Sans pour autant le crier sur tous les toits, je n’ai jamais caché le fait que depuis ma plus tendre enfance, j’ai l’ambition de devenir une personnalité publique. Je vais laisser les psychologues débattre au sujet de ma supposée enfance malheureuse et des carences psychologiques qui ont fait de moi un pauvre malheureux dépendant affectif en quête d’attention et d’approbation afin de compenser les complexes causés par la taille de son pénis, et passer au sujet principal de cet article.
Il y a plusieurs façons d’attirer l’attention:
- La façon accidentelle, qui est due au hasard. Genre, tu as été mêlé(e) à quelque chose de gros hors de ton contrôle.
- La façon légitime, par ton talent, ton intelligence, ton humour.
- Et puis, pour ceux qui veulent à tout prix se faire remarquer, il y a la façon facile: Dire et faire n’importe quoi, pourvu que ça choque le plus grand nombre de personne possible. Et la raison pourquoi c’est la façon facile, c’est tout simplement parce que déplaire a toujours été plus facile que plaire.
11 décembre 2009, St-Lin Laurentides, 9 :00 am. En compagnie d’une douzaine d’autres, je suis dans le bus aux couleurs des XXIes Jeux olympiques d’hiver, sponsorisé par la RBC et Coca-Cola. Nous faisons partie des douze mille coureurs qui vont se relayer la flamme à travers le Canada, avant que celle-ci arrive à Vancouver le 12 février suivant pour marquer le début des jeux olympiques d’hiver de 2010.
Quelques mois plus tôt, j’avais répondu à une publicité de la RBC dans laquelle ils recherchaient des volontaires pour faire partie du relai de la flamme. Le questionnaire demandait la raison pour laquelle nous tenions à participer, et en quoi nous pouvions être un exemple pour la communauté. J’ai répondu que, jusqu’à l’âge de 39 ans deux ans plus tôt, j’avais toujours été un sédentaire qui se souciait peu de sa santé, et que je me suis finalement pris en main à l’âge de 40 ans. Courir en portant le flambeau olympique deux ans plus tard démontrerait qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à prendre soin de soi et de s’améliorer.
Puisque l’on pouvait choisir notre date de participation, j’ai demandé le 11 décembre. À ce moment-là, la flamme passera à St-Lin Laurentides. C’est loin de Montréal mais tout de même accessible. J’ai choisi cette date en l’honneur de Karine, alors ma conjointe. D’abord parce que c’est sa date d’anniversaire, mais aussi parce que cette année-là ça faisait 10 ans que nous étions ensemble. C’était ma façon de célébrer cet événement, tout en lui montrant que j’étais toujours aussi amoureux d’elle. Ou, comme disent les anglos, that I was still carrying the torch for her.
Ma candidature a été approuvée. J’ai passé les semaines suivantes à m’entrainer. Un mois avant la course, je prends des pics de moi, histoire de me vanter sur Facebook de mon nouveau physique d’athlète.
Et deux semaines avant la course je recevais par la poste le colis tant attendu: Mon kit de coureur:
Maintenant, dans le bus avec les autres candidats qui se relayeront la flamme à travers St-Lin, je me fais accoster par le coureur qui va me précéder. Il me suggère que, au moment où il va me passer le flambeau, nous fassions une petite danse synchronisée avant de mettre nos torches en contact. Je refuse! D’abord, je ne vaux rien en danse, encore moins synchronisée. Mais surtout, cet événement signifie beaucoup pour moi et pour mon couple, alors je prends cette cérémonie au sérieux. J’ai beau vouloir me faire remarquer, ce n’est pas une raison pour le faire de façon ridicule.
Le bus me débarque au coin où je dois attendre mon prédécesseur. Mes parents viennent me rejoindre. Karine est quelque part, hors de vue, à prendre des photos et à filmer. Une… euh… Sainte-Linotte (comment appelle-t-on les résidents de St-Lin?) vient me voir et demande si elle peut se faire prendre en photo avec moi. J’accepte avec joie. Malgré le venteux -20°C qu’il fait en ce moment, c’est je genre de chose qui fait chaud au coeur.
