Nous voilà en juin 2023. Voici quelques mois que Lucas occupe mon appartement. Le fait que je possède déjà tous les meubles et électroménager requis lui convient parfaitement, puisqu’il n’en possède pas.
Désireux de respecter mon espace privé, il n’utilise pas ma chambre à coucher. Il aménage plutôt la sienne dans mon minuscule salon. Il installe un rideau pour séparer la pièces de la cuisine-salle-à-diner.
Lorsque je reviens pour l’un de mes congés d’entre mes contrats de travail, je constate que malgré toute la science de l’ordre et du rangement dont Lucas fait preuve, la place est un peu congestionnée par ses sacs et ses boites. Je songe d’abord à lui offrir de l’espace dans le placard (Pardon : le local commercial) qui me sert d’unité de rangement au sous-sol, sous l’escalier de la coiffeuse. Mais celui-ci est déjà presque rempli à capacité.
Deux options s’offrent à nous. La première serait de louer ensemble une unité de rangement à Libre Entreposage Beloeil. Ça ne coûterait que $130 par mois. Mais je ne pourrais pas pour autant casser mon bail commercial. Ce $80 que je paie pour l’occuper porterait la facture totale à $210. De plus, l’entrepôt est situé à 16 km de chez moi. Et de toute façon, pour faire de l’espace à Lucas, je dois moi-même enlever de l’appartement la majorité de mes possessions. Mon placard commercial ne me convient donc plus.
L’autre option serait de contacter le propriétaire et de lui demander si je peux louer de nouveau mon premier local au sous-sol, le faux suite B, maintenant devenu officiellement le sous-local 2 auprès de Postes Canada. Celui-là est plus cher. Il me coûtait $250 l’an dernier.
J’en parle à Lucas. Il préfère l’option 2. Il nous sera effectivement plus pratique d’avoir nos choses à portée de la main, plutôt que de devoir faire 32 km aller-retour. Surtout dans son cas, où il bricole son automobile régulièrement pour s’éviter des frais de garagistes. Il a donc intérêt à avoir ses outils et ses pièces au sous-sol. Et puis, là aussi, on séparera la facture du loyer en deux. J’accepte.
Comme je connais le propriétaire, il n’a certainement pas digéré ma victoire contre lui et sa tentative d’augmentation abusive d’il y a trois mois. Je m’attends donc à ce qu’il augmente le loyer de mon ancien local. Et cette fois, il sera légalement dans son droit de le faire. Ce n’est plus la continuation d’un bail déjà amorcé. C’en est un nouveau.
Je lui écris. Je prends la peine de lui préciser qu’il s’agira d’un transfert de bail commercial, et non d’une location supplémentaire. Je ne tiens pas à payer deux locaux en plus de l’appartement.
Avec les taxes, ça montera la facture à $350, soit $100 de plus que l’année dernière. Ce qui signifie que, comme je l’avais prévu, il se venge. Il y a trois mois, je lui ai fait perdre $13 dollars d’augmentation mensuelle. Il m’en colle donc $80. Mais comme on dit en Europe, c’est de bonne guerre. Ou au Québec, c’est chien mais c’est légal. Je ne proteste donc pas. Et puis, qui sait… Il est tellement arnaqueur qu’il m’aurait probablement imposé ce $80 même si j’avais accepté son augmentation de loyer résidentiel. Alors pour ce que ça change.
Détail que j’avais oublié de préciser dans les deux billets précédents : oui, depuis le début, louer un local commercial au sous-sol vient avec internet, électricité et chauffage inclut dans le prix. C’est avantageux, mais ce n’est pas par générosité. Le fait est que le propriétaire ne pouvais juste pas faire autrement. À l’époque où il ne déclarait pas ses pièces au sous-sol comme étant cinq unités commerciales, elles n’avaient pas cinq adresses indépendante. Celles-ci ne pouvaient donc pas avoir chacune son compte d’électricité auprès d’Hydro-Québec. Et même si maintenant chaque adresse existe, aucune pièce ne possède son propre système électrique indépendant. Elles partagent donc toutes le même compte électrique, et sont toutes chaufées par le même système central.
Quant au Wi-Fi, qui est celui de la coiffeuse, je suppose qu’il ajoute ça pour attirer la clientèle. Parce qu’au sous-sol, depuis que le vendeur de hamacs est parti, il n’y a plus que le salon de bronzage et moi. Les trois autres pieces sont vides.
Une semaine plus tard, un message de mon proprio.
Ah bon? Je dois imprimer moi-même le nouveau bail commercial, et l’annulation du bail précédent? Il n’a pas d’imprimante? Est-ce qu’il est si pauvre que ça?
Une vilaine idée qui me passe par la tête me fait sourire. Je repense à ce citoyen de Russie qui a reçu par la poste un documents de la part de sa banque, lui proposant une carte de crédit. L’homme a réécrit le document en changeant certaines clauses. Entre autres qu’il n’aurait jamais à payer de frais à sa banque s’il est en retard dans ses paiements. Et surtout, que si la banque décide d’annuler son contrat, elle devra verser à cet homme 24 millions de roubles, soit l’équivalent d’un million de dollars canadien. Il a ensuite signé et a retourné le document à la banque. Celle-ci signa à son tour, sans prendre la peine de relire le document. Elle en fit des copies, qu’elle renvoya à l’homme.
