10 choses que j’ai apprises en tant que gars hétéro qui a couché avec une lesbienne (3 de 3)

Voici la première partie de ce récit.
Et voici la seconde.

Quelques années se sont écoulées.  Ma relation de couple d’alors s’est terminée en bons termes.  Elle a pris fin pour des raisons qui n’ont aucun rapport avec Vanessa.  Je n’ai plus revu cette dernière, ni tous nos autres amis et contacts impliqués dans 1 Gay, 1 Hétéro depuis que la série a pris fin.  J’ai déménagé.  J’ai changé d’emploi.  On peut dire que j’ai complètement changé de vie.  J’ai réappris à vivre en célibataire, ayant quelques aventures ici et là.  J’ai même eu une amante régulière pendant quelques mois.  Puis, après un an et demi, j’ai rencontré Flavie, qui deviendra ma blonde, puis ma conjointe, et enfin ma fiancée.

L’été dernier, peu après avoir fêté nos trois ans en tant que couple, nous étions au salon, à relaxer tout en jasant.  Je lui parlais de l’invitation que j’avais reçue en mars dernier, pour faire partie du troisième recueil annuel de BD nommé Crémage. Crémage, dont la mission est de parler de sexualité autrement, suggère à leurs auteurs de raconter leurs expériences sexuelles inusitées.

FLAVIE: Ça fait déjà trois mois.  Nous sommes presque à la date de tombée. As-tu pensé à ton récit?
MOI: Ouais! J’en ai un!  Mais j’hésite.  Je ne crois pas t’en avoir déjà parlé avant.  C’est un truc que j’ai vécu à l’époque où je jouais l’hétéro dans la série de photowebcomic 1 Gay, 1 Hétéro. 

Et voilà que je lui raconte mon histoire avec Vanessa, dans tous les détails.  Puis, je lui parle de toutes les réactions que ce récit avait suscitées sur le forum.

MOI: Et c’est pour ça que j’hésite.  Si les commentaires que j’ai reçu à ce moment-là sont le reflet de la mentalité collective, alors j’ai de bonnes raisons pour penser que si j’en fais une BD, ça ne sera vraiment pas bien reçu.
FLAVIE: Mais chéri…  Est-ce que tu te rends compte que l’histoire que tu viens de me raconter…  C’est un viol?

Je soupire, roulant les yeux au ciel.  Flavie étant féministe et plutôt militante, ça m’aurait surpris qu’elle n’arrive pas à cette conclusion elle aussi.

MOI: Je sais, je sais!  Puisqu’elle était saoule, ça signifie que j’ai abusé d’elle.  Parce que même si c’était elle qui me harcelait non-stop pour baiser, l’alcool faisait qu’elle n’avait pas toute sa tête.  Donc, en lui disant oui, j’ai profité de la situation, ce qui en fait un viol.  Je sais, on me l’a déjà dit.
FLAVIE: Non! C’est pas ça que je dis. Bien au contraire.  Oui, c’était un viol…

LEÇON 9: … Mais c’est moi qui l’a subi.

Surpris par cette affirmation, je reste silencieux quelques secondes.

MOI: … Euh… Comment ça?
FLAVIE: La définition d’un viol, c’est d’avoir une relation sexuelle avec une personne non-consentante, ou bien qui n’est pas en état d’être capable de donner un consentement.
MOI: Bah ouais, je sais! Mais c’est pas pareil.  J’ai consenti!
FLAVIE: Oui, tu as consenti.  Mais seulement après qu’elle t’ait harcelé. Après qu’elle ait insisté de multiples fois.  Après qu’elle se soit arrangée pour ne pas te laisser le choix.  En refusant de te dire où elle habitait, pour te manipuler à l’héberger.  En t’embrassant malgré le fait que tu lui avait dit non une demie-douzaine de fois.
MOI: Ben…  Avoir vraiment voulu refuser, je n’aurais jamais changé d’idée.  Je suppose donc qu’au fond de moi, je le voulais.
FLAVIE: Vraiment? Tu me l’as dit tantôt, qu’elle t’avait manipulé de façon à te donner l’impression que si tu refuses de coucher avec elle, ça la mettrait dans un état de déprime épouvantable.  Elle t’a mis en tête que tu étais son dernier recours, pour ne pas se croire laide ou imbaisable.  Et puisque tu l’avais déjà vécu avant, tu savais qu’une fille qui se fait dire non pour du sexe, des fois, ça peut se venger en détruisant ta réputation, ta vie sociale, ton couple.   Alors je te repose la question: Le voulais-tu vraiment? Ou bien est-ce que tu avais peur des conséquences de lui dire non?

Je reste coi.

