Commettre l’erreur de pardonner

Je suis parfaitement d’accord que dans la vie, lorsque l’on est offensé, il y a des situations dans lesquelles le pardon est acceptable.
Par exemple lorsque l’autre nous a fait du tort accidentellement, ou bien par ignorance. Dans le premier cas ce n’est pas de sa faute. Dans le second cas, pour peu qu’on le renseigne dès le départ et qu’il fasse preuve de bonne volonté, il ne s’agira alors que d’un incident isolé qui ne se reproduira plus.

Mieux encore: Je suis même prêt à pardonner à quelqu’un qui n’entre pas dans les deux catégories précédentes, si je suis obligé de le revoir. Par exemple, un membre de ma famille, ou un collègue de travail. À ce moment-là, même si le pardon n’est pas sincère, je veux bien faire preuve de tolérance pour le bien et l’harmonie de l’ensemble des gens qui m’entourent.

Par contre, là où je trouve que le pardon n’est pas une option, c’est quand la personne abuse délibérément de toi en sachant très bien qu’il commet un abus. C’est encore pire s’il refuse de le reconnaître, et ça devient carrément inacceptable s’il continue de le faire même après que tu le lui as dit. Dans ce temps là, pas de pitié: Je jette cette personne hors de ma vie. Le problème disparait en même temps que celui qui le cause, et je peux de nouveau vivre en paix et en harmonie.

Hélas, à ce moment-là, il y a toujours des gens trop bien pensants qui viennent essayer de me faire accroire que je dois absolument pardonner. Ces gens se foutent bien de savoir que le pardon va détruire ma paix en remettant ma vie en situation de discorde. Pour eux, le pardon passe avant tout. Et ils me servent toujours les mêmes arguments illogiques pour essayer de m’en convaincre:

Ce que l’on me dit: En pardonnant, tu démontres que tu vaux mieux que lui.
Ce que j’en pense: Lui, c’est un abuseur. Pas moi! Déjà là, c’est la preuve que je vaux mieux que lui. Ensuite, quand je prend une décision, ce n’est pas dans le but de démontrer que je vaux mieux que qui que ce soit. Je la prend parce que c’est la meilleure option à prendre, tout simplement.

Ce que l’on me dit: Pardonner va te permettre de pouvoir mettre ça derrière toi.
Ce que j’en pense: Au contraire. En ne pardonnant pas, je cesse de fréquenter la personne. La personne ne peut donc plus m’abuser. Par conséquent, c’est là que ses abus sont derrière moi. Si je lui pardonne, ça va lui permettre de recommencer. Alors en quoi est-ce que remettre cette situation inacceptable dans mon présent et mon avenir va me permettre de pouvoir mettre ça derrière moi, comme vous dites? Ça n’a pas de sens.

Ce que l’on me dit: Si tu passes ta vie à en vouloir à quelqu’un, ça va t’empoisonner l’existence. Le pardon va te libérer moralement et mentalement, et tu connaîtras la paix.
Ce que j’en pense: Voici un bel exemple où l’exagération pousse les choses à l’extrémisme. Refuser de pardonner ne signifie pas que l’on entretient un ressentiment féroce de tous les instants envers le fautif. Au contraire, c’est si je continue de la fréquenter, cette personne, qu’elle va continuer de m’abuser moralement, ce qui va m’affecter mentalement, ce qui va renouveler sans cesse mon ressentiment. Vous appelez ça se libérer, vous? Vous appelez ça connaître la paix? C’est plutôt en refusant de pardonner que je garde cette personne et ses abus loin de moi, et que là, enfin, je suis libre et j’ai la paix, moralement et mentalement.

Ce que l’on me dit: Le pardon n’est pas synonyme de faiblesse. C’est au contraire la preuve d’une grande force de caractère.
Ce que j’en pense: Avez-vous déjà remarqué que les personne les plus pro-pardon sont toujours des gens qui se font abuser à répétition? Des gens qui ne peuvent rien faire contre leurs agresseurs afin que cessent les abus? Ou pire encore: Des gens qui ont tous les outils pour faire en sorte que ça cesse, des outils qui sont à même d’enlever à leurs agresseurs le goût de recommencer? Des gens qui n’osent pas utiliser ces outils, ce qui donne donc à l’agresseur tout le loisir de faire d’autres victimes? Peu importe comment on essaye de retourner la chose, le fait demeure que quand on est trop lâche pour être capable de se défendre et se faire respecter, alors le pardon est la seule option qu’il nous reste. Vous pensez vraiment que dans ces conditions, pardonner est faire preuve d’une grande force de caractère?

Ce que l’on me dit: Le pardon n’est pas quelque chose que l’on fait pour l’autre. C’est quelque chose que l’on fait pour soi, afin de se sentir mieux.
Ce que j’en pense: De tous les arguments pro-pardon que j’ai entendu, celui-ci est de loin le plus stupide, sinon le plus mensonger. Le fait de savoir que l’agresseur va croire qu’il n’a rien fait de mal, donc qu’il a le feu vert pour recommencer, donc qu’il n’aura rien appris à part qu’il a le soutient de mes propres amis qui m’encouragent à être sa victime consentante, en quoi est-ce que c’est supposé me faire sentir mieux? Et comment pouvez-vous prétendre que le pardon est quelque chose que l’on fait pour soi, puisqu’il n’y a qu’à l’autre que le pardon rapporte du positif?

