Le Talent, ce concept mal compris

Dans la tête de la majorité des gens, le talent divise la population en deux catégories : Ceux qui en ont, et ceux qui n’en ont pas. Peu importe la discipline, que ce soit le dessin, la mécanique, la cuisine, l’écriture ou les arts martiaux, ça se passe toujours de la même façon. En utilisant ce dernier sujet comme exemple, on va commencer avec…

Comment ça se passe pour LES GENS SANS TALENT

ÉTAPE 1 : La décision La personne a un jour décidé qu’elle voulait devenir ceinture noire de karaté.

ÉTAPE 2 : L’apprentissage La personne s’inscrit à des cours de karaté.

ÉTAPE 3 : La pratique Elle sera peu portée à pratiquer en dehors de ses heures de cours car elle trouve ça chiant, en plus qu’elle n’est pas assez disciplinée pour pratiquer seule.

ÉTAPE 4 : L’expérience Éventuellement, si elle persiste à suivre ses cours, l’expérience finira par s’accumuler et elle deviendra karatéka de niveau acceptable. Mais elle ne dépassera jamais une certaine limite et n’atteindra jamais la ceinture noire convoitée.

Nous venons de voir comment ça se passe d’habitude pour la majorité des gens qui se donnent un but dans la vie: Beaucoup de patience pour obtenir un résultat positif, certes, mais qui reste bien en dessous de leurs attentes. Et ici, je parle de gens qui n’abandonnent pas en cours de route.

Pourtant, ceux qui arrivent à la ceinture noire sont tout de même innombrables. Voilà pourquoi les gens disent « Ben oui mais c’est pas pareil. Y’a du talent là-dedans, lui. Moi j’en ai pas. » Et en effet, peu importe la discipline, il y en a toujours qui ont de meilleures aptitudes que d’autres pour réussir. Et vous savez pourquoi ? C’est parce que les étapes à travers lesquelles ils passent sont différentes. 

Comment ça se passe pour LES GENS AVEC TALENT

ÉTAPE 1 : Avoir une passion Déjà enfant, il se découvre une passion pour la karaté. Il lit tout ce qu’il peut trouver sur le sujet. Il regarde tous les films d’arts martiaux. Il passe son temps sur le net à chercher textes, images et vidéos de karatéka en action.

ÉTAPE 2 : la pratique Sans que personne ne le pousse à le faire, il commence, par lui-même, à se pratiquer. Loin de trouver ça chiant, il y passe des heures et des jours et des semaines et des mois sans jamais s’en lasser. Normal : Il aime ça !

ÉTAPE 3 : l’apprentissage Oui, ici, l’apprentissage vient après la pratique. Parce que c’est une chose de savoir faire du karaté, c’en est une autre de savoir le faire correctement. Il va donc prendre des cours, histoire d’apprendre les trucs, les méthodes, les disciplines, les styles. Bref, la vraie façon de faire.

ÉTAPE 4 : l’expérience L’apprentissage des règles de cet art, combinée avec sa passion qui ne le font jamais arrêter de pratiquer, font qu’il passe à travers les étapes et les ceintures dans le temps de le dire. Non seulement il atteint rapidement la ceinture noire, il atteint 2e dan, 3e, dan, et même plus haut.

Vous voyez la différence?  Non? Alors laissez-moi vous la pointer plus clairement:

  • La personne avec talent ne s’intéresse qu’à son travail. La personne sans talent me s’intéresse qu’à la récompense du travail.
  • La personne avec talent est passionnée par son travail. La personne sans talent est ennuyée par son travail.
  • La personne avec talent travaille autant qu’elle le peut, et ce par plaisir. La personne sans talent travaille autant qu’il le faut, et ce par obligation.
  • La personne avec talent est plus enthousiasmée, donc passe plus de temps à son travail, donc s’y améliore rapidement. La personne sans talent manque d’enthousiasme, donc ne passe à son travail que le temps qu’il faut, donc ne s’y améliore que lentement.

Donc, forcément, la personne avec talent progresse beaucoup plus vite et va beaucoup plus loin que celle sans talent. Parce que c’est ça, le talent: C’est la conséquence d’avoir une passion infinie pour ce sur quoi on travaille, passion qui nous pousse à s’y consacrer le plus souvent possible.

Hélas, dans la tête de la majorité des gens, avoir du talent, c’est avoir une facilité naturelle à réussir quelque chose non seulement du premier coup mais aussi toutes les fois suivantes.  Cette croyance est non seulement stupide, elle est totalement irréaliste. En fait, ils confondent talent avec super-pouvoir.