FLAVIE: Parce que, si tu lui as dit oui par peur des conséquences de lui dire non, alors ce n’est pas du consentement.  La preuve, c’est que tu n’as pas arrêté de lui dire non, ou d’essayer de trouver une façon d’y échapper, jusqu’à ce que tu te rendes compte qu’elle pourrait te faire payer cher ton refus.  Ce n’est pas du consentement, c’est de la peur.  Dire oui par peur, c’est baiser contre son gré.  Et baiser contre son gré, c’est un viol.

Je ne sais pas quoi répondre à ça.  je suis sous le choc de ces révélations.  

MOI:  Mais, je…  Me semble que… Avoir vraiment voulu, j’aurais pu trouver une solution.  Je me souviens très bien m’être dit, dans la salle de bain, avant d’aller la rejoindre, que dans le fond, coucher avec une lesbienne, ce serait un grand honneur.  Une chance unique à ne pas laisser passer.
FLAVIE: Oui, mais tu t’es dit ça quand? Au début, la première fois qu’elle te l’a proposé?  Non! Tu t’es dit ça, seulement une fois que tu t’es senti acculé au pied du mur.  Et ce n’était même pas ta pensée, tu ne faisais que répéter ce qu’elle t’avais dit. 
Tu sais, c’est une situation classique, ça, quand une fille vit une situation semblable.  Plutôt que de s’avouer elle-même qu’elle est en train de se faire manipuler à avoir du sexe contre son gré, elle se convainc elle-même que dans le fond, elle le voulait.

Et voilà! Après toutes ces années, je comprends enfin quel était ce curieux malaise qui m’a habité durant plusieurs semaines, suite à mon aventure avec Vanessa.  C’était un mélange de tout ça.  Peur. Culpabilité. Humiliation. Remords. Regrets. Honte.

FLAVIE: Une autre preuve comme quoi c’était un viol…  Tu sais, les commentaires que tu as reçu?  Eh bien…

LEÇON 10:  Ces réactions à 100% négatives en mon endroit, que j’ai eues suite à mon témoignage, c’est exactement ce que subit toute femme victime d’une agression sexuelle.
C’est ce que Flavie m’a fait constater, en reprenant point par point chaque commentaire que j’ai reçu.

  • On ne me croit pas?  C’est ce qu’elles subissent.
  • On trouve des raisons logiques pour démolir la crédibilité d’une telle anecdote? C’est ce qu’elles subissent.
  • On me dit que je prends mes rêves pour des réalités? C’est ce qu’elles subissent.
  • On évoque le fait que j’ai menti au moins une fois dans ma vie, pour mettre un doute raisonnable sur mon récit? C’est ce qu’elles subissent.
  • On me dit que si j’avais vraiment voulu m’en tirer, ce ne sont pas les options qui manquent: Quitter l’appartement en courant, appeler la police, etc? C’est ce qu’elles subissent.
  • On me dit que dans le fond, être forcé à avoir une relation avec elle, c’est ce que je voulais, puisque je suis juste incapable d’assumer mes désirs? C’est ce qu’elles subissent.
  • On cherche à me convaincre que dans le fond, je le voulais vraiment? C’est ce qu’elles subissent.
  • On inverse les rôles, disant que c’est moi qui est coupable? C’est ce qu’elles subissent.
  • On cherche à ruiner ma vie de couple, pour avoir commis un adultère, même s’il était forcé? C’est ce qu’elles subissent.
  • On évoque le fait que je n’ai pas toujours été fidèle, pour rendre non-crédible le fait que je ne voulais pas tromper ma blonde? C’est ce qu’elles subissent.
  • On dit qu’en fait, je me vante? C’est ce qu’elles subissent.
  • On dit que je ne suis pas assez attrayant pour avoir subi un viol?  Eh oui, là encore, croyez-le ou non, c’est ce qu’elles subissent.


Je n’en reviens pas!

MOI: Alors comme ça… J’aurais vécu un viol!  Eh bien! 

Flavie se rapproche, passant ses bras autour de moi, réconfortante.