Deux ans plus tard, l’homme paya sa carte en retard. La banque lui chargea des frais. L’homme ressortit sa copie du contrat. Il leur montra que ce document, signé par la banque, interdisait les frais de retard. La banque réalisa qu’elle s’était faite avoir. Mais puisque le contrat avait été approuvé et signé, elle dût céder. Elle annula ensuite le contrat. L’homme put alors poursuivre sa banque pour un million de dollars. Comme quoi il faut toujours lire un contrat avant de le signer, même lorsque l’on croit savoir ce qu’il contient.
Pendant quelques secondes, je me dis qu’effectivement, lorsqu’il viendra me signer ce nouveau bail, le propriétaire ne va en signer que la dernière page, sans relire le document entier. Je n’aurais qu’à changer le coût du loyer et le remettre comme à l’année dernière, à $215 + taxes, donc $250. Hey, je pourais même le descendre à $80, comme mon placard. Ça lui ferait une bien mauvaise surprise lorsqu’il recevra mon premier paiement, et une encore plus grande en relisant le bail. Et même s’il irait protester au TAL (Tribunal Administratif du Logement), il ne pourrait rien faire. Un bail est un contrat. En le signant, les deux parties affirment l’avoir fait en toute connaissance de cause.
Mais bon, si cette idée m’amuse, jamais je ne suis tenté de le faire vraiment. La principale raison qui me permet de tenir tête au propriétaire, c’est à cause qu’il est menteur. Par conséquent, j’ai toujours la vérité de mon côté. C’est ce qui l’oblige à se plier devant la loi. Et ce n’est que là qu’il cesse d’insister. Si j’ai recours à des procédés malhonnêtes contre lui, je n’aurai peut-être plus la loi de mon côté. Par conséquent, je perdrais cet avantage.
J’imprime donc ces documents, sans les modifier. En deux exemplaires, un pour lui, un pour moi. Il passe chez moi et on les signe.
Cinq semaines plus tard, je constate que je n’ai plus de Wi-Fi. Ce n’est pas la première fois que la connexion cafouille. Dans ce temps-là, il me suffit d’aller au salon de coiffure, puis débrancher et rebrancher le modem. Mais cette fois, en consultant la liste des réseaux disponibles, je constate que le nôtre n’y est plus. J’écris à la coiffeuse.
Elle me dit ensuite un truc qui m’étonne à propos du Wi-Fi.
Le lendemain, elle me revient avec ceci.
Comment ça, « le Wi-Fi n’est pas compris dans la location » ? Je loue en bas depuis deux ans et trois quart, et j’ai toujours eu internet en prime. D’ailleurs, le proprio m’a dit que ce serait inclus lorsque je louerais de nouveau mon ancien local. Et comme on l’a vu plus haut, j’ai le texto pour le prouver à la coiffeuse.
En fait, mieux que ça : je vais prendre mon bail, scanner la page où sont inscrits ce qui est inclus au loyer, et l’envoyer à la coiffeuse. Comme ça, elle va arrêter de prétendre que…
Non?
C’est pas vrai?
Ah, le salaud! Ah, l’enfoiré! Ah, le fumier! Il ne lui suffisait pas d’avoir eu sa revanche sur moi pour lui avoir tenu tête. Il ne lui suffisait pas de me charger $100 de plus que l’année dernière. Il ne lui suffisait pas d’avoir réussi à me faire accepter ce prohibitif 32% d’augmentation sans que je puisse protester, parce que tout ça était légal. Il fallait en plus qu’il me mente et m’arnaque.
Serieusement, faut-il avoir une personnalité profondément malhonnête pour tricher, alors que l’on gagne déjà dans tous les aspects légaux !?
Incroyable!
Et je n’ai aucun recours légal. Un bail est un contrat. En le signant, les deux parties affirment l’avoir fait en toute connaissance de cause. Comme quoi il faut toujours lire un contrat avant de le signer, même lorsque l’on croit savoir ce qu’il contient.
Et moi, le cave, je ne l’ai pas lu. Je l’ai imprimé moi-même, avec ma propre imprimante, dans mon propre appartement, et je ne l’ai même pas lu.
LE PROPRIÉTAIRE M’A ÉCRIT LUI-MÊME DE LES LIRE AVANT DE LES SIGNER, ET JE NE L’AI PAS LU, BOUD’VIARGE!!!
J’aurais dû le lire. J’aurais dû en modifier le texte. J’aurais dû rétablir tout ce qui était inclus. J’aurais même dû en rajouter. Et j’aurais dû baisser le coût du loyer à $0.99 pour lui faire payer ses magouilles, dans tous les sens du terme.
Voilà deux ans et trois quart que cet homme me prend pour un con. Et là, il vient de le prouver. Pour m’être laissé avoir de cette façon, il fallait vraiment que je le sois.
Tu peux rire, bonhomme. Cette manche-là t’appartient. Je vais payer le Wi-Fi sans rien dire. Mais j’ai bien retenu la leçon. Attend l’année prochaine, quand reviendra le temps de négocier les baux. Je te réserve une surprise ou deux.
Et cette fois, je resterai extrêmement méfiant sur tout ce qui lui sortira de la bouche et/ou du clavier.
À CONCLURE