Peu après, un officiel vient ouvrir la réserve de gaz dans le manche de ma torche. Le coureur arrive. Il me demande une dernière fois si j’ai pensé à une chorégraphie. Je réponds que non. Nos torches se touchent, la mienne s’enflamme, je me retourne, je salue au hasard puisque je ne sais pas où est Karine, et c’est parti pour mon segment de trois-cent mètres de course en portant fièrement le flambeau olympique. Deux hommes courent avec moi. Ce sont des agents de la GRC, et des marathoniens d’expérience. Ces dernières années, trop souvent des passants en mal de publicité ont tenté d’éteindre la flamme. Leur travail est de la protéger.
Tandis que je cours, je constate que mon segment passe par dessus un pont qui enjambe une petite rivière. Tout marathoniens qu’ils sont, il suffirait que je bifurque brusquement et lance ma torche dans l’eau, jamais ils n’auraient le temps de m’en empêcher. En quelques minutes, une partie de la vingtaine de gens qui me filment mettraient leurs vidéos sur Facebook et YouTube. En une heure, les images de mon geste auraient fait plusieurs fois le tour de la planète. Le lendemain, les journaux de presque tous les pays du monde en parleraient, certaine d’entre eux en couverture. Tout le monde connaitrait mon nom. Tout le monde saurait qui je suis. Mon visage cesserait d’être anonyme. Enfin, le rêve de ma vie serait réalisé. Je deviendrais une personnalité publique, et ce à l’échelle planétaire.
Mais voilà; je suis un auteur, un illustrateur, un blogueur, un scénariste, un bédéiste. C’est dans ces domaines-là que je veux me faire connaître. Et si j’ai à me faire connaître, je veux que ce soit pour des raisons positives. Pour mon talent. Pour mon humour. Pour mon imagination. Si je balance la torche à la flotte, aux yeux du monde, je ne serai rien de tout ça. Je ne serai rien rien d’autre que celui qui a balancé la torche à la flotte.
C’est sûr, ce geste pourrait me valoir un bon million de fans à travers le monde. Mais quel genre de fans, au juste? Des anarchistes? Des haters de tout ce qui est événement populaire? Des maigres/gros/faibles qui ont toujours été nuls en sports à l’école et qui regardent avec haine tout ce qui est compétition physique? Est-ce que je veux vraiment devenir une icône pour ces gens-là? Est-ce que je suis d’accord pour représenter tout ce que je ne suis pas, juste parce que, en ce moment, pour la seule et unique fois de ma vie, je tiens littéralement dans ma main le moyen le plus rapide et le plus efficace de me faire connaître partout à travers le monde?
La réponse est non! Je préfère bien faire et rester anonyme que d’être connu pour avoir mal fait.
Voilà pourquoi, même si l’idée m’est venue en tête tandis que je courais sur le pont, jamais la tentation de le faire ne m’a le moindrement effleuré. J’ai poursuivi ma course et, au bout de mes trois cent mètres, j’ai utilisé ma torche pour allumer celle de mon successeur, et j’ai fièrement assisté à la poursuite de son chemin.
Le destin m’a offert une opportunité unique de sortir de l’anonymat, et c’est sans regret que je l’ai déclinée. Je n’aurai jamais un million de gens qui m’admirent pour avoir ruiné le relai du flambeau olympique. Par contre, ce que j’ai eu, c’est une dizaine de personnes qui ont été fières de moi pour avoir contribué à sa bonne marche. Non la moindre était Karine, celle pour qui je l’ai fait.
Et ça, avoir la reconnaissance et l’approbation de gens proches, des gens qui comptent vraiment pour nous, ça vaut toutes les gloires publiques qui ne sont toujours, de toutes façons, que bien éphémères.
Perfect, tu as mis en avant les questions que pour ma part je me serai posé a ta place.
Du même genre que la fois ou j’étais allé au concert du champ-de-mars un 14 juillet, public donc, je m’étais demandé « mais il suffirait que j’ai une bombre pour faire un max de victimes.. »
Les moments ou l’on se dit qu’il aurait été facile d’attirer l’attention.
Bon déjà, pour la bombe c’est un peu mal barré la célébrité du macabé.
Mais en général il s’agit de la popularité néfaste. Comme les gens qui provoquent sur facebook pour faire parler. Ou Cortex. Ou le JT de 2o H.
Et puis, quelle belle expérience que tu racontes la !
J’aimeJ’aime