À la fin d’avril dernier, en retournant chez moi, j’ai été pris d’un grand sentiment de découragement en regardant mes possessions. Tous ces livres que je ne lis plus parce que je les connais par cœur, ou parce que j’y ai perdu intérêt.  Mon système de son qui m’avait coûté un mois de salaire il y a onze ans, et que je n’ai pu utiliser qu’un an puisque je n’ai jamais eu assez de place dans mes logements suivants pour l’installer. Mes fournitures d’art, que je garde car ça fait quinze ans que je me promet qu’un de ces jours, je vais me remettre à la peinture. Ma collection d’antiquités, qui transforme mes appartements en musée. Mon meuble de machine à coudre Singer de 1900 qui ne sert que de décoration et pèse trois tonnes. Mon équipement sportif dont je ne me sers jamais. Tout ce que j’en fais, c’est les déménager d’une place à l’autre depuis des décennies. Ça prend du temps.  Ça prend des efforts. Ça prend de l’argent. Et ça n’arrête jamais car je n’arrive jamais à trouver la stabilité.

Toute ma vie, j’ai mis le focus sur l’idée d’accumuler des avoirs pour ma future maison.  Or, la réalité économique actuelle fait que, rendu à 55 ans, même avec mon salaire, je ne pourrai jamais m’en payer une.  Et surtout, depuis mon itinérance de 2020, je le sais bien au fond que je n’en veux plus.  L’idée d’avoir une maison, c’est devenu pour moi l’équivalent d’être cloué sur place, être restreint, emprisonné.  Ce que je veux, c’est être libre, mobile, profiter à fond du fait que mon agence de placement en santé me permet de voyager, travailler et habiter partout au Québec et dans le Grand Nord.

Et ça, ça signifie que tout ce que j’ai là, dans cet appartement et ce sous-sol, ce n’est plus à moi. Ça appartenait à celui que j’étais.  Je ne suis plus cette personne. Par conséquent, ces objets ne sont plus que des encombrements qui me tiennent attachés à un passé mort que j’aurais dû enterrer il y a longtemps. Des boulets aussi lourds qu’inutiles que je traine avec moi. Partout. Sans cesse.  Pour rien. 

Et c’est là que j’ai décidé que c’était terminé. Je vais me débarrasser de mes affaires. Non pas en les donnant ou en les vendant. Mais en les envoyant directement aux poubelles ou au recyclage. J’ai pris le temps d’y réfléchir adéquatement pour être sûr que je ne le regretterai pas.  Mais je me souviens qu’en décembre dernier, j’ai jeté ma collection complète de disques 33 tours et 45 tours, puisque je ne les écoutais plus depuis au moins dix ans.  Et là, quatre mois plus tard, je ne le regrettais toujours pas. 

De toute façon, ce n’est pas ma première purge.  Il y a une quinzaine d’années, j’avais donné tous mes comic books américains.  Plus tard, à la veille d’un déménagement, j’ai donné ou vendu mes magazines de musique et de BD, incluant ceux dans lesquels j’ai été publié dans ma jeunesse. Est-ce que ça me manque? Pas le moins du monde. Et lorsque je suis parti de Montréal pour aller à Sherbrooke il y a six ans, ce fut plus d’une centaine de Graphic Novels qui se sont retrouvés dans des boutiques de livres seconde main.  Et en arrivant à Sherbrooke, je ne compte plus le nombre de boites de livres et BD que j’ai donné à la charité.  Est-ce que je m’ennuie de tout ça ?  Du tout ! Je ne me souviens même plus du trois quart d’entre eux.

Pour les 48 heures qui allaient suivre, je jetterai des dizaines de milliers de dollars en biens matériels. Livres, bandes dessinées, publications diverses, mes CD, ma collection d’antiquités, mes films et séries sur DVD et VHS, mes fournitures d’art, mes meubles, mes souvenirs de famille, les jouets de mon enfance, mes albums de photos, ma télé, mon système de son. C’est 90% de mes possessions disparaitront ainsi à tout jamais.

Je garderai cependant certaines choses utiles, comme ma tablette graphique, mon laptop, mon lit, mon congélateur. Les seules antiquités épargnées par cette purge ont rapport à ma page Autour du Mont-Saint-Hilaire d’autrefois. Et je garde mes bibliothèques, afin d’y ranger les seuls livres qui ont encore pour moi une valeur sentimentale, comme ma collection de Pif Gadget, mes albums de Spirou.  Et, sacrilège ultime aux yeux de tout bon collectionneur de BD : de ma collection complète de quarante albums d’Achille Talon, je n’en garderai que huit, envoyant les autres au recyclage. Parce que, pensons-y sérieusement… S’il n’y a que ceux-là que j’aime, qu’est-ce qui m’oblige à garder les autres? La réponse est simple : RIEN !

Que je garde tous ces objets inutiles, ou bien que je m’en débarrasse, ça ne change rien en ce sens que de 1, je ne m’en sers pas. Et de 2, c’est déjà de l’argent que j’ai perdu. En faisant ceci, je reprends mon espace et je fais une croix définitive sur le passé.

Les possessions qui me restent sont retournées au même entrepôt où je logeais clandestinement lors de mon itinérance de 2020. Non seulement Lucas et moi n’avons plus besoin de louer le sous-sol, il peut maintenant entreposer ses affaires dans mon ancienne chambre. Et puisque je n’ai plus rien dans mon logis, Lucas me paie maintenant le loyer complet. Ce qui signifie que je me suis débarrassé de plus de $1000 de loyers contre $130 d’entrepôt.

Désormais, je n’accumulerai qu’une seule chose : l’argent.  De l’argent qui sera bien mieux investi sur moi, sur mes voyages et sur mes expériences de vie, que dans des possessions inutiles. De l’argent qui m’a libéré d’un autre boulet que je trainais depuis trop longtemps : mes dettes. En regardant mon relevé bancaire ce matin, jamais je n’ai été aussi heureux d’y voir autant de zéros.

Le résultat d’un an et neuf mois à vivre modestement.

Un autre grand ménage que j’ai fait se situe au niveau de mon corps. Tel que mentionné il y a quelques billets de ça, j’ai passé les trois premiers mois de l’année à me soumettre à une diète végétarienne qui m’a fait perdre 36 lb / 16 kg. Puis, je suis revenu à une alimentation variée riche en protéines. Car le poids que j’ai perdu en gras, je travaille intensément au gym à le gagner en muscles.

Je pense que je ne fais pas mes quasi-56 ans.

Ce ménage, j’aurais dû le faire il y a longtemps. Mais comme dit le proverbe, mieux vaut tard que jamais. Et ça me fait un bien fou. Car dans toutes les facettes de ma vie, jamais ne me suis-je senti aussi léger.

2 réflexions au sujet de « Un ménage qui était dû depuis longtemps »

  1. Je suis actuellement dans un processus similaire. Je pense que mon intérêt pour la bd, les films et la musique était une forme de replie sur moi dû à une famille toxique comme la tienne.

    Il est beaucoup plus intéressant de cumuler les expériences de vie et de faire de véritables connexions avec les gens que d’acumuler du matériel qui finit par être ressenti comme un boulet à la cheville.

    Félicitation pour avoir réglé toutes tes dettes! Ce n’est pas une mince affaire! Cheers!

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