FLAVIE: Comment tu te sens, face à tout ça?
MOI: Ben…  Je sais pas trop.  Je suis pas traumatisé, si ça peut te rassurer.  Je veux dire, avant que tu me fasses prendre conscience de ça, c’était déjà une expérience pas trop agréable, sans plus.  Je ne peux pas dire que ça a empiré depuis. C’est juste que ça me permet de comprendre beaucoup plus ce que j’ai subi, et ce que j’ai ressenti.
FLAVIE: Eh bien maintenant, j’espère que tu y penseras à deux fois, avant de rajouter du désagrément à une fille qui te dit avoir déjà subi une agression sexuelle.
MOI: Qu’est-ce que tu veux dire?
FLAVIE: Tu es d’accord avec moi comme quoi tu as subi un viol.  Et on s’entend que le viol est un crime.  Est-ce que tu vas dénoncer Vanessa à la police?
MOI: Euh…  Bah, non!
FLAVIE: Pourquoi?
MOI: Ben là!  Ça fait tellement longtemps.  Et puis, elle va certainement le nier.  Et ça, c’est si elle s’en rappelle pour commencer.  Et puis, je sais pas trop… J’ai vécu avec cette histoire jusqu’à maintenant et ça ne m’a pas affecté outre-mesure.  C’était désagréable,  d’accord, mais pas traumatisant.  Et puis, bon, c’est du passé.  J’ai tiré les leçons que j’avais à en tirer pour ne pas que ça se reproduise.  Je ne vois pas quel bien il y aurait à en tirer, de ramener cette histoire-là, surtout devant les tribunaux.  En plus, ça apprendrait à mon ex que je l’ai faite cocue une fois de plus, alors qu’elle me refaisait confiance.  Sans compter tout le bordel que ça va faire à tous nos entourages respectifs.  En plus qu’il va falloir que je repasse à travers les mêmes commentaires déjà reçus sur le forum.
FLAVIE: Bon ben pourquoi tu m’en a parlé, alors?  Tu voulais te victimiser, en t’en plaignant, sans rien faire, alors qu’il y a tellement de lois et d’organismes à ta disposition?

Je me rends soudain compte de ce qu’elle est en train de faire.

MOI: Je reconnais ces arguments.  Ce sont les miens, lorsque j’en vois qui se plaignent d’agression sexuelle, mais qui laissent leurs agresseurs s’en tirer.
FLAVIE: Eh oui!  Se faire mettre de la pression pour poursuivre un violeur en justice malgré le fait que l’on n’y tient pas pour des raisons personnelles, sous peine de se faire qualifier de victimes volontaires, de lâches, de chialeuses qui font dans la victimisation, d’hypocrites qui font semblant qu’il n’y a pas de solutions, d’irresponsables qui contribuent au crime en laissant aux criminels tout le loisir de recommencer…  Ça aussi, c’est ce qu’elles subissent.  Et ça aussi, c’est aussi désagréable à vivre que tout le reste. Sinon plus!

Jusqu’à ce moment-là, j’avais toujours cru être une personne bien intentionnée.  Ça me semblait tout ce qu’il y a de plus logique, de mettre de la pression sur une victime afin de faire arrêter son agresseur.  J’avais comme arguments que si l’agresseur ne subit aucune conséquences de ses gestes, alors il n’aura aucune raison de cesser de les commettre.  Ainsi, les prochaines victimes qu’il fera, ce sera autant de la faute de l’agresseur, que de ses victimes précédentes qui auraient pu le faire arrêter, mais ont choisi délibérément de ne pas le faire.  

Il m’aura fallu vivre un viol, moi aussi, pour enfin comprendre que dans ce genre de situations, les faits ne sont pas toujours du tout-noir-ou-tout-blanc.  Dans la réalité, c’est du cas par cas, et chacun est beaucoup plus compliqué que ça.

En conclusion, je réalise que je dois beaucoup d’excuses à beaucoup de personnes.

4 réflexions au sujet de « 10 choses que j’ai apprises en tant que gars hétéro qui a couché avec une lesbienne (3 de 3) »

  1. Ping : 10 choses que j’ai apprises en tant que gars hétéro qui a couché avec une lesbienne (2 de 3) | Mes Prétentions de Sagesse

  2. Ouin… J’ai l’impression que tout ce que je pourrais dire sur ce texte, pourrait se transformer en « Oui… Mais toi, t’as déjà subit un viol? » Mais bon, je vais me risquer quand même, parce que je trouve le tout… un peu… too much.

    Je te demanderais pour commencer… Si tu enlèves tout, ce qui sera difficile à faire… Enlève les commentaires des Trolls qui t’ont jugés sans même savoir qui t’étais, mais enlève aussi Flavie dans l’histoire… Toi, qu’est-ce que tu penses de cette histoire là? Parce que dans l’ensemble de ton texte, tu te poses des questions, mais tu ne poses pas de résultat sur le … « Qu’est-ce que je tire de cette histoire? » Mais sans les autres là… parce que souvent le vent fait tourner l’idée qu’on a de nous même.

    Deuxio, j’ai jamais trompé une copine de ma vie, jamais même une amie-de-lit, parce que je suis comme ça, c’est plus fort que moi, j’en suis incapable… mais je me dis que si je trompais une fille avec qui j’ai décidé d’être… je subirais surement « Culpabilité. Humiliation. Remords. Regrets. Honte. » Surtout s’il y a quelqu’un qui avait menacé anonymement mon geste et que ça pouvait ruiner ce que j’avais… comme je dis, c’est juste de l’imagination là, mon 2 sous sur une histoire qui ne m’est jamais arrivé.

