N’y a t-il que 3 genres de femmes humoristes?

La semaine dernière, je suis allé voir un show d’humour. Et vous savez quoi? J’ai été déçu.  Non pas parce que le show était plate. Au contraire, les différents rigolos qui se sont suivis sur scène étaient tous amusants. Non, ce que j’ai trouvé décevant, c’est que je me suis rendu compte qu’en 30 ans, les choses n’ont pas tellement évolué. Alors que les humoristes masculins ont plusieurs styles variés, les humoristes féminins par contre ne se classent majoritairement que sous trois catégories.

Commençons par les différentes catégories hommes:

Le grassouillet dans la trentaine en train de devenir chauve, en T-shirt noir et blue jeans : Le genre qui est trop vieux pour encore suivre la mode des jeunes, mais encore trop jeune pour s’habiller en vieux, d’où ce look classique indémodable.  Lui va généralement raconter une anecdote vécue, que ce soit vrai ou non, dans lequel il a eu l’air cave.

Le pouilleux: Mal rasé, mal coiffé, mal habillé, généralement maigre et jeune.  Il nous livre sa vision du monde d’un point de vue de BS qui rabaisse tout plus bas que lui.

Le beau bonhomme chic et soigné. Lui, il faut s’attendre à ce qu’il tente sa chance comme acteur, chanteur et animateur radio et télé. Il ne voit l’humour que comme la façon la plus rapide pour se faire connaître et parvenir à ses fins.  Il ne rira jamais de lui-même et rarement des autres, c’est plus le genre à utiliser la formule du « Avez-vous déjà remarqué que… ».  Calme, bougeant peu, en total contrôle de soi, c’est le genre d’humoriste qui n’est pas là pour faire rire de lui.

L’imitateur. Lui, il n’a même pas besoin d’être drôle. Tant qu’il imite à la perfection une personnalité connue, le public va le trouver bon et il aura droit à des applaudissements

Le gars à personnages : Ce sont généralement eux-autres les plus drôles, parce que cachés derrière un personnage, ils peuvent se permettre de faire toutes les pitreries et dire les pires conneries. Ce sont généralement les favoris du public.  Le seul problème, c’est que quand un public accroche à un personnage, il est difficile ensuite pour l’humoriste de faire autre chose.

L’humoriste à message social : Généralement, il n’est même pas drôle.  Son monologue n’est qu’un long éditorial parsemé ici et là de petites remarques sarcastiques qui ne font rire que parce qu’ils détonnent d’avec le reste de ses paroles.  Pour le reste, ça a l’air profond et songé parce que c’est un sujet sérieux dans un show d’humour, mais on n’a qu’à y penser quelques minutes pour réaliser que ses arguments ne tiendraient pas la route dans un vrai débat sérieux.

L’absurde : Amusant au début parce que original.  Mais dès qu’on a compris qu’il dit n’importe quoi, on finit vite par s’en lasser. Bien que l’absurde ait sa place dans un show collectif, il ne peut pas faire tout un spectacle en ne se tenant qu’à ce style. Les billets coutent assez cher, on préfère encore voir un show dans lequel on va comprendre ce que le gars va nous dire.

L’utilisateur de formule : Look ordinaire et non-remarquable. Enfile en chaine les sujets de différentes couleurs comme si c’était des M&M en les changeant à toutes les trois minutes : Il va commencer à parler de ses nouveaux souliers, avant de parler de déjeuners, de voyages, de drogués, d’études, de cruising bars, de sa blonde, de pneus de tracteur et de restaurants.  Histoire de donner l’impression que tout est relié, il utilisera la règle de trois : En parlant de drogués et de sa blonde, il fera référence à un détail qu’il a déjà parlé dans le bout des voyages. Enfin, il conclut en disant que le restaurant lui a servi un steak qui goûtait la semelle comme ses nouveaux souliers, ce qui relie le sujet de la fin avec le sujet du début, ce qui apporte un sentiment de boucle bouclée.

L’ethnie. En tout début de carrière, il va nous faire le classique « Heille, manne, c’pas facile être noir au Québec! » /  « Heille, manne, c’pas facile être asiatique au Québec! » /  « Heille, manne, c’pas facile être arabe au Québec! » …  S’en suit une anecdote dans lequel il nous met à sa place, alors qu’il a été confronté à la stupidité et au racisme québécois.  Bon thème pour un monologue ou deux.  Mais on ne peut pas se bâtir une carrière là-dessus, ça finit par lasser.

Quant aux femmes, à quelques rares exceptions près,  elles ne se classent généralement que dans 3 catégories suivantes :

La Chick : Puisque c’est une chick, elle va essayer de briser les clichés associés à son look en évitant les sujets comme le maquillage, le magasinage, la séduction. Elle parlera plutôt de sa relation avec sa mère. Elle va ensuite raconter une anecdote personnelle familiale, le genre que toutes les femmes ont vécu dans leurs vies.  Elle va parler de sexe. Mais attention : Elle le fera de façon crue comme un bûcheron. Enfin, elle va parler des caves qui l’abordent et la draguent, dénonçant la chose, devenant le porte-parole de toute femme ayant déjà vécu cette situation.

La Grassette : Puisqu’elle a 40 lbs de trop pour ressembler à la chick, elle pense que personne n’est supposé la trouver belle et sexy. Elle va donc essayer de briser ce cliché qu’elle est la seule à croire, en se permettant de parler de sujets comme le maquillage, le magasinage, la séduction. C’est parce que tout ce qui est « comportement superficiel d’une salope » chez une chick devient automatiquement « comportement admirable d’une femme à l’aise dans sa peau et sa sexualité » chez une grassette.

La Grosse : Le genre à s’être un jour dit : « Tant qu’à faire rire de moi, aussi bien que ça me rapporte. En plus que ça va me permettre de me défouler en riant des autres, pour faire changement. » Ses sujets : Son poids, le fait que c’est difficile de magasiner du linge à sa taille, le fait que les gars l’approchent en pensant que les grosses sont toutes des cochonnes, les différents emplois ennuyants qu’elle a eu, son couple, le fait que son conjoint est un mâle typique, donc un épais maladroit avec quand même de bonnes intentions sinon elle ne serait pas avec lui, ses enfants et les problèmes qu’ils lui causent, et, évidemment, son fils ado qui est un grand cave molasson qui est tellement ridicule d’agir / penser / parler / s’habiller comme tous les ados de son âge.

Parce que non, étrangement, en humour, les femmes sont très peu portées à avoir un personnage. Leur sujet favori reste encore et toujours elles-mêmes. Et chacune, dans la majorité de leurs numéros, passent le même message à leur public :

Le message de La Chick : Je suis une fille intelligente, forte et fonceuse. Bref, je suis votre perception de La Grassette, mais 40 lbs en moins.

Le message de La Grassette : Je suis sexy, je prends soin de moi, je suis belle, je suis attirante, j’aime les hommes et le sexe. Bref, je suis votre perception de La Chick, 40 lbs en plus.

Le message de La Grosse : Tout l’monde sont caves, la vie est une longue suite de déceptions, faut faire avec, mieux vaut en rire, et tout ça ne m’arrive que pour une seule raison : Parce que j’ai toujours été grosse. Bref, je suis ma perception de ce que seraient La Chick et La Grassette si elles additionnaient leurs poids.

Triste constat!  Il faut dire que dès le départ, il y a peu de femmes en humour.  Et c’est normal: Nous vivons dans une société dans laquelle seul l’homme a le droit d’être ridicule.  Et dans un monde où le simple fait de rire d’une femme est suffisant pour se faire coller l’étiquette de macho misogyne insensible et immoral, il ne faut pas s’étonner si on ressent du malaise à voir une femme essayer d’être drôle.

2 réflexions au sujet de « N’y a t-il que 3 genres de femmes humoristes? »

  1. Pour celui au message social, je ne suis pas sûr que je tripperais à en voir en direct dans un bar, considérant que je peux me mettre à faire de l’écoute active quand j’en vois un à la télé qui dit trop n’importe quoi à mon goût, donc face à lui avec trois pintes dans le corps…risque de malaise. J’aime beaucoup la satyre…quand c’est bien fait.

    Sinon, une autre catégorie, celui qui s’inspire de ses origines ethniques. Est généralement noir ou arabe. Pour l’instant, c’est une recette encore efficace, considérant que les sujets potentiels sont relativement vastes (le fait d’être une minorité visible et/ou ethnique, avoir immigré si ça s’applique, les différences culturelles, etc) et pas encore surexploités.

    Quand tu parles de personnages, est-ce que tu parles de personnages avec noms et costumes et tout le tralalère ou bien un personnage plus invisible à la Yvon Deschamps?

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  2. Ping : Provoquer la haine comme excuse préventive. | Mes Prétentions de Sagesse

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