Ce que l’on me dit: Refuser de pardonner démontre un manque de maturité.
Ce que j’en pense: Si le fait de vouloir que quelqu’un cesse de nous abuser est un manque de maturité, alors il est quoi, lui, pour abuser des autres? Mature? Et vous, là-dedans? Vous êtes mature, vous, en voulant empêcher une victime de cesser d’en être une? Pire, en vous rangeant du côté de l’agresseur, de façon à faire en sorte que ses abus continuent? Parce que si c’est ça la maturité, alors vous dites que tout le système légal et pénal est immature, incluant les centres d’aide aux personnes victime d’abus.

Ce que l’on me dit: Tu ne dois pas t’abaisser à son niveau, sinon tu ne vaux pas mieux que lui.
Ce que j’en pense: C’est ça, et pendant qu’on ne s’abaisse pas, lui il reste bien à l’abri dans son niveau , ce qui lui permet de continuer à abuser des autres en toute tranquillité. Et en passant… Comme ça, à tes yeux, abuser et faire en sorte que cessent les abus, c’est du pareil au même, hm? Bravo, belle mentalité.

Quand pardonner le vice, c’est l’encourager
Lorsque l’abus n’est ni accidentel ni né de l’ignorance, alors je considère qu’accorder son pardon, c’est faire une erreur de jugement. Parce qu’en pardonnant, tu passes trois messages à ton agresseur:

Le premier, c’est qu’il n’a rien fait de mal.
Le second, c’est que c’est toi qui est fautif d’avoir voulu que ça cesse.
Le troisième, c’est qu’il peut recommencer à loisir, et ce impunément. Normal, puisqu‘il n’a rien fait de mal et que c’est toi le fautif. Et ça doit bien être vrai que c’est toi le fautif, puisque c’est toi et non lui qui se fait dire d’arrêter, et ce par ton propre entourage en plus.

Voilà pourquoi quand je décide que c’est fini, c’est fini. La seule et unique fois dans ma vie où j’ai pardonné à un fautif délibéré, c’était une vieille tante qui ne cessait de m’accuser de mille et une délinquances que je n’avais jamais commises. À 11 ans, j’ai décidé que j’en avais assez et que je ne voulais plus jamais la revoir. Mes parents ont compris, et me laissaient à la maison à chaque fois qu’ils allaient la visiter. Quand j’ai eu 25 ans et que ma mère m’a rapporté que cette tante était sur son lit de mort et implorait mon pardon, je suis allé la voir et je le lui ai accordé. Normal: Mourante, elle ne pouvait plus me faire de tort. Je n’avais donc plus besoin de la tenir éloignée.

Ne confondez pas Bon Sens avec Rancune
Quand une personne a une pièce de vêtement inconfortable et qu’elle s’en débarrasse, est-ce qu’on dit de cette personne qu’elle est rancunière envers ce vêtement? Non! Elle ne fait qu’utiliser son bon sens et sa logique. Elle se sert de son expérience qui lui a prouvé que ce vêtement la rend inconfortable. Alors quand quelqu’un m’a prouvé maintes fois qu’elle me rendait inconfortable, ce n’est pas de la rancune de s’en débarrasser. Ce n’est qu’utiliser mon bon sens et ma logique.

Vous allez me dire qu’on ne peut pas comparer un être humain à une pièce de tissus? Il est vrai que la pièce de tissus ne peut pas reconnaître ses défauts et travailler dessus pour s’améliorer. L’être humain, lui, n’a pas cette excuse, car il la possède, cette capacité. S’il refuse de le faire, alors il ne vaut pas mieux qu’un bout de tissus, et doit donc être traité comme tel.

Ceci dit, même si je ne suis pas d’accord avec votre façon de raisonner, je peux la comprendre.
Quand on est trop faible pour être capable de se faire respecter, alors il est difficile d’accepter qu’il y en ait d’autres qui possèdent la force de caractère pour le faire. On a beau déguiser notre lâcheté derrière le pardon et appeler ça maturité pour essayer de rendre ça plus acceptable à nos propres yeux, ça ne change rien au fait que dans le fond, on le sait qu’on est lâche. Et ça, c’est quelque chose de difficile à s’admettre à soi-même.  Quelle option nous reste t-il alors pour rendre notre impuissance plus supportable? Une seule: Essayer de passer l’idée comme quoi c’est de la sagesse, et que tout le monde pense et agit comme ça.

Ça nous évite de se regarder de trop près et de se voir tel que l’on est vraiment: Une victime consentante dont la lâcheté encourage les abus envers soi-même et envers les autres.

7 réflexions au sujet de « Commettre l’erreur de pardonner »

  1. Enfin quelqu’un sur la thématique du pardon qui lui est opposé ! … C’est rafraîchissant… Moi non plus, je ne suis pas pour le pardon. Un conseil : Lire Alice Miller « Notre corps ne ment jamais » ou ses autres livres …. Ca décoiffe. Je note au passage : ça fait environ 4 ou 5 000 ans que l’on demande à la victime de pardonner (à ses parents, ses amis, ses ennemis, ses enfants, …) En plus, si elle a du mal à le faire, on la culpabilise !!!… Et regardez-donc autour de vous : aujourd’hui, on est en 2010 et il ya toujours autant (sinon plus) de violence et d’agression dans le monde. Ya un bugg quelque part. Pour moi, pardonner n’est pas répondre à la violence mais l’entretient car dédouane et l’oppresseur et la victime.

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  3. Mon ex belle-famille devrait lire ce billet, eux qui voudraient que je pardonne et que je passe à autre chose envers celui qui a abusé de mes enfants.

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