    Je pense que ce qui manque dans l’histoire, on le retrouvera jamais parce que le temps déforme les choses, il manque le MOMENT, l’émotion du moment, le qu’est-ce qui a été ressenti quand c’est arrivé, pas celui dont on se souvient, celui qui a été ressenti.

    Extrapolons…
    Tu sais, dans ton histoire tu dis que tu as déjà refusé d’avoir des relations avec d’autres filles, alors pourquoi pas avec elle? Tu avais toute ta tête toi, c’était la bonne chose à faire! Est-ce parce qu’elle est lesbienne? Elle te faisais plus peur qu’une fille hétéro? Parce qu’on s’entend, c’est pas mal la seule différence qui existait entre celles à qui tu as dit non et Vanessa. Ceci ferait de toi un homophobe donc, malgré tout ton passé en relation avec des homosexuels, tu te serais fait violer par une lesbienne par ce que t’es homophobe?

    Je sais, c’est un peu ridicule, mais des fois on pense juste trop… J’aime bien faire ce genre d’exercice tout de même, le but, c’est simplement de faire réfléchir… j’ai pas plus raison que quiconque… 😉

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  3. Excellent long commentaire, qui mérite bien plus qu’un simple LIKE. Je n’aurai probablement pas réponse à tout, par contre.

    Si j’enlève les opinions de tous les autres, qu’est-ce que je pense de cette histoire-là? Eh bien voici: Lorsque la vie et/ou les gens me mettent dans une situation que je n’aurais jamais pu imaginer, alors je suis pris au dépourvu. Dans ce temps-là, je ne prends pas toujours les meilleures décisions, surtout si on ne me laisse pas le temps de réfléchir. Et en effet, le refus de Vanessa d’accepter mon NON, je ne savais pas du tout comment dealer avec ça.

    J’ai déjà refusé d’avoir des relations avec d’autres filles, alors pourquoi pas avec elle? C’est que les autres filles avec qui c,est arrivé, c’était via conversations MSN, ou bien chez elles. Facile de régler leurs cas si elles insistent: Fermer la conversation et/ou quitter les lieux. Dans les deux cas, mon refuge, c’est chez moi. Mais là, elle était chez moi. Que faire quand tu ne peux te réfugier, parce que c’est ton refuge qui est envahi? C’était une première, pour moi, cette situation, alors il m’a fallu improviser.

    Comme tu as lu, lorsque j’explique à Flavie pourquoi je n’ai pas l’intention de porter plainte contre Vanessa, je dis « J’ai tiré les leçons que j’avais à en tirer pour ne pas que ça se reproduise. » Et quelle est cette leçon? Simple: Au lieu de lui dire un NON qu’elle n’accepte pas, imposer un compromis. Lui dire « Oui, mais un autre jour. Il est passé 3 heures am, je suis fatigué, je me lève tôt demain, je travaille, mes parents s’en viennent, je ne me sens pas bien dans mon estomac et je crains que m’agiter me rende malade, etc. »

    Après tout, « Aller chez moi? Ok, mais je conduis. », et « Baiser? Oui, mais avec condoms! », c’était des compromis, et elle les a acceptés. Je sais donc qu’elle aurait accepté le compromis. En remettant à quelques jours plus tard, deux options: Elle change d’idée et ça n’arrive jamais, et/ou je m’arrange pour ne plus la ramener chez moi.

    Sinon, non, je n’avais pas crainte d’être étiqueté comme étant homophobe. L’idée ne m’est pas venue.

    Enfin, je ne défend nullement les décisions que j’ai prises ce soir-là. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, c’est l’opinion de chacun. Mon but n’était que de raconter les faits, tels qu’ils se sont passés.

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  4. Salut! Merci de cette réponse! Comme je disais, je posais simplement des questions, c’est le genre d’histoire où chacun devrait avoir envie de se retrouver simplement pour apprendre/comprendre. Ma réaction excessive en plusieurs mots étaient peut-être que je me suis senti un peu déranger par l’accusation de viol… à certain égard, je questionne pour mieux comprendre. J’extrapole pour mieux saisir l’ampleur de la situation. J’aime bien comment tu l’as raconté et comment tu as répondu…

    Tu sais, je me dis que toutes les histoires de tromperies finissent pareilles… Un gars qui finit toujours par supplier sa blonde qui l’apprend en lui disant… Je ne serai plus con… promis!

    J’assume mes jokes de mononcle au tournant éminent de mes quarante ans. 😉

    Toujours un plaisir de te lire!

    Marc

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