Je ne peux plus compter le nombre de mes amis, passés ou présents, qui ont fait cette erreur et qui ont abandonné une discipline dans laquelle ils avaient pourtant la capacité de réussir. Mais voilà, dès qu’ils se sont rendus compte qu’ils avaient encore des choses à apprendre dans le domaine, ils sont arrivés à la conclusion erronée qu’ils n’avaient pas ce qu’il faut pour réussir, et ils ont préféré abandonner, en croyant qu’ils perdaient leur temps.

Et c’est encore pire dans le domaine des arts. La population générale a toujours vu l’artiste comme un paresseux qui gagne des millions à faire quelque chose qui demande peu d’efforts : Peindre une toile, écrire une chanson… Il existe d’ailleurs une amusante parabole au sujet de Pablo Picasso. Je ne sais pas si c’est un fait réel ou une légende urbaine, mais la leçon que l’on peut en tirer n’en est pas moins pertinente. Ça va comme suit :

Un jour, un homme reconnaît Picasso dans la rue. Il va le voir, se présente et lui demande de lui faire un petit dessin. Picasso s’exécute. En une minute, il lui fait son petit dessin. Puis, il remet le dessin à l’homme et lui demande un million (de pesetas, soit environs $8 500.00 dollars canadiens)
« QUOI? Un million? Mais ça vous a pris juste une minute pour faire ce dessin. »
« Peut-être, répondit l’artiste, mais j’ai pris cinquante ans pour apprendre à le faire en une minute. »

Alors pour ceux qui pensent que c’est facile d’être un artiste à succès, que c’est facile d’avoir du talent, sachez que vous n’y connaissez rien. Peu importe la discipline, que ce soit le dessin, la mécanique, la cuisine, l’écriture ou les arts martiaux, on ne devient talentueux qu’à partir du moment où on a un nombre incalculable d’heures de travail et de pratique derrière soi. Parce que le talent, ce n’est pas quelque chose que l’on a au début. C’est au contraire le résultat final.

Et pour ceux qui pensent que, parce que quelqu’un a le talent qui lui apporte la facilité et la rapidité dans son travail, ça signifie qu’il ne mérite pas d’être payé, vous êtes encore plus dans l’erreur. Le talent, ça s’obtient par l’expérience. L’expérience, ça vient à force de travail. Et le travail, ça se paye!

7 réflexions au sujet de « Le Talent, ce concept mal compris »

  1. Je suis temporairement sorti de mon exil net-esque afin d’écrire ce billet pour un ami qui semble sur le point de commettre une erreur parce que, comme la majorité, il a une idée erronée de ce qu’est le talent.

    J’aime

  2. J’ai vu des gens sans grand talent naturel travailler plus fort qu’une autre personne ayant un don pour la musique mais ne voulant pas travailler pour « grandir », s’améliorer. Parce qu’assise sur ses Laurier. Résultat la personne plus disciplinée a pu se développer tandis que l’autre a stagné et n’évolue plus. Malgré le talent, je crois en une alliance avec de la discipline pour atteindre ses objectifs. Je suis une bohème rationnelle, une flyée concrète…Une artiste cartésienne quoi.

    J’aime

  3. Disons que le terme « talent » est assez galvaudé et souvent limité à la sphère artistique (alors qu’il n’y a pas vraiment de bonne raison), et en général assimilé à « don, facilité », ce qui n’est pas le cas de « savoir-faire » ou « compétence », qui eux impliquent clairement la notion de travail ou d’entraînement pour y arriver (« talent » serait donc plus proche de ces deux termes-là que de « don » ou « facilité »). On oublie souvent de mentionner que les enfants prodiges sont aussi prodigieux par leurs capacités de travail. On ne peut pas non plus nier que le don existe et qu’à travail égal, tout le monde n’arrive pas au même résultat. Mais on peut dire aussi que la passion est aussi un don, en quelque sorte.

    Aimé par 1 personne

  4. Cela dit, avoir un intérêt réel dans un domaine mais pas au point d’y consacrer tout son temps (par exemple si on a plusieurs autres centres d’intérêt et qu’on a tendance à « butiner »), et reconnaître ses limites (y compris les limites de sa passion et du talent qui peut en résulter), c’est un choix tout aussi acceptable s’il est assumé (cf. l’expression « jack of all trades, master of none »).

    J’aime

Laissez un